Maintenir la personne au coeur des soins : un défi pour les ...

Optimaliser les soins
Maintenir la personne au coeur
des soins : un défi pour les
professionnels de la santé ?
Arun K Baksi
La mise en place d'une pratique qui place la personne au coeur
des soins nécessitera un changement d'attitude à la fois de la
part des professionnels de la santé et des personnes atteintes
de diabète. Ce nouveau paradigme exigera également l'adoption
de cette philosophie par les organisations responsables de
l'offre de soins du diabète, ainsi que par celles qui servent les
intérêts des personnes atteintes de diabète, à la fois au niveau
local et national. Dans cet article, Arun Baksi met en évidence
les principaux composants de la pratique "centrée sur la
personne" et attire notre attention sur les changements
nécessaires au sein des organisations de soins de santé.
>>
collaborer avec la personne afin
d'identifier ses angoisses et ses craintes.
Au début, il est probable qu'une
personne atteinte de diabète se
sente submergée par les dimensions
et les implications de sa condition ;
les informations médicales données
doivent donc être minimales – conseils
nutritionnels et introduction aux
techniques de contrôle de base.
(
)
Le professionnel de la
santé devrait collaborer
avec les personnes
atteintes de diabète
afin d'identifier
leurs angoisses et
leurs craintes.
Dans la gestion des maladies
chroniques, la promotion de la
prise en charge autonome doit être
l'objectif numéro un. Ceci s'applique
en particulier au diabète. Pour le
prestataire de soins, soutenir
l'autonomisation consiste à
transmettre des informations et des
compétences aux personnes atteintes
de diabète. Les informations données
doivent être pertinentes et transmises
au bon moment. L'accent devrait être
mis sur une communication efficace, en
s'assurant que les informations offertes
ont été parfaitement comprises.
Les articles publiés précédemment sur
cette question ont attiré l'attention sur
l'importance de la reconnaissance de
l'état psychosocial des personnes
atteintes de diabète et sur les
obstacles à une communication
efficace en matière de santé. Lors
des premières consultations qui suivent
la pose du diagnostic, le professionnel
de la santé devrait par conséquent
Il est important pour les professionnels
de la santé de prendre des mesures
positives en vue d'établir un lien avec
la personne atteinte de diabète. Une
personne récemment diagnostiquée a
besoin d'être mise en confiance afin de
pouvoir prendre une série de décisions
relatives à la gestion de sa condition.
Pour que cette personne gagne en
assurance, les prestataires de soins
doivent pouvoir les rassurer. Durant
les premières semaines qui suivent le
Juin 2004 Volume 49 Numéro spécial
34

Optimaliser les soins
diagnostic, la quantité d'informations
transmises et de compétences
développées variera considérablement
selon l'état psychosocial de l'individu
et sa capacité à les assimiler.
Pendant les semaines suivantes, la
majorité des personnes atteintes de
diabète commence généralement à se
sentir mieux. Grâce aux informations
initiales fournies et aux médicaments
prescrits, leur condition se stabilise.
Au Royaume-Uni, une équipe
multidisciplinaire sera responsable de
la gestion postérieure du diabète d'un
individu. Les détails de l'éducation au
diabète donnée jusqu'alors n'étant que
très rarement consignés, les membres
de l'équipe ne sont pas nécessairement
au courant de l'étendue des
connaissances de la personne
atteinte de diabète.
Il ne semble pas exister de mécanisme
visant à évaluer les connaissances ou
les compétences en matière de diabète
des personnes atteintes de la condition.
Souvent, l'évaluation est très arbitraire.
Aucun accord national ou international
n'existe indiquant le niveau de
connaissances ou de compétences
nécessaires pour que la personne
atteinte de diabète soit capable de
gérer efficacement sa condition.
L'éducation au diabète doit être
donnée en cycles répétés. Pour que
la personne puisse traiter et appliquer
les informations reçues, un même thème
doit être abordé à plusieurs reprises
et doit s'étaler sur plusieurs mois. Un
programme d'éducation au diabète
structuré devrait être mis en place
dans les unités cliniques responsables
de la gestion du diabète. Un processus
d'enregistrement et de surveillance
est fondamental afin de permettre
l'évaluation de l'efficacité des
programmes éducatifs.
Un plan de gestion individuel
Une solution partielle aux problèmes
relatifs aux programmes d'éducation au
diabète réside dans le développement
de plans de gestion individuels. Les
personnes atteintes de diabète et
tous les membres d'une équipe
multidisciplinaire de soins doivent y
contribuer. Chaque consultation doit
commencer par l'identification des
problèmes et des besoins en soins tels
qu'ils sont ressentis par la personne
atteinte de diabète. Une discussion
sur les problèmes soulevés est
indispensable. Il est alors possible
de fournir des explications sur les
options disponibles et d'arriver à un
accord sur un ensemble de mesures,
notamment la nécessité d'une
éducation au diabète plus approfondie.
( )
La personne atteinte
de diabète doit rester
au coeur de toutes les
décisions relatives à
sa santé.
Ensuite, les problèmes ressentis par le
professionnel de la santé peuvent être
discutés. La discussion, incluant les
objectifs et délais établis, devrait alors
être consignée sur papier ou par voie
électronique dans un dossier détenu
par le patient. Cela permettra aux
professionnels de la santé, où qu'ils
soient, d'accéder à des informations
sur les connaissances acquises en
matière de diabète, assurant ainsi une
gestion cohérente pour la personne
atteinte de la condition. Dans le même
temps, un outil d'audit efficace doit être
offert pour la gestion et l'éducation au
diabète. Le document de référence
English National Service Framework pour
le diabète recommande l'adoption de
cette approche.
Le choix
Il est évident que la gestion autonome
permet aux personnes atteintes de
diabète de poser des choix concernant
les traitements offerts. Les différentes
options, avec leurs avantages et
inconvénients respectifs, doivent être
expliquées et discutées. La personne
atteinte de diabète doit rester au coeur
de toutes les décisions relatives à sa santé.
L'importance du style de vie
Les régimes thérapeutiques
doivent être adaptés au style de
vie des personnes concernées. Le
nombre élevé de traitements
disponibles le permet. Les personnes
atteintes de diabète doivent recevoir
des informations sur le fonctionnement
de certains médicaments et sur
l'ajustement des dosages en fonction
des activités quotidiennes. Ceci est >>
35
Juin 2004 Volume 49 Numéro spécial

Optimaliser les soins
particulièrement important dans le cas
de l'insulinothérapie.
Le style de vie des personnes atteintes
ou non de diabète est dynamique et
sujet à des variations aux niveaux de
l'activité physique et des apports
alimentaires. La prescription croissante
d'insuline prémélangée, à prendre une
ou deux fois par jour, laisse entendre
que les professionnels de la santé ne
reconnaissent pas toujours
l'importance de ces variations. Une
injection unique d'insuline prémélangée
soumettra inévitablement une
personne à douze heures d'activité
insulinique, ce qui exclut toute
modification significative de l'activité
physique ou de l'alimentation pendant
cette période.
Réduire la dépendance
Dans la pratique, les personnes
atteintes de diabète doivent consulter
un professionnel de la santé pour des
soins de routine et annuels. Cela peut
résulter en une perte de revenus ainsi
que des coûts pour les déplacements
et les consultations. Les personnes qui
savent gérer leur diabète de façon
autonome ne devraient plus être
contraintes à ces multiples visites.
Les progrès des technologies de
l'information facilitent la transmission
électronique des résultats des
contrôles à domicile, l'évaluation
de ceux-ci et le traitement d'autres
questions. La pression artérielle
pourrait être facilement mesurée
par un pharmacien. Cela réduirait
la nécessité de se rendre dans les
cliniques pour des soins de routine.
Le besoin de prescriptions répétées
serait également éliminé ; la
présentation du plan de gestion
individuel à un pharmacien permettrait à
ce dernier de dispenser une quantité de
produits établis sans prescription.
Organisations de la santé centrées
sur la personne
Au Royaume-Uni, la politique du
gouvernement est à présent de garantir
que les personnes atteintes de diabète
soient représentées dans la plupart des
organismes de soins de santé liés à leur
condition. Cette demande soulève de
nombreuses questions. En effet, on ne
peut pas attendre d'une personne mal
informée qu'elle devienne un membre
efficace d'une organisation de soins de
santé. Si on attend de cette personne
qu'elle défende ses intérêts au même
titre que les professionnels de la santé,
elle devrait recevoir une formation
sur les différents aspects d'un service
de santé et avoir une certaine
compréhension de la terminologie
et des données médicales. Les
membres de ces organismes
devraient être élus par des groupes
de personnes atteintes de diabète.
Le service du diabète de l'Ile de Wight
propose des programmes de formation
intensive destinés aux personnes
atteintes de la condition. Au terme de
chaque formation, les participants sont
interrogés par des professionnels de
la santé externes. L'expérience de ces
formations a démontré que, malgré
la diversité des contextes éducatifs,
sociaux et professionnels, la majorité
des participants avaient la capacité
de devenir des 'experts' en diabète.
Certains sont capables de donner
des formations sur le diabète et de
participer activement aux différents
organismes de soins de santé qui
traitent du diabète. Ces personnes sont
devenues une ressource importante
pour les services des soins de santé.
De plus, elles font à présent partie
intégrante du réseau local sur le diabète.
( )
Les personnes atteintes
de diabète 'expertes' sont
une ressource importante
pour les services de
soins de santé.
La clé est entre les mains des experts
La formation de 'patients experts' aidera
les organisations de soins de santé lors
de la prise de décisions relatives à l'offre
de soins pour les maladies chroniques.
A travers l'adoption de programmes
de formation mis en place par des
organisations du diabète nationales,
davantage de personnes informées
pourront devenir des défenseurs et
membres des organismes de soins de santé
efficaces. Il ne fait aucun doute que les
personnes atteintes de diabète 'expertes'
constituent une ressource importante
pour les professionnels de la santé pour
parvenir à une gestion efficace du diabète.
Arun K Baksi
Arun K Baksi est médecin consultant
honoraire et fondateur du Arun Baksi
Diabetes Centre, Isle of Wight Healthcare
NHS Trust, St. Mary's Hospital, Newport,
Ile de Wight, Royaume-Uni. Il était le
rédacteur en chef fondateur de Practical
Diabetes International et est à présent
rédacteur en chef consultant honoraire.
Remerciements
L'auteur remercie Ma'en Al-Mrayat
et Patricia Wilson pour leur critique
constructive et leurs suggestions lors
de la préparation de cet article.
Juin 2004 Volume 49 Numéro spécial
36