sahara occidental western sahara - Cour international de Justice
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EXPOSÉ ORAL DE hl. ARIAS-SALGADO 57 occupe les pages 206-207 (IV). Malheureusement, ce témoignage ne concerne pas le Sahara occidental mais nous raconte l'expédition d7Ahmed el Mansour au Soudan a la recherche du point de départ du commerce de l'or. Le recours a ces témoignages historiques. d'ailleurs, peut apporter aussi des démentis sur la continuité du passé saharien du Maroc. Le grand historien Abdallah al-Ifrani, qui a vécu de 1669 a 1740, dans son histoire sur la dynastie des Saadis, Nuzhat-al-hadi bi-ajbar tnuluk al-qarn al-hadi, nous a raconté la réaclion des personnages de la cour chtrifienne devant le projet du Sultan d'attaquer le prince de Gao. Les notables, nous dit Al-lfrani, ont répondu au Sultan qu'entre le Soudan et notre Royaume il existait un désert plein de dangers et si diflicile a traverser que les qiraiha - les oiseaux du désert - craignaient de le faire. Ils ont dit que : r< Ni le Gouvernement des Almoravides. malgré Ieur courage. ni celui des Almohades, avec toute sa grandeur. ni même celui des Mérinides. malgré son pouvoir. n'ont songé un seul instant a faire des projets aussi saugrenus : ils n'essayérent meme pas de mélanger leurs affaires avec celles de ces peuples. » (AbIfrani, op. ci!. . traduction de Houdas. Paris. 1889. p. 159.) Le même fait est rapporté aussi par Al-Fechtali à la page 93 de l'ouvrage cité par le représentant du Maroc. L'étonnement que le projet d'El Mansour suscita entre les personnages de la cour chérifienne peut nous montrer la discontinuité d'un passe saharien, même en ce qui concerne des régions autres que le Sahara occidental. Les données juridiques que j'ai exposées plus haut par rapport a la date critique et les réferences faites aux témoignages du passé historique me relèvent de toute insistance a ce propos. Ce sont les faits. par rapport a la période critique précédant immédiatement le moment de la colonisation espagnole, qui méritent l'examen devant cette cour de justice. Je voudrais aborder maintenant l'examen des prétendus faits de souveraineté du Maroc pendant la période critique au Sahara occidental. Au cours des audiences tenues les 2 et 3 juillet, les conseils du Gouvernement marocain ont développé devant la Cour les thèses contenues dans l'exposé écrit de ce gouvernement par rapport a deux Elements. D'une part, les caractères de 1'Etat marocain et son organisation et. d'autre part, les actes paaiculiers ou se concrétisent. de l'avis du Gouvernement marocain. la possession immémoriale de ce pays sur le Sahara occidental. Si l'on examine ces deux groupes de considérations conjointement, il est facile de comprendre la raison de faire précéder l'examen des actes particuliers de souveraineté du recours a une analyse sur le caractère et l'organisation de l'Empire chérifien. Les pretendus actes de souveraineté sont tellement inconsistants. voire inexistants. que l'on doit recourir à cette idée de l'originalité foncière de l'Empire chérifien. Le conseil du Gouvernement marocain nous a éclairés sur l'originalité de 1'Etat du Maroc par rapport aux Etats européens d'une part et d'autre part par rapport aux Etats arabes. II nous a dit qu'il était essentiel d'abandonner le modèle d'Etat européen. centralisé et bsti sur la notion d'espace territorial. c'est-à-dire l'idée de frontières, pour arriver a comprendre l'originalité marocaine. II a suggéré que la Cour devrait retenir un autre modèle d'Etat. basé sur l'idée « d'allégeance personnelle au souverain ». Ceci le conduit, tout naturellement. a soutenir qu'il n'était pas nécessaire de désigner des représentants du pouvoir central dans les régions car l'élément déterminant était la communauté de base. la tribu et. par conséquent :
5 8 SAHARA OCC~DENTAL « Le chef de la communauté de base est en même temps investi du commandement au nom du pouvoir central et l'obéissance est ainsi garantie par l'observation de la loi de Dieu. La communauté religieuse, profondément unitaire,, sous-tend la communauté politique. )) (IV, p. 260.) En partant de ces considérations, le conseil du Gouvernement marocain se demande pourquoi on devrait considérer comme seules valables les conceptions européennes de I'Etat basées sur la frontière. A son avis, cela tient ail fait que la décolonisation dans le monde actiiel n'a pas été accompagnée « d'une décolonisation des mentalités et des habitudes de raisonnement )>(IV, p. 261). Voilà l'originalité de I'Etat marocain. originalite sur la base de laquelle on a essayé de justifier la possession immémoriale du Maroc sur le Sahara occidental. A cet égard, qu'il me soit permis de faire deux remarques d'ordre général. D'abord. on doit admettre qu'il n'existe pas qu'un seul type d'Etat dans le monde, car l'homme a fait preuve d'originalité dans l'organisation du pouvoir politique dans chaque société. Mais il faut admettre au moins que I'Etat. tout Etat. est le destinataire des normes du .droit international. et que le droit international général régit les rapports entre toutes les communautés politiques organisées en Etats. Le droit international dans le passé. et de nos jours. est un ordre juridique unique applicable à tous les Etats. quels que soient les modèles de son organisation politique interne. Si Le Gouvernement marocain insiste sur l'originalité de l'Empire chérifien. cette originalité. au point de vue juridique. constitue un appel a des normes particulières, régionales ou locales. du droit international. Ensuite il est nécessaire de souligner que. si I'on s'eloigne de l'idée que le droit international général est unique. de graves conséquences pourraient en découler. La plus fondamentale serait que le raisonnement juridique serait incapable de produire un minimum d'accord. car on utiliserait des catégories de base foncièrement différentes et I'on emploierait même, alternativement. des allégations contradictoires. Le fait a été très bien mis en relief par Maurice Flory. dans une étude sur (i la notion du territoire arabe et son application au problème du Sahara )>(4tinliaire francais de droit in~ertrafiotial. 1957. p. 73). En parlant des revendications marocaines sur le Sahara, Flory a dit que « le fait que le Sahara soit musiilman et arabe a signifié pour le Maroc la certitude que certains territoires sahariens étaient marocains » Chid.). De ce fait, on a recours a des notions lointaines de celles reconnues par le droit international genéral. telle que La croyance religieuse et le phénomène des allégeances personnelles. Par contre. selon l'étude dont nous parlons. dans le cas ou les règles générales du droit international seraient favorables au Maroc, on n'hésiterait pas a y recourir. Et qui plus est, on se refuserait a admettre que les positions juridiques découlant du droit musulman puissent ètre discutées sur la base des catégories du droit international occidental. Tel est le raisonnement qui a été suivi par l'exposé écrit marocain et qui a été développé par le conseil du Gouvernement marocain lors de son intervention a l'audience du 2 jtiillet. Or. ces remarques préliminaires faites. afin de clarifier le présent débat. nous allons examiner en particulier les faits invoqués par le Gouvernement marocain en tant que « preuves incontestables )) de son caractère de possesseur immémorial du Sahara occidental. A I'audience du 3 juillet. le conseil du Gouvernement marocain a fait ce qu'il
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5 8 SAHARA OCC~DENTAL<br />
« Le chef <strong>de</strong> la communauté <strong>de</strong> base est en même temps investi du<br />
comman<strong>de</strong>ment au nom du pouvoir central et l'obéissance est ainsi<br />
garantie par l'observation <strong>de</strong> la loi <strong>de</strong> Dieu. La communauté religieuse,<br />
profondément unitaire,, sous-tend la communauté politique. )) (IV,<br />
p. 260.)<br />
En partant <strong>de</strong> ces considérations, le conseil du Gouvernement marocain se<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoi on <strong>de</strong>vrait considérer comme seules valables les<br />
conceptions européennes <strong>de</strong> I'Etat basées sur la frontière. A son avis, cela tient<br />
ail fait que la décolonisation dans le mon<strong>de</strong> actiiel n'a pas été accompagnée<br />
« d'une décolonisation <strong>de</strong>s mentalités et <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> raisonnement )>(IV,<br />
p. 261).<br />
Voilà l'originalité <strong>de</strong> I'Etat marocain. originalite sur la base <strong>de</strong> laquelle on a<br />
essayé <strong>de</strong> justifier la possession immémoriale du Maroc sur le Sahara<br />
<strong>occi<strong>de</strong>ntal</strong>. A cet égard, qu'il me soit permis <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>ux remarques d'ordre<br />
général.<br />
D'abord. on doit admettre qu'il n'existe pas qu'un seul type d'Etat dans le<br />
mon<strong>de</strong>, car l'homme a fait preuve d'originalité dans l'organisation du pouvoir<br />
politique dans chaque société. Mais il faut admettre au moins que I'Etat. tout<br />
Etat. est le <strong>de</strong>stinataire <strong>de</strong>s normes du .droit <strong>international</strong>. et que le droit<br />
<strong>international</strong> général régit les rapports entre toutes les communautés politiques<br />
organisées en Etats. Le droit <strong>international</strong> dans le passé. et <strong>de</strong> nos jours. est un<br />
ordre juridique unique applicable à tous les Etats. quels que soient les modèles<br />
<strong>de</strong> son organisation politique interne. Si Le Gouvernement marocain insiste sur<br />
l'originalité <strong>de</strong> l'Empire chérifien. cette originalité. au point <strong>de</strong> vue juridique.<br />
constitue un appel a <strong>de</strong>s normes particulières, régionales ou locales. du droit<br />
<strong>international</strong>.<br />
Ensuite il est nécessaire <strong>de</strong> souligner que. si I'on s'eloigne <strong>de</strong> l'idée que le<br />
droit <strong>international</strong> général est unique. <strong>de</strong> graves conséquences pourraient en<br />
découler. La plus fondamentale serait que le raisonnement juridique serait<br />
incapable <strong>de</strong> produire un minimum d'accord. car on utiliserait <strong>de</strong>s catégories<br />
<strong>de</strong> base foncièrement différentes et I'on emploierait même, alternativement. <strong>de</strong>s<br />
allégations contradictoires. Le fait a été très bien mis en relief par Maurice<br />
Flory. dans une étu<strong>de</strong> sur (i la notion du territoire arabe et son application au<br />
problème du Sahara )>(4tinliaire francais <strong>de</strong> droit in~ertrafiotial. 1957. p. 73).<br />
En parlant <strong>de</strong>s revendications marocaines sur le Sahara, Flory a dit que « le<br />
fait que le Sahara soit musiilman et arabe a signifié pour le Maroc la certitu<strong>de</strong><br />
que certains territoires sahariens étaient marocains » Chid.).<br />
De ce fait, on a recours a <strong>de</strong>s notions lointaines <strong>de</strong> celles reconnues par le<br />
droit <strong>international</strong> genéral. telle que La croyance religieuse et le phénomène <strong>de</strong>s<br />
allégeances personnelles. Par contre. selon l'étu<strong>de</strong> dont nous parlons. dans le<br />
cas ou les règles générales du droit <strong>international</strong> seraient favorables au Maroc,<br />
on n'hésiterait pas a y recourir. Et qui plus est, on se refuserait a admettre que<br />
les positions juridiques découlant du droit musulman puissent ètre discutées<br />
sur la base <strong>de</strong>s catégories du droit <strong>international</strong> <strong>occi<strong>de</strong>ntal</strong>.<br />
Tel est le raisonnement qui a été suivi par l'exposé écrit marocain et qui a été<br />
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Or. ces remarques préliminaires faites. afin <strong>de</strong> clarifier le présent débat. nous<br />
allons examiner en particulier les faits invoqués par le Gouvernement<br />
marocain en tant que « preuves incontestables )) <strong>de</strong> son caractère <strong>de</strong> possesseur<br />
immémorial du Sahara <strong>occi<strong>de</strong>ntal</strong>.<br />
A I'audience du 3 juillet. le conseil du Gouvernement marocain a fait ce qu'il