sahara occidental western sahara - Cour international de Justice
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que privée. ni une unité linguistique - on y parlait français. flamand et allemand - ni une unité culturelle : il était partagé entre les sphères de civilisation française. flamande. rhénane. ni une unité économique ou douanière. chaque principauté gardant en ces matieres toutes ses prérogatives. ni une entité territoriale. car ils se divisaient en plusieurs tenants. Et pourtant. il existait, et prestigieusement. cet ensemble pour lequel Charles le Teilléraire sollicita en vain de l'Empereur une couronne royale qui lui aurait conferé un statut juridique cohérent et une unité apte a satisfaire le juriste orthodoxe. Si nous ne craignions d'abuser de la patience de la Cour. noiis nous attarderions encore sur la Confédération suisse. des origines avec ses quatre cantqns pratiquenient autonomes. et son organisation collégiale extrémernent liche. La question essentielle n'est donc pas celle de la qualification juridique. Qu'un ensemble ait naguère forme ou non un Etat tel que nous l'entendons auiourd'hui. peu importe. L'essentiel réside dans la question de savoir s'il constituait une communauté cohérente, apte a assurer I'independance d'un peuple vis-à-vis de l'extérieur et a adopter. 1 l'intérieur de ses limites territoriales. une organisation qui permette à ce peuple d'y vivre selon sa personnalité propre et dans son authenticité. La notion de peuple que nous avons utilisée est-elle. comme on l'a dit. anachronique ou peu compatible avec l'ordre iuridique international ? S'agit-il d'un humanisme que tout le monde partage sur le plan sentimental. mais auquel on refuse la qualité de chose sérieuse. c'est-A-dire la consécriition en droil ? Cést I i une porte de sortie trop Facile. A l'époque de la colonisation du Sahara occidental. la notion de peuple était plus qu'une idée d'humaniste. Cette idée était déjà ancienne en Europe. Des le traite de Westphalie en 1648, la reconnaissance par ta Maison d'Autriche de I'indépendaiice des Provinces-Unies - qu'on appelle les Pays-Bas - et des cantons suisses consacrait la liberté pour les peuples de se gouverner a leur gré. La Révolution française va parfaire la notion en balayant les anciennes structurts et les prérogatives de souverains maîtres d'un territoire dont les populations n'étaient qu'un accessoire. Elle reconnait le pouvoir au peuple et a la nation. Ceux-ci devenaient les titiilaires directs de droits et d'obligations. Qu'on se rappelle la célèbre déclaration de la Convention, qu'elle « accordera fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté et charge le pouvoir exécutif de donner aux généraux les ordres nécessaires pour porter secours a ces peuples )). L'idée du peuple-nation va donner naissance a l'indkpendance de la Grèce et de la Belgique en 1830. La guerre d'Orient sera pour l'occident l'occasion de la prise de conscience du droit des peuples chrétiens de disposer d'eux-mêmes face à la Sublime Porte. t'unité de I'ltalie et la création de l'Empire allemand marquent le triomphe en Europe du principe du peuple-nation. Le congrés de Berlin en 1878 reconnait I'independance de la Roumanie, de la Serbie, du Monténégro - toujours sur la base du peuple-nation. Et on pourrait citer de très nombreux plébiscites qui eurent lieu a cette époque dans le mime sens. Tout cela montre que vers 1880 la notion de peuple est une notion juridique . indéniable. Les auteurs y font d'ailleurs une place a coté de I'Etat. Certes, ils se centrent toujoun sur la notion cl'Etat, mais il n'est guère d'auteurs de l'époque qui ne parlent pas longuement de peuples. Va-t-on dire que cette reconnaissance des peuples se limitait aux seuls peuples occidentaux ? Ecoutons Pasquale Fiore qui, dans son NOIIVLWII droil ittl~~rt~~~ri(~/~(~l public, 2C édition, Pedone, Paris, 1885, page 64, disait :
298 SAHARA OCCIDENTAL « Les droits des peuples non reconnus et sans représentation officielle sont sous la protection collective de tous les Etats civilisés. auxquels appartient le droit sentendre les justes réclamations des peuples opprimes. et d'y pourvoir d'après la justice et l'humanité. » C'est la certes un ton assez paternaliste mais qui néanmoins montre bien que les peuples autres que les peuples occidentaux n'étaient pas repousses d'une manihe totale par la doctrine. Sur .le plan des principes, s'il est vrai que la notion d'Etat chasse normalement en droit celle de peuple. il n'en demeure pas moins que la notion de peuple est préexistante dans la période qui précède la création de I'Etat et qu'elle réapparaît lorsque I'Etat lui-même se dissout ou disparait. J'ai essaye il y a une semaine de vous montrer cela par quelques exemples. Faire du droit international un droit qui ne connaîtrait qu'un seul sujet de droit. I'Etat. est une conception dont on ne s'attardera pas a prouver l'inexactitude. Je ne sais pas tres bien ce que t'on dit dans les manuels de droit international en Espagne. mais d'une manière générale je crois que la plupart des manuels de droit international ne se contentent pas de considérer 1'Etat comme le seul sujet de droit. Les actes de foi du Gouvernement espagnol sur l'unité du droit international nous paraissent de même ne reposer que sur des vues doctrinales que la pratique internationale ne corrobore pas. Comme rien n'empêchait au XIXe siecle la coexistence d'un droit international général avec divers ordres particuliers - le droit latino-américain, dont je veux bien reconnaitre que la spécificité est peut-être moins grande qu'on l'a dit ; les relations iiiter se du Commonwealth, voila quelque chose qui était.extrèmernen1 important pour tous les ouvrages de droit britanniques ; le droit du Dar el Islam, dont je vous parlais il y a quelques instants -, rien n'empikhe aujourd'hui la coexistence d'un droit international général avec un droit des pays européens, avec un droit des Etats socialistes ;je renvoie notamment aux études du professeur Tunkin. Nous ne nous sommes pas étendus sur ce point de doctrine. mais il nous paraissait cependant trop important pour négliger de le so~iligner par une rapide mise au point. On ne peut prétendre que l'ensemble mauritanien était - pour reprendre une expression mathématique - un ensemble vide au moment de la colonisation. Nous avons montre - ou essaye de montrer - la réalité de l'ensemble chinguittien en tant qu'entitk distincte, indépendante des Etats voisins. dans une originalité organique due a ses conditions de vie dans une nature hostile et qui. a sa façon. exerçait des fonctions quasi ktatiques sur des hommes et des femmes. le peuple chinguittien. II n'est peut-étre pas inutile ;? ce stade de brosser à grands traits l'ensemble chinguittien. une derniére fois. Les géographes ont toujours constaté qu'il consiitue une unité géographique, économique et humaine - voir : III, pages 58 et suivantes de notre exposé écrit; IV, pages 356 et 357 ; voir aussi notre exposé cartographique, IV, pages 373 a 387. De même, aux yeux de ses habitants. comme a ceux des autres communautés arabo-islamiques, le pays chinguittien correspond a une entité bien individualisée. Des le XVlle siècle. l'expression Bilad Chingiiiti a une signification extrêmement précise dans tout le monde musulman. Ceci achéve une évolution historique remontant au VIIC siècle - III, page 67 et suivantes, et IV, pages 357 a 360. Il en résulte dans tout le pays chinguittien une unification des structures sociales formant une société hiérarchisée en forme, pourrait-on dire, de pyramide tronquée - III, page 69 et suivantes - et
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que privée. ni une unité linguistique - on y parlait français. flamand et<br />
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civilisation française. flaman<strong>de</strong>. rhénane. ni une unité économique ou<br />
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ni une entité territoriale. car ils se divisaient en plusieurs tenants. Et pourtant. il<br />
existait, et prestigieusement. cet ensemble pour lequel Charles le Teilléraire<br />
sollicita en vain <strong>de</strong> l'Empereur une couronne royale qui lui aurait conferé un<br />
statut juridique cohérent et une unité apte a satisfaire le juriste orthodoxe.<br />
Si nous ne craignions d'abuser <strong>de</strong> la patience <strong>de</strong> la <strong>Cour</strong>. noiis nous<br />
attar<strong>de</strong>rions encore sur la Confédération suisse. <strong>de</strong>s origines avec ses quatre<br />
cantqns pratiquenient autonomes. et son organisation collégiale extrémernent<br />
liche.<br />
La question essentielle n'est donc pas celle <strong>de</strong> la qualification juridique.<br />
Qu'un ensemble ait naguère forme ou non un Etat tel que nous l'entendons<br />
auiourd'hui. peu importe. L'essentiel rési<strong>de</strong> dans la question <strong>de</strong> savoir s'il<br />
constituait une communauté cohérente, apte a assurer I'in<strong>de</strong>pendance d'un<br />
peuple vis-à-vis <strong>de</strong> l'extérieur et a adopter. 1 l'intérieur <strong>de</strong> ses limites<br />
territoriales. une organisation qui permette à ce peuple d'y vivre selon sa<br />
personnalité propre et dans son authenticité.<br />
La notion <strong>de</strong> peuple que nous avons utilisée est-elle. comme on l'a dit.<br />
anachronique ou peu compatible avec l'ordre iuridique <strong>international</strong> ? S'agit-il<br />
d'un humanisme que tout le mon<strong>de</strong> partage sur le plan sentimental. mais<br />
auquel on refuse la qualité <strong>de</strong> chose sérieuse. c'est-A-dire la consécriition en<br />
droil ? Cést I i une porte <strong>de</strong> sortie trop Facile.<br />
A l'époque <strong>de</strong> la colonisation du Sahara <strong>occi<strong>de</strong>ntal</strong>. la notion <strong>de</strong> peuple était<br />
plus qu'une idée d'humaniste.<br />
Cette idée était déjà ancienne en Europe. Des le traite <strong>de</strong> Westphalie en<br />
1648, la reconnaissance par ta Maison d'Autriche <strong>de</strong> I'indépendaiice <strong>de</strong>s<br />
Provinces-Unies - qu'on appelle les Pays-Bas - et <strong>de</strong>s cantons suisses<br />
consacrait la liberté pour les peuples <strong>de</strong> se gouverner a leur gré. La Révolution<br />
française va parfaire la notion en balayant les anciennes structurts et les<br />
prérogatives <strong>de</strong> souverains maîtres d'un territoire dont les populations n'étaient<br />
qu'un accessoire. Elle reconnait le pouvoir au peuple et a la nation. Ceux-ci<br />
<strong>de</strong>venaient les titiilaires directs <strong>de</strong> droits et d'obligations. Qu'on se rappelle la<br />
célèbre déclaration <strong>de</strong> la Convention, qu'elle « accor<strong>de</strong>ra fraternité et secours à<br />
tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté et charge le pouvoir<br />
exécutif <strong>de</strong> donner aux généraux les ordres nécessaires pour porter secours a<br />
ces peuples )).<br />
L'idée du peuple-nation va donner naissance a l'indkpendance <strong>de</strong> la Grèce et<br />
<strong>de</strong> la Belgique en 1830. La guerre d'Orient sera pour l'occi<strong>de</strong>nt l'occasion <strong>de</strong> la<br />
prise <strong>de</strong> conscience du droit <strong>de</strong>s peuples chrétiens <strong>de</strong> disposer d'eux-mêmes<br />
face à la Sublime Porte. t'unité <strong>de</strong> I'ltalie et la création <strong>de</strong> l'Empire allemand<br />
marquent le triomphe en Europe du principe du peuple-nation. Le congrés <strong>de</strong><br />
Berlin en 1878 reconnait I'in<strong>de</strong>pendance <strong>de</strong> la Roumanie, <strong>de</strong> la Serbie, du<br />
Monténégro - toujours sur la base du peuple-nation. Et on pourrait citer <strong>de</strong><br />
très nombreux plébiscites qui eurent lieu a cette époque dans le mime sens.<br />
Tout cela montre que vers 1880 la notion <strong>de</strong> peuple est une notion juridique .<br />
indéniable. Les auteurs y font d'ailleurs une place a coté <strong>de</strong> I'Etat. Certes, ils se<br />
centrent toujoun sur la notion cl'Etat, mais il n'est guère d'auteurs <strong>de</strong> l'époque<br />
qui ne parlent pas longuement <strong>de</strong> peuples. Va-t-on dire que cette reconnaissance<br />
<strong>de</strong>s peuples se limitait aux seuls peuples occi<strong>de</strong>ntaux ? Ecoutons<br />
Pasquale Fiore qui, dans son NOIIVLWII droil ittl~~rt~~~ri(~/~(~l<br />
public, 2C édition,<br />
Pedone, Paris, 1885, page 64, disait :