Négocier la justice ? Droits humains et accords de paix - The ICHRP
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Cependant, le fait d’incorporer un <strong>la</strong>rge éventail <strong>de</strong> normes sans faire référence<br />
à <strong>la</strong> manière dont elles affecteront <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>et</strong> <strong>la</strong> pratique existantes risque<br />
d’avoir peu d’eff<strong>et</strong>s dans <strong>la</strong> réalité. Des droits qui ne sont pas réalisés risquent,<br />
sur le long terme, d’engendrer un certain cynisme. Les droits ne doivent<br />
pas rester un cadre imposé par <strong>la</strong> communauté internationale. Ils doivent au<br />
contraire faire partie concrètement <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture juridique <strong>et</strong> politique locales.<br />
Lorsqu’une partie au conflit fait preuve d’aversion envers l’« internationalisation<br />
» du processus <strong>de</strong> <strong>paix</strong>, elle peut se prévaloir <strong>de</strong> l’argument selon lequel ces<br />
droits lui ont été imposés <strong>de</strong> l’extérieur afin <strong>de</strong> trouver un appui au sein <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion pour résister à l’application <strong>de</strong> ces droits. En outre, dans <strong>de</strong>s<br />
cas où il existait déjà <strong>de</strong>s cadres généraux <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s droits <strong>humains</strong><br />
durant le conflit, mais qui n’étaient pas mis en œuvre, <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>uses ad hoc<br />
détaillées peuvent servir à « intégrer certains droits sur le p<strong>la</strong>n national ». Au<br />
Salvador <strong>et</strong> au Guatéma<strong>la</strong>, <strong>et</strong> dans une moindre mesure au Mozambique, <strong>de</strong>s<br />
cadres <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s droits <strong>humains</strong> nationaux <strong>et</strong> internationaux étaient<br />
techniquement en p<strong>la</strong>ce, mais <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>uses plus détaillées étaient nécessaires<br />
pour traiter <strong>de</strong> problèmes particuliers, comme <strong>la</strong> question <strong>de</strong>s disparitions (au<br />
Salvador <strong>et</strong> au Guatéma<strong>la</strong>) <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> l’organisation politique <strong>et</strong> <strong>de</strong>s élections<br />
(au Mozambique).<br />
Ces exemples indiquent que souvent il ne s’agit pas d’opérer un choix<br />
catégorique entre « l’un ou l’autre », à savoir entre un idéal <strong>de</strong> <strong>justice</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
garantie <strong>de</strong> droits justiciables. Des c<strong>la</strong>uses ad hoc détaillées peuvent être<br />
conçues pour <strong>de</strong>s problèmes particuliers <strong>et</strong> viser notamment à m<strong>et</strong>tre un terme<br />
à <strong>de</strong>s pratiques abusives sur le court terme. On peut commencer à traiter<br />
<strong>de</strong>s besoins sur le long terme en é<strong>la</strong>borant un cadre qui privilégie initialement<br />
une approche idéale <strong>et</strong> en m<strong>et</strong>tant en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> réformes<br />
institutionnelles visant à protéger les droits <strong>de</strong> manière effective. Ces cadres<br />
sur le long terme peuvent être établis soit en dressant <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s normes<br />
appropriées <strong>et</strong> en les « incorporant » au p<strong>la</strong>n national, soit en affirmant que,<br />
<strong>de</strong> façon générale, le droit international re<strong>la</strong>tif aux droits <strong>humains</strong> doit servir <strong>de</strong><br />
référence.<br />
3. Mise en œuvre par <strong>de</strong>s institutions internationales ou nationales. Le<br />
problème que nous venons d’évoquer est lié à <strong>la</strong> question <strong>de</strong> savoir qui doit m<strong>et</strong>tre<br />
en œuvre les droits <strong>humains</strong>. La ratification <strong>de</strong>s conventions internationales<br />
implique <strong>de</strong>s formes traditionnelles <strong>de</strong> mise en œuvre au niveau international.<br />
Cependant, un grand nombre d’<strong>accords</strong> <strong>de</strong> <strong>paix</strong> prévoient également une<br />
mise en œuvre plus précise au niveau international (voir ci-après chapitre<br />
VI). Ce<strong>la</strong> peut inclure <strong>de</strong>s tâches spécifiques confiées à <strong>de</strong>s organisations<br />
internationales particulières, telles que l’implication du CICR dans <strong>la</strong> libération<br />
<strong>de</strong>s prisonniers au Mozambique ; ou une participation internationale dans <strong>de</strong>s<br />
systèmes judiciaires nationaux, comme c’est le cas pour les tribunaux ou les<br />
commissions « hybri<strong>de</strong>s » en Sierra Leone.<br />
Le rôle <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté internationale peut être « ponctuel » <strong>et</strong> à court terme<br />
ou s’inscrire sur le plus long terme <strong>et</strong> être davantage lié au développement.<br />
52 <strong>Négocier</strong> <strong>la</strong> <strong>justice</strong> ? <strong>Droits</strong> <strong>humains</strong> <strong>et</strong> <strong>accords</strong> <strong>de</strong> <strong>paix</strong>