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Négocier la justice ? Droits humains et accords de paix - The ICHRP

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peuvent provoquer <strong>de</strong>s divisions <strong>et</strong> <strong>de</strong>s conflits entre les groupes, plutôt que <strong>la</strong><br />

réconciliation, au moins sur le court terme.<br />

Les formes juridiques traditionnelles <strong>de</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> l’obligation <strong>de</strong> rendre<br />

<strong>de</strong>s comptes peuvent ne pas toujours être appropriées à <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> conflit, à <strong>la</strong><br />

culture ou aux objectifs poursuivis par le processus. Le Mozambique est souvent<br />

cité comme l’exemple d’une situation dans <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> <strong>paix</strong> a été durablement<br />

rétablie sans que l’on ait fait face formellement au passé. En l’occurrence, ce<br />

résultat est souvent expliqué par plusieurs facteurs : tout d’abord, le processus<br />

qui s’est concentré sur les valeurs culturelles africaines du pardon, plutôt que<br />

sur <strong>la</strong> confrontation ; <strong>de</strong>uxièmement, <strong>la</strong> nature même du conflit, qui était <strong>de</strong>venu<br />

un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> durant lequel les politiques d’enlèvements <strong>et</strong> d’enrôlements<br />

<strong>de</strong> simples citoyens ont brouillé toute distinction n<strong>et</strong>te entre victimes <strong>et</strong> auteurs ;<br />

<strong>et</strong>, troisièmement, <strong>la</strong> nature du processus <strong>de</strong> <strong>paix</strong> qui visait à m<strong>et</strong>tre un terme<br />

au conflit en encourageant <strong>la</strong> participation <strong>de</strong>s militaires à <strong>la</strong> vie politique, <strong>et</strong> a<br />

donc misé sur l’inclusion <strong>de</strong> toutes les parties pour garantir son succès.<br />

On peut <strong>de</strong> même avancer l’argument selon lequel, dans <strong>de</strong> nombreux conflits,<br />

culpabilité <strong>et</strong> responsabilité sont <strong>la</strong>rgement partagées, une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion ayant souvent été amenée à participer activement ou passivement<br />

au conflit. Ainsi, <strong>la</strong> réconciliation nationale peut ne pas être favorisée par un<br />

règlement <strong>de</strong> comptes <strong>de</strong>s actes commis dans le passé. Il peut au contraire être<br />

préférable <strong>de</strong> viser à accepter « un certain <strong>de</strong>gré d’établissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> reconnaissance que <strong>de</strong>s atteintes aux droits <strong>humains</strong> ont été perpétrées,<br />

tout en ouvrant <strong>la</strong> voie à un nouveau départ en perm<strong>et</strong>tant à l’ensemble <strong>de</strong>s<br />

parties <strong>de</strong> prendre part au travail qui doit être accompli ». 132<br />

Les droits <strong>humains</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> résolution <strong>de</strong> conflit : un réexamen<br />

En ce domaine, il ne fait aucun doute que les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> résolution <strong>de</strong><br />

conflit <strong>et</strong> les défenseurs <strong>de</strong>s droits <strong>humains</strong> sont, les uns comme les autres,<br />

confrontés à <strong>de</strong>s dilemmes. Il pourrait cependant être utile <strong>de</strong> considérer ces<br />

dilemmes comme une tension entre l’impératif, sur le court terme, <strong>de</strong> garantir<br />

un cessez-le-feu <strong>et</strong> les besoins auxquels il est nécessaire <strong>de</strong> répondre sur le<br />

long terme, pour établir une société démocratique stable, fondée sur les droits<br />

<strong>et</strong> pacifique. Sur le court terme, il peut sembler nécessaire, pour obtenir un<br />

cessez-le-feu, d’établir une certaine forme d’amnistie ou du moins « d’esquiver<br />

» dans une certaine mesure <strong>la</strong> question <strong>de</strong> l’obligation <strong>de</strong> rendre <strong>de</strong>s comptes.<br />

Sur le long terme, il peut être essentiel <strong>de</strong> faire face au passé pour perm<strong>et</strong>tre<br />

à <strong>la</strong> société d’aller <strong>de</strong> l’avant <strong>et</strong> pour garantir l’état <strong>de</strong> droit, ce qui, en r<strong>et</strong>our,<br />

facilitera <strong>la</strong> réforme <strong>de</strong>s institutions juridiques-clés. La question n’est donc pas<br />

tant <strong>de</strong> savoir si <strong>et</strong> comment il faut faire face au passé, mais <strong>de</strong> déterminer le<br />

meilleur moyen <strong>de</strong> faire en sorte que l’on affronte le passé d’une façon à <strong>la</strong> fois<br />

légitime <strong>et</strong> efficace.<br />

<strong>Négocier</strong> <strong>la</strong> <strong>justice</strong> ? <strong>Droits</strong> <strong>humains</strong> <strong>et</strong> <strong>accords</strong> <strong>de</strong> <strong>paix</strong> 95

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