MODUS & DICTUM DANS VERITE DE ZOLA - Università di Pisa
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CONSCIENCE ET <strong>DE</strong>VOILEMENT <strong>DE</strong> LA <strong>VERITE</strong><br />
<strong>MODUS</strong> & <strong>DICTUM</strong> <strong>DANS</strong> <strong>VERITE</strong> <strong>DE</strong> <strong>ZOLA</strong><br />
GUY ACHARD-BAYLE<br />
La complexité <strong>di</strong>scursive,<br />
c’est aussi la grande variété<br />
de la production textuelle…<br />
(Magid Ali Bouacha, 2001 : 33)<br />
1. RETOURS SUR LA « GRAMMAIRE » ET LA LOGIQUE <strong>DE</strong> LA<br />
FICTION NARRATIVE<br />
Dans son ouvrage de 2001, D. Cohn revient sur le « Propre de la<br />
fiction » ; le chapitre VII de cet ouvrage est consacré aux<br />
« Marqueurs de fictionalité ». L’une des questions majeures<br />
qu’elle y pose (ou repose, cf. D. Cohn, 1981), et que nous<br />
retiendrons dans la perspective de cette contribution, est la<br />
suivante : y a-t-il des marques linguistiques qui définissent ou<br />
caractérisent la fiction, et partant le texte littéraire ?<br />
La réponse pourrait être double : s’il existe effectivement des<br />
« marqueurs de fictionalité », au premier rang desquels les<br />
« citations mentales » (i.e. la « verbalisation de ce qui est<br />
ressenti et pensé », op. cit. : 159), il ne semble pas qu’il existe<br />
une langue proprement fictionnelle 1 , du moins aux plans<br />
morphosyntaxique et lexical… 2<br />
1 Fictionnelle, relatif à « la fiction en tant que (identique à la) littérature »,<br />
sera ainsi <strong>di</strong>stingué de fictif, relatif à la « fiction comme contre-vérité »<br />
(D. Cohn, 2001, Introduction : 12).<br />
2 Voir J. Searle (1982 : 109) : « Il n’y a pas de propriété textuelle, syntaxique<br />
ou sémantique qui permette d’identifier un texte comme œuvre de fiction. »<br />
Ou P. Lamarque & S. H. Olsen (1994 : 30) : « Il n’existe pas de “langage de<br />
la fiction” […] Vouloir rechercher des con<strong>di</strong>tions nécessaires et suffisantes
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Il serait toutefois plus <strong>di</strong>fficile d’en <strong>di</strong>re autant du plan logicosémantique,<br />
c’est-à-<strong>di</strong>re si l’on considère le texte fictionnel par<br />
la relation qu’il entretient avec ce qu’il est censé représenter : le<br />
monde – ou un monde. D. Cohn pense ainsi (op. cit. : 174) que<br />
H. White (1978 : 122) se trompe quand il affirme : « Considérés<br />
comme des artefacts verbaux, les récits historiques et les romans<br />
ne peuvent être <strong>di</strong>stingués les uns des autres. » Il fait en effet,<br />
selon elle, et nous partageons son avis, « l’impasse sur le niveau<br />
référentiel du récit historique » (D. Cohn, op. cit. : 174), i. e. la<br />
représentation de faits sinon vrais, du moins avérés… 3 Ainsi,<br />
seul le récit historique a « une fonction testimoniale »<br />
(Ph. Carrard, 1986).<br />
Mais cette <strong>di</strong>fférence, cette incompatibilité, logico-sémantique,<br />
entre factuel et contrefactuel, a des effets qui se ressentent et se<br />
remarquent hors du plan référentiel, soit au plan, non plus de<br />
l’histoire, la fabula, mais du <strong>di</strong>scours, la représentation<br />
(D. Cohn, op. cit. : 170) ; et là interviennent les questions de<br />
narration et de mé<strong>di</strong>ation : ainsi, c’est « à l’intérieur des textes<br />
eux-mêmes » qu’il faudra « découv[rir] des marqueurs<br />
dans le domaine des caractéristiques stylistiques et formelles de la langue est<br />
un entreprise condamnée d’avance. » Nous avons pour notre part essayé de<br />
montrer (2001a et b,2005) que, même dans les récits de métamorphoses, la<br />
création d’items lexicaux (verbes de transformation iné<strong>di</strong>ts, noms ou<br />
identifications composites, anaphores « bisexuées ») ou de structures<br />
syntaxiques (« désaccord » en genre) reste rare pour désigner ou décrire les<br />
entités et lesprocessus (particulièrement) fictifs qui caractérisent – pourtant –<br />
le genre…<br />
3 Cette <strong>di</strong>stinction permet ainsi de ranger dans les mondes contrefactuels les<br />
fictions inspirées de petits faits vrais…<br />
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spécifiques à la fiction » (D. Cohn, op. cit. : 169 ; nous<br />
soulignons).<br />
On considérera alors, et d’une part, que « l’esprit d’un<br />
personnage imaginaire peut être connu d’une manière dont ne<br />
peut pas l’être celui d’une personne réelle » (op. cit. : 181) ;<br />
d’autre part, que « l’histoire [ici au sens d’Histoire] ne peut pas<br />
présenter des événements du passé à travers le regard d’une<br />
figure historique présente à ces événements, mais uniquement à<br />
travers celui de l’historien-narrateur (qui regarde à tout jamais<br />
vers le passé) » (op. cit. : 183). On peut opposer ainsi un point<br />
de vue personnel – le mode focalisé de G. Genette – et un point<br />
de vue apersonnel – l’histoire qui, selon R. Barthes (1984 :<br />
157), « semble se raconter toute seule » ; où, selon<br />
É. Benveniste (1966/1976 : 241), « personne ne parle » 4 .<br />
Le problème qui surgit alors est de deux ordres, ou plutôt se<br />
pose à deux niveaux : d’un côté, et là on prolonge le<br />
raisonnement précédent, rien ne semble <strong>di</strong>stinguer dans les<br />
textes la posture de l’historien « sujet objectif » de celle du<br />
romancier réaliste (cf. R. Barthes, ibid.) ; de l’autre, et là on<br />
change d’argumentation, « la caractéristique modale spécifique<br />
4 Il y a toutefois ici un autre paradoxe à relever : si « personne ne parle », il y<br />
a bien source énonciative ou « origine vocale » – et cela du fait même qu’il y<br />
a un « point de vue de l’historien »… Il vaudrait donc mieux parler de<br />
« narrateur caché », ce que fait d’ailleurs D. Cohn lorsqu’elle étu<strong>di</strong>e les<br />
« commentaires », les « commentaires normatifs », dans la fiction<br />
hétéro<strong>di</strong>égétique (op. cit. : 196 et 201-223). A. Rabatel (1998 : 7-9, et 2003 :<br />
3) pense et montre pour sa part que « la focalisation zéro n’existe pas ». Nous<br />
verrons plus bas qu’il existe une manière de résoudre le paradoxe.<br />
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du <strong>di</strong>scours fictionnel » est qu’y alternent mode « apersonnel »<br />
et mode « personnel », tan<strong>di</strong>s que « le récit historique doit rester<br />
neutre du début à la fin » (D. Cohn, op. cit. : 183 ; la<br />
[caractéristique] souligné par l’auteur) 5 .<br />
Les limites entre le récit d’histoire et le récit de fiction sont donc<br />
<strong>di</strong>fficiles à tracer du point de vue de l’appareil textuel ; d’autant<br />
que, si l’on observe attentivement le fonctionnement « modal »<br />
de chacun, on peut <strong>di</strong>re que c’est la narration homo<strong>di</strong>égétique de<br />
la fiction (où le narrateur est « incapable de voir ce qui se passe<br />
dans l’esprit de ses semblables, de percevoir ce que perçoivent<br />
les autres », D. Cohn, op. cit. : 187-188) qui est, pour la<br />
focalisation, la plus proche de la narration de l’histoire : dans les<br />
deux cas, il s’agit d’immerger le lecteur dans le monde « où<br />
l’histoire advient » (G. Genette, op. cit. : 13).<br />
Tout ceci ne soulève pas moins quelques <strong>di</strong>fficultés :<br />
o Il y a tout d’abord, des points de vue logiques de la vérité et<br />
de la vraisemblance, un paradoxe à opposer l’histoire qui se<br />
raconte « d’elle-même » à la narration omnisciente (des<br />
romanciers réalistes notamment), et à la rapprocher, au nom<br />
de « l’histoire qui advient », du mode de narration le plus<br />
5 Nous reviendrons sur ce point, mais <strong>di</strong>sons déjà que l’alternance des modes<br />
(personnel vs apersonnel, <strong>di</strong>scours vs histoire) existe pourtant bel et bien<br />
dans le récit historique, comme É. Benveniste lui-même l’a souligné :<br />
« Chaque fois qu’au sein d’un récit historique apparaît un <strong>di</strong>scours, quand<br />
l’historien par exemple reproduit les paroles d’un personnage ou qu’il<br />
intervient lui-même pour juger les événements rapportés [par ex. G. Glotz,<br />
Histoire grecque], on passe à un autre système temporel, celui du <strong>di</strong>scours.<br />
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subjectif, l’homo<strong>di</strong>égèse ; d’autant que le rapport peut être<br />
renversé, si l’on considère non plus la vision, mais la voix :<br />
car le récit réaliste omniscient peut être une « fiction<br />
narrative à la 3 e personne sans commentaire » où le<br />
« narrateur est caché », où les phrases sont « mimétiques »,<br />
« non opaques » (D. Cohn, op. cit. : 195 et 198) ; où donc,<br />
non seulement l’histoire semble se raconter, mais la vérité se<br />
révéler, d’elle-même…<br />
o Il faut ensuite rappeler, toujours à propos de mimesis, qu’il<br />
existe de multiples zones et degrés de « confusion » entre<br />
histoire et fiction : ainsi du roman réaliste, mais sans doute<br />
plus encore des « romans historiques documentaires »<br />
(D. Cohn, op. cit. : 185).<br />
Voici tracé le cadre problématique, (narrato)logique et <strong>di</strong>scursif,<br />
dans lequel nous voudrions maintenant introduire Vérité de<br />
Zola.<br />
2. ANALYSES (NARRATOLOGIQUE ET LINGUISTIQUE) <strong>DE</strong> LA<br />
SUBJECTIVITE<br />
2.1. L’analyse « intratextuelle »<br />
Le chapitre suivant de l’ouvrage de D. Cohn (IX, « Le<br />
“deuxième auteur” de La Mort à Venise ») est consacré à<br />
montrer la <strong>di</strong>fférence qu’il existe entre une « approche<br />
extratextuelle » et une « approche intratextuelle », et l’avantage<br />
qu’il y a à choisir la seconde pour mettre au jour les<br />
Le propre du langage est de permettre ces transferts instantanés » (op. cit. :<br />
5
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caractéristiques d’une narration, qui pour être hétéro<strong>di</strong>égétique,<br />
n’en est pas moins parfois subjective. Par là, elle peut mettre au<br />
jour la figure d’un « narrateur in<strong>di</strong>gne de confiance », c’est-à<strong>di</strong>re<br />
un narrateur qui prononce des jugements tels (négatifs, en<br />
l’occurrence, sur Aschenbach) que le lecteur ne peut le<br />
considérer comme « le porte parole de l’auteur », – dès lors,<br />
évidemment, que ce lecteur est au fait que l’auteur n’est pas<br />
accoutumé de ce type de jugement « empathique » (cf. « les<br />
points de vue simplistes de [la] source vocale » vs « l’esprit de<br />
Mann », op. cit. : 221-223) 6 .<br />
C’est ici que nous voudrions suivre la voie tracée par tous ces<br />
linguistes qui ont défendu et illustré à leur manière la méthode<br />
« intratextuelle » (M. Ali Bouacha, 2001, J.-M. Adam, 2005).<br />
Car la méthode linguistique est sans doute plus délicate que la<br />
narratologique : même si leurs « marges de manœuvre » sont<br />
voisines, en ce que toutes deux se privent, du moins pour un<br />
temps, de tout un appareil critique, para-, méta-, voire « prétextuel<br />
» 7 , et reposent sur la recherche, « expérimentale », de<br />
242 ; exemple : 241).<br />
6 Mais D. Cohn (op. cit. : 219 sq.) montre qu’en fin de compte son approche<br />
intratextuelle rejoint l’approche extratextuelle ou « génétique », i. e. « qui<br />
incrimine l’arrière-plan biographique-historique de l’œuvre » (op. cit. : 221) ;<br />
elle s’appuie pour cela sur T.J. Reed, 1974, Thomas Mann: The Uses of<br />
Tra<strong>di</strong>tion, Oxford, Clarendon Press, et Tamar Yacobi, 1981, « Fictional<br />
Reliability as a Communicative Problem », Poetics Today, 2, 113-136.<br />
7 Il ne s’agit pas, évidemment, de nier le rôle du contexte, notamment pour<br />
les genres : voir M. Charles (1995) pour l’approche littéraire ; et M. Ali<br />
Bouacha (2001) pour l’approche linguistique, lorsqu’il écrit (art. cité : 31), de<br />
manière très « bakhtinienne » : « les con<strong>di</strong>tions de production déterminent<br />
pour une large part la forme et le sens des contacts verbaux entre in<strong>di</strong>vidus. »<br />
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marques, ce qui pourrait les <strong>di</strong>stinguer c’est que la première<br />
s’attache, pour rechercher ces marques de subjectivité, de la ou<br />
des sources vocales, et au modus et au <strong>di</strong>ctum… 8<br />
2.2. Revue et révision de paradoxes…<br />
Il est temps dès lors de se confronter au texte… En commençant<br />
par recenser ou revoir à la lumière de la fiction choisie, Vérité de<br />
Zola, un certain nombre de problèmes ou paradoxes (narrato-)<br />
logiques que nous avons pu relever dans ce qui précède.<br />
Nous avons d’abord eu quelque <strong>di</strong>fficulté à suivre D. Cohn dans<br />
sa volonté de caractériser le récit historique (vs fictionnel) par sa<br />
constance voire sa « monotonie » énonciative, notant<br />
qu’É. Benveniste lui-même n’en exigeait pas autant… Il nous<br />
semble alors qu’est davantage pertinente pour notre propos et<br />
notre texte la <strong>di</strong>stinction que fait D. Cohn (op. cit. : 198) entre<br />
les « énoncés mimétiques », « comme transparents », relevant de<br />
la narration des « seuls événements », et la « vision de ces<br />
mêmes événements » telle qu’elle « se dégage » des « phrases<br />
non mimétiques », ou « opaques », lesquelles « créent l’image<br />
de l’esprit du narrateur »…<br />
Mais il faut s’entendre, encore, sur les me<strong>di</strong>a narratifs, c’est-à<strong>di</strong>re<br />
étendre la <strong>di</strong>stinction à <strong>di</strong>vers sous-ensembles du <strong>di</strong>spositif :<br />
8 Voir A. Rabatel (2003), dont le propos est de <strong>di</strong>stinguer « narratologie<br />
énonciative » et « approche énonciative de la narration » : « Il serait<br />
improductif d’opposer à un modus subjectif […] un <strong>di</strong>ctum objectif » (2003).<br />
Rappel : le <strong>di</strong>ctum est le contenu représentatif de l’énoncé, le modus<br />
l’attitude du locuteur (O. Ducrot & J.-M. Schaeffer, 1995 : 578-587 [suivant<br />
Ch. Bally, 1932/1944 ; voir aussi O. Ducrot, 1987 : ch. 7] et L. Perrin, 2004).<br />
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vision plus ou moins opacifiée, voix plus ou moins déléguée,<br />
suivant que sont représentées (rapportées) ou non perceptions,<br />
pensées ou paroles d’un ou <strong>di</strong>vers personnages… Resurgissent<br />
alors deux des problèmes ou paradoxes mentionnés ci-dessus :<br />
o Un premier consistait à opposer l’histoire à la narration<br />
omnisciente, et à la rapprocher, au nom de l’histoire qui<br />
« parle d’elle-même » ou « advient », de la narration<br />
homo<strong>di</strong>égétique ; nous nous « méfiions » alors de ce<br />
rapprochement, au motif que le rapport pouvait être inversé,<br />
si l’on considérait un récit réaliste « omniscient », et sa<br />
narration ou ses séquences de narration « à la 3 e personne<br />
sans commentaire », « mimétiques » ; où le « narrateur est<br />
caché » ; où donc, non seulement l’histoire semble se<br />
raconter, mais la vérité se révéler d’elle-même.<br />
o Un autre problème tenait à la <strong>di</strong>stinction récit historiquerécit<br />
fictionnel, et venait, <strong>di</strong>sions-nous, de ce qu’il existe de<br />
multiples passerelles entre histoire et fiction : romans<br />
réalistes, naturalistes, historiques, documentaires…<br />
2.3. (Première) épreuve de Vérité<br />
La <strong>di</strong>fficulté, avec Vérité, serait-elle alors que nous avons affaire<br />
à une fiction « documentaire » qui veut reproduire, au sens<br />
même de re-produire, l’affaire Dreyfus, et qu’il vaudrait mieux<br />
la connaître pour saisir l’ancrage historique de la fiction, son<br />
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déroulement, ses rebon<strong>di</strong>ssements ? 9 En fait, le problème,<br />
d’après notre expérience de lecteur, n’est pas là : il n’est pas<br />
vraiment de suivre conjointement les deux histoires, la factuelle<br />
et la fictive, ou encore de se (re) situer dans un paysage de luttes<br />
politiques et sociales constamment sollicité 10 ; il nous semble<br />
même que le « problème logique » qui tiendrait au fait que cette<br />
fiction est historique et documentaire est une – première –<br />
« épreuve de Vérité » qui nous permet de sortir de « l’impasse<br />
mimétique » dénoncée par J.-M. Schaeffer (1999 : 260-261) :<br />
« … Fausse alternative, qui nous somme de choisir entre<br />
l’idée selon laquelle la fiction narrative serait un reflet,<br />
une reproduction de la réalité, et la thèse inverse qui y<br />
voit au contraire une sorte de construction se suffisant à<br />
elle-même et n’entretenant de liens qu’avec d’autres<br />
constructions fictionnelles. Il suffit en fait d’accepter<br />
l’idée que l’imitation et la modélisation sont deux<br />
aspects définitionnels de toute fiction, et donc aussi de la<br />
fiction littéraire, pour que le débat se liquide de luimême<br />
[…] Car la finalité de la fiction […], de même que<br />
le critère véritable de son succès et de son échec, résident<br />
9 Sur le rôle du contexte historique pour l’interprétation d’un démonstratif<br />
dans Vérité, cf. M.-N. Gary-Prieur (2001 : 234, exemple [49]).<br />
10 Antisémitisme ; enseignement laïque vs congrégations ; séparation de<br />
l’Église et de l’État…<br />
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bien dans la création d’un modèle d’univers 11 .<br />
L’imitation-semblant n’est que l’amorce mimétique qui<br />
nous permet d’entrer dans cet univers, mais en dernière<br />
instance c’est toujours la plausibilité (pour un lecteur<br />
donné) de la modélisation fictionnelle qui décide du<br />
plaisir qu’il prend à sa lecture et du profit qu’il en tire. »<br />
Ceci <strong>di</strong>t, si l’on se déplace du terrain logique au terrain textuel,<br />
le problème, narratologique et linguistique, tient alors au fait que<br />
cette fiction très « engagée » est d’une autre manière une<br />
reproduction ; celle du fameux J’accuse de Zola 12 … À ceci près,<br />
que le sujet qui a accusé, ja<strong>di</strong>s, doit maintenant – nous<br />
soulignons bien l’adverbe –, <strong>di</strong>sparaître du texte du fait de la<br />
transposition fictionnelle ; ou s’y faire représenter.<br />
L’enjeu est donc davantage, dans ce cadre fictionnel et narratif,<br />
de faire entrer le lecteur en sympathie avec la victime et son<br />
défenseur, qu’il s’agisse de supporter les ralentissements<br />
(désespérants) de l’affaire, ou d’anticiper l’émergence sinon le<br />
triomphe de la vérité, qui n’arrive qu’au bout de quelque six<br />
11 Certes, mais la finalité de création est d’autant plus contrainte dans un cas<br />
« historique » et « documentaire » comme celui qui nous occupe ici…<br />
12 Il s’agit en fait ici non seulement de dévoiler une erreur ju<strong>di</strong>ciaire, mais<br />
d’accuser l’injustice nourrie de la réaction antirépublicaine et de<br />
l’obscurantisme clérical… Les é<strong>di</strong>trices (Colette Becker & Véronique<br />
Lavielle, Le Livre de Poche Classique, 1995) parlent de ce dernier roman de<br />
Zola (1903) comme d’un « testament spirituel » où l’écrivain, tout en<br />
poursuivant son œuvre naturaliste, « renoue avec la tra<strong>di</strong>tion d’un Victor<br />
Hugo ».<br />
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cents pages 13 . L’enjeu est donc, aussi, on l’aura compris,<br />
d’engager le lecteur :<br />
« Le critère du vraisemblable, et plus généralement ceux<br />
du plausible, du possible, du concevable, etc., trouvent<br />
leur assise fondamentale au niveau de l’univers fictionnel<br />
élaboré, c’est-à-<strong>di</strong>re qu’ils […] sont liés à la vali<strong>di</strong>té du<br />
modèle fictionnel (pour un lecteur donné), donc à la<br />
possibilité (ou l’impossibilité) dans laquelle il se trouve<br />
de tisser des liens d’analogie globale entre ce modèle et<br />
ce qu’est pour lui la réalité. » (J.-M. Schaeffer, ibid.)<br />
Telle fut bien notre expérience de lecteur de Vérité, de « tisser<br />
des liens d’analogie »… Mais aussi, on l’a <strong>di</strong>t, de sympathie.<br />
Elle fut ensuite de nous demander, mais nous sortions là de<br />
notre rôle de lecteur « naïf », sur quels <strong>di</strong>spositifs énonciatifs et<br />
narratifs reposait l’efficacité de l’« immersion mimétique » (J.-<br />
M. Schaeffer, ibid.) et empathique… Autrement <strong>di</strong>t, de nous<br />
demander ce qui, en termes de <strong>di</strong>spositif et de marques<br />
linguistiques, nous faisait croire à et partager cette Vérité.<br />
3. LA <strong>VERITE</strong>, LA RAPPELER, LA (FAIRE) DIRE…<br />
Nous avons déjà <strong>di</strong>scuté ce double paradoxe qui consiste, d’un<br />
côté, à rapprocher récit historique et narration homo<strong>di</strong>égétique –<br />
au motif que l’un et l’autre sont « incapables de voir ce qui se<br />
13 Un instituteur juif est accusé du viol d’un jeune élève congréganiste…<br />
Pour Marc, instituteur militant laïque, c’est le clergé qui est « tout désigné »<br />
pour pareil crime… Mais son intime conviction ne l’empêche pas de<br />
poursuivre la vérité, des faits, qui, comme dans l’affaire réelle, tarde à<br />
émerger…<br />
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passe dans l’esprit [des êtres humains] » (D. Cohn, op. cit. :<br />
195) – ; et de l’autre, à souligner la nécessaire neutralité du<br />
premier, ce qui les rend alors incompatibles puisque la seconde,<br />
par définition, est focalisée, donc opaque… On voit par là la<br />
<strong>di</strong>fficulté qu’il y a à vouloir faire et <strong>di</strong>re la vérité par le<br />
truchement de la fiction, en général, et d’un personnage, en<br />
particulier.<br />
Or, si dans un premier temps, le <strong>di</strong>spositif énonciatif narratif<br />
adopté par Zola dans Vérité semble, somme toute, or<strong>di</strong>naire :<br />
une alternance de phrases mimétiques, transparentes (narrateur<br />
« caché »), et de phrases opaques (narration focalisée), ou<br />
encore une combinaison des deux en de nombreux fragments de<br />
<strong>di</strong>scours in<strong>di</strong>rect libre (DIL désormais), ce qui est de l’ordre de<br />
l’esthétique « réaliste naturaliste » (J.-M. Schaeffer, ibid.), une<br />
observation plus attentive du texte ne laisse pas de surprendre…<br />
Nous prendrons pour exemple une séquence de la fin du roman,<br />
dans le chapitre IV du livre IV (éd. citée : 612-616). Ce chapitre<br />
s’ouvre sur un court paragraphe, qui présente Marc à la fin de sa<br />
vie, et dans lequel on passe d’une amorce hétéro<strong>di</strong>égétique au<br />
« point de vue » du personnage :<br />
« Des années, des années s’écoulèrent encore, et Marc à<br />
quatre-vingts ans passés, par un bienfait de la vie qui<br />
semblait vouloir le récompenser de l’avoir tant aimée,<br />
tant servie, en les gardant debout, lui et son adorée<br />
Geneviève, comme des spectateurs triomphants, goûta la<br />
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joie de voir son rêve se réaliser toujours davantage. »<br />
(page 612)<br />
Suit une longue séquence d’environ cinq pages, qui est un large<br />
panorama rétrospectif, et du début de laquelle voici deux extraits<br />
(pages 612-613) :<br />
« Autrefois, il y avait eu deux France, recevant chacune<br />
une instruction <strong>di</strong>fférente… [cette période couvre<br />
notamment la jeunesse militante du héros] »<br />
« Maintenant, une France unique était en train de se<br />
constituer, il n’y aurait bientôt plus ceux d’en bas et ceux<br />
d’en haut […] L’enseignement intégral pour tous<br />
fonctionnait déjà, tous les enfants de France devaient<br />
passer par l’école laïque, gratuite, obligatoire, où le fait<br />
expérimental, et non plus la règle grammaticale, était la<br />
base de l’instruction toute entière. En outre, apprendre à<br />
savoir ne suffisait pas, il fallait apprendre à aimer, la<br />
vérité ne pouvant être féconde que par l’amour… »<br />
On aura eu à travers ces trois extraits un aperçu des techniques<br />
<strong>di</strong>verses mises en œuvre dans Vérité. Certes on retrouve celle,<br />
bien connue chez l’auteur, qui consiste progressivement, on l’a<br />
<strong>di</strong>t à propos du premier extrait, à passer (i) du cadre historique,<br />
et extérieur au personnage : « Des années, des années<br />
s’écoulèrent encore… », (ii) à sa vie intime : cette « vie » qui<br />
« semblait vouloir le récompenser… », pour finalement (iii)<br />
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pénétrer l’intérieur même de sa conscience : « [Marc] goûta la<br />
joie suprême de voir son rêve se réaliser… »<br />
La technique est donc « classique », mais on peut se demander<br />
dans le cas de Vérité, comment Zola, au nom précisément de la<br />
vérité – fût-elle militante, mais sans doute aussi, de son point de<br />
vue, parce qu’elle est militante –, va relever ce défi<br />
« fantastique » (D. Cohn, ibid.) que représente la narration,<br />
puisqu’il s’agit par là d’instituer un « “quelqu’un” capable de<br />
regarder à travers les crânes (ou avec les yeux) d’autres êtres<br />
humains », ce qui lui donne des « pouvoirs optiques et cognitifs<br />
auquel aucune personne réelle [est-il besoin de le souligner ?]<br />
n’a accès » (ibid.).<br />
À notre avis, le problème n’est pas, et pas plus ici qu’ailleurs,<br />
celui de l’accès – au(x) savoir(s), aux consciences ; ce pouvoir<br />
d’omniscience, pour certains un coup de force, est<br />
conventionnellement reconnu, dès lors que le lecteur accepte le<br />
pacte qui le lie à la fiction, ou à cette forme de narration, si<br />
dominante qu’on n’y prête même pas attention… Il est<br />
davantage pour nous de faire « passer », par les techniques de<br />
représentation, un <strong>di</strong>scours militant qui tient du manifeste, qui<br />
réclame publicité, et donc excède largement cette représentation<br />
d’une vie ou d’une parole intérieure… 14<br />
Si nous observons en effet maintenant les autres extraits cités de<br />
Vérité, ce qui nous semble nouveau et caractéristique dans ce<br />
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roman, c’est non seulement que le DIL y occupe des « plages »<br />
considérables (notamment les cinq pages que nous avons<br />
choisies) 15 , mais encore qu’il n’a pas pour fonction de<br />
<strong>di</strong>stancier…<br />
Car, pour commencer par la question narratologique des voix, il<br />
n’y a pas dans ce DIL d’ironie, qui, au plan de la « vie<br />
intérieure », tendrait à <strong>di</strong>ssocier deux pensées, deux <strong>di</strong>scours 16 .<br />
On peut y trouver pourtant de nombreux subjectivèmes : « …<br />
ceux d’en bas et ceux d’en haut, ceux qui savaient écrasant,<br />
exploitant ceux qui ne savaient pas, dans une sourde guerre<br />
fratricide… » ; mais comme il y a parfaite empathie entre<br />
auteur et personnage (si on ne le sait ou le soupçonne, on<br />
l’apprend grâce au métatexte), et qu’on a donc un narrateur<br />
parfaitement « <strong>di</strong>gne de confiance », transparent, la question ne<br />
se pose même plus, si l’on peut <strong>di</strong>re, de la source vocale… À<br />
plus forte raison, d’une <strong>di</strong>ssonance… Marc est alors et un<br />
héraut, un porte-voix, et l’interprète, complice, d’un <strong>di</strong>scours<br />
rapporté de la vie réelle à l’espace-temps de la fiction…<br />
Il n’y a pas davantage, pour passer à un plan plus linguistique,<br />
celui notamment des marqueurs déictiques, de « <strong>di</strong>vergence<br />
énonciative » (G. Philippe, 2000). En effet, si les connecteurs<br />
14 Sur de « vraies » représentations de la « parole intérieure », cf. G. Philippe<br />
(2001) et A. Rabatel (2001).<br />
15<br />
En comparaison, les extraits de DIL chez Zola commentés par<br />
B. Combettes (2002 : 104-105), précisément pour des questions de bornes et<br />
de portée, n’excèdent pas six à sept lignes.<br />
16 Sur les « cas [généraux] de belligérance entre perspectives du narrateur et<br />
du personnage », voir A. Rabatel (2000).<br />
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argumentatifs qui balisent ce long <strong>di</strong>scours (Ainsi… D’ailleurs…<br />
Aussi…) continuent d’entremêler les voix, les « introducteurs de<br />
cadres temporels » (M. Charolles, 1997) les font se superposer<br />
(Autrefois… Maintenant… dans les deux derniers extraits cités),<br />
car ils peuvent fonctionner aussi bien dans le temps de l’histoire<br />
que dans celui de la narration :<br />
« Autrefois, il y avait eu deux France, recevant chacune<br />
une instruction <strong>di</strong>fférente… »<br />
« Maintenant, une France unique était en train de se<br />
constituer, il n’y aurait bientôt plus ceux d’en bas et ceux<br />
d’en haut […] L’enseignement intégral pour tous<br />
fonctionnait déjà… »<br />
Le temps verbal, l’imparfait, est alors, un et peut-être même le<br />
seul marqueur de fictionalité ; ou plutôt, et encore une fois, de<br />
transposition dans la fiction : s’il peut se concilier un modal, du<br />
possible, du souhaitable (« En outre, apprendre à savoir ne<br />
suffisait pas, il fallait apprendre à aimer, la vérité ne pouvant<br />
être féconde que par l’amour. »), il ne saurait, dans ses emplois<br />
« factuels » ou « référentiels », être lu, pour les mêmes raisons<br />
d’empathie ou de consonance, comme un passé :<br />
« L’enseignement intégral pour tous fonctionnait déjà… »<br />
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POUR FINIR… <strong>ZOLA</strong>, ROMANCIER ET PEDAGOGUE :<br />
<strong>DE</strong> LA « <strong>DE</strong>S-ILLUSION » AU « <strong>DE</strong>BROUILLAGE<br />
D’INTELLIGENCE »<br />
G. Philippe (2000) conclut son étude, <strong>di</strong>versement, sur<br />
« l’impossible traitement polyphonique des <strong>di</strong>vergences<br />
énonciatives » :<br />
« Les textes de fiction offrent un nombre non négligeable<br />
d’énoncés présentant des <strong>di</strong>vergences énonciatives, c’està-<strong>di</strong>re<br />
contenant des marquages de prise en charge<br />
contra<strong>di</strong>ctoires… Isolés, de tels énoncés peuvent être<br />
perçus comme “ mal formés ”… Or, en contexte, ce<br />
sentiment tend à s’affaiblir ou à <strong>di</strong>sparaître. On peut<br />
conclure de ce dernier point que les énoncés présentant<br />
des <strong>di</strong>vergences énonciatives sont traités par le lecteur de<br />
telle sorte que l’énoncé retrouve tout de même un sens<br />
cohérent… » (art. cité : 49)<br />
Sans douter du bien-fondé de ces conclusions, d’autant plus que<br />
nous devons les raccourcir 17 , nous pensons avoir montré pour<br />
notre part, que la tâche du narrateur de Vérité consistait, moins à<br />
gommer <strong>di</strong>vergences ou <strong>di</strong>ssonances, qu’à proposer au lecteur<br />
un nouveau pacte de « cohérence » : il se situe, en amont,<br />
extratextuellement, dans l’empathie qui est supposée motiver le<br />
choix d’une telle lecture ; il résulte, en aval, intratextuellement,<br />
17 Face à cette « impossible polyphonie… », la notion de « feuilletage<br />
énonciatif » magistralement illustrée par H. Portine (1998), avec l’emploi du<br />
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de l’envahissement de la fiction par le DIL, lequel est autant le<br />
<strong>di</strong>scours rapporté de l’auteur que celui du personnage…<br />
On pourra se demander, alors, en écho à nos tout premiers<br />
propos, si ce roman qui brouille les règles de la fiction-illusion,<br />
ne renverse pas la figure d’une narration historique « neutre »<br />
« qui regarde à tout jamais vers le passé » (D. Cohn) en celle<br />
d’une narration documentaire « engagée » « qui ne cesse de<br />
regarder ou de rappeler le présent »…<br />
On se demandera en somme, si ce roman militant, qui est aussi<br />
une défense de la pédagogie, n’en est pas à sa manière une<br />
illustration ; c’est-à-<strong>di</strong>re s’il n’y a pas, dans ce travail de « désillusion<br />
», une forme de « débrouillage d’intelligence », comme<br />
l’écrit Zola lui-même (Vérité, éd. citée : 613)…<br />
Guy Achard-Bayle<br />
guy.achardbayle@wanadoo.fr<br />
Université Paul Verlaine Metz & CELTED<br />
Site : http://www.lettres.univ-metz.fr/webll/centre/celted/celted.htm<br />
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une suite utile à donner à notre étude…<br />
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