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Une famille pour Drew - Et plus, si affinités… - Harlequin

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1.<br />

Lorsqu’un joyeux tintement l’avertit que<br />

quelqu’un franchissait le seuil d’Oklahoma<br />

Chic, le maga<strong>si</strong>n de prêt‐à‐porter dont son amie<br />

Lindsay Daniels et elle étaient copropriétaires,<br />

Kelly Hampton tourna la tête vers l’entrée de<br />

la boutique et sentit sa bonne humeur s’évanouir<br />

d’un coup.<br />

— Qu’est-ce que ce macho vient faire ici ?<br />

maugréa-t‐elle à la vue de l’homme au sourire<br />

narquois qu’elle avait pris <strong>pour</strong> un client.<br />

Vêtu d’une chemise bleu foncé qui épousait<br />

son torse d’athlète comme une seconde peau<br />

et d’un jean délavé que resserrait à la taille<br />

un gros ceinturon de cuir, Pete Crawford, le<br />

frère de Lindsay, était la séduction personnifiée.<br />

Avec ses épais cheveux bruns rebelles à<br />

toute discipline, son regard de velours sombre<br />

qu’éclairait une étincelle moqueuse et son<br />

visage aux traits altiers bruni par le soleil de<br />

l’Oklahoma, il ressemblait à ces pionniers du<br />

7


Far West assoiffés de liberté qu’avaient immortalisés<br />

les <strong>plus</strong> grands cinéastes d’Hollywood.<br />

— Salut, Pete, dit Kelly d’une voix contrainte.<br />

— Salut, répondit-il laconiquement en<br />

embrassant le maga<strong>si</strong>n des yeux.<br />

— Que dé<strong>si</strong>res-tu ?<br />

— Parler à Lindsay. Où est‐elle ?<br />

— Chez les Daniels. Elle est partie rejoindre<br />

son mari il y a une vingtaine de minutes et ne<br />

sera de retour en ville qu’à 13 heures.<br />

— C’est bien ma veine !<br />

— Que voulais-tu lui demander ?<br />

— Un conseil. Mais, puisqu’elle est absente,<br />

il va falloir que je trouve un autre moyen de<br />

me tirer d’affaire.<br />

— Tu as des ennuis ?<br />

— Oui. <strong>Et</strong> j’aurais aimé en discuter avec<br />

ma sœur.<br />

— Si tu as besoin d’un point de vue<br />

féminin, n’hé<strong>si</strong>te pas à m’exposer ton problème,<br />

proposa Kelly par pure politesse. Je t’aiderai<br />

à le résoudre.<br />

« Espérons qu’il aura la décence de refuser ! »<br />

se dit-elle en allant ranger sur un présentoir<br />

les T-shirts rose fuch<strong>si</strong>a qu’un livreur lui avait<br />

apportés au début de la matinée. Allergique<br />

aux cow‐boys, elle évitait soigneusement de<br />

croiser leur chemin et aurait préféré se briser<br />

8


les deux jambes plutôt que de voler au secours<br />

de l’un d’entre eux, fût-il le frère de Lindsay.<br />

— Merci <strong>pour</strong> ton offre, rétorqua-t‐il après<br />

avoir glissé un œil inquiet vers les passants<br />

qui déambulaient le long de la vitrine, comme<br />

s’il craignait d’avoir été suivi. Je l’accepte de<br />

bon cœur.<br />

Puis, d’un bras posses<strong>si</strong>f, il encercla la taille<br />

de Kelly et planta sur ses lèvres le <strong>plus</strong> ardent<br />

des baisers.<br />

« Ne t’emballe pas, idiote ! s’admonesta‐t‐elle<br />

quand elle aspira le souffle brûlant qui se<br />

mêlait au <strong>si</strong>en et sentit une vague de dé<strong>si</strong>r<br />

la submerger. Ce n’est pas parce que tu es<br />

veuve et que la solitude te pèse certains jours<br />

que tu dois laisser le premier venu te tourner<br />

la tête. N’oublie pas que tu t’es promis de<br />

ne jamais retomber amoureuse et tâche de<br />

respecter ce serment. »<br />

— Tu es malade ou quoi ? s’écria Pete<br />

lorsque, s’arrachant à son extase, elle le<br />

repoussa de toutes ses forces et lui assena une<br />

gifle retentissante. On n’a pas idée de traiter<br />

son meilleur ami de cette façon !<br />

— Toi, mon meilleur ami ? Tu veux rire !<br />

répliqua Kelly, furieuse de ne pas s’être dérobée<br />

<strong>plus</strong> tôt à son étreinte. La dernière fois que<br />

nous nous sommes vus, c’était au mariage<br />

9


de Gil et de Lindsay et tu ne m’as même pas<br />

adressé la parole.<br />

— Rien d’étonnant à cela ! Il y avait tellement<br />

de monde dans l’église et dans la salle<br />

des fêtes qu’on pouvait à peine respirer.<br />

— Si nous avions été seuls, tu m’aurais<br />

sauté dessus comme tu viens de le faire ?<br />

— Erreur, mon ange ! Je ne t’ai pas sauté<br />

dessus, je t’ai juste embrassée.<br />

— Pas sur la joue ni sur le front. Sur la<br />

bouche !<br />

— <strong>Et</strong> alors ? Ce n’était qu’un petit baiser sans<br />

conséquence, une <strong>si</strong>mple preuve d’affection.<br />

— Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, je<br />

te <strong>si</strong>gnale que nous sommes dans un maga<strong>si</strong>n<br />

de prêt-à-porter ici, pas dans l’un de ces bars<br />

enfumés que fréquentent les hommes de ton<br />

espèce et les dévergondées.<br />

— Pour l’ignorer, il faudrait que je sois<br />

sourd et aveugle. Chaque fois que nos parents<br />

l’invitent chez eux, Lindsay ne peut pas s’empêcher<br />

de feuilleter des revues de mode et de<br />

parler chiffons.<br />

— Il t’arrive souvent d’agresser ses<br />

copines quand elle a le dos tourné ?<br />

— Agresser ! répéta Pete en levant les<br />

yeux au ciel d’un air exaspéré. A t’écouter,<br />

on croirait que je t’ai violée.<br />

10


— Continue à faire le malin, grommela<br />

Kelly, et je vais demander à la police de t’arrêter.<br />

— Le shérif de Lawton a beau être à cheval<br />

sur la discipline, il n’a pas l’habitude de passer<br />

les menottes aux gens sans raison.<br />

— Tu oublies que le harcèlement sexuel<br />

est un grave délit dans cet <strong>Et</strong>at et que, <strong>si</strong> je<br />

t’attaquais en justice, les magistrats t’enverraient<br />

croupir au fond d’un cachot pendant<br />

des années.<br />

— Ce qu’il ne faut pas entendre ! s’exclama<br />

Pete au moment même où la clochette<br />

de l’entrée se mettait à tinter. Ne me trahis<br />

pas, je t’en supplie, ajouta-t‐il tout bas après<br />

avoir coulé un œil vers la porte du maga<strong>si</strong>n<br />

et esquissé une grimace.<br />

« Qu’a-t‐il voulu dire par là ? » s’étonna Kelly<br />

en allant saluer la ravissante jeune femme<br />

aux cheveux blond vénitien et à la taille de<br />

sylphide qui venait d’entrer dans la boutique.<br />

— Y a-t‐il un article que vous aimeriez<br />

essayer ? lui demanda-t‐elle de ce ton chaleureux<br />

qu’elle réservait d’ordinaire à ses <strong>plus</strong><br />

fidèles clientes.<br />

— Non, merci, répondit son interlocutrice<br />

avec un petit sourire condescendant. Quand<br />

j’aurai envie de renouveler ma garde‐robe,<br />

j’irai à Oklahoma City. On y est mieux servi<br />

qu’à Lawton.<br />

11


— Aucune des vestes qui sont exposées en<br />

devanture ne vous plaît ?<br />

— Aucune. Elles sont tellement démodées<br />

que, <strong>si</strong> je les portais, j’aurais l’impres<strong>si</strong>on de<br />

ressembler à ma mère.<br />

Démodés, les magnifiques spencers bleu<br />

ardoise et les boléros galonnés de soie grège<br />

que Lindsay avait achetés à l’un des meilleurs<br />

stylistes de Dallas !… Kelly faillit s’étrangler<br />

d’indignation.<br />

— <strong>Et</strong>ant donné que rien ici n’est à votre<br />

goût, mademoiselle, rétorqua‐t-elle en s’obligeant<br />

au calme, que dé<strong>si</strong>rez-vous ?<br />

— Lui, répondit la jeune femme, un doigt<br />

pointé vers Pete.<br />

<strong>Et</strong>, à l’adresse de ce dernier, elle enchaîna<br />

d’un ton <strong>si</strong>rupeux :<br />

— Bonjour, mon chéri. Tu es content de<br />

me revoir, j’espère ?<br />

— Très content, marmonna-t‐il avant d’enrouler<br />

un bras autour des épaules de Kelly et<br />

de lui effleurer le front d’un baiser, comme<br />

s’ils étaient intimes depuis des années. Je te<br />

présente Kelly Hampton, l’associée de Lindsay,<br />

reprit-il avec une feinte nonchalance. Elle et<br />

moi sommes des amis de longue date, mais<br />

nous nous étions perdus de vue après le mariage<br />

de ma sœur et nous avons récemment décidé<br />

de… renouer.<br />

12


La légère pause qu’avait marquée Pete et le<br />

regard enamouré dont il l’enveloppait donnèrent<br />

à Kelly envie de l’étriper.<br />

— A qui ai-je l’honneur ? demanda-t‐elle à<br />

la jeune femme blonde qu’il avait l’air impatient<br />

d’éconduire.<br />

— Sheila Hooten, dit celle-ci du bout des<br />

lèvres.<br />

— Vous habitez à Lawton ?<br />

— Oui. J’y suis née.<br />

— C’est bizarre. Avant que vous ne pous<strong>si</strong>ez<br />

la porte de mon maga<strong>si</strong>n, je ne vous avais<br />

jamais aperçue dans le quartier.<br />

— Depuis quand connaissez-vous Pete ?<br />

— Depuis l’époque où nous fréquentions le<br />

même lycée. La première fois que nous nous<br />

sommes rencontrés, j’étais en <strong>si</strong>xième avec<br />

Lindsay et lui venait d’entrer en terminale.<br />

— Il doit vous con<strong>si</strong>dérer comme une<br />

petite sœur ?<br />

— Pas exactement, répliqua Pete à la place<br />

de Kelly.<br />

« Qu’est-ce qui lui prend ? s’indigna cette<br />

dernière en le voyant poser sur elle un regard<br />

enflammé. S’il s’imagine que je vais le laisser<br />

me déshabiller des yeux, il se fait des illu<strong>si</strong>ons. »<br />

— A quoi joues-tu, Crawford ? bougonnat‐elle.<br />

— A rien, mon amour, riposta-t‐il d’un ton<br />

13


mielleux. Tu es tellement jolie que je ne me<br />

lasse pas de t’admirer.<br />

<strong>Et</strong>, interdisant à Kelly toute pos<strong>si</strong>bilité<br />

d’esquive, il lui vola un baiser.<br />

— Je croyais t’avoir demandé de ne <strong>plus</strong><br />

me toucher, maugréa‐t-elle dès que Sheila<br />

Hooten eut poussé un « oh ! » scandalisé et<br />

tourné les talons.<br />

— Pardon de t’avoir désobéi, mais je n’ai<br />

pas eu le choix, déclara Pete après s’être assuré<br />

qu’ils étaient de nouveau seuls dans le maga<strong>si</strong>n.<br />

— Qui est cette pauvre fille que tu as essayé<br />

de rendre jalouse ?<br />

— <strong>Une</strong> ex-petite amie.<br />

— Dont tu as décidé de lui briser le cœur ?<br />

— Ne t’inquiète pas, elle s’en remettra.<br />

— Qu’en sais-tu ? Elle va peut-être rentrer<br />

chez elle et se laisser mourir de chagrin.<br />

— Aucun risque ! Elle est bien trop déterminée<br />

à me gâcher la vie <strong>pour</strong> sombrer dans<br />

le désespoir.<br />

— Quelle que soit la façon dont elle réagira,<br />

je ne veux <strong>plus</strong> que tu m’obliges à lui jouer<br />

la comédie, s’écria Kelly avant de courir se<br />

réfugier derrière sa caisse enregistreuse. Plus<br />

jamais, c’est compris ?<br />

— Inutile de hurler ! rétorqua Pete sans se<br />

départir de son calme. Je ne suis pas sourd.<br />

14


— Si tu ne tiens pas à ce que j’ameute tout<br />

le quartier, fiche le camp.<br />

— Que feras-tu une fois que j’aurai déguerpi ?<br />

— Mon travail.<br />

— A cette heure-ci, cela m’étonnerait que<br />

tu aies des clientes à servir.<br />

— Au lieu de rester planté là et de t’occuper<br />

de mon emploi du temps, retourne donc au<br />

ranch ! Tes parents doivent être en train de<br />

déjeuner.<br />

— Merci du conseil, mais je préfère aller<br />

chez les Daniels, car il faut que je parle à<br />

Lindsay.<br />

— Va où tu veux, je m’en moque, <strong>pour</strong>vu<br />

que tu débarrasses le plancher.<br />

« Quel caractère ! fulmina Pete après avoir<br />

quitté le maga<strong>si</strong>n, sauté dans la jeep qu’il<br />

avait garée le long du trottoir et traversé le<br />

centre‐ville sur les chapeaux de roues. Si j’avais<br />

pu me douter que cette harpie refuserait de<br />

coopérer et qu’elle me menacerait d’appeler<br />

la police, je me serais abstenu de la toucher. »<br />

— <strong>Et</strong> je n’aurais jamais su qu’elle embrassait<br />

divinement bien, murmura-t‐il au souvenir des<br />

deux baisers torrides qu’ils avaient échangés.<br />

Lorsqu’il avait écrasé les lèvres de la jeune<br />

15


femme sous les <strong>si</strong>ennes et qu’elles s’étaient<br />

entrouvertes, douces, chaudes, savoureuses<br />

comme la pulpe d’un fruit gorgé de soleil, il<br />

avait senti un tourbillon impétueux l’entraîner<br />

loin, très loin de la réalité, et avait resserré son<br />

étreinte dans le fol espoir d’éterniser l’instant.<br />

« C’est peut-être cela le bonheur absolu<br />

que décrivent les auteurs de contes de fées »,<br />

avait-il pensé, le corps et l’esprit enfiévrés, juste<br />

avant qu’une gifle ne le ramène à la raison.<br />

Quand on était le célibataire le <strong>plus</strong> endurci<br />

de tout l’Oklahoma et qu’on ne croyait ni<br />

aux baguettes magiques ni à l’amour avec un<br />

grand A, on avait mieux à faire que de jouer<br />

les princes charmants…<br />

— Tiens ! tu n’es pas chez tes parents ?<br />

s’étonna Gil Daniels dès que Pete entra dans<br />

la vaste cui<strong>si</strong>ne carrelée de beige et de brun où<br />

étaient attablés Rafe Hernandez, le régisseur<br />

du domaine, et Lindsay.<br />

— Non. J’ai décidé de vous rendre une<br />

petite vi<strong>si</strong>te de courtoi<strong>si</strong>e.<br />

— Puisque tu as eu la bonne idée de passer<br />

nous voir, as<strong>si</strong>eds-toi et partage notre repas.<br />

— Merci. J’ai justement très faim.<br />

— Pourquoi es-tu venu ici ? interrogea<br />

Lindsay en offrant à son frère un énorme<br />

hamburger dégoulinant de ketchup. Pour<br />

16


nous souhaiter un bon appétit ou <strong>pour</strong> ne pas<br />

mourir de faim ?<br />

— Pour profiter à la fois de tes talents de<br />

cordon-bleu et de ta conversation, rétorqua<br />

Pete après s’être installé entre Gil et Rafe.<br />

Comme je suis quelqu’un de pragmatique,<br />

j’adore faire d’une pierre deux coups.<br />

— Encore une chance que je n’aie pas<br />

l’amour-propre très chatouilleux, car, <strong>si</strong> c’était<br />

le cas, je serais vexée que tu prennes autant<br />

de plai<strong>si</strong>r à manger un vulgaire sandwich qu’à<br />

bavarder avec moi.<br />

— Je savais que tu me pardonnerais mon<br />

manque de tact, petite sœur. Ton associée,<br />

elle, s’est montrée beaucoup moins indulgente.<br />

— Mon associée ! releva Lindsay, les yeux<br />

écarquillés de stupéfaction. Quand as-tu vu<br />

Kelly ?<br />

— Il y a vingt minutes. Je suis passé au<br />

maga<strong>si</strong>n parce que je croyais t’y trouver,<br />

mais elle m’a dit que tu ne serais de retour<br />

qu’à 13 heures.<br />

— De quoi voulais-tu me parler ?<br />

— De Sheila Hooten. Nous sommes sortis<br />

une dizaine de fois ensemble ces dernières<br />

semaines et je n’arrive pas à me débarrasser<br />

d’elle.<br />

— Je t’avais prévenu que cette fille était un<br />

vrai piranha et qu’elle ne lâchait pas facilement<br />

17


ses proies. Si tu m’avais écoutée au lieu de<br />

n’en faire qu’à ta tête, elle ne t’aurait pas piégé.<br />

— Maintenant que j’ai été assez stupide<br />

<strong>pour</strong> l’attirer dans mon lit, elle n’arrête pas<br />

de me courir après.<br />

— Que dé<strong>si</strong>re-t‐elle ? demanda Rafe.<br />

— M’épouser, quelle question ! s’exclama<br />

Pete entre deux bouchées. On voit bien que<br />

tu ne connais pas les femmes.<br />

— Comment <strong>pour</strong>rais-je les connaître ? Je<br />

n’ai pas encore réus<strong>si</strong> à me caser.<br />

— Moi non <strong>plus</strong>. <strong>Et</strong> cela ne me dérange pas,<br />

bien au contraire ! Le jour où je me laisserai<br />

enchaîner, les poules auront des dents.<br />

— Tu as tort de vouloir rester célibataire,<br />

Pete, affirma Gil en tournant vers Lindsay un<br />

regard débordant d’amour. Depuis que ta sœur<br />

et moi avons prononcé le « oui » fatidique, je<br />

suis un homme comblé.<br />

— Attends qu’elle te donne un enfant et<br />

tu regretteras de lui avoir passé la bague au<br />

doigt. Quand on est jeune marié, on s’imagine<br />

avoir trouvé le bonheur éternel dont parlent<br />

les romanciers, mais, lorsqu’on devient père<br />

de <strong>famille</strong>, on a vite fait de déchanter.<br />

— Pourquoi ?<br />

— Parce que, dès qu’elles sont enceintes,<br />

les femmes se croient tout permis. Prends ton<br />

beau-frère Brad, par exemple ! Plus le ventre<br />

18


de Cathy s’arrondit, <strong>plus</strong> elle est insupportable<br />

avec lui.<br />

— As-tu dit à Sheila Hooten que tu n’avais<br />

pas l’intention de la conduire à l’autel ?<br />

— Bien sûr ! La première fois que je l’ai<br />

invitée au cinéma, je lui ai expliqué en long,<br />

en large et en travers que je ne tenais pas à<br />

fonder un foyer.<br />

— Où est le problème, dans ce cas ?<br />

— Je donnerais cher <strong>pour</strong> le savoir.<br />

— Ah ! ce que vous pouvez être obtus,<br />

vous, les hommes, s’écria Lindsay en hochant<br />

la tête d’un air accablé. Si vous participiez<br />

à une corrida et que vous agitiez un chiffon<br />

rouge sous les yeux d’un taureau, vous ne vous<br />

attendriez pas qu’il quitte l’arène sans avoir<br />

combattu. Alors, <strong>pour</strong>quoi voudriez-vous que<br />

Sheila dépose les armes dès maintenant ? Ce<br />

n’est pas parce que tu l’as informée de ton<br />

allergie au mariage, Pete, qu’elle va y renoncer<br />

<strong>pour</strong> autant.<br />

— Que dois-je faire <strong>pour</strong> qu’elle me fiche<br />

la paix ?<br />

— Cesser de la voir, conseilla Gil.<br />

— Il y a deux semaines que je ne lui ai pas<br />

téléphoné et que j’essaie de l’éviter quand je<br />

vais en ville, mais cela ne l’empêche pas de<br />

me tourner autour comme une abeille autour<br />

d’un pot de miel.<br />

19


— Le meilleur moyen de la décourager<br />

serait que tu sortes avec une autre femme,<br />

conseilla Lindsay. <strong>Une</strong> femme qui n’aurait pas<br />

<strong>plus</strong> envie que toi de fonder un foyer et qui<br />

accepterait de jouer les amoureuses tran<strong>si</strong>es<br />

jusqu’à ce que Sheila aille débusquer une<br />

nouvelle victime à Oklahoma City.<br />

— Je n’en connais aucune qui ne rêve pas<br />

d’alliance et de robe à traîne, bougonna Pete.<br />

— Moi, <strong>si</strong>, rétorqua sa sœur, un sourire<br />

malicieux aux lèvres.<br />

— De qui s’agit-il ?<br />

— De Kelly. Elle a une telle phobie du<br />

mariage qu’elle ne risque pas de te pousser<br />

devant mon<strong>si</strong>eur le maire. <strong>Une</strong> fois que je lui<br />

aurai expliqué la <strong>si</strong>tuation, elle sera ravie de<br />

t’aider.<br />

— Rien n’est moins sûr, grommela Pete<br />

en se rappelant la gifle qu’il avait reçue et en<br />

frottant discrètement sa joue endolorie.<br />

« Je ne lui parlerai pas de la vi<strong>si</strong>te que m’a<br />

rendue son frère ce matin, décida Kelly lorsque<br />

Lindsay vint la relayer à 13 heures. Plus vite<br />

j’oublierai les baisers qu’il m’a donnés et<br />

l’inqualifiable légèreté dont j’ai fait preuve,<br />

mieux je me porterai. »<br />

20


— Maintenant que tu es de retour, dit-elle<br />

à son amie, je vais aller rejoindre ma mère<br />

et <strong>Drew</strong>.<br />

— Tu n’as pas déjeuné ?<br />

— Non. Je n’ai pas bougé d’ici depuis ton<br />

départ.<br />

— Ton fils doit être impatient de t’embrasser.<br />

A deux ans, on n’aime pas être séparé de sa<br />

maman.<br />

— Grâce à toi, je ne suis jamais très loin de<br />

lui. Si tu n’avais pas acheté l’appartement qui<br />

se trouve au-dessus du maga<strong>si</strong>n et n’avais pas<br />

eu la gentillesse de le mettre à ma dispo<strong>si</strong>tion<br />

moyennant un loyer dérisoire, j’habiterais encore<br />

dans un affreux mobile home, à la sortie de<br />

la ville, et je ne <strong>pour</strong>rais pas m’occuper de<br />

<strong>Drew</strong> autant que je le voudrais.<br />

— Quand je suis rentrée à Lawton après<br />

avoir passé un an à Chicago et que Gil m’a<br />

convaincue de l’épouser, je suis allée vivre<br />

chez les Daniels. Il était donc normal que je<br />

te laisse l’appartement. N’importe qui, à ma<br />

place, aurait fait la même chose.<br />

— Je n’en suis pas certaine. Tu as été<br />

formidable et je te remercie de ta généro<strong>si</strong>té,<br />

de ton…<br />

— Trêve de compliments, ou je vais me<br />

prendre <strong>pour</strong> une sainte, coupa Lindsay.<br />

— D’accord, je me tais, répliqua Kelly<br />

21


dans un éclat de rire. Je n’aimerais pas que<br />

ta tête double de volume et que tes chevilles<br />

se mettent à enfler.<br />

Puis, redevenant sérieuse, elle ajouta :<br />

— Si tu as trop de clientes à servir pendant<br />

que je serai au premier et que tu as besoin<br />

d’aide, n’hé<strong>si</strong>te pas à m’appeler.<br />

— Entendu.<br />

Après avoir refermé le livre de comptes<br />

qu’elle avait passé une heure à vérifier, Kelly<br />

s’élança vers l’escalier de bois qui menait à<br />

l’étage et grimpa les marches quatre à quatre.<br />

— Salut, mon pous<strong>si</strong>n, dit-elle à son fils en<br />

ouvrant la porte de la cui<strong>si</strong>ne et en le voyant<br />

gigoter dans sa chaise haute. Qu’est-ce que ta<br />

mamie t’a préparé de bon ?<br />

— De la purée de pommes de terre, des<br />

brocolis et du steak haché, répondit Mary<br />

Wildenthal, la mère de Kelly. Les choux ont<br />

beau être délicieux, ce petit brigand refuse<br />

d’y goûter.<br />

— Montre-lui le cookie auquel il aura droit<br />

à la fin du repas et je suis sûre qu’il avalera en<br />

un rien de temps tout ce que tu lui donneras.<br />

— Cookie ! claironna <strong>Drew</strong>, les joues<br />

creusées d’adorables fossettes.<br />

— Je sais que tu préfères les biscuits aux<br />

légumes, mon chéri, répliqua Kelly, mais il<br />

22


faut d’abord que tu te dépêches de vider ton<br />

as<strong>si</strong>ette.<br />

— Toi aus<strong>si</strong>, tu ferais bien de ne pas<br />

lambiner, car il risque d’y avoir foule au<br />

maga<strong>si</strong>n cet après-midi, déclara Mary avant<br />

de lâcher la cuillère qu’elle essayait vainement<br />

d’introduire dans la bouche de <strong>Drew</strong>. Je t’ai<br />

préparé une blanquette de veau dont tu me<br />

diras des nouvelles.<br />

— Tu aurais dû te contenter d’acheter une<br />

pizza au supermarché, protesta Kelly en se<br />

laissant tomber sur une chaise. Je t’ai déjà<br />

expliqué que je ne voulais <strong>plus</strong> te voir trimer<br />

comme à l’époque où tu étais serveuse.<br />

— Si je t’obéissais et que je me roulais les<br />

pouces du matin au soir, j’aurais l’impres<strong>si</strong>on<br />

d’être un poids mort. Quand on a travaillé dur<br />

toute sa vie, on ne peut pas s’arrêter du jour<br />

au lendemain.<br />

Lorsqu’elle était tombée enceinte à l’âge<br />

de seize ans et que son père l’avait jetée à la<br />

rue par crainte du scandale, Mary avait été<br />

obligée d’accepter le premier emploi qu’on<br />

lui avait proposé.<br />

— Au lieu de suivre mon exemple et de<br />

rester du lundi au samedi derrière ton comptoir,<br />

dit-elle à sa fille pendant que celle-ci déjeunait,<br />

tu devrais sortir et te trouver un petit ami.<br />

— C’est plutôt toi qui devrais chercher<br />

23


à te distraire, maman, riposta Kelly deux<br />

secondes avant que la sonnerie stridente de<br />

l’Interphone ne lui vrille les tympans. Il faut<br />

que je redescende immédiatement, car le<br />

maga<strong>si</strong>n est noir de monde, annonça‐t‐elle<br />

après avoir échangé quelques mots avec<br />

Lindsay. Viens me rejoindre en bas dès que<br />

tu auras mis <strong>Drew</strong> au lit.<br />

Puis, sans avoir pris le temps de goûter à la<br />

splendide tarte aux fraises que sa mère avait<br />

confectionnée, elle se rua vers l’escalier.<br />

— Je suis éreintée, se plaignit Lindsay cinq<br />

heures <strong>plus</strong> tard, lorsque la dernière cliente eut<br />

quitté la boutique, ses emplettes sous le bras.<br />

— Tu sais combien nous avons gagné<br />

aujourd’hui ? Trois mille dollars ! exulta Kelly<br />

en refermant le tiroir de la caisse enregistreuse.<br />

— Les robes du soir que nous avons achetées<br />

à Dallas ont eu un tel succès qu’il n’en<br />

reste <strong>plus</strong> que deux. Demain matin, il faudra<br />

que nous téléphonions à notre fournisseur et<br />

que nous lui demandions de nous en livrer<br />

d’autres avant le début du week-end.<br />

— Bonne idée ! Je l’appellerai à l’ouverture<br />

et je préviendrai ensuite Addie McCracken<br />

que nous allons avoir un nouvel arrivage. Le<br />

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fourreau prune qui est en vitrine lui plaisait,<br />

mais il n’était pas à sa taille.<br />

— Quand est-elle passée au maga<strong>si</strong>n ?<br />

— Le 15. Elle voulait s’offrir une jolie<br />

toilette <strong>pour</strong> son anniversaire et elle a été<br />

déçue de ne pas trouver son bonheur.<br />

— Puisque tu as une telle mémoire, comment<br />

se fait-il que tu aies oublié de me parler de la<br />

vi<strong>si</strong>te que t’a rendue mon frère pendant que<br />

j’étais au ranch ?<br />

— Eh bien… parce qu’il n’y avait rien à en<br />

dire, bredouilla Kelly, prise de court. Pete te<br />

cherchait et je l’ai informé que tu étais partie<br />

déjeuner chez les Daniels.<br />

— Il ne t’a pas embêtée, au moins ?<br />

— Non, non. Il a été très… aimable.<br />

— Tant mieux, car il va avoir besoin de<br />

ton aide.<br />

— Je ne vois pas en quoi je <strong>pour</strong>rai lui être<br />

utile. Je suis une piètre cavalière et je ne sais<br />

pas me servir d’un lasso.<br />

— Ce n’est pas un cow-boy qu’il a l’intention<br />

d’engager, c’est quelqu’un qui accepte d’aller<br />

au cinéma et au restaurant avec lui.<br />

— Vu les dizaines de jolies filles qui lui<br />

tournent autour à longueur d’année, il ne devrait<br />

pas avoir de mal à dénicher la perle rare.<br />

— Il a effectivement beaucoup de succès<br />

auprès des habitantes de Lawton, mais ta<br />

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candidature est mille fois <strong>plus</strong> intéressante<br />

que la leur parce que tu ne rêves pas de bague<br />

au doigt.<br />

— Si Pete a décidé de briser le cœur d’une<br />

autre femme, qu’il ne compte pas sur moi ! Il<br />

a une telle expérience en la matière qu’il sera<br />

capable de se débrouiller tout seul.<br />

— Non, justement. Bien qu’il ait prévenu<br />

Sheila Hooten qu’il souhaitait rester célibataire,<br />

elle dit à qui veut l’entendre qu’il lui a promis<br />

de l’épouser. Comme il n’est pas amoureux<br />

d’elle et qu’il ne tient ni à convoler ni à passer<br />

<strong>pour</strong> un infâme séducteur, il ne lui reste qu’un<br />

moyen de s’en tirer : faire croire aux gens qu’il<br />

a une nouvelle fiancée.<br />

— Après ce qui m’est arrivé il y a deux ans,<br />

je n’ai aucune envie de sortir avec un homme.<br />

— Personne ne te demande de tomber dans<br />

les bras de Pete. Il faudrait <strong>si</strong>mplement que tu<br />

l’accompagnes trois ou quatre fois au cinéma<br />

et que tu joues la comédie.<br />

— Désolée, je n’ai aucun talent d’actrice.<br />

— Pense un peu au chagrin qu’éprouveront<br />

mes parents <strong>si</strong> Sheila accule mon frère au<br />

mariage ou <strong>si</strong> elle ruine sa réputation. Cette<br />

fille est un poison et je préférerais l’étrangler<br />

de mes propres mains que de la voir entrer<br />

dans la <strong>famille</strong>.<br />

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« Que répondre à cela ? s’interrogea Kelly<br />

en se mordillant les lèvres, indécise. Soit<br />

je refuse d’aider Pete et il sera malheureux<br />

jusqu’à la fin de sa vie, soit j’accepte et c’est<br />

moi qui serai en danger. »<br />

— Je me doutais bien que tu allais hé<strong>si</strong>ter,<br />

<strong>pour</strong>suivit Lindsay. Alors, avant de quitter la<br />

maison cet après-midi, j’ai cherché un moyen<br />

de te convaincre et je l’ai trouvé.<br />

— Que vas-tu encore me proposer ?<br />

— D’inviter un autre couple à vous<br />

accompagner, Pete et toi.<br />

— Quel couple ?<br />

— Rafe Hernandez et ta mère. Ils sont<br />

pratiquement du même âge tous les deux et,<br />

à en juger par les regards qu’ils se sont lancés<br />

la dernière fois que Mary et <strong>Drew</strong> sont venus<br />

dîner à la maison, je ne serais pas surprise<br />

qu’il y ait anguille sous roche.<br />

— Tu as demandé à Rafe ce qu’il pensait<br />

de ton idée ?<br />

— Oui. Je lui ai dit que mon frère avait<br />

besoin d’aide et que tu n’accepterais de sortir<br />

avec lui qu’à la condition d’être chaperonnée.<br />

— Que t’a-t‐il répondu ?<br />

— Qu’il serait très honoré d’emmener Mary<br />

au cinéma.<br />

« Dieu du ciel ! se lamenta Kelly en voyant<br />

un sourire arquer les lèvres de Lindsay. Moi<br />

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qui m’étais promis de fuir les hommes comme<br />

la peste, je vais être obligée de supporter cet<br />

insolent de Pete Crawford jusqu’à ce que son<br />

ex-petite amie soit fatiguée de le harceler. »<br />

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