Le piège de la séduction - Troublantes retrouvailles ... - Harlequin

1.
— J’ai changé d’avis, annonça brusquement Josh à son agent.
Là-dessus, il lui décocha un sourire indolent qui donna
à Alec Jordan l’envie de s’arracher le peu de cheveux qu’il
lui restait.
Josh Prentice n’était pas uniquement son client le plus
important, il était également son ami et, à ce titre, Alec
savait parfaitement que ce sourire cachait quelque chose.
L’indolence n’était pas la caractéristique principale de ce bel
homme vigoureux, au corps d’athlète.
Rassemblant toute sa patience, Alec répéta pour la troisième
fois, en détachant bien chaque syllabe :
— Josh, demain soir, tu dois participer à cette émission
télévisée, à Paris. Ton exposition commence la semaine
prochaine, ce sera une excellente promotion. Et puis ton petit
accent anglais fait craquer tous les Français.
Découragé par le visage impassible de l’artiste, Alec serra
les dents. Décidément, la flagornerie ne fonctionnait pas du
tout avec Josh !
— Je te rappelle que cette interview a déjà été reportée à
cause de l’anniversaire de Liam ! plaida-t‐il encore.
Voilà comment Josh le remerciait pour les trésors de
diplomatie qu’il déployait en permanence afin de lui permettre
de concilier obligations professionnelles et responsabilités
paternelles !
— A propos, merci pour la moto téléguidée, déclara Josh.
Liam en a oublié tous ses autres jouets.
A ces mots, Alec poussa un soupir de découragement. Les
yeux gris de Josh ne semblaient pas prêts à faire la moindre
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concession. D’ailleurs, ces derniers temps, une certaine
dureté y brillait en permanence, sauf lorsqu’ils se posaient
sur son fils, Liam.
Ah, les artistes maudits qui mouraient de faim dans leur
atelier étaient bien plus faciles à manœuvrer ! songea Alec.
Car Josh, de son côté, était impossible : non seulement il était
un peintre reconnu à l’échelle internationale, mais il n’avait
même pas besoin de vendre ses œuvres pour vivre étant donné
l’étendue de sa fortune personnelle.
— Ta place sur le vol pour Paris est réservée, précisa Alec.
— Annule-la ! rétorqua Josh d’un ton si déterminé que
son ami se laissa choir dans un fauteuil, vaincu.
— Daignerais-tu au moins m’expliquer pour quelle raison
tu refuses de faire ce voyage ? Et par pitié, ne me parle pas
de caprice d’artiste car nous savons toi et moi que tu n’en as
pas le tempérament !
Devant cette accusation, Josh retint un léger tremblement
de la lèvre supérieure.
— La raison ? se contenta-t‐il de répéter en remontant
lentement la fermeture Eclair de son blouson.
Lorsqu’il releva la tête, il se heurta au regard interrogateur
et fortement agacé de son ami. Qui, de son côté, frémit
devant les profondeurs abyssales des yeux gris pâle de Josh.
Il venait d’y lire toute une gamme d’émotions tempétueuses,
intenses, féroces. En un mot, inquiétantes. C’était la première
fois depuis le décès de Birdie et les semaines funestes qui
avaient suivi qu’elles refaisaient surface.
A l’époque, une rage profonde et absolue consumait Josh.
Seul son frère jumeau, Jake, avait eu le courage d’affronter son
désespoir à fleur de peau et de lui rendre visite régulièrement
pour tenter de le réconforter.
— Je vais te dire la raison, annonça Josh tandis que sa
bouche sensuelle se crispait en un trait dur. Je suis de près
les faits et gestes d’une certaine personne, en ce moment. Et
pour devancer ta question, oui, il s’agit bien d’une femme.
— Ah, c’est donc ça ! s’exclama Alec, soulagé, tandis
qu’un lent sourire éclairait son visage.
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Enfin une autre femme dans la vie de Josh ! Au diable
Paris ! se dit-il, magnanime.
La face réjouie, il ajouta :
— Il était grand temps !
En effet, n’était-il pas contre nature qu’un homme comme
Josh mène une vie monacale ? Evidemment, il ne s’était pas
attendu à ce que son ami s’éprenne de la première femme
venue juste après la tragique disparition de Birdie. Néanmoins,
quatre ans, c’était une période de deuil et d’abstinence bien
trop longue !
— Pourquoi n’en disais-tu rien, petit cachottier ? s’enquit
Alec. Peut-on savoir son nom ?
— Flora Graham.
Alec faillit s’étrangler.
— Ne me dis pas qu’il s’agit de la fille de celui qui… ?
Lui adressant un sourire glacial, Josh compléta :
— De celui qui a tué ma femme. Eh bien, si !
Que mijotait Josh ? s’interrogea Alec, profondément choqué
par cette révélation.
Et dire qu’il avait cru que son ami s’était enfin remis
du décès en couches de sa jeune épouse qu’il adorait ! Une
terrible blessure qui s’était ravivée dernièrement lorsque le
respectable obstétricien David Graham avait fait la une de
l’actualité pour usage et trafic de drogue.
Ainsi que l’enquête l’avait établi, l’accusation émanait
de son ancienne assistante qui, après avoir exercé un vain
chantage sur le médecin pour qu’il l’approvisionne en
cocaïne, avait fini par le dénoncer. Les médias s’étaient
immédiatement emparés de l’affaire et l’avaient exploitée
sous tous les angles.
La disparition de Birdie n’avait pas suscité un tel intérêt
médiatique et l’enquête officielle menée à la demande de
Josh avait abouti à un non-lieu. Rien n’avait pu être retenu
contre Sir David concernant la moindre défaillance dans
l’exercice de ses fonctions. Conclusion qui avait exacerbé
le sentiment d’injustice qui rongeait Josh et nourri son désir
de revanche…
Et si Josh était réellement tombé amoureux de la fille de
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celui qu’il s’entêtait à appeler l’assassin de sa femme ? pensa
subitement Alec. Pourquoi vouloir absolument lui prêter de
troubles intentions ?
— Flora Graham est ravissante, déclara-t‐il afin de tâter
le terrain.
Il l’avait vue de nombreuses fois à la télévision, dans le
cadre du procès intenté à son père. Elle répondait toujours
avec un sang-froid remarquable aux questions indiscrètes
des journalistes. Si sa beauté était indéniable, sa froideur ne
l’était pas moins. Pour sa part, la demoiselle l’aurait mis fort
mal à l’aise ; Josh, en revanche, n’était pas le genre d’homme
à se laisser déstabiliser.
— Une belle blonde, poursuivit Alec. J’ignorais que tu la
connaissais personnellement. Où vous êtes-vous rencontrés ?
— Nous ne nous sommes pas encore rencontrés, précisa
alors Josh. Voilà pourquoi je la suis.
A cet instant, une inquiétante prémonition submergea Alec.
— Et que comptes-tu faire exactement une fois que vous
aurez fait connaissance ? demanda-t‐il, redoutant le pire.
Josh ne répondit pas immédiatement. Il ruminait la façon
dont il allait se venger.
A plusieurs reprises, Flora avait eu l’opportunité de
condamner publiquement les agissements de son père. Or elle
s’en était toujours gardée. Pire : elle avait systématiquement
pris sa défense, répondant avec une précision presque clinique
à toutes les questions des journalistes. Quant à Graham, il avait
été condamné à un séjour dans un centre de désintoxication,
au lieu d’aller en prison, comme l’espérait Josh.
Finalement — et en raison de l’inconstance propre à la
presse —, David Graham, un trafiquant de drogue, criminel
de surcroît, était apparu comme une victime qui n’avait
porté préjudice à personne d’autre qu’à lui-même. Le coup
de grâce pour Josh ! Il avait alors pris la décision d’exercer
sa vengeance sur sa fille qui, selon des sources sûres, était
sur le point de quitter la ville.
Fermant à moitié les paupières, Josh se tourna vers Alec
et répondit :
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— Dans le détail, je l’ignore encore, mais le but est de
la faire souffrir.
Dût-il, pour cela, la séduire !
Une demi-heure après avoir quitté l’autoroute, Flora se
rendit compte qu’elle était suivie. Nul doute qu’il s’agissait
d’un journaliste, pensa-t‐elle en jetant un coup d’œil dans
le rétroviseur. La férocité des médias lui avait rendu la vie
impossible ces derniers mois. Cela ne leur suffisait-il pas
qu’elle fût contrainte de quitter la ville comme une fugitive ?
Devaient-ils encore la poursuivre en voiture ?
Trop, c’était trop ! décréta-t‐elle en freinant brutalement
pour se garer sur le bas-côté, après un long virage. Elle ne fut
guère surprise de voir le cabriolet rouge qui la traquait piler
quelques mètres plus loin. Les platanes et le virage avaient
empêché son conducteur de réagir plus tôt.
Malgré elle, ses mains se crispèrent sur le volant. Fermant
les yeux, elle prit une profonde inspiration. Il était urgent
qu’elle cesse de se comporter comme une victime et qu’elle
montre à tous ces importuns de quel bois elle se chauffait.
Au diable la diplomatie !
Forte de cette résolution, elle descendit de voiture.
Ses talons martelaient violemment le sol tandis qu’elle
se dirigeait d’un pas décidé vers le coupé sport. Arrivée à la
hauteur du véhicule, elle s’agenouilla devant la roue arrière
et, au bout de quelques secondes, entendit avec satisfaction
l’air sortir du pneu qu’elle venait de crever.
La vengeance était, dans certains cas, excellente pour
la santé, pensa-t‐elle alors, libérée du poids qui pesait sur
son estomac depuis des jours. Se relevant, elle plaqua les
poings sur ses hanches et scruta d’un petit air de triomphe
le conducteur qui s’avançait vers elle.
— Qu’est-ce qui vous prend ? s’exclama ce dernier en
guise de préambule.
Immédiatement, Flora reconnut son poursuivant : c’était
le journaliste le plus tenace parmi tous ceux qui avaient
campé sous ses fenêtres, depuis l’arrestation de son père. A
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présent, il regardait d’un air médusé son pneu se dégonfler
lentement. Quant à Flora, elle éclata de rire. C’était par trop
jubilatoire — mais bien imprudent, pensa-t‐elle fugitivement.
L’individu était d’une carrure imposante et, de toute évidence,
d’une humeur massacrante.
Pourquoi ne s’était-elle pas arrêtée tout simplement au
poste de police le plus proche pour dénoncer son poursuivant ?
En proie à la plus vive colère, elle avait entièrement oublié
qu’elle se trouvait sur une route déserte, dans un endroit isolé !
Au même instant, comme pour renforcer ses craintes, une
rafale de vent secoua les platanes et un murmure inquiétant
fit bruisser les feuillages.
— Espèce de petite garce ! poursuivit le journaliste, hors
de lui. Vous venez de commettre un délit !
Ne disait-on pas que la meilleure façon de se défendre
était d’attaquer ? Aussi rétorqua-t‐elle :
— Dans ces conditions, un point partout ! Et ôtez vos
sales pattes de ma personne.
L’homme venait en effet de l’agripper par le bras et, en
dépit de ses efforts, Flora ne parvenait pas à se libérer. Le
chapeau dernier cri qu’elle avait délicatement ajusté sur sa
tête avant de quitter son appartement lui tomba sur le front.
Tom Channing n’avait nulle intention de frapper Flora
Graham, cependant, il éprouva une vive satisfaction devant
son désarroi. Ainsi, sous la façade hautaine de cette mijaurée,
une émotion affleurait enfin ! Pendant des semaines, elle s’était
trouvée sous le feu des projecteurs et pas une fois elle n’avait
craqué. C’était ce que les journalistes — et lui en particulier
— lui pardonnaient le moins. Toute personne normale
aurait dû montrer des signes de faiblesse devant le harcèlement
médiatique dont elle avait été victime. Mais elle, non ! Elle
traversait les événements avec une impassibilité exaspérante.
Enfin, pour couronner le tout, ses amis restaient loyaux et
solidaires, refusant la moindre interview aux journalistes !
Du jamais vu qui rendait la tâche des médias des plus ardue.
Comment alimenter les journaux et magazines à sensation si
le gotha de la ville restait moralement correct ?
C’était précisément pour cette raison que Tom Channing
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continuait à la poursuivre, même si l’affaire Graham avait
cessé de tenir le public en haleine.
— Vous avez un problème ? s’enquit une voix masculine.
Le journaliste tressaillit et tourna la tête dans la direction
de la voix. Une voix profonde et veloutée qui captiva immédiatement
Flora, également charmée, au fur et à mesure que
son sauveur se rapprochait, par ses beaux yeux gris en amande
et sa bouche aussi tentatrice que le péché.
Apollon en personne était-il descendu de son Olympe pour la
secourir ? se demanda-t‐elle en admirant ses superbes épaules
d’athlète et ses jambes musclées. Une force éminemment
sexy émanait de tout son être, une énergie presque sauvage.
Une femme raisonnable n’aurait-elle pas dû déguerpir à vive
allure ? se demanda Flora dans un éclair de lucidité.
Hélas ! Incapable de faire le moindre geste, le souffle
court, elle le dévorait littéralement des yeux. Soudain, une
petite silhouette entra subrepticement dans son champ de
vision — une copie bien trop conforme pour ne pas être le
fils du nouvel arrivant ! Elle avisa alors le petit anneau en or
qui brillait à l’annulaire gauche du père.
Un homme marié ! Elle devait immédiatement cesser de
fantasmer !
— Il s’agit juste d’un petit malentendu, déclara précipitamment
le journaliste en relâchant le bras de Flora.
Tom Channing ne tenait pas spécialement à se bagarrer
avec le Monsieur Muscle qui se tenait devant lui. En outre,
la présence du gamin agrippé à ses jambes proscrivait toute
violence. Curieux ! Le visage de cet homme lui était vaguement
familier…
Flora frotta vivement son bras à l’endroit où les doigts
du rustre s’étaient posés, comme pour effacer la souillure
invisible qu’ils y avaient laissée. Elle redressa ensuite son
chapeau d’un geste agacé. Encore un peu, et l’importun allait
prétendre qu’il la poursuivait fortuitement !
Retenant de justesse la réplique acerbe qui lui brûlait le bout
de la langue, Flora se contenta d’un sourire crispé. Inutile de
se lancer dans des explications qui auraient conduit à exposer
de nouveau la sordide saga familiale au bel inconnu. Elle était
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passée par des épreuves si éprouvantes que l’incident avec ce
journaliste était, comparativement, insignifiant.
— Le terme « petit » est discutable, mais considérons que
l’incident est clos ! décréta-t‐elle en dardant sur le journaliste
ses yeux d’un bleu profond où se reflétait un dédain absolu.
Par chance, l’inconnu se contenta de cette mise au point,
même si son expression incrédule indiquait clairement qu’il
n’était pas dupe ! Se tournant vers l’agresseur de Flora, il
demanda :
— Votre pneu est-il crevé ?
— Oui, et je n’ai pas de roue de secours.
— Pas de chance, déclara Josh d’un air indifférent.
Curieux ! Pourquoi éprouvait-il si peu de compassion
envers cet homme ? Logiquement, il aurait dû ressentir une
sympathie spontanée envers tous ceux qui s’en prenaient à
la famille Graham. Or l’individu lui avait déplu au premier
coup d’œil.
Tournant la tête, Josh se heurta à l’impact du regard bleuviolet
de Flora et lui adressa sans réfléchir un petit sourire
complice. De son côté, fortement troublée par le charme de cet
apollon tombé du ciel, Flora lui décocha un sourire sublime.
Il se figea, peu préparé à la métamorphose de cette déesse
de la froideur en une femme chaleureuse et vibrante. La
subite intensité qui émanait de ses yeux couleur pervenche,
conjuguée à son petit sourire entendu, le désarçonna. Mais
ce qui le déstabilisa complètement, ce fut de découvrir ses
fossettes ! Il ignorait jusque-là combien cette particularité
physique pouvait être touchante et troublante. En tout état de
cause, cette Flora-là n’avait rien à voir avec la jeune femme
qui avait répondu, imperturbable, aux incessantes questions
des journalistes.
Flora, pourtant accoutumée aux regards masculins, se
sentit fortement perturbée par les prunelles d’un gris profond
qui la fixaient. Et simultanément flattée.
Il y avait si longtemps qu’on ne l’avait pas considérée pour
elle-même, mais pour ce qu’elle incarnait !
— Pourriez-vous me prêter votre portable ? demanda
soudain le journaliste à Josh. Le mien ne fonctionne pas.
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— On ne capte pas ici, à cause des montagnes, répondit
Josh. Il me semble cependant qu’il y a un garage à deux
kilomètres.
— Deux kilomètres ? Quelqu’un voudrait-il m’y conduire ?
Devant le mutisme des deux autres, la conclusion s’imposa
d’elle-même.
— Très bien ! dit-il d’un air offusqué en tournant les talons.
Flora dut retenir le rire qui montait en elle en voyant la
pitoyable silhouette du journaliste disparaître derrière le virage.
Bien fait ! pensa-t‐elle. Il avait enfin reçu une bonne leçon.
— Papa ! s’écria brusquement Liam d’un ton urgent.
— Que veux-tu, champion ?
— Je vais être malade…
Cette annonce ne tarda pas à être suivie d’effet. Bientôt, le
petit garçon ne put plus se retenir et rendit le contenu de son
déjeuner sur le pantalon caramel et les mocassins préférés
de Flora.
— Ah, je me sens mieux ! décréta le bambin d’un air
soulagé.
Son père lui sourit avec compassion, tout en le félicitant
in petto de la cible choisie. Puis il tendit un Kleenex à Flora,
certain que la fille chérie de Graham était au bord de l’évanouissement.
Pour une femme si sophistiquée, qui privilégiait l’apparence,
ce devait être un affront dont on se remettait durement !
D’ailleurs, se dit-il dans un élan d’honnêteté, qui aurait
apprécié qu’un enfant lui vomisse dessus ?
— Je suis heureuse que tu te sentes mieux, l’entendit-il
déclarer.
Cette fois, ce fut lui qui frôla l’évanouissement ! D’autant
qu’une œillade malicieuse à l’adresse de Liam accompagnait
ces paroles. La diablesse ! Elle ne correspondait absolument
pas à celle qu’il avait imaginée.
— Beurk, tu sens pas bon ! observa Liam.
— Ah, toi aussi, tu as remarqué ! rétorqua gentiment Flora
en plissant le nez.
— Tu dois prendre un bain, conclut le garçonnet. Hein,
papa ?
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Son père ne répondit pas, car l’image d’une Flora entièrement
nue s’était imposée brutalement à son cerveau. Il voyait
les gouttelettes d’eau glisser sur sa peau satinée, le long de
ses courbes sveltes et toutes féminines.
Oh, oh… sa libido sortait-elle de sa période d’hibernation ?
se demanda-t‐il, désarçonné. Et pourquoi fallait-il que ce soit
précisément Flora Graham qui la réveille ? Le destin avait-il
décidé de lui jouer un mauvais tour ?
— A défaut de bain, annonça Flora, je vais changer de tenue.
— Désolé, bredouilla enfin Josh tandis qu’un sourire à la
fois coupable et désemparé barrait son visage. Oui, réellement
navré, mademoiselle.
— Flora, je m’appelle Flora, précisa-t‐elle, ravie que
quelqu’un ignore encore son identité.
— Moi, c’est Josh Prentice, déclara-t‐il. Et voici Liam
qui, comme vous l’avez constaté, n’apprécie guère les trajets
en voiture. En tout cas, je tiens à payer la note du teinturier.
— Je vous en prie, nous sommes quittes, vous m’avez
débarrassée d’un importun !
Ayant soudain conscience du regard intense de Josh sur
sa personne, elle dit à Liam :
— La prochaine fois, mange des gâteaux au gingembre !
C’est très efficace contre la nausée en voiture. En tout cas,
pour moi, ça fonctionne. D’ailleurs, je crois que j’en ai un
paquet dans ma boîte à gants.
Si elle croyait qu’il n’avait pas remarqué son trouble !
A cet instant, sans qu’il comprenne bien pourquoi, elle
retira son chapeau. Par nervosité, sans doute ! Il découvrit
alors qu’elle avait sacrifié sa longue chevelure blond cendré.
Sa nouvelle coupe, courte et dégradée, soulignait sa nuque
gracile. Ce qui la rajeunissait terriblement et lui donnait un
air presque espiègle — à mille lieues de la Flora Graham dont
l’image s’affichait chaque soir sur son poste de télévision.
Instinctivement, Flora passa la main dans ses cheveux
et comme toujours fut étonnée des mèches courtes sous ses
doigts. Cependant, à l’idée que Paul désapprouverait entièrement
cette coupe, elle se félicitait de son geste de rébellion.
Son ex-fiancé n’avait-il pas confié une fois, dans un rare
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moment d’honnêteté, que les femmes aux cheveux courts
n’étaient pas féminines et qu’elles devaient avoir des problèmes
avec leurs préférences sexuelles ?
Le pire, c’était qu’il ne plaisantait pas ! Paul était réellement
misogyne. Fallait-il qu’elle manque de discernement pour
avoir envisagé de l’épouser un jour et de porter ses enfants !
— Etes-vous loin de chez vous, Flora ? demanda alors Josh.
Tout à l’heure, la course-poursuite avait été fort amusante.
Flora était tellement affairée à semer le journaliste qu’elle ne
l’avait même pas remarqué, lui. Ce qui lui avait en un sens
facilité la tâche. Hélas, le pauvre Liam avait fait les frais de
ce trajet mouvementé.
Spontanément, il se pencha vers son fils et le prit dans ses
bras. Attendrie, Flora sourit en le voyant déposer un rapide
baiser sur son petit nez piqué de taches de son. Comme
ce tableau était touchant ! Soudain, un élan de mélancolie
l’envahit : pourquoi ne rencontrait-elle jamais des hommes
comme Josh ? Et qui soient libres, de préférence !
— Je me rends chez une amie qui me prête son cottage
pendant quelque temps, à Bryn Goleu. C’est un hameau
perché en haut de cette montagne, répondit-elle enfin. Vous
connaissez ?
Il fit oui de la tête.
— Ce n’est pas très loin, mais je vais tout de même me
changer, poursuivit-elle.
— A votre aise, lui dit-il alors. Personne ne vous verra.
Etait-ce une illusion… ou avait-elle noté une certaine ironie
dans sa voix ? Et pourquoi un tel trouble la submergeait-il à
l’idée de se déshabiller à quelques mètres de ce parangon de
sensualité ? Heureusement qu’il y avait l’enfant ! se dit-elle.
Au moins, elle ne craignait rien.
— Je surveille l’endroit, ajouta Josh sur le même ton. Je
ne voudrais pas que l’on vous agresse de nouveau.
— Oh, je commence à être habituée ! ne put-elle s’empêcher
de répondre.
— Pardon ?
— C’est une longue histoire…
— Et qui ne me regarde pas.
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Elle se mit à rougir. La conversation prenait un tour bien
trop personnel !
— Navrée, je n’ai pas envie d’en parler.
— D’autant que vous ne me connaissez pas.
— Assez toutefois pour savoir que vous ne me voulez
aucun mal.
A cet instant, le beau visage de Josh Prentice se crispa
légèrement. Tiens donc…
— Qu’en savez-vous, au fond ? Peut-être que mes intentions
sont malhonnêtes, lança-t‐il tout à trac.
Elle se mit à rire, mal à l’aise.
— Vous seriez prêt à les réaliser en présence de Liam,
votre enfant ?
— Le fait d’être père me place-t‐il au-dessus de tout
soupçon ? Je suis stupéfait par la confiance que vous m’accordez.
— Cette confiance n’a rien à voir avec la paternité. Vous
savez, avec certaines personnes, c’est juste une question
d’instinct. En l’occurrence, entre nous, il y a de bonnes ondes.
Ces paroles à peine prononcées, elle les regretta vivement.
Comment avait-elle pu tenir des propos si embarrassants ?
Pour quel genre de femme allait-il la prendre ?
Visiblement, Josh n’avait nulle envie d’épiloguer, puisqu’il
décréta brusquement :
— Je vais faire quelques pas avec Liam pendant que vous
vous changez. Il a besoin de se dégourdir les jambes. Soyez
tranquille, je surveille l’endroit.
— Euh… merci, bredouilla-t‐elle en regagnant sa voiture.
Liam refusa tout net de marcher, préférant construire un
château avec de gros cailloux blancs. Son père fit alors mine
de le surveiller tout en suivant avec une attention soutenue
les contorsions de Flora à l’intérieur de sa voiture, l’œil rivé
au rétroviseur extérieur de la sienne où l’image de la belle
strip-teaseuse se reflétait.
Il se moquait de faire acte de voyeurisme. Pourquoi
aurait-il dû éprouver le moindre scrupule concernant la
famille Graham ? Il ne pouvait pas se payer ce luxe, car il
devait atteindre David Graham dans ce qu’il avait de plus
cher : sa fille unique !
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Subitement, il se rappela l’image de Birdie, douce et
souriante. Comme toujours lorsqu’il lui fallait justifier son
besoin de revanche à ses propres yeux ! Et puis il refusait de
se laisser distraire de son but par la jeune femme qui s’agitait
dans la voiture.
Le souffle coupé, il découvrit que celle-ci ne portait pas de
soutien-gorge. Sa poitrine, haute et ferme, remuait vivement
tandis qu’elle enfilait un nouveau polo en cashmere. Agacé,
il détourna les yeux.
Soudain, il entendit le bruit de ses pas légers approcher.
Il ne tourna pas la tête vers elle, mais continua de fixer son
fils qui démolissait son château de pierres en éclatant de rire.
— Parfois, ses instincts agressifs me sidèrent, déclara-t‐il.
— C’est un comportement tout à fait normal, répondit-elle.
Je suis certaine qu’à son âge vous faisiez la même chose.
— A vrai dire, mon frère, Jake, construisait les châteaux
et moi, je les détruisais. Aujourd’hui, on le rétribue largement
pour ses constructions et personne ne songe à les détruire.
— Votre frère est entrepreneur ?
— Non, architecte.
— Et vous, quelle profession exercez-vous ? demanda-t‐elle
spontanément, avant de se reprendre : excusez-moi, vous
n’êtes pas obligé de répondre.
— Dans ces conditions, je vous retourne la question, dit-il,
presque moqueur.
— Je suis avocate, répondit-elle.
— Vraiment ? J’ai toujours eu un faible pour les femmes
en uniforme.
A ces mots, il lui décocha un sourire oblique et elle sentit
son cœur s’emballer.
— Liam est-il votre seul enfant ? s’enquit-elle avec
empressement.
Façon diplomatique de changer de sujet !
— Oui, répondit-il, laconique, au bout de quelques secondes.
Il était jeune, pensa Flora. La trentaine, à peu près. Sa
femme et lui pourraient encore avoir d’autres bambins aussi
charmants que celui-ci. Pourquoi ressentait-elle subitement
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un pincement d’envie au cœur, elle qui n’avait jamais éprouvé
de forts instincts maternels ?
— Moi aussi je suis enfant unique, enchaîna-t‐elle.
— Vos parents ont dû vous combler de toutes leurs
attentions.
— Ma mère est décédée il y a cinq ans, dit-elle brusquement.
Instinctivement, par compassion, il toucha la main de Flora.
Elle demeura pétrifiée, continuant de fixer l’enfant, elle aussi,
tandis que de drôles de sensations parcouraient son corps. Sa
peau lui parut subitement si sensible qu’elle en devint presque
douloureuse. Elle ne s’était pas du tout attendue à ce brusque
éveil de sa sensualité !
Les symptômes se dissipèrent sans disparaître totalement
lorsque Josh retira sa main.
— Il est temps que je parte, décréta-t‐elle brusquement,
consciente qu’elle s’était attardée bien trop longtemps. Merci
pour tout.
Rien n’avait préparé Josh à la violente envie qui le submergea
à cet instant : faire l’amour à Flora Graham. Mais cette option
était censée être un moyen de prendre sa revanche et non un
but en soi !
Il lui aurait fait l’amour en fermant les yeux, en savourant
sa vengeance. Il était aisé de tirer profit de personnes dépourvues
de cœur ou de sentiments. Pourquoi fallait-il que Flora
n’appartienne pas à cette catégorie ? Maudit soit le sort ! Elle
était d’une spontanéité désarmante.
Allons, trêve de sentimentalisme ! se dit-il. Il devait exploiter
le filon des fameuses ondes auxquelles elle avait fait allusion,
tout à l’heure. Flora lui faisait confiance, elle était psychologiquement
fragile après le procès de son père, vulnérable. Il
serait aisé de la séduire. Puis de lui assener la vérité.
Il savait que ses lèvres pouvaient accomplir des prodiges.
Il suffisait de les laisser agir.
Flora vacilla légèrement quand Josh détacha sa bouche
de la sienne.
— Pourquoi avez-vous fait cela ? demanda-t‐elle enfin.
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— Je voulais vérifier si vous possédiez l’instinct de conservation.
Et je constate que non ! Je pourrais être le pire criminel,
et vous vous laissez embrasser sans protester ! Il ne faut pas
se fier aux apparences ! lui assena-t‐il alors avec colère. Ce
n’est pas parce qu’un homme vous plaît physiquement qu’il
est conforme à ce que vous attendez de lui.
— Qui vous dit que vous me plaisez physiquement ?
— Je n’ai pas eu l’impression que vous m’ayez repoussé,
au contraire.
— Bien des hommes ne se plaindraient pas de ma
coopération ! rétorqua-t‐elle, mortifiée, avant d’ajouter : et
qu’essayez-vous de me dire ? Que vous m’avez embrassée
par pure bonté d’âme ? Pour me prouver qu’il ne faut faire
confiance à personne ? Pour me donner une leçon ?
— Je vous ai embrassée car j’en avais envie, admit-il,
furieux contre lui-même.
Il tourna alors vers Flora son regard tourmenté et elle fut
bouleversée. Etait-ce elle qui lui inspirait ce profond désespoir ?
— Regarde mon nouveau château, papa !
Tout à coup, le cœur de Flora fit un brusque bond dans
sa poitrine.
Comment avait-elle pu oublier ce petit détail ? La bague que
Josh portait au doigt ! Sans compter le fruit de son mariage
qui jouait à quelques mètres d’elle.
— Votre femme sait-elle que vous cédez parfois à vos
impulsions ? demanda-t‐elle alors d’une voix tremblante. Et
ce, en présence de votre fils !
— Mon épouse est décédée… Et depuis sa disparition
vous êtes la première femme que j’ai envie d’embrasser.
Il avait prononcé cette dernière phrase malgré lui.
Instinctivement, Flora ferma les yeux, luttant contre des
larmes d’émotion, lui reprochant presque sa confidence. Les
beaux ténébreux tourmentés, non merci ! Elle devait impérativement
retrouver une paix intérieure après les épreuves
qu’elle venait de vivre ! C’était une question de survie !
D’ailleurs, n’était-ce pas Josh qui avait évoqué l’instinct de
conservation ?
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Le cœur brisé, elle prit enfin congé du père et du fils, se
faisant violence pour ne pas donner son numéro de téléphone
à Josh. Sa vie était suffisamment compliquée comme ça.
Pourquoi rechercher la compagnie d’un homme dangereux ?
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