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Jean-François Pinazza - Gymnase de Morges

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<strong>Jean</strong>-<strong>François</strong> <strong>Pinazza</strong><br />

La critique <strong>de</strong> la religion dans<br />

Les Misérables <strong>de</strong> Victor Hugo<br />

3M03<br />

Introduction<br />

Le but <strong>de</strong> ce travail est <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce et d’analyser les différentes critiques<br />

que Victor Hugo adresse à la religion catholique dans Les Misérables, et plus particulièrement<br />

celle qu'il prononce à l’encontre <strong>de</strong>s hommes d'église. Ce travail est divisé en trois parties,<br />

chacune traitant d'un trait <strong>de</strong> caractère <strong>de</strong>s ecclésiastiques différent que Victor Hugo critique :<br />

1. Leur caractère avare<br />

2. Leur caractère ambitieux<br />

3. Leur caractère paresseux<br />

Première partie : l’avarice<br />

À plusieurs reprises, il est clairement dit dans Les Misérables que les prêtres sont<br />

avares. Le premier exemple soutenant ce reproche se trouve au milieu <strong>de</strong> la page 42 : "Ces<br />

prêtres sont tous ainsi. Avi<strong>de</strong>s et avares. Celui-ci a fait le bon apôtre en arrivant. Maintenant il<br />

fait comme les autres. Il lui faut carrosse et chaise <strong>de</strong> poste. Il lui faut du luxe comme aux<br />

anciens évêques.". Même si les habitants ne connaissent pas encore très bien Monseigneur<br />

Bienvenue, ils pensent, par expérience, qu'il est avare et aime le luxe, et ce tout simplement<br />

parce qu'il est évêque. Il existait donc un lien dans l'esprit <strong>de</strong>s gens entre le fait d’être prêtre et<br />

celui d’être avare. Pour qu’un tel lien apparaisse, les habitants <strong>de</strong> Digne ont dû, par le passé,<br />

rencontrer plusieurs ecclésiastiques avares, et Victor Hugo nous montre donc ici que <strong>de</strong><br />

nombreux hommes d’église sont intéressés par l’argent et le luxe. Un autre exemple se trouve<br />

au milieu <strong>de</strong> la page 766 : "Ce frère, dont il est resté peu <strong>de</strong> souvenir, était un paisible avare,<br />

qui, étant prêtre, se croyait obligé <strong>de</strong> faire l’aumône aux pauvres qu’il rencontrait, mais il ne<br />

leur donnait jamais que <strong>de</strong>s monnerons ou <strong>de</strong>s sous démonétisés.". Dans cet exemple précis, il<br />

est possible <strong>de</strong> voir une critique directe <strong>de</strong> la religion. En effet, le prêtre est tiraillé entre sa<br />

nature d'homme avare et sa profession. Pour résoudre ce dilemme, il donne <strong>de</strong> la fausse<br />

monnaie aux pauvres. Ce passage est une critique du vœu <strong>de</strong> pauvreté <strong>de</strong>s prêtres. En effet,<br />

avec cet exemple, il est montré que ce vœu, prononcé par <strong>de</strong> nombreux ordres catholiques,<br />

n'est pas approprié à la nature humaine. De plus, au bas <strong>de</strong> la page 90, il est dit : "Cependant,<br />

chez les gens d’église, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la représentation et <strong>de</strong>s cérémonies, le luxe est un tort.".<br />

Mais, juste quelques lignes plus haut, Monseigneur Myriel montre au lecteur que les évêques<br />

<strong>de</strong> l’époque vivaient dans le luxe : "Les belles pendules ! les beaux tapis ! les belles livrées !<br />

Ce doit être bien importun ! Oh ! que je ne voudrais pas avoir tout ce superflu-là à me crier<br />

sans cesse aux oreilles : Il y a <strong>de</strong>s gens qui ont faim ! il y a <strong>de</strong>s gens qui ont froid ! il y a <strong>de</strong>s<br />

pauvres ! il y a <strong>de</strong>s pauvres !". Ainsi, ils ne respectent pas la pauvreté qui, d'après Myriel, était<br />

nécessaire pour être un bon prêtre, car il dit, au sommet <strong>de</strong> la page 91 : "La première preuve<br />

<strong>de</strong> la charité chez le prêtre, chez l’évêque surtout, c’est la pauvreté.". Ainsi les prêtres, <strong>de</strong> par<br />

leur nature avare, ne peuvent pas être <strong>de</strong> bon prêtre. Le passage suivant qui critique également<br />

le caractère avare <strong>de</strong>s ecclésiastiques se trouve au bas <strong>de</strong> la page 495. Il est dit : "On disait<br />

dans le village qu'il avait étudié pour être prêtre." Il est ici question du Thénardier. Or le


Thénardier est avare, méchant, prêt à n'importe quoi pour s'enrichir, etc. Et il aurait étudié<br />

pour être prêtre. Cela montre bien que n'importe qui pourrait <strong>de</strong>venir prêtre. Un <strong>de</strong>rnier<br />

exemple pour l'avarice <strong>de</strong>s prêtres, même si cette fois il n'est pas question directement <strong>de</strong>s<br />

prêtres, se trouve au bas <strong>de</strong> la page 229 : "Dans les premiers temps, quand on le vit<br />

commencer, les bonnes âmes dirent : C'est un gaillard qui veut s'enrichir. Quand on le vit<br />

enrichir le pays avant <strong>de</strong> s’enrichir lui-même, les mêmes bonnes âmes dirent : C’est un<br />

ambitieux. Cela semblait d’autant plus probable que cet homme était religieux." Donc <strong>de</strong><br />

nouveau, le même lien entre être avare et être ecclésiastique du premier exemple réapparaît<br />

dans cet extrait. Il était alors évi<strong>de</strong>nt pour la population qu’un prêtre était forcément intéressé<br />

par l’argent.<br />

Deuxième Partie : l’ambition<br />

Le <strong>de</strong>rnier exemple permet <strong>de</strong> faire le lien avec la <strong>de</strong>uxième partie, qui est le<br />

caractère ambitieux <strong>de</strong>s prêtres. Dans cet exemple, il est explicitement dit que : "C'est un<br />

ambitieux. Cela semblait d'autant plus probable que cet homme était religieux." Le lien entre<br />

être religieux, donc entre autres prêtre, et être ambitieux est ici exprimé très explicitement.<br />

Les gens font un réel rapprochement entre cet état et ce défaut, tout comme ils le faisaient<br />

avec l'avarice <strong>de</strong>s religieux. Au milieu <strong>de</strong> la page 95 également, il est question <strong>de</strong> l'ambition<br />

<strong>de</strong>s ecclésiastiques. Il est dit que : "Aussi quelle pépinière d'aspiration qu'un séminaire ! Que<br />

d’enfants <strong>de</strong> chœur rougissants, que <strong>de</strong> jeunes abbés ont sur la tête le pot au lait <strong>de</strong> Perrette !<br />

Comme l'ambition s'intitule aisément vocation !" (Le pot au lait <strong>de</strong> Perrette fait référence à la<br />

fable <strong>de</strong> La Fontaine La Laitière et le pot au lait). Comme pour l'exemple avec le Thénardier,<br />

le narrateur exprime l’idée que les individus qui ont une vocation ne sont pas aussi bons que<br />

ce qu’ils <strong>de</strong>vraient. Ils ont tous <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s ambitions, et c'est pour cela qu'ils sont entrés au<br />

séminaire, et non par vocation comme il le <strong>de</strong>vrait. Ceci peut s'expliquer par le fait que, au<br />

XVIII e siècle, l'Eglise avait encore une gran<strong>de</strong> influence. Les personnes voulant alors acquérir<br />

du pouvoir sans difficulté n'avaient qu'à simuler une vocation. Cet exemple est donc<br />

également une critique du pouvoir trop important que possédait et exerçait l'église à l'époque<br />

<strong>de</strong> Victor Hugo. Pour continuer dans cette idée que les personnes en quête <strong>de</strong> pouvoir vont se<br />

rapprocher <strong>de</strong> la religion, il y a un autre exemple à la page 230. Le député <strong>de</strong> Montreuil-sur-<br />

Mer a immédiatement ressenti le fait que le père Ma<strong>de</strong>leine allait à la messe régulièrement<br />

comme une action pour accé<strong>de</strong>r au pouvoir. Pour réagir contre ce candidat potentiel, le député<br />

prit alors un confesseur Jésuite et alla lui aussi régulièrement à la messe. Le narrateur dit<br />

même: "L'ambition en ce temps-là était, dans l'acception directe du mot, une course au<br />

clocher." De nouveau, même si ce n'est pas les prêtres directement, les personnes ambitieuses<br />

vont se rapprocher <strong>de</strong> l'église. La critique ne porte pas ici directement sur les ecclésiastiques,<br />

mais sur le fait que l'église soit utilisée comme un outil pour accé<strong>de</strong>r au pouvoir. Il est dès lors<br />

également possible d’en déduire que Victor Hugo respectait la religion, car il trouve<br />

méprisable <strong>de</strong> l'utiliser à <strong>de</strong>s fins personnelles.<br />

Troisième partie : la paresse<br />

La troisième et <strong>de</strong>rnière partie <strong>de</strong> ce travail traite <strong>de</strong> la paresse <strong>de</strong>s ecclésiastiques.<br />

Le premier exemple se trouve au sommet <strong>de</strong> la page 654 : "Les monastères, quand ils<br />

abon<strong>de</strong>nt chez une nation, sont <strong>de</strong>s nœuds à la circulation, <strong>de</strong>s établissements encombrants,<br />

<strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> paresse là où il faut <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> travail." Victor Hugo dit ici clairement, à<br />

travers le narrateur, que les monastères sont <strong>de</strong>s lieux où la paresse règne. Il est vrai que, du<br />

point <strong>de</strong> vue économique, les abbayes sont inutiles, vu qu'elles ne produisent rien. Il rajoute<br />

d'ailleurs un peu plus bas : "Les claustrations ont fait leur temps. Les cloîtres, utiles à la<br />

première éducation <strong>de</strong> la civilisation mo<strong>de</strong>rne, ont été gênants pour sa croissance et sont<br />

nuisibles à son développement." Victor Hugo indique ici son mépris vis-à-vis <strong>de</strong>s cloîtres. Il


nous montre aussi que les moines sont à la charge <strong>de</strong> la société : ils sont nourris et logés par<br />

l’Eglise, qui prélève <strong>de</strong>s impôts au peuple, et ils ne produisent rien en retour. Ils sont par<br />

conséquence un véritable poids pour la collectivité. Le <strong>de</strong>uxième exemple se trouve au<br />

sommet <strong>de</strong> la page 42 : "Quelques temps après, le conseil général, prenant cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en<br />

considération, lui vota une somme annuelle <strong>de</strong> trois mille francs, sous cette rubrique :<br />

Allocation à M. l’évêque pour frais <strong>de</strong> carrosse, frais <strong>de</strong> poste et frais <strong>de</strong> tournées<br />

pastorales.". Monseigneur Myriel reçoit donc cette somme importante pour ses frais <strong>de</strong><br />

déplacement. Ceci nous montre la paresse <strong>de</strong> ses supérieurs. En effet, s'ils avaient fait la<br />

moindre vérification par rapport à cette réclamation, ils se seraient rendu compte que<br />

Monseigneur Bienvenu n'utilisait pas <strong>de</strong> carrosse ou <strong>de</strong> poste pour ses déplacements. Ils ont<br />

donc été trop faignants pour vérifier les motifs <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Cela n’a eu ici aucune grave<br />

conséquence dû au caractère généreux <strong>de</strong> Monseigneur Myriel, mais cela montre qu’un prêtre<br />

malintentionné pourrait aisément s’enrichir sur le dos du peuple. Et, finalement, le <strong>de</strong>rnier<br />

exemple se situe au milieu <strong>de</strong> la page 625 : "Comme toutes les pratiques, cela <strong>de</strong>vient<br />

machinal par l'habitu<strong>de</strong>." Cet exemple nous montre que, avec les temps, les sœurs du cloître<br />

ne se concentrent plus sur ce qu'elles vont. Par exemple, elles réciteraient le Notre père sans<br />

réfléchir à ce qu'elles disent, mais le récitent pour le réciter. Cela pourrait être considéré<br />

comme <strong>de</strong> la paresse, car il est en effet plus facile <strong>de</strong> réciter quelque chose par cœur, sans trop<br />

y penser, que <strong>de</strong> se concentrer et réfléchir au sens <strong>de</strong>s paroles que nous sommes en train <strong>de</strong><br />

réciter. Mais, ce reproche ne critique pas simplement les sœurs du Petit-Picpus, mais c'est<br />

l'ensemble <strong>de</strong> la religion catholique que Victor Hugo critique. La majorité <strong>de</strong>s pratiques<br />

religieuses étant <strong>de</strong>s récitations <strong>de</strong> prière ou <strong>de</strong> chants, du moins dans certains ordres, <strong>de</strong><br />

nombreux cultes religieux n'ont, d'après Victor Hugo, aucune raison d'être.<br />

Conclusion<br />

En conclusion, Victor Hugo critiques <strong>de</strong> nombreux traits <strong>de</strong> personnalités <strong>de</strong>s<br />

ecclésiastiques. Il leur reproche entre autres d'être avare, ambitieux et paresseux. Malgré cela<br />

et d'autres critiques plus générales concernant la religion, Victor Hugo reste croyant. En effet,<br />

toutes les critiques qu'il fait sont contre la religion catholique et les ecclésiastiques, et non pas<br />

contre le fait <strong>de</strong> croire en un être suprême. De plus, le personnage principal au début du<br />

roman est un évêque parfait, ce qui ne serait certainement pas le cas s’il n’était pas croyant.<br />

Mais peut-être est-il trop parfait pour être humain. Pour finir, Alain Decaux, dans son<br />

discours du 28 février 2002, explique que même si Victor Hugo n’était pas catholique, il<br />

croyait en Dieu. Il est possible qu'il ait reçu cette croyance <strong>de</strong> sa mère: "De sa mère, Hugo<br />

écrira qu’elle « croyait à Dieu et à l’âme : rien <strong>de</strong> moins, rien <strong>de</strong> plus. » Elle n’entrait jamais<br />

dans une église, dira-t-il, « non à cause <strong>de</strong> l’église, mais à cause <strong>de</strong>s prêtres... Elle les évitait.<br />

Elle ne parlait jamais d’eux. Elle avait pour eux une sorte <strong>de</strong> sévérité muette... » ". 1<br />

1 Source pour le discours d’Alain Decaux :<br />

"http://www.aca<strong>de</strong>mie-francaise.fr/Immortels/discours_divers/<strong>de</strong>caux_2002.html"

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