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184 2.3.2 Pourquoi les jésuites construisent-ils baroque en Àllemagne du Sud ? Si l'on observe les realisatioris architecturales des jesuites en Allemagne du Sud, on relève d'emblée deux constantes : ils ont eté des bâtisseurs fort actifs, et c'est l'art baroque au XVIII'siècle, qui est utilisé pour leurs constructions, toul comme I'art Renaissance l'avait ete au XVI". 0n parle parfois de I'art baroque en le nommant le style jesuite. Cette appellation - impropre - se fonde en fait sur des analogies et ne résiste pas à l'analys exacte des deux concepts. C'est dire neannroins combien ceux-ci sont lies, à la fois par leur histoire et leur extension de l'Europe centrale à l'Amerique du Sud. Des I'origine, le baroquest au-dela et depasse la volonte de la Compagnie de Jesusl, il subit bien d'autres influences, évolue a l'extérieur d'un cadre puremenl ecclêsiastique. Alors que la Renaissance tirait son nom d'une epoque, le baroque donne son nom a une epoque, il a une etendue dilferentet plus large que les autres slfles2. Au XVIII' siècle s'instailent de nouveiles reiations enrre l'homm et la nature d'une part, l'homme et l'art d'autre part. La ûature acquiert d'autres dimensions que celle d'une image de l'ordre divin, elie esl rationnalisee. Comme l'art antique qui restait neutre dans son rapport a la religion, l'art est conÇu et travaillé en dehors de sa seule fonction sacrée antérieure. Le XVII" siecle inaugure une periode de conrradictions, la phitosophie pose la question du lien entre la raison et la foi. entre le corps et, l'âme, la question de l'harmonie preétablie... Pendant que Descartes part en pèlerinage à Notre-Dame de Lorette, Nevton écrit son erplication de l"'Apocalyose" de saint Jean ! Leibniz confie son courrier aux jesuites qui panent pour I'lnde et la Chine3... L'art transmet dêsormais cette nouvelle perception du monde. Il y a dans le baroque une sorte de primat de I'architecture, ou le sombre fait place a la lumiere. L'affirmation de soi devient un mouvement dynamiquet le baroque se fait l'interprete de valeurs positives, robustes, I Cf. V Tapië, Le baroque. Paris, 1961,p,27. 2 V. Hager, Barock Architektur, Baden-Badeo, 1953, p.I. 3 R. Benz, Deutsches Barock, Lultur des achtzehnten Tahrhunderts, Stuttgart, 1949 p 6l

185 sanctifie le travail humain et encourage a la vie interieurel. Le monde cependant semble conserver les grands traits de la pensee mediéval er continue d'apparartre comme un "theatrum mundi"Z. La pièce est la vie, le théàtre est le monde, et chacun y tient son rôle. L'image du Christ s'etait transformeentre i'epoque des Peres et l'âge roman, mais pas entre le illoven-Aget l'âge baroque. L'attitude religieuse reste fondamentalement la même. Peut-être pourrait-on voir la comme une prolongation du Moyen- Age, avec des constanres aussi dans l'hisroire intellectuelle des pavs du Sud. Pour le catholique, la liturgie redevient institutrice et clarificatrice, elle unifie la vie. Àlors qu'avant le concile; l'autel s'etait reculé er le grégorien compliqué, jusqu'à devenir un obstacle à la priere des Bens simples qui commençaient a s'ennuyer a la messe3. l'eucharistie retrouve dans le baroque sa place première. Les jesuites ont certaiûement compris tres vite le rôle de l'image liturgique. Pierre Favre reconnande dès 1543 dans le "Mémorial"a de rendre les liturgies attrayantes par des processions. des bannieres et des oriflammes, des autels eleves en plein air... La célebration des sacrements renouvelle à l'âge baroque la rencontre de t'Egliset de son peuple5, I'art est plus expressif et cree un monde spécifique6. 0n ne retrouve pas dans le Nord ce rôle de l'Eglise catholique qui rassemble peuple. Alors que le culte protestant n'a lieu que le dimanche, la louange liturgique des monastères du Sud ne s'inrerrompt jamais. En 1740, Bach et Haendel culminent au Nord. mais iis sont seuls. Alors qu'une multitude d'artistes de toutes sortes travaiilent dans le Sud a faire naitre la mème lumiere dans les eglisesT. La I 3. Lora, Gescbichte der Kirche in ideengeschichtlicher Betrachtilnc (Bd. 2 : Die Neuzeit), Munsùer, 1964, p.204. 2 Cf. f . Hederer, Deutsche Dicht\rns des Barock, il{unchen, 196E, pp l51s 3 Cf. J Dècarreaux, IVloioes et monasteres, Paris, 19S0, p. 3a. r J.NL Valentin, Le theàtre des Jesuites dans les oays de langue allemande ( 11\4- 1650 l, Bern, 197$, p 200, 5 Cf. l. Veit und L. Lenhart, Kirche und Volksfrosrmiekeit in Zeitalter des Barock, Freiburg i.8., 19t6, pp. l3s. 6Cf.J.Kreitnaier, Die religioseo Krafte des Barock (in :Stinneo der leîL,Bd,l1ll, S. 4)3-466t, Freiburg i, B, 1926, p.4J4 7 Alors qu'on réinterprète cent fois les ûesses catholiques, oo ne donoe que deux fois la "Passion selon saint Matthieu", et c'en est termioe pour un siècle | !$i illozart, ni Beethoven, oi Goethe, ni Klopstock ne I'ont iamais enùendue (cf. R. Beoz, Deutsches Barock. llultur des achtzehnten Jahrhunderts, Suttgart, 19a9, p. 9).

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2.3.2 Pourquoi les jésuites construisent-ils baroque en<br />

Àllemagne du Sud ?<br />

Si l'on observe les realisatioris architecturales <strong>de</strong>s jesuites<br />

en Allemagne du Sud, on relève d'emblée <strong>de</strong>ux constantes : ils ont eté <strong>de</strong>s<br />

bâtisseurs fort actifs, et c'est l'art baroque au XVIII'siècle, qui est utilisé<br />

pour leurs constructions, toul comme I'art Renaissance l'avait ete au XVI".<br />

0n parle parfois <strong>de</strong> I'art baroque en le nommant le style<br />

jesuite. Cette appellation - impropre - se fon<strong>de</strong> en fait sur <strong>de</strong>s analogies et<br />

ne résiste pas à l'analys exacte <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux concepts. C'est dire neannroins<br />

combien ceux-ci sont lies, à la fois par leur histoire et leur extension <strong>de</strong><br />

l'Europe centrale à l'Amerique du Sud.<br />

Des I'origine, le baroquest au-<strong>de</strong>la et <strong>de</strong>passe la volonte <strong>de</strong><br />

la Compagnie <strong>de</strong> Jesusl, il subit bien d'autres influences, évolue a<br />

l'extérieur d'un cadre puremenl ecclêsiastique. Alors que la Renaissance<br />

tirait son nom d'une epoque, le baroque donne son nom a une epoque, il a<br />

une etendue dilferentet plus large que les autres slfles2.<br />

Au XVIII' siècle s'instailent <strong>de</strong> nouveiles reiations enrre<br />

l'homm et la nature d'une part, l'homme et l'art d'autre part. La ûature<br />

acquiert d'autres dimensions que celle d'une image <strong>de</strong> l'ordre divin, elie esl<br />

rationnalisee. Comme l'art antique qui restait neutre dans son rapport a la<br />

religion, l'art est conÇu et travaillé en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> sa seule fonction sacrée<br />

antérieure. Le XVII" siecle inaugure une perio<strong>de</strong> <strong>de</strong> conrradictions, la<br />

phitosophie pose la question du lien entre la raison et la foi. entre le corps<br />

et, l'âme, la question <strong>de</strong> l'harmonie preétablie... Pendant que Descartes part<br />

en pèlerinage à Notre-Dame <strong>de</strong> Lorette, Nevton écrit son erplication <strong>de</strong><br />

l"'Apocalyose" <strong>de</strong> saint Jean ! Leibniz confie son courrier aux jesuites qui<br />

panent pour I'ln<strong>de</strong> et la Chine3...<br />

L'art transmet dêsormais cette nouvelle perception du<br />

mon<strong>de</strong>. Il y a dans le baroque une sorte <strong>de</strong> primat <strong>de</strong> I'architecture, ou le<br />

sombre fait place a la lumiere. L'affirmation <strong>de</strong> soi <strong>de</strong>vient un mouvement<br />

dynamiquet le baroque se fait l'interprete <strong>de</strong> valeurs positives, robustes,<br />

I Cf. V Tapië, Le baroque. Paris, 1961,p,27.<br />

2 V. Hager, Barock Architektur, Ba<strong>de</strong>n-Ba<strong>de</strong>o, 1953, p.I.<br />

3 R. Benz, Deutsches Barock, Lultur <strong>de</strong>s achtzehnten Tahrhun<strong>de</strong>rts, Stuttgart, 1949 p<br />

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