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dires des personnages en les faisant « se confond[re] avec le reste » (Proust 1920 : 77-78) 75 . Enfin, cette vision résulte également des théories narratologiques de Käte Hamburger (Stanzel 2001 : 279 ; Kittel 1992 : 334), qui postule l’impossibilité d’un DIL à la première personne. Le DIL est en réalité simplement une configuration énonciative dans laquelle le temps du rapporteur détermine celui du discours du locuteur rapporté. […] le choix des morphèmes verbaux dans le S.I.L. 76 est déterminé par la relation qui existe entre le moment de la narration et le moment de la production des propos ou pensées que l’on rapporte. (Vuillaume 1990 : 106) La transposition des temps, si elle est souvent observée dans les corpus, ne définit pas le DIL (« erlebte Rede ohne Tempustransposition » Steinberg 1971 : 360 ; von Roncador 1988 : 220 ; Vuillaume 1990 ; Pérennec 1992 : 326 ; Riegel et al. 2001 : 601). (78) Mme Profitendieu rentre enfin, elle s’excuse d’être en retard ; elle a dû faire beaucoup de visites. Elle s’attriste de trouver son mari souffrant. Que peut-on faire pour lui ? C’est vrai qu’il a très mauvaise mine. (Gide, cité par Riegel et al. 2001 : 601) Kalepky (1899) et Lerch (1922) ont relevé les exemples suivants au présent et au passé composé 77 : (79) M. de Monpavon marche à la mort […] il dépasse le somptueux établissement où il prend son bain d’habitude, il ne s’arrête pas non plus aux Bains Chinois. On le connaît trop par ici. Tout Paris saurait son aventure le soir même. (Daudet, Nabab, cité par Kalepky 1899 : 493-494) (80) Il met bas son fagot, il songe à son malheur. « Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ? En est-il un plus pauvre en la machine ronde ? » (La Fontaine, Fables, cité par Lerch 1922 : 114) Vuillaume (1990) et Lips (1926) ont relevé des exemples, certes rares, mais clairs de discours indirect libre prospectif. (81) (Un couple rentre d’un bal) ELLE - N’use pas ta salive, je sais ce que tu vas me dire. (Très simple.) Je me suis fait peloter ! 75 Proust analyse l’emploi de l’imparfait aussi bien dans les récits simples du narrateur que dans le discours rapporté. Il faut noter qu’au demeurant, Proust ne voue pas une admiration sans bornes à Flaubert : « Ce n’est pas que j’aime entre tous les livres de Flaubert, ni même le style de Flaubert » (1920 : 72) ; « Si j’écris tout cela pour la défense (au sens où Joachim du Bellay l’entend) de Flaubert, que je n’aime pas beaucoup, si je me sens privé de ne pas écrire sur bien d’autres que je préfère, c’est que j’ai l’impression que nous ne savons plus lire » (1920 : 85). 76 S.I.L. désigne le « style indirect libre ». 77 M. Lips cite un devoir d’élève : « Le sympathique Monsieur qui ressemble à un échalas articulé prononce quelques paroles senties. Il est le commissaire Oliphant ; il a reçu son ordre de marche ; il va être obligé, sous peu, de quitter la Suisse et cette chère ville de Genève. » (composition d’élève) (1926 : 66). - 76 -

LUI - Oui, tu t’es fait peloter ! ELLE, assise près du lit et commençant à se dévêtir. - Là ! Oh ! je connais l’ordre et la marche. Dans un instant je me serai conduite comme une fille, dans deux minutes tu m’appelleras sale bête, dans cinq tu casseras quelque chose. C’est réglé comme un protocole. (Courteline, « La peur des coups », Théâtre, cité par Vuillaume 1990 : 45) L’énoncé « je me serai conduite comme un fille » se comprend comme étant la prédiction d’un discours à venir 78 . L’exemple suivant est amené par Lips : (82) A une certaine époque, on parla beaucoup de mariages dans la famille. La fillette choisit pour son futur mari un jeune homme de vingt ans qui s’occupait souvent d’elle. Un jour, elle vint à moi toute triste : elle ne pourra pas épouser son ami ; cela durera trop longtemps jusqu’à ce qu’elle ait l’âge de se marier ; lui sera trop grand et trop vieux pour elle ; il faut qu’elle choisisse un garçon de son âge. (Wettstein, Les Notions de temps chez l’enfant, cité par Lips 1926 : 66) L’exemple relevé par Lips est en cela intéressant qu’il montre que le choix des temps verbaux peut se faire en rupture avec le cadre narratif, et ce non seulement avec les adverbes, comme cela est courant, mais également avec les verbes. Ici, la représentation non indirecte du temps, donc le choix du futur au lieu du conditionnel, permet d’augmenter la proximité avec le discours originel. Nous rencontrons la même construction dans l’erlebte Rede suivant, extrait des Buddenbrooks 79 : (83) (Hanno espère que son cadeau de Noël sera un théâtre de marionnettes) […] Hanno [hatte] kürzlich zum ersten Mal das Theater besucht, das Stadt-Theater, wo er im ersten Range an der Seite seiner Mutter atemlos den Klängen und Vorgängen des „Fidelio“ hatte folgen dürfen. Seitdem träumte er nichts als Operszenen, und eine Leidenschaft für die Bühne erfüllte ihn, die ihn kaum schlafen ließ. Mit unaussprechlichem Neide betrachtete er auf der Straße die Leute, die, wie ja auch sein Onkel Christian, als Theater-Habitués bekannt waren [...] ... War das Glück ertragbar, wie sie fast jeden Abend dort anwesend sein zu dürfen ? Könnte er nur einmal in der Woche vor Beginn der Aufführung einen Blick in den Saal tun, das Stimmen der Instrumente hören und ein wenig den geschlossenen Vorhang ansehen! Denn er liebte Alles im Theater : den Gasgeruch, die Sitze, die Musiker, den Vorhang... Wird sein Puppentheater groß sein ? Groß und breit ? Wie wird der Vorhang aussehen? Man muß baldmöglichst ein kleines Loch hineinschneiden, denn auch im Vorhang des Stadt-Theaters war ein Guckloch... Ob Großmama oder Mamsell Severin – denn Großmama konnte nicht Alles besorgen – die nötigen Dekorationen zum „Fidelio“ gefunden hatte? Gleich morgen wird er sich irgendwo einschließen und ganz allein eine Vorstellung geben... Und schon ließ er seine Figuren im Geiste singen ; denn die Musik hatte sich ihm mit dem Theater sofort aufs Engste verbunden... (Mann, Buddenbrooks : 534) L’ER au Futur est non transposé (transposé, le discours serait : « Würde sein Puppentheater groß sein ? …») et est précédé d’un ER au Präteritum, transposé. L’ER au futur est identifiable uniquement par la transposition du pronom personnel (« Gleich morgen wird er sich irgendwo einschließen »). Le passage d’un ER avec transposition des temps à un ER sans transposition des temps entraîne une gradation de l’immédiateté narrative. En 78 Un exemple de DIL au futur simple, tiré de L’Assommoir, est cité par Kullmann (1995a : 112). 79 Cet extrait est également cité par Lerch (1914 : 485) et par Kullmann (1995a : 113). - 77 -

LUI - Oui, tu t’es fait peloter !<br />

ELLE, assise près du lit et commençant à se dévêtir. - Là ! Oh ! je connais l’ordre et la marche. Dans<br />

un instant je me serai conduite comme une fille, dans <strong>de</strong>ux minutes tu m’appelleras sale bête, dans<br />

cinq tu casseras quelque chose. C’est réglé comme un protocole. (Courteline, « La peur <strong>de</strong>s coups »,<br />

Théâtre, cité par Vuillaume 1990 : 45)<br />

L’énoncé « je me serai conduite comme un fille » se comprend comme étant la prédiction<br />

d’un discours à venir 78 . L’exemple suivant est amené par Lips :<br />

(82) A une certaine époque, on parla beaucoup <strong>de</strong> mariages dans la famille. La fillette choisit pour son<br />

futur mari un jeune homme <strong>de</strong> vingt ans qui s’occupait souvent d’elle. Un jour, elle vint à moi toute<br />

triste : elle ne pourra pas épouser son ami ; cela durera trop longtemps jusqu’à ce qu’elle ait<br />

l’âge <strong>de</strong> se marier ; lui sera trop grand et trop vieux pour elle ; il faut qu’elle choisisse un garçon<br />

<strong>de</strong> son âge. (Wettstein, Les Notions <strong>de</strong> temps chez l’enfant, cité par Lips 1926 : 66)<br />

L’exemple relevé par Lips est en cela intéressant qu’il montre que le choix <strong>de</strong>s temps<br />

verbaux peut se faire en rupture avec le cadre narratif, et ce non seulement avec les adverbes,<br />

comme cela est courant, mais également avec les verbes. Ici, la représentation non indirecte<br />

du temps, donc le choix du futur au lieu du conditionnel, permet d’augmenter la proximité<br />

avec le discours originel. Nous rencontrons la même construction dans l’erlebte Re<strong>de</strong><br />

suivant, extrait <strong>de</strong>s Bud<strong>de</strong>nbrooks 79 :<br />

(83) (Hanno espère que son ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong> Noël sera un théâtre <strong>de</strong> marionnettes)<br />

[…] Hanno [hatte] kürzlich zum ersten Mal das Theater besucht, das Stadt-Theater, wo er im ersten<br />

Range an <strong>de</strong>r Seite seiner Mutter atemlos <strong>de</strong>n Klängen und Vorgängen <strong>de</strong>s „Fi<strong>de</strong>lio“ hatte folgen<br />

dürfen. Seit<strong>de</strong>m träumte er nichts als Operszenen, und eine Lei<strong>de</strong>nschaft für die Bühne erfüllte ihn, die<br />

ihn kaum schlafen ließ. Mit unaussprechlichem Nei<strong>de</strong> betrachtete er auf <strong>de</strong>r Straße die Leute, die, wie<br />

ja auch sein Onkel Christian, als Theater-Habitués bekannt waren [...] ... War das Glück ertragbar, wie<br />

sie fast je<strong>de</strong>n Abend dort anwesend sein zu dürfen ? Könnte er nur einmal in <strong>de</strong>r Woche vor Beginn<br />

<strong>de</strong>r Aufführung einen Blick in <strong>de</strong>n Saal tun, das Stimmen <strong>de</strong>r Instrumente hören und ein wenig <strong>de</strong>n<br />

geschlossenen Vorhang ansehen! Denn er liebte Alles im Theater : <strong>de</strong>n Gasgeruch, die Sitze, die<br />

Musiker, <strong>de</strong>n Vorhang...<br />

Wird sein Puppentheater groß sein ? Groß und breit ? Wie wird <strong>de</strong>r Vorhang aussehen? Man<br />

muß baldmöglichst ein kleines Loch hineinschnei<strong>de</strong>n, <strong>de</strong>nn auch im Vorhang <strong>de</strong>s Stadt-Theaters<br />

war ein Guckloch... Ob Großmama o<strong>de</strong>r Mamsell Severin – <strong>de</strong>nn Großmama konnte nicht Alles<br />

besorgen – die nötigen Dekorationen zum „Fi<strong>de</strong>lio“ gefun<strong>de</strong>n hatte? Gleich morgen wird er sich<br />

irgendwo einschließen und ganz allein eine Vorstellung geben... Und schon ließ er seine Figuren<br />

im Geiste singen ; <strong>de</strong>nn die Musik hatte sich ihm mit <strong>de</strong>m Theater sofort aufs Engste verbun<strong>de</strong>n...<br />

(Mann, Bud<strong>de</strong>nbrooks : 534)<br />

L’ER au Futur est non transposé (transposé, le discours serait : « Wür<strong>de</strong> sein Puppentheater<br />

groß sein ? …») et est précédé d’un ER au Präteritum, transposé. L’ER au futur est<br />

i<strong>de</strong>ntifiable uniquement par la transposition du pronom personnel (« Gleich morgen wird er<br />

sich irgendwo einschließen »). Le passage d’un ER avec transposition <strong>de</strong>s temps à un ER<br />

sans transposition <strong>de</strong>s temps entraîne une gradation <strong>de</strong> l’immédiateté narrative. En<br />

78 Un exemple <strong>de</strong> DIL au futur simple, tiré <strong>de</strong> L’Assommoir, est cité par Kullmann (1995a : 112).<br />

79 Cet extrait est également cité par Lerch (1914 : 485) et par Kullmann (1995a : 113).<br />

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