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correspondance, même partielle, avec l’einführungslose indirekte Rede (à laquelle Bally (1912, cité par Lerch 1914 : 470) a pourtant rendu attentif). La position de Bally Bally occupe une place particulière dans ce groupe, puisqu’il a formulé deux thèses différentes (1912 et 1914), ce qui est quelquefois interprété comme une contradiction (Bakhtine 1977 : 201 ; Gelzer 2006 : 133). Après avoir, en 1912, souligné les convergences entre le DIL et l’EIR et décrit le DIL comme une des traductions possibles de l’EIR (1912 : 552), Bally fait un autre rapprochement en 1914. Il remarque en allemand l’existence d’une « forme de syntaxe analogue à notre style indirect libre » au mode indicatif (1914 : 469) et cite des exemples d’erlebte Rede. Constatant que ce style fait s’entrecroiser le discours du narrateur et la reproduction des paroles et pensées de personnage, Bally conclut que l’ER peut être employé pour traduire le DIL. A y regarder de plus près, il apparaît toutefois qu’opposer les deux propositions de Bally fait abstraction de ses démarches réelles et que le deuxième article n’est pas de la part de Bally un correctif du premier. En 1912, la présentation des points communs entre l’EIR et le DIL est un outil heuristique utilisé pour la description du DIL. Il ne faut pas oublier que, de plus, l’analogie qu’il décrit ne repose que sur certains traits de l’EIR que sont « l’aisance » (1912 : 550), « la liberté » (1912 : 551), la conservation de « toutes les nuances et tous les mouvements de l’expression directe » (1912 : 550) d’une part, et « l’illusion du discours direct » (1912 : 552) d’autre part. Un élément permet d’expliquer pourquoi Bally privilégie la comparaison avec l’EIR : voulant décrire un procédé de style encore ignoré des grammaires (1912 : 551), il est probable que l’auteur ait préféré s’appuyer sur une comparaison avec un genre connu (1912 : 550) comme l’est l’EIR plutôt qu’avec l’ER, genre aussi méconnu que l’était à l’époque le DIL. En 1914, le rapprochement que fait Bally entre le DIL et l’ER fait suite à une critique de Kalepky (1913), qui avait tenté d’invalider les analyses de Bally. Kalepky, supposant à tort que Bally définissait le DIL comme un avatar du discours indirect régi, affirme que le passage en question n’est pas un discours indirect comme le prétend Bally, puisqu’une traduction allemande emploierait des verbes à l’indicatif et non pas au Konjunktiv. Dans sa réplique, Bally se défend de voir dans le DIL un type particulier de discours indirect régi mais constate également qu’il existe en allemand un discours indirect non introduit à l’indicatif analogue au DIL français, soit l’ER. En fin de compte, les deux analyses ne s’annulent pas, mais sont plutôt des analyses - 160 -

partielles qui se complètent. Bally n’a pas fait la synthèse de la comparaison des discours indirects non introduits du français et de l’allemand, ce qui nourrit le malentendu. Ses analyses, finalement, reflètent l’asymétrie des systèmes indirects de l’allemand et du français. La thèse de l’asymétrie Les éléments convoqués pour cette thèse sont de deux ordres : ils proviennent soit de l’intégration d’un troisième terme dans la comparaison, l’einführungslose indirekte Rede, soit reposent sur les valeurs du Präteritum et de l’imparfait. • La question de l’einführungslose indirekte Rede Kullmann (1992a, 1995a, 1995b) propose de considérer l’EIR, l’ER et le DIL comme des genres occupant une place similaire dans leur langue respective. Le français marque au travers de la concordance des temps la subordination, pour le DI comme pour le DIL. L’allemand n’applique pas la concordance des temps 152 mais marque la subordination par le mode. Ainsi, l’EIR et le DIL appliquent chacun les marques de subordination syntaxique de leur mode indirect et sont donc identiques dans leur système respectif. L’argument qui rapproche l’EIR et le DIL est effectivement valide, mais il implique pour nous de remettre en cause la parenté du DIL et de l’ER. • Präteritum et imparfait M. Lips (1926) 153 et W. Günther (1928) ont proposé des éléments venant nuancer l’idée selon laquelle l’erlebte Rede serait le reflet allemand du discours indirect libre en s’appuyant sur les valeurs des temps. Il existe, selon Lips, deux styles indirect libres en allemand, l’un au Konjunktiv, l’autre à l’Indikativ, et en français un seul style indirect libre. Lips avance que le style indirect libre français est plus proche du style indirect allemand au Konjunktiv (1926 : 202). Lips s’appuie sur deux faits concernant les temps et les modes : 1) l’absence d’une opposition passé 152 Elle n’est que facultative, comme l’illustre l’exemple suivant : « Warum ich nicht fragte, ob Hanna noch lebt, weiß ich nicht [...]. » (Frisch, Homo Faber : 29). 153 L’ouvrage de Lips (1926), consacré au discours rapporté et plus particulièrement au style indirect libre, a une vue contrastive en filigrane : le DIL est décrit comme un « procédé de reproduction […] d’un usage courant dans les langues modernes de l’Europe et, par suite, d’une portée interlinguistique » (1926 : 50). La dernière partie de son ouvrage a ainsi pour vocation de démontrer que le style indirect libre « n’existe pas exclusivement en français » (1926 : 196). - 161 -

correspondance, même partielle, avec l’einführungslose indirekte Re<strong>de</strong> (à laquelle Bally<br />

(1912, cité par Lerch 1914 : 470) a pourtant rendu attentif).<br />

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La position <strong>de</strong> Bally<br />

Bally occupe une place particulière dans ce groupe, puisqu’il a formulé <strong>de</strong>ux thèses<br />

différentes (1912 et 1914), ce qui est quelquefois interprété comme une contradiction<br />

(Bakhtine 1977 : 201 ; Gelzer 2006 : 133). Après avoir, en 1912, souligné les convergences<br />

entre le DIL et l’EIR et décrit le DIL comme une <strong>de</strong>s traductions possibles <strong>de</strong> l’EIR (1912 :<br />

552), Bally fait un autre rapprochement en 1914. Il remarque en allemand l’existence d’une<br />

« forme <strong>de</strong> syntaxe analogue à notre style indirect libre » au mo<strong>de</strong> indicatif (1914 : 469) et<br />

cite <strong>de</strong>s exemples d’erlebte Re<strong>de</strong>. Constatant que ce style fait s’entrecroiser le discours du<br />

narrateur et la reproduction <strong>de</strong>s paroles et pensées <strong>de</strong> personnage, Bally conclut que l’ER<br />

peut être employé pour traduire le DIL. A y regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> plus près, il apparaît toutefois<br />

qu’opposer les <strong>de</strong>ux propositions <strong>de</strong> Bally fait abstraction <strong>de</strong> ses démarches réelles et que le<br />

<strong>de</strong>uxième article n’est pas <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> Bally un correctif du premier.<br />

En 1912, la présentation <strong>de</strong>s points communs entre l’EIR et le DIL est un outil heuristique<br />

utilisé pour la <strong>de</strong>scription du DIL. Il ne faut pas oublier que, <strong>de</strong> plus, l’analogie qu’il décrit<br />

ne repose que sur certains traits <strong>de</strong> l’EIR que sont « l’aisance » (1912 : 550), « la liberté »<br />

(1912 : 551), la conservation <strong>de</strong> « toutes les nuances et tous les mouvements <strong>de</strong> l’expression<br />

directe » (1912 : 550) d’une part, et « l’illusion du discours direct » (1912 : 552) d’autre part.<br />

Un élément permet d’expliquer pourquoi Bally privilégie la comparaison avec l’EIR :<br />

voulant décrire un procédé <strong>de</strong> style encore ignoré <strong>de</strong>s grammaires (1912 : 551), il est<br />

probable que l’auteur ait préféré s’appuyer sur une comparaison avec un genre connu (1912 :<br />

550) comme l’est l’EIR plutôt qu’avec l’ER, genre aussi méconnu que l’était à l’époque le<br />

DIL.<br />

En 1914, le rapprochement que fait Bally entre le DIL et l’ER fait suite à une critique <strong>de</strong><br />

Kalepky (1913), qui avait tenté d’invali<strong>de</strong>r les analyses <strong>de</strong> Bally. Kalepky, supposant à tort<br />

que Bally définissait le DIL comme un avatar du discours indirect régi, affirme que le<br />

passage en question n’est pas un discours indirect comme le prétend Bally, puisqu’une<br />

traduction alleman<strong>de</strong> emploierait <strong>de</strong>s verbes à l’indicatif et non pas au Konjunktiv. Dans sa<br />

réplique, Bally se défend <strong>de</strong> voir dans le DIL un type particulier <strong>de</strong> discours indirect régi<br />

mais constate également qu’il existe en allemand un discours indirect non introduit à<br />

l’indicatif analogue au DIL français, soit l’ER.<br />

En fin <strong>de</strong> compte, les <strong>de</strong>ux analyses ne s’annulent pas, mais sont plutôt <strong>de</strong>s analyses<br />

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