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- la coénonciation correspond à la coproduction d’un point de vue commun et partagé. [...] Les phénomènes d’accord sur un PDV étant fragiles, limités, la coénonciation s’avère une forme sinon idéale de coopération, du moins très instable, fugace, vite remplacée par la sur- ou sous-énonciation [...] ; - la surénonciation est définie comme l’expression interactionnelle d’un point de vue surplombant dont le caractère dominant est reconnu par les autres énonciateurs ; - la sousénonciation renvoie à l’expression interactionnelle d’un point de vue dominé, au profit d’un surénonciateur. » (Rabatel 2004a : 9-10) L’effacement énonciatif se traduit par différentes marques qu’il convient d’interpréter pragmatiquement dans le contexte, ces marques n’étant « pas univoques » (Rabatel 2004a : 12) : il y a certes une forte corrélation entre l’effacement énonciatif d’un énonciateur (plus exactement d’un locuteur) et sa position de sous-énonciateur, toutefois les marques qui attestent d’une présence de l’énonciateur premier n’indiquent pas nécessairement qu’il est en position de surénonciation, pas plus que leur absence ne signale automatiquement sa position de sousénonciateur. Par exemple, un énonciateur peut simuler un effacement énonciatif en usant de DD, mais en réalité s’approprier la parole d’autrui en exploitant la richesse de représentation que permet le DD. Dans notre recherche, nous nous concentrons sur les paramètres de l’effacement énonciatif et n’envisageons pas systématiquement la conséquence pragmatique en termes de sur- ou sousénonciation. Notre objectif est d’analyser les changements dans le rapport de forces énonciatives que provoque la traduction, et d’en chercher les causes. Nous concentrons notre étude de l’effacement énonciatif autour des séquences introductrices car elles sont un endroit stratégique où se rencontrent les voix. Sur le plan lexical, nous avons relevé deux éléments de nature différente qui réalisent un effacement énonciatif : les verbes au sémantisme « primaire » et l’introducteur so. Les verbes que nous appelons « primaires » ne font que signaler l’acte locutoire, sans le caractériser. Ce sont sagen, machen, dire et faire et, sous un angle perceptif, hören et entendre. L’effacement énonciatif permis par les verbes primaires est encore plus marqué avec les syntagmes introducteurs de type so : en effet, nul verbe ne caractérise le DR, nulle interprétation ne semble avoir été opérée par l’énonciateur premier. So + énonciateur livre une image d’une énonciation source réduite à son contenu propositionnel et occulte les - 126 -

caractéristiques de la situation de discours : (105) Gerade die Geschwindigkeit, „die Beschleunigung des Prozesses der kreativen Zerstörung ist das Neue am marktwirtschaftlichen Kapitalismus von heute“, analysiert der amerikanische Ökonom Edward Luttwak, der dafür den Begriff des „Turbo-Kapitalismus“ prägte. Das „horrende Tempo der Veränderung“, so der gebürtige Rumäne, [...] wird zum „Trauma für einen Großteil der Bevölkerung“. (Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 250) L’appartenance de so + énonciateur au champ du discours rapporté ne fait pas l’unanimité. So est décrit par Behr (2002 : 171) comme « die kanonische Form der eingeschobenen oder nachgestellten RQA [Redequellenangabe] » des introducteurs averbaux de DR. En revanche, Gallèpe (2003 : 276) voit dans cet introducteur une forme périphérique du DR, car il relèverait des formes de « modalisation en discours second » (notion empruntée à Authier- Revuz, cf. 1.3.2), à l’instar de laut. Nous expliquerons en 3.3. pourquoi nous avons choisi d’intégrer so dans le champ du DR 122 . 3.2 Les verbes introducteurs primaires Sagen est le verbe prototypique du dire. L’analyse componentielle de Marschall (1995 : 361ss), également valable pour dire, distingue : « sagen1 = äußern, minimal spezifiziert », « sagen2 = mündlich äußern, im Gegensatz zu schreiben, etc. » et « sagen3 = mitteilend äußern, gegenüber fragen ». Seul le premier de ses trois sens est sémantiquement neutre. Sagen2 et sagen3 ne sont pas à considérer comme des verbes primaires, puisqu’ils spécifient la nature du discours. La différence entre dire et faire d’une part, sagen et machen d’autre part, est sémantique, syntaxique et distributionnelle. Faire est un verbe introducteur qui indique que l’objet est le résultat du procès ; sans caractériser l’acte accompli (Sabban 1978 : 37) et sans comporter de trait du dire, il introduit un discours rapporté en présentant l’énoncé comme le produit d’un acte, comme le relève Gather (1994 : 201) : « der Äußerungsakt [wird] unter dem Aspekt der Handlung fokussiert ». D’après Gather (1994 :198-199), en outre, le français n’est pas la 122 Outre les verbes d’introduction primaires et l’introducteur averbal so, un autre moyen d’opérer sur la présence de l’énonciateur rapporteur consiste à lui substituer un sujet impersonnel, comme dans l’énoncé suivant : Als er dies alles in größter Eile überlegte, ohne sich entschließen zu können, das Bett zu verlassen - gerade schlug der Wecker drei Viertel sieben -, klopfte es vorsichtig an die Tür am Kopfende seines Bettes. „Gregor“, rief es - es war die Mutter -, „es ist drei Viertel sieben. Wolltest du nicht wegfahren?“ (Kafka, Die Verwandlung : 22) L’effacement énonciatif est double : l’identité de l’énonciateur cité est tue et, dans un même mouvement, la présence de l’énonciateur rapporteur est réduite. Dans le cadre de la fiction narrative, cela augmente l’illusion de fidélité du discours direct en créant une focalisation interne. - 127 -

- la coénonciation correspond à la coproduction d’un point <strong>de</strong> vue commun et partagé.<br />

[...] Les phénomènes d’accord sur un PDV étant fragiles, limités, la coénonciation<br />

s’avère une forme sinon idéale <strong>de</strong> coopération, du moins très instable, fugace, vite<br />

remplacée par la sur- ou sous-énonciation [...] ;<br />

- la surénonciation est définie comme l’expression interactionnelle d’un point <strong>de</strong> vue<br />

surplombant dont le caractère dominant est reconnu par les autres énonciateurs ;<br />

- la sousénonciation renvoie à l’expression interactionnelle d’un point <strong>de</strong> vue dominé,<br />

au profit d’un surénonciateur. » (Rabatel 2004a : 9-10)<br />

L’effacement énonciatif se traduit par différentes marques qu’il convient d’interpréter<br />

pragmatiquement dans le contexte, ces marques n’étant « pas univoques » (Rabatel 2004a :<br />

12) : il y a certes une forte corrélation entre l’effacement énonciatif d’un énonciateur (plus<br />

exactement d’un locuteur) et sa position <strong>de</strong> sous-énonciateur, toutefois les marques qui<br />

attestent d’une présence <strong>de</strong> l’énonciateur premier n’indiquent pas nécessairement qu’il est en<br />

position <strong>de</strong> surénonciation, pas plus que leur absence ne signale automatiquement sa position<br />

<strong>de</strong> sousénonciateur. Par exemple, un énonciateur peut simuler un effacement énonciatif en<br />

usant <strong>de</strong> DD, mais en réalité s’approprier la parole d’autrui en exploitant la richesse <strong>de</strong><br />

représentation que permet le DD.<br />

Dans notre recherche, nous nous concentrons sur les paramètres <strong>de</strong> l’effacement énonciatif et<br />

n’envisageons pas systématiquement la conséquence pragmatique en termes <strong>de</strong> sur- ou<br />

sousénonciation. Notre objectif est d’analyser les changements dans le rapport <strong>de</strong> forces<br />

énonciatives que provoque la traduction, et d’en chercher les causes. Nous concentrons notre<br />

étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’effacement énonciatif autour <strong>de</strong>s séquences introductrices car elles sont un endroit<br />

stratégique où se rencontrent les voix.<br />

Sur le plan lexical, nous avons relevé <strong>de</strong>ux éléments <strong>de</strong> nature différente qui réalisent un<br />

effacement énonciatif : les verbes au sémantisme « primaire » et l’introducteur so. Les<br />

verbes que nous appelons « primaires » ne font que signaler l’acte locutoire, sans le<br />

caractériser. Ce sont sagen, machen, dire et faire et, sous un angle perceptif, hören et<br />

entendre. L’effacement énonciatif permis par les verbes primaires est encore plus marqué<br />

avec les syntagmes introducteurs <strong>de</strong> type so : en effet, nul verbe ne caractérise le DR, nulle<br />

interprétation ne semble avoir été opérée par l’énonciateur premier. So + énonciateur livre<br />

une image d’une énonciation source réduite à son contenu propositionnel et occulte les<br />

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