1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine
1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine
1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
que celle <strong>de</strong> la mosaïque. […] Dans Le Mon<strong>de</strong> avec Gengis Khan, j’aimerais illustrer la<br />
simultanéité <strong>de</strong>s idées. Leur simultanéité engendre ce que je désigne par « champ <strong>de</strong> tension ». 76<br />
V.1.1 Critique <strong>de</strong> la linéarité<br />
La perspective linéaire <strong>de</strong> l’histoire est obsolète en soi, car elle repose sur <strong>de</strong>s<br />
interprétations que le fil du temps condamne à être un jour dépassées. 77 C’est là l’aporie<br />
rencontrée par les historiens, relevée par Overhoff sans pouvoir lui apporter d’autre réponse<br />
que la technique <strong>de</strong> mosaïque utilisée dans Le Mon<strong>de</strong> avec Gengis Khan.<br />
La critique <strong>de</strong> la perspective linéaire <strong>de</strong> l’histoire s’oppose frontalement à la conception<br />
que le XIX e<br />
siècle professait <strong>de</strong> l’histoire. L’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> relativisation <strong>de</strong>s événements<br />
d’Overhoff est typique du XX e siècle. Elle s’accor<strong>de</strong> par exemple avec les réflexions d’un<br />
Mircea Élia<strong>de</strong>, qui, dans Le Mythe <strong>de</strong> l’éternel retour, a formulé la relativisation <strong>de</strong> la<br />
conception linéaire <strong>de</strong> l’histoire au XX e siècle :<br />
À partir du XVII e siècle, le linéarisme [professé par Francis Bacon ou Pascal] et la conception<br />
progressiste <strong>de</strong> l’histoire s’affirment toujours davantage, instaurant la foi en un progrès infini,<br />
foi déjà proclamée par Leibniz, dominante au siècle <strong>de</strong>s « lumières » et vulgarisée au XIX e<br />
siècle par le triomphe <strong>de</strong>s idées évolutionnistes. Il faut attendre notre siècle pour voir s’ébaucher<br />
<strong>de</strong> nouveau certaines réactions contre le linéarisme historique et un certain retour d’intérêt pour<br />
la théorie <strong>de</strong>s cycles : c’est ainsi que […] dans la philosophie <strong>de</strong> l’histoire, un Spengler ou un<br />
Toynbee s’attaquent au problème <strong>de</strong> la périodicité. 78<br />
Élia<strong>de</strong> décrit les différentes façons dont l’homme, avant d’être un homme « historique »,<br />
qui se sait et se veut créateur d’histoire, a refusé l’histoire, s’est défendu contre elle, pour en<br />
supporter la pression, en l’abolissant par la régénération périodique (qui connaît un regain au<br />
XX e siècle), en la dévalorisant ou en lui attribuant un sens métahistorique. Ainsi éclairées, les<br />
souffrances étaient supportées, car elles avaient une signification consolatrice et cohérente.<br />
Élia<strong>de</strong> donne l’exemple <strong>de</strong> Gengis Khan, « tenu par les Chrétiens pour un nouveau David, 79<br />
76 Lettre d’Overhoff à Suhrkamp du 31.07.1957 : „Die einheitliche Zeit hat es nie gegeben und gibt es auch<br />
nicht. […] Natürlich gibt es die Tatsachen. Aufgaben <strong>de</strong>r Wissenschaft ist es, die Tatsachen zu fin<strong>de</strong>n und<br />
untereinan<strong>de</strong>r in ein rationales Verhältnis zu bringen. Aber ach, mit <strong>de</strong>n Tatsachen ist es nicht getan, <strong>de</strong>nn die<br />
Menschen <strong>de</strong>uten sie und suchen ihnen einen Sinn zu geben. So haben wir das doppelte Paradoxon <strong>de</strong>r<br />
Geschichte: in <strong>de</strong>r Zeit selber die vielen verschie<strong>de</strong>nen Sinn<strong>de</strong>utungen und damit Ziele <strong>de</strong>r Einzelnen, Gruppen,<br />
Völker, Nationen, Kulturkreise – und im Rückblick auf die Zeit die wie<strong>de</strong>r an<strong>de</strong>re Deutung <strong>de</strong>s Betrachters. […]<br />
Was tun angesichts einer solchen Lage? […] Wir wer<strong>de</strong>n auch in <strong>de</strong>r Geschichte <strong>de</strong>n linearperspektivischen<br />
Raum aufgeben müssen, in <strong>de</strong>m sich <strong>de</strong>r Leser eines Geschichtsbuches, eines historischen Romans bisher so<br />
leicht zurechtgefun<strong>de</strong>n hat. […] Bisher habe ich keine an<strong>de</strong>re Technik gefun<strong>de</strong>n, als die <strong>de</strong>s ‚Mosaiks‘. […] Im<br />
Dschingiz-Chan möchte ich versuchen, das nebeneinan<strong>de</strong>r <strong>de</strong>r I<strong>de</strong>en zu ver<strong>de</strong>utlichen. Ihr Nebeneinan<strong>de</strong>r gibt<br />
das, was ich als ‚Spannungsfeld‘ bezeichne.“<br />
77 Ibid. : „Schon <strong>de</strong>r wissenschaftlicher Geschichtsschreiber kommt kaum ohne Deutung aus. […] Darum<br />
veraltet Geschichtsschreibung, zumal ‚linearperspektivische‘ […] Vielleicht also liegt <strong>de</strong>r Zwiespalt in <strong>de</strong>r<br />
Geschichte selber?“<br />
78 Mircea Elia<strong>de</strong> : Le Mythe <strong>de</strong> l’éternel retour. Archétypes et répétition, Paris, 1949, pp. 215-216.<br />
79 Comme c’est le cas lors <strong>de</strong> la première évocation <strong>de</strong> Gengis Khan dans le roman d’Overhoff, cf. chapitre IV du<br />
présent travail.<br />
94