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1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine

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chaque nation développe une « âme distincte <strong>de</strong> l’univers où elle baigne »] une histoire<br />

horizontale qui fasse ressortir entre les parties la communauté d’événements, comme le<br />

sociologue la fait ressortir entre les individus. Aussitôt tout le paysage historique se<br />

transforme. » 73 Il s’agit ici d’une autre formulation <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la philosophie<br />

d’Overhoff : les relations entre les forces, dont le jeu constitue l’histoire, sont conçues sur le<br />

modèle <strong>de</strong> la société, dont la composition résulte <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong>s relations entre les individus, qui<br />

sont eux-mêmes <strong>de</strong>s « centres <strong>de</strong> force ». Cette conception synchrone <strong>de</strong> l’histoire sera la clef<br />

<strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> l’ouvrage. 74 À tous les niveaux – stylistique, thématique –, on<br />

la retrouve en filigrane. C’est elle qui a décidé <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> la conception <strong>de</strong> l’ouvrage.<br />

L’histoire s’accomplit dans la simultanéité <strong>de</strong> centres <strong>de</strong> puissances. Et dans la zone<br />

d’effervescence qu’engendrent ces forces, « luttent les individus, les groupes, ils naissent et<br />

disparaissent, s’épanouissent ou dépérissent ». 75<br />

Dans sa lettre du 31 juillet 1957, où il répond à Peter Suhrkamp qui vient <strong>de</strong> refuser<br />

définitivement <strong>de</strong> publier son roman malgré les transformations apportées, Overhoff explique<br />

le choix <strong>de</strong> sa technique <strong>de</strong> mosaïque pour illustrer sa conception historique par sa vision du<br />

travail <strong>de</strong> romancier historique. Un passage <strong>de</strong> cette lettre contient quelques grands principes<br />

<strong>de</strong> la pensée d’Overhoff : le refus <strong>de</strong> la linéarité au profit d’une synchronie organisée autour<br />

<strong>de</strong> « champs <strong>de</strong> tension » (Spannungsfel<strong>de</strong>r), auxquels font pendant les « centres <strong>de</strong> forces »<br />

(Kraftzentren), chacun représentant une facette <strong>de</strong>s mosaïques utilisées par Overhoff. Ces<br />

notions sont à la base <strong>de</strong> la conception du roman, en tissent la trame et la structure (nous<br />

verrons par exemple que l’unité <strong>de</strong> temps du roman, qui ne couvre qu’une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> quatre<br />

ans, est une conséquence du principe <strong>de</strong> juxtaposition, lui-même dérivant <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong>s<br />

champs <strong>de</strong> tension) :<br />

Le temps uniforme n’a jamais existé et n’existe pas. […] Certes il y a les faits. La science doit<br />

trouver les faits et établir entre eux un rapport rationnel. Mais les faits ne suffisent pas, car les<br />

hommes les interprètent et tentent <strong>de</strong> leur donner un sens. C’est ainsi que nous avons le double<br />

paradoxe <strong>de</strong> l’histoire : dans l’époque elle-même les nombreuses interprétations différentes et<br />

par là les objectifs <strong>de</strong>s individus, <strong>de</strong>s groupes, <strong>de</strong>s peuples, <strong>de</strong>s nations, <strong>de</strong>s cultures – et<br />

l’interprétation différente <strong>de</strong> cette époque qu’en donne a posteriori l’observateur ultérieur. […]<br />

Que faire face à une telle situation ? […] Nous <strong>de</strong>vrons, dans l’histoire également, abandonner<br />

l’espace <strong>de</strong> la perspective linéaire, dans lequel le lecteur d’un livre d’histoire, d’un roman<br />

historique se sentait jusqu’à présent si à l’aise. […] Je n’ai pu jusqu’ici trouver d’autre technique<br />

73 Emmanuel Berl : Histoire <strong>de</strong> l’Europe, Paris, 1945, p. 11 (souligné par nous).<br />

74 Cette synchronie est en même temps diachronique, car, au même moment, les sociétés ne vivent pas dans les<br />

mêmes temps ; à tout le moins, il s’agit d’une synchronie déphasée.<br />

75 „Im Spannungsfeld zwischen <strong>de</strong>n Zentren ringen die Einzelnen und die Gruppen, erstehen und vergehen sie,<br />

verwirklichen o<strong>de</strong>r verfehlen sich.“ (Le Mon<strong>de</strong> avec Gengis Khan, avant-propos, p. 31).<br />

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