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1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine

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contre l’idée du livre. 35 Overhoff voulait faire d’une époque son personnage central. 36<br />

S’attacher à écrire le roman d’une époque, en renonçant au « héros » était s’éloigner <strong>de</strong>s<br />

procédés narratifs en vigueur. Cette nouveauté s’écartait <strong>de</strong> la norme. Overhoff en avait<br />

parfaitement conscience et le revendiquait. Il pensait être l’avant-gar<strong>de</strong> d’un mouvement qui<br />

verrait la disparition <strong>de</strong> la tension dramatique dans les romans. 37<br />

Après Walter Scott, considéré comme le père du roman historique, et ses Waverley<br />

Novels (1814-19), qui assignèrent au genre son domaine bien en marge <strong>de</strong><br />

l’histoire (l’existence quotidienne <strong>de</strong>s diverses couches sociales, <strong>de</strong>s oppositions simples entre<br />

<strong>de</strong>s personnages typés, représentatifs <strong>de</strong>s forces historiques antagoniques), 38 l’histoire n’est<br />

plus un élément décoratif en arrière-fond <strong>de</strong> l’intrigue, elle <strong>de</strong>vient le moteur <strong>de</strong> l’action.<br />

Overhoff va plus loin : en faisant d’une époque le thème central <strong>de</strong> son livre, il renverse<br />

complètement les rôles : ce sont les personnages qui sont au service <strong>de</strong> l’histoire, leur fonction<br />

est <strong>de</strong> servir l’histoire, <strong>de</strong> la présenter. Le héros dont on va suivre les péripéties, c’est<br />

l’Histoire. Il est donc logique que les personnages soient fonctionnalisés comme faire-valoir.<br />

Aussi Le Mon<strong>de</strong> avec Gengis Khan est-il un roman historique par excellence (le roman <strong>de</strong><br />

l’Histoire) : la particularité <strong>de</strong>s personnages dérive <strong>de</strong> la spécificité <strong>de</strong> leur temps ; soit en<br />

étant <strong>de</strong>s personnes réelles, soit en étant <strong>de</strong>s anonymes aux prises avec l’histoire. Overhoff ne<br />

se contente pas « d’utiliser » l’histoire pour faire évoluer les personnages. Le long avantpropos<br />

précédant le roman, consacré à une vue d’ensemble du XIII e siècle insiste sur cette<br />

idée que le véritable protagoniste est l’époque.<br />

La perspective polyphonique qui caractérise Le Mon<strong>de</strong> avec Gengis Khan découle<br />

nécessairement du propos d’Overhoff d’évoquer une époque. De sa conception <strong>de</strong>s rapports<br />

entre l’homme et l’Histoire résulte la structure du roman. Elle est l’illustration <strong>de</strong> ces rapports.<br />

35 Lettre d’Overhoff à Guggenheimer du 12.07.1957 : „Ein ‚einheitlicher Blickpunkt‘, o<strong>de</strong>r ein ‚Held‘ kommt<br />

nicht in Frage. Das wäre gegen die I<strong>de</strong>e <strong>de</strong>s Buches.“<br />

36 Ibid. : „So wird legitim nicht ein Mensch, son<strong>de</strong>rn eine Zeit zum Hel<strong>de</strong>n <strong>de</strong>s Buches.“ C’est là que Suhrkamp<br />

voyait la faiblesse du roman, en le comparant aux I<strong>de</strong>s <strong>de</strong> mars <strong>de</strong> Thornton Wil<strong>de</strong>r : „Dabei [in diesem Roman]<br />

wird die Verwendung von Dokumenten verschie<strong>de</strong>nster Art als legitim bestätigt. Sie wer<strong>de</strong>n aber in ‚I<strong>de</strong>n <strong>de</strong>s<br />

März‘ durch die ständige Gegenwart Cäsars zusammengehalten. Es han<strong>de</strong>lt sich immer und nur um Cäsar, seinen<br />

Staat, seine Religion, sein Privatleben. […]. In Ihrem Manuskript ist Dschingis Chan nicht Mitte, son<strong>de</strong>rn im<br />

Hintergrund, und er ist nicht einmal <strong>de</strong>r ständige Hintergrund <strong>de</strong>r Dokumente.“ (Lettre <strong>de</strong> Suhrkamp du<br />

08.11.1956).<br />

37 Lettre d’Overhoff à Suhrkamp du 31.07.1957, après avoir affirmé que le roman historique <strong>de</strong>vrait renoncer au<br />

confort <strong>de</strong> la perspective linéaire <strong>de</strong> l’histoire (voir infra), Overhoff dit : „In dreissig Jahren wird es geschehen<br />

sein.“ Plus loin, il remarque : „Auf die Spannung im Roman wer<strong>de</strong>n wir, so glaube ich, bald ganz verzichten<br />

müssen.“<br />

38 Balzac écrivait dans l’avant-propos <strong>de</strong> la Comédie humaine : « Walter Scott élevait à la valeur philosophique<br />

<strong>de</strong> l’histoire le roman. […] Il y réunissait à la fois le drame, le dialogue, le portrait, le paysage, la <strong>de</strong>scription ; il<br />

y faisait entrer le merveilleux et le vrai, ces éléments <strong>de</strong> l’épopée, il y faisait coudoyer la poésie par la familiarité<br />

<strong>de</strong>s plus humbles langages. », in : Jean-Pierre <strong>de</strong> Beaumarchais/Daniel Couty/Alain Rey : Dictionnaire <strong>de</strong>s<br />

littératures <strong>de</strong> langue française, Paris, 1994. Entrée Roman historique, rédigée par Daniel Ma<strong>de</strong>lénat, p. 2139.<br />

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