1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine
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le résultat voulu, le lecteur n’ayant pas suffisamment de données pour saisir les tenants et les aboutissants. Guggenheim proposait donc pour « sauver » le livre – outre la suppression de certains tableaux – de placer avant chaque tableau un récapitulatif explicatif, en dehors du cours du récit. Cette idée sera reprise par Overhoff, transformée en avant-propos de l’ouvrage lors de sa publication dans sa forme définitive. Après avoir traîné quatre années en longueur en raison des tergiversations de la maison d’édition Suhrkamp, la décision de publier le manuscrit fut prise rapidement par la maison d’édition Glock und Lutz. Ce fut Karl B. Glock qui manifesta son intérêt pour l’œuvre en 1958 à la suite de la publication dans les Frankfurter Hefte (décembre 1957-mars 1958) de tableaux tirés du manuscrit (les huit tableaux qui constituaient alors le deuxième chapitre appelé « L’Occident »). Le 22 août 1958, Glock annonçait à Overhoff sa décision définitive de publier son manuscrit, qui distinguait selon lui « réalité historique » et « réalité poétique » tout en les unissant dans un « regard visionnaire ». 7 À l’automne 1959 paraissait Le Monde avec Gengis Khan. II « historia magistra vitae » : le choix du roman historique Overhoff a lui-même expliqué son choix du roman historique lors de la lecture d’une de ses nouvelles historiques, Incipit vita nova – située dans l’Italie du XIII e siècle –, en admettant qu’au premier abord il pourrait paraître anachronique : « Ce genre littéraire, le roman historique, la nouvelle historique, n’a-t-il pas connu ses plus belles heures au XIX e siècle ? À une époque où les hommes vivaient dans un climat de sécurité bourgeoise inimaginable pour nous et cherchaient une source d’exaltation dans un passé plus mouvementé […] ? » 8 Pourquoi faire appel à ce genre alors que l’époque contemporaine avait été et était encore foisonnante d’événements, de catastrophes et de bouleversements de tout ordre ? Les hommes n’avaient-ils pas assez à faire avec leur propre époque pour aller s’inquiéter des problèmes de gens d’un passé lointain ? Overhoff répond en affirmant que nous pouvons apprendre du passé en observant le comportement des hommes confrontés à des 7 Lettre de Karl B. Glock à Overhoff du 22.08.1958 : „Die Entscheidung ist gefallen: wenn Sie wollen, erscheint Ihr Dschingis-Chan 1959 in unserem Verlag. Daß ich für die Lektüre vier Monate in Anspruch nehmen mußte, hat nichts mit einem Hin und Her von Kritik oder Unentschlossenheit zu tun. Vielmehr wuchs in jeder einzelnen Begegnung mit dem Manuskript die Spannung und die Lockung, das Werk herauszugeben. Zur Sache selbst scheint mir Ihr Arbeitsverfahren hinreichend legitimiert, insoferne als die historische Wirklichkeit und die dichterische Wirklichkeit durch den Apparat sauber getrennt, in der visionären Sicht jedoch eine geschlossene Einheit sind.“ 8 Introduction à une lecture le 15.03.1951 à Karlsruhe, script : „Hat diese Literaturgattung, der historische Roman, die historische Novelle nicht im 19. Jahrhundert geblüht, in einer Zeit also, da die Menschen in eine für uns unvorstellbaren bürgerlichen Sicherheit lebten und deshalb wohl ihre Erregungen aus einer bewegteren Vergangenheit zu beziehen versuchten, […]?“ 70
situations « presque semblables » à celle de l’homme contemporain. 9 Il reprend ce faisant la pensée classique de Cicéron : l’histoire maîtresse de la vie, historia magistra vitae, qui affirme que l’histoire offre un florilège de leçons pour le présent. Ce choix du roman historique, fondé sur la conception d’Overhoff du rôle de l’histoire dans l’appréhension du présent et la gestation de l’avenir, explique l’importance des romans et des nouvelles historiques au sein de son œuvre. Outre Le Monde avec Gengis Khan, l’auteur en composa nombre d’autres : Une Famille de Mégare (Eine Familie aus Megara, 1946), La Trahison d’Afschin (Der Verrat des Afschin, 1950), Conscience et responsabilité (Rechenschaft eines Verantwortungsbewussten, 1969), rassemblant quatorze nouvelles historiques. La Cathédrale (Die Kathedrale, 1955), en tant qu’histoire d’un édifice imaginaire, peut être rangée dans cette catégorie. Cinq monographies sur les quinze que compte l’œuvre d’Overhoff relèvent de ce genre littéraire. Dans le cadre de ces œuvres ellesmêmes se révèle sa conception de l’histoire. Ainsi fait-il dire à son personnage Eukleides, disciple de Socrate, dans Une Famille de Mégare : « Il n’est pas d’époque qui soit son propre fondement, qui jaillisse tout armée du front de Zeus, comme Pallas Athéné. Chacune est fille de l’époque qui l’a précédée, le fruit de ses œuvres, qu’elle a enfanté, nourri, élevé. Chaque génération prend pied sur un terrain que lui a préparé le passé. » 10 Aux yeux d’Overhoff, le roman ou la nouvelle historique était le moyen le mieux adapté pour transmettre au public sa conception du rôle de l’histoire dans l’appréhension du monde contemporain. De ce monde, Overhoff avait une connaissance profonde par sa profession au service de l’industrie ; il ne vivait pas en marge du monde qui l’entourait. Il était au contraire impliqué dans l’économie internationale et ne pouvait être suspecté ni de méconnaissance des problèmes de son époque, ni de désintérêt envers eux, en dépit des critiques qui lui ont été adressées dans ce sens. Il a répondu à ces reproches en expliquant sa démarche et en exposant l’un des principes à la racine de son œuvre : trouver dans l’histoire les clefs de l’avenir : Certains critiques me reprochent d’écrire des livres ésotériques, de m’occuper de figures appartenant à une histoire lointaine. Il est possible que ces critiques ne prêtent pas suffisamment l’oreille. Je voudrais proclamer ici que jamais je n’ai écrit une ligne qui ne soit en rapport absolument direct avec notre actualité la plus brûlante. Pourquoi interrogeons-nous un empereur 9 Cf. paroles d’introduction le 15.03.1951 à Karlsruhe, script : „Wir stehen vor schwierigen, kaum lösbaren Problemen, hat es nicht ähnliche, fast gleiche Situationen auf der Welt schon einmal gegeben? Wie haben sich denn da die Menschen verhalten, um mit den Schwierigkeiten fertig zu werden? Können wir vielleicht da etwas lernen, Erfahrungen machen?“ 10 „Keine Zeit beruht auf sich selbst, gewappnet der Stirn des Zeus entspringend wie Pallas Athene. Sondern eine jede ist die Tochter der Zeit vor ihr, ihr leibliches Kind, von ihr geboren, gesäugt und großgezogen. Jedes Geschlecht steht auf dem Boden, den das Vergangene ihm bereitet.“ (Une Famille de Mégare, Cologne, 3 1961, p. 41). 71
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le résultat voulu, le lecteur n’ayant pas suffisamment <strong>de</strong> données pour saisir les tenants et les<br />
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cours du récit. Cette idée sera reprise par Overhoff, transformée en avant-propos <strong>de</strong> l’ouvrage<br />
lors <strong>de</strong> sa publication dans sa forme définitive.<br />
Après avoir traîné quatre années en longueur en raison <strong>de</strong>s tergiversations <strong>de</strong> la maison<br />
d’édition Suhrkamp, la décision <strong>de</strong> publier le manuscrit fut prise rapi<strong>de</strong>ment par la maison<br />
d’édition Glock und Lutz. Ce fut Karl B. Glock qui manifesta son intérêt pour l’œuvre en<br />
1958 à la suite <strong>de</strong> la publication dans les Frankfurter Hefte (décembre 1957-mars 1958) <strong>de</strong><br />
tableaux tirés du manuscrit (les huit tableaux qui constituaient alors le <strong>de</strong>uxième chapitre<br />
appelé « L’Occi<strong>de</strong>nt »). Le 22 août 1958, Glock annonçait à Overhoff sa décision définitive<br />
<strong>de</strong> publier son manuscrit, qui distinguait selon lui « réalité historique » et « réalité poétique »<br />
tout en les unissant dans un « regard visionnaire ». 7 À l’automne 1959 paraissait Le Mon<strong>de</strong><br />
avec Gengis Khan.<br />
II « historia magistra vitae » : le choix du roman historique<br />
Overhoff a lui-même expliqué son choix du roman historique lors <strong>de</strong> la lecture d’une<br />
<strong>de</strong> ses nouvelles historiques, Incipit vita nova – située dans l’Italie du XIII e siècle –, en<br />
admettant qu’au premier abord il pourrait paraître anachronique : « Ce genre littéraire, le<br />
roman historique, la nouvelle historique, n’a-t-il pas connu ses plus belles heures au XIX e<br />
siècle ? À une époque où les hommes vivaient dans un climat <strong>de</strong> sécurité bourgeoise<br />
inimaginable pour nous et cherchaient une source d’exaltation dans un passé plus<br />
mouvementé […] ? » 8 Pourquoi faire appel à ce genre alors que l’époque contemporaine avait<br />
été et était encore foisonnante d’événements, <strong>de</strong> catastrophes et <strong>de</strong> bouleversements <strong>de</strong> tout<br />
ordre ? Les hommes n’avaient-ils pas assez à faire avec leur propre époque pour aller<br />
s’inquiéter <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> gens d’un passé lointain ? Overhoff répond en affirmant que<br />
nous pouvons apprendre du passé en observant le comportement <strong>de</strong>s hommes confrontés à <strong>de</strong>s<br />
7 Lettre <strong>de</strong> Karl B. Glock à Overhoff du 22.08.1958 : „Die Entscheidung ist gefallen: wenn Sie wollen, erscheint<br />
Ihr Dschingis-Chan 1959 in unserem Verlag. Daß ich für die Lektüre vier Monate in Anspruch nehmen mußte,<br />
hat nichts mit einem Hin und Her von Kritik o<strong>de</strong>r Unentschlossenheit zu tun. Vielmehr wuchs in je<strong>de</strong>r einzelnen<br />
Begegnung mit <strong>de</strong>m Manuskript die Spannung und die Lockung, das Werk herauszugeben. Zur Sache selbst<br />
scheint mir Ihr Arbeitsverfahren hinreichend legitimiert, insoferne als die historische Wirklichkeit und die<br />
dichterische Wirklichkeit durch <strong>de</strong>n Apparat sauber getrennt, in <strong>de</strong>r visionären Sicht jedoch eine geschlossene<br />
Einheit sind.“<br />
8 Introduction à une lecture le 15.03.1951 à Karlsruhe, script : „Hat diese Literaturgattung, <strong>de</strong>r historische<br />
Roman, die historische Novelle nicht im 19. Jahrhun<strong>de</strong>rt geblüht, in einer Zeit also, da die Menschen in eine für<br />
uns unvorstellbaren bürgerlichen Sicherheit lebten und <strong>de</strong>shalb wohl ihre Erregungen aus einer bewegteren<br />
Vergangenheit zu beziehen versuchten, […]?“<br />
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