29.12.2013 Views

1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine

1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine

1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

La Descente du Gange s’inscrit non seulement dans la tradition du journal <strong>de</strong> voyage,<br />

mais également dans la tradition du récit <strong>de</strong> voyage, car l’ouvrage représente bien autre chose<br />

qu’une compilation <strong>de</strong> notes n’ayant <strong>de</strong> sens que pour l’auteur. Overhoff s’adresse à un<br />

public, ce qui nécessite tout un travail <strong>de</strong> structure que ne réclame pas le journal. C’est là que<br />

rési<strong>de</strong> la différence essentielle entre journal, <strong>de</strong>stiné au seul rédacteur, et récit <strong>de</strong> voyage,<br />

<strong>de</strong>stiné à un public <strong>de</strong> lecteurs.<br />

On peut dater, environ, du milieu du XVII e siècle la vogue du récit <strong>de</strong> voyage. Certes,<br />

les antécé<strong>de</strong>nts ne manquent pas, à commencer par Homère, Hérodote et Pausanias, en<br />

passant par Le Devisement du Mon<strong>de</strong> au Moyen Âge, où Marco Polo retrace son périple <strong>de</strong><br />

Venise jusqu’en Chine. Dès 1650, du moins, le récit <strong>de</strong> voyage <strong>de</strong>vient un genre à succès. 152<br />

Le récit <strong>de</strong> voyage prend autant <strong>de</strong> formes qu’il y a <strong>de</strong> voyages et <strong>de</strong> voyageurs. On ne visite<br />

pas l’Italie comme on découvre le Nouveau Mon<strong>de</strong>. Dans le premier cas, l’originalité est <strong>de</strong><br />

porter un regard nouveau sur un objet déjà connu du voyageur et <strong>de</strong>s lecteurs par <strong>de</strong>s récits<br />

antérieurs ; dans l’autre, le but est <strong>de</strong> décrire ce qui n’a fait l’objet d’aucun récit, qui est donc<br />

inconnu aussi bien pour le voyageur que pour ses lecteurs.<br />

Dans le récit <strong>de</strong> voyage, le mon<strong>de</strong> est saisi à travers la conscience <strong>de</strong> l’auteur, mais<br />

aussi celle <strong>de</strong> son époque. Overhoff l’exprime parfaitement lorsqu’il évoque le temps où<br />

certaines régions qu’il traverse ou survole n’étaient pas même cartographiées ; nul besoin <strong>de</strong><br />

remonter à un passé éloigné : il l’a vécu dans les atlas <strong>de</strong> son enfance ! 153<br />

Au XX e siècle, le récit <strong>de</strong> voyage ne prétend plus décrire <strong>de</strong>s pays lointains, inconnus,<br />

ou nouveaux. L’intérêt s’est porté vers la <strong>de</strong>scription d’une réalité actuelle, qui peut toutefois<br />

équivaloir à un voyage dans le passé. L’histoire <strong>de</strong>s civilisations ayant peuplé les territoires<br />

qu’il traverse est certes d’une importance capitale aux yeux d’Overhoff, 154 mais il n’est<br />

toutefois pas à la recherche d’une « authenticité » <strong>de</strong>s cultures traversées, il n’en déplore pas<br />

la disparition. Il se situe à l’opposé <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong> Lévy-Strauss, qui haïssait les voyages et<br />

regrettait <strong>de</strong> n’avoir vécu « au temps <strong>de</strong>s vrais voyages, quand s’offrait dans toute sa<br />

splen<strong>de</strong>ur un spectacle non gâché, contaminé et maudit ». 155 Que la Terre n’offre plus matière<br />

à rêver à <strong>de</strong>s paradis lointains, signifie pour Overhoff qu’il faut une fois <strong>de</strong> plus repousser les<br />

152 Cf. Clau<strong>de</strong> Burgelin : Dictionnaire <strong>de</strong>s genres et notions littéraires, Paris, 1997, pp. 587-599.<br />

153 „Auf <strong>de</strong>n Karten unserer Schulatlanten gab’s <strong>de</strong>n Ort Anchorage noch nicht, führte unser weiterer Kurs<br />

gera<strong>de</strong>nwegs durch <strong>de</strong>n weißen Flecken ‚Unerforscht‘, <strong>de</strong>r auf <strong>de</strong>r Nord-Hemisphäre noch offen war.“ (La<br />

Descente du Gange, p. 443).<br />

154 Lettre d’Overhoff à Jürgensmeyer <strong>de</strong>s éditions Hegner du 31.12.1963 : „Denn je<strong>de</strong>s einzelne Volk hat seine<br />

Geschichte, sein durch die eigene Geschichte geformtes Gesicht und damit sein Schicksal. Wer immer an <strong>de</strong>n<br />

Problemen unserer Epoche mitarbeiten will, muß sich, soll er nicht Schiffbruch erlei<strong>de</strong>n, in dieses Gesicht <strong>de</strong>r<br />

Völker, in das Wesen <strong>de</strong>r geschichtlichen Erscheinungen durch zehntausend Jahre vertiefen, einen billigeren,<br />

bequemeren Weg gibt es nicht.“<br />

155 Clau<strong>de</strong> Lévy-Strauss : Tristes tropiques, Paris, 1955, p. 32.<br />

60

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!