1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine
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Il est un passage révélateur, qui décrit le bâtiment que l’IG Farben avait fait construire pour accueillir son siège. Overhoff l’y compare au domicile des dieux, manifestant l’identification qui caractérisait le rapport d’Overhoff à son entreprise : comparer son entreprise à un dieu empêchait toute prise de position critique à l’égard de celle-ci. 104 Overhoff avait, grâce à des partenaires américains, fondé début 1948 une entreprise, Pro Chemie, dans l’import-export de produits chimiques. Il quittera ses fonctions en 1949 pour intégrer la BASF, issue, comme Hoechst et Bayer, du démembrement de l’IG Farben, où il sera responsable de l’exportation. Il y fera une brillante carrière jusqu’au poste de viceprésident du directoire et prendra sa retraite en 1963. 105 L’année 1949 vit aussi l’aboutissement d’un projet littéraire : la parution des Inscriptions européennes. L’année 1949 représente donc un nouveau départ dans la vie d’Overhoff. V La maturité 1949 - 1969 Overhoff compte en 1949 déjà à son actif cinq livres publiés. Les quinze années à venir vont être les plus productives. Outre neuf monographies jusqu’en 1969, il va publier un grand nombre d’articles et plusieurs nouvelles (Die Kathedrale, Der Alpinist, Die Spanier in Peru, Kain und Abel, Das Gesicht) dans différentes revues (Neue deutsche Hefte, Merkur, Die neue Rundschau). Sa présence dans le paysage littéraire allemand est encore renforcée par la parution d’extraits de ses monographies avant leur publication, comme c’est le cas pour Voyage en Amérique latine, Une Famille de Mégare (deuxième édition en 1954) et Le Monde avec Gengis Khan. V.1 1949 Inscriptions européennes La parution des Inscriptions européennes chez Suhrkamp peut être considérée comme l’épilogue des années difficiles d’Overhoff. Avec la publication de cette œuvre, dont l’origine remonte aux heures les plus noires de sa vie, c’est une page qui se tourne. À l’heure où l’Europe semble avoir cessé d’exister, elle ressurgit dans tout son rayonnement sous la plume d’Overhoff. Il nous montre que l’Europe en ruines telle qu’elle se présente à ses 104 „Bernsteinfarben wuchsen die plattenbelegten Mauern am Gerüst von Stahl und Beton, Tausende von gleichgeformten Fenstern blitzten über das Gelände des Grüneburgparkes in der Stadt Frankfurt am Main, und was sich da nach dem Entwurf Poelzigs erhob, auf eigenwilligen Grundriß in Gestalt eines zackigen Radsegmentes, mochte bisweilen, im Mittagslicht, bei Vollmond oder an leise nebligen Morgen, wirklich wie der Sitz eines neun Königs oder Gottes hersehen.“ (Ibid., p. 9). À la fin de l’ouvrage, Overhoff conclut : „Die I.G.-Farbenindustrie gibt es nicht mehr. Nach der Besetzung wurde das Haus erst Sammellager für die verschleppten Ausländer, später amerikanisches Hauptquartier. Der Firma machte man den Prozeß, dann löste man sie auf. Das ist eine lange Geschichte, die erzähle ich vielleicht ein andermal.“ (Ibid., p. 295). 105 Sa carrière d’après-guerre au sein de BASF, toute impressionnante qu’elle soit (directeur des ventes, puis membre du directoire et enfin du conseil d’administration) ne joue pas de rôle significatif dans son œuvre – en dehors des voyages qu’elle l’amena à entreprendre et qui trouveront leur expression littéraire dans deux œuvres. 45
contemporains n’est pas une fin inéluctable, qu’elle est le résultat des forces contenues en elle qui ont été mal utilisées. C’est aux hommes de se servir à présent de ces forces pour que l’Europe rejaillisse de ses cendres. Overhoff veut, dans cette œuvre optimiste, éclairer le chemin de l’Europe. On trouve ici pour la première fois l’attitude idéaliste d’Overhoff, essentielle à la compréhension de son œuvre, car elle est en la racine. L’écrivain Hans Erich Nossack, à qui Overhoff avait envoyé les épreuves du livre, considéra les Inscriptions européennes comme un acte de foi en l’Europe. 106 C’est en effet une somme des idées en Europe à travers les âges. Mais si « elles en disent beaucoup sur l’histoire, ce n’est pas un livre d’histoire ». 107 Elles ne se veulent ni jugement, ni enseignement, elles veulent juste présenter la réalité, telle qu’elle est perceptible aux contemporains. 108 Et au-delà, elles veulent indiquer que l’Europe a encore un chemin devant elle. L’avenir de l’Europe, qui peut paraître sans issue à certains, est pourtant dans les mains de l’homme. 109 Aux sonnets qu’il avait composés lors des pauses entre les interrogatoires de la commission Bernstein (le sonnet, par la rigidité de sa forme, contraignait l’esprit à un ordre qui s’opposait au désordre régnant alors), Overhoff a ajouté des textes en prose dans lesquels les sonnets s’insèrent pour former la quintessence des idées exprimées. 110 Ces inscriptions, que représentent les sonnets qui closent chaque thème abordé, sont les traces laissées par l’histoire dans l’Europe moderne. Elles sont l’héritage que nous lègue l’Europe. Les sonnets, dédiés à une personnalité, à un événement ou à une œuvre d’art, sont les prismes reflétant l’époque qu’ils évoquent. Ils sont gravés par l’histoire pour que l’homme moderne puisse s’en souvenir et les utiliser pour façonner son avenir. Car, tout comme dans le Monde avec Gengis Khan, l’auteur des Inscriptions européennes ne tourne pas le dos à l’avenir pendant qu’il traite du passé. 111 Overhoff revendique d’être resté dans le monde des idées, qui était sa façon de se prononcer sur son temps. 112 106 Lettre de Nossack à Overhoff du 07.11.1948 : „Bekenntnis für Europa“. C’est aussi le titre qu’il donnera au compte rendu qui paraîtra dans le journal Die Welt du 2 juillet 1949. 107 Critique d’Artur Hospelt, script : „Die ‚europäische Inschriften‘ sagen sehr viel über Geschichte, aber sie sind keine Historie und erst recht keine Entwicklungsgeschichte gleich welcher Art.“ 108 Ibid. : „Sie urteilen weder noch wollen sie belehren, wenn sie voraussehen, so ist es nur ahnend. Sie sagen einfach aus, die lautere Wahrheit, so wie sie heute erfassbar ist.“ 109 On trouve dans les dernières lignes de l’ouvrage les vers suivants : „Die Fackel in der Hand ist angezündet, Und keiner, keiner, der sie uns entwindet. Wer sie verlöschen kann, sind einzig wir.“ (Inscriptions européennes, p. 387). 110 Le livre porta jusqu’en 1947 le titre de Sonnets européens. Quand Overhoff eut ajouté les textes en prose entre les sonnets, le titre ne correspondit plus exactement. 111 Compte rendu de Hans Erich Nossack dans Die Welt du 2 juillet 1949 : „Diese Worte […] zeugen davon, daß hier keiner spricht, der der Zukunft den Rücken zukehrt, während er von unserer Vergangenheit redet.“ 112 Lettre d’Overhoff à Nossack du 03.12.1947 : „Ist es nicht seltsam, wie wir hier, die wir alles miterlebt haben, ins Geisterreich starren, während die Emigranten an die realen Dinge herangehen, wie sie glauben, daß sie sich bei uns ereignet haben?“ C’est peut-être le genre d’œuvres dont Sebald écrit dans Luftkrieg und Literatur : 46
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contemporains n’est pas une fin inéluctable, qu’elle est le résultat <strong>de</strong>s forces contenues en elle<br />
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l’Europe rejaillisse <strong>de</strong> ses cendres. Overhoff veut, dans cette œuvre optimiste, éclairer le<br />
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Nossack, à qui Overhoff avait envoyé les épreuves du livre, considéra les Inscriptions<br />
européennes comme un acte <strong>de</strong> foi en l’Europe. 106 C’est en effet une somme <strong>de</strong>s idées en<br />
Europe à travers les âges. Mais si « elles en disent beaucoup sur l’histoire, ce n’est pas un<br />
livre d’histoire ». 107 Elles ne se veulent ni jugement, ni enseignement, elles veulent juste<br />
présenter la réalité, telle qu’elle est perceptible aux contemporains. 108 Et au-<strong>de</strong>là, elles veulent<br />
indiquer que l’Europe a encore un chemin <strong>de</strong>vant elle. L’avenir <strong>de</strong> l’Europe, qui peut paraître<br />
sans issue à certains, est pourtant dans les mains <strong>de</strong> l’homme. 109<br />
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commission Bernstein (le sonnet, par la rigidité <strong>de</strong> sa forme, contraignait l’esprit à un ordre<br />
qui s’opposait au désordre régnant alors), Overhoff a ajouté <strong>de</strong>s textes en prose dans lesquels<br />
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dédiés à une personnalité, à un événement ou à une œuvre d’art, sont les prismes reflétant<br />
l’époque qu’ils évoquent. Ils sont gravés par l’histoire pour que l’homme mo<strong>de</strong>rne puisse s’en<br />
souvenir et les utiliser pour façonner son avenir. Car, tout comme dans le Mon<strong>de</strong> avec Gengis<br />
Khan, l’auteur <strong>de</strong>s Inscriptions européennes ne tourne pas le dos à l’avenir pendant qu’il traite<br />
du passé. 111 Overhoff revendique d’être resté dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s idées, qui était sa façon <strong>de</strong> se<br />
prononcer sur son temps. 112<br />
106 Lettre <strong>de</strong> Nossack à Overhoff du 07.11.1948 : „Bekenntnis für Europa“. C’est aussi le titre qu’il donnera au<br />
compte rendu qui paraîtra dans le journal Die Welt du 2 juillet 1949.<br />
107 Critique d’Artur Hospelt, script : „Die ‚europäische Inschriften‘ sagen sehr viel über Geschichte, aber sie sind<br />
keine Historie und erst recht keine Entwicklungsgeschichte gleich welcher Art.“<br />
108 Ibid. : „Sie urteilen we<strong>de</strong>r noch wollen sie belehren, wenn sie voraussehen, so ist es nur ahnend. Sie sagen<br />
einfach aus, die lautere Wahrheit, so wie sie heute erfassbar ist.“<br />
109 On trouve dans les <strong>de</strong>rnières lignes <strong>de</strong> l’ouvrage les vers suivants :<br />
„Die Fackel in <strong>de</strong>r Hand ist angezün<strong>de</strong>t,<br />
Und keiner, keiner, <strong>de</strong>r sie uns entwin<strong>de</strong>t.<br />
Wer sie verlöschen kann, sind einzig wir.“ (Inscriptions européennes, p. 387).<br />
110 Le livre porta jusqu’en 1947 le titre <strong>de</strong> Sonnets européens. Quand Overhoff eut ajouté les textes en prose<br />
entre les sonnets, le titre ne correspondit plus exactement.<br />
111 Compte rendu <strong>de</strong> Hans Erich Nossack dans Die Welt du 2 juillet 1949 : „Diese Worte […] zeugen davon, daß<br />
hier keiner spricht, <strong>de</strong>r <strong>de</strong>r Zukunft <strong>de</strong>n Rücken zukehrt, während er von unserer Vergangenheit re<strong>de</strong>t.“<br />
112 Lettre d’Overhoff à Nossack du 03.12.1947 : „Ist es nicht seltsam, wie wir hier, die wir alles miterlebt haben,<br />
ins Geisterreich starren, während die Emigranten an die realen Dinge herangehen, wie sie glauben, daß sie sich<br />
bei uns ereignet haben?“ C’est peut-être le genre d’œuvres dont Sebald écrit dans Luftkrieg und Literatur :<br />
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