1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine

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Il adopta, face au nazisme et à la guerre une position qu’il garda toute sa vie : il parla de la guerre comme d’une catastrophe que le peuple allemand dut subir sous la dictature nazie. Il ne s’est jamais exprimé sur le nazisme en soi, ni sur les crimes commis en son nom. Cette attitude est une conséquence de la conception apolitique de la vie politique d’Overhoff. On observe un phénomène de scission entre les actes, qu’ils soient le fait de personnes ou d’institutions et les conséquences qu’ils entraînent. Cette attitude à tendance schizoïde explique sa position envers l’IG Farben en qui il vit toujours une victime de la dictature nazie, malgré les faits avérés qui lui furent reprochés et pour lesquels ses dirigeants furent condamnés. Lui-même estimait avoir agi en accord avec sa conscience dans le cadre de ses fonctions au sein de l’IG Farben. C’est ainsi que s’expliquent ses réactions, qui seront celles de tous les directeurs de l’IG Farben, vis-à-vis des Américains lors de leur occupation de Francfort, et en particulier des locaux du siège de l’IG Farben (qui furent tout d’abord utilisés comme abri de fortune pour les étrangers déportés puis devint le siège de l’administration américaine). Se considérant comme une victime intègre, au service d’une entreprise tout aussi intègre, Overhoff ne pouvait adhérer à la vision des Américains traitant les directeurs de l’IG Farben comme des coupables en puissance. 97 Il est intéressant de comparer le texte d’Overhoff Der Einsturz et un témoignage du côté américain. Robert Thompson Pell, agent secret américain, était présent lors de l’occupation du siège de l’IG Farben par l’armée américaine. Il présente les faits dans son reportage sous une tout autre lumière. 98 Deux exemples illustreront ce double éclairage. La disparition de documents, détruits ou dissimulés par des directeurs de l’IG Farben, est considérée par Overhoff comme une réaction légitime de la part de loyaux employés qui ne pouvaient se résoudre à « se séparer de leurs chers dossiers ». 99 Ce même fait est considéré par les Américains comme une preuve de la culpabilité de ces dirigeants. L’argument 97 „Im Geheimsten hatte man doch gehofft, nach den Enttäuschungen, der Schmach der eigenen Regierung, auf der anderen Seite eine bessere, eine weisere Welt zu finden. Wie sollte nur je wieder der kleinste Schritt aufwärts sich tun lassen bei so viel Hass, Verhärtung, flachem Besserwissen und Blindheit vor historischen Zusammenhängen?“ (Der Einsturz, p. 85) ; „Wir sollten als Gangster behandelt werden. Wir sollten unbedingt ein schlechtes Gewissen zeigen. Da wir keines hatten, konnte das nur verbrecherische Verstocktheit sein.“ (Ibid., p. 92). 98 „Im Anschluß an ein im April 1945 mit den leitenden Herren der IG-Farben in Frankfurt geführtes Gespräch gibt Robert Thomas Pell [richtig Thompson] sein Erstaunen zu Protokoll über die mit Selbstmitleid, kriecherische Selbstrechtfertigung, gekränkten Unschuldsgefühlen der Deutschen, ihr Land größer und mächtiger wiederaufzubauen, als es in der Vergangenheit war.“ (Stig Dagerman : Europa in Ruinen. Augenzeugenberichte aus den Jahren 1944–1948, éd. par Hans Magnus Enzensberger, Francfort/M., 1990. Préface de Hans Magnus Enzensberger, p. 14). 99 „Wohl jeder Amerikaner oder Engländer hätte genau so gehandelt wie der Vorstand der I.G. Gerade aber aus dieser Aktenverbrennung, aus der Tatsache, dass einige Abteilungsleiter, die sich von ihrem geliebten Stoff nicht trennen konnten, ein paar Mappen mit heimnahmen, bei sich versteckten oder im Garten vergruben, hat man nachträglich versucht, der I.G. eine betrügerische Verschleierung unterzuschieben, ja einzelne Männer wurden bedroht und verfolgt.“ (Der Einsturz, p. 65). 43

d’Overhoff paraît en effet assez incompréhensible, d’autant plus qu’il affirme lui-même devoir sa liberté à la conservation de ses dossiers (cf. supra) : pourquoi se débarrasser de dossiers si ceux-ci ne sont pas compromettants ? Un autre fait, anecdotique, révèle les perceptions opposées : Pell décrit un directeur sortant posément des objets de valeur (argenterie, bijoux) entreposés dans les coffres-forts des bureaux du siège de l’IG Farben pour les préserver des bombardements et oubliant de remettre les dossiers réclamés aux officiers. 100 Overhoff dénonce le vol par l’armée américaine de biens personnels mis à l’abri des bombardements dans les coffres. 101 Overhoff n’a jamais par la suite pris position publiquement au sujet de l’histoire de l’IG Farben, et du rôle qu’elle a pu jouer sous le régime nazi. 102 On remarque toutefois que les évocations de la IG Farben que l’on peut trouver dans ses écrits ne sont jamais négatives. C’est le cas en particulier dans La Maison sans localisation, parue en 1960 (mais dont la rédaction commença en 1946). Le livre a pour principe de base la description de la maison qu’Overhoff se fit construire dans les faubourgs de Francfort au début des années 30, lorsque l’IG Farben établit son siège à Francfort. Il place lui-même son livre sous le signe de l’entreprise. Il raconte dans les toutes premières lignes les raisons de son déménagement à Francfort : Nous étions en 1930. L’IG Farbenindustrie, devenue un des plus puissants groupes économiques du continent à la suite de la fusion de onze entreprises chimiques, grandes et petites, s’apprêtait à s’installer dans son nouveau bâtiment administratif. […] La création de ce centre entraîna, pour des centaines de familles de la Rhénanie, du Palatinat, du Maingau un changement de domicile. Pour nous aussi. 103 100 „[Der Direktor] öffnete seinen Safe und nahm erst einmal Weinflaschen, Familiensilber, Schmuckkästchen und verschiedene andere Sachen heraus, die er in eine kleine Tasche stopfte. Als er nach einiger Zeit mit dem Packen fertig war, wollte er in aller Ruhe den Raum verlassen. Ich erinnerte ihn daran, daß wir Unterlagen holen wollten.“ (Stig Dagerman : Europa in Ruinen. Augenzeugenberichte aus den Jahren 1944–1948, éd. par Hans Magnus Enzensberger, Francfort/M., 1990, p. 100). 101 „In Wirklichkeit wurde der Besatzungsbehörde die Schlüssel zum Safe und alle verlangten Dokumente ausgehändigt, was nur zur Folge hatte, dass private Ölgemälde, Porzellan und Silber der Angestellten, das in den Panzerschränken halbwegs bombensicher aufbewahrt war, von den Amerikanern ‚beschlagnahmt‘ und zur Ausstaffierung ihres Hauptquartiers benutzt, also gestohlen wurde.“ (Der Einsturz, p. 65). 102 Sur ce sujet, nous renvoyons aux études suivantes : Bernd Boll : Fall 6. Der IG-Farben-Prozeß, in : Gerd Ueberschär (éd.) : Der Nationalsozialismus vor Gericht, Francfort/M., 1999, pp. 133-143 ; Bernd C. Wagner : Gerüchte, Wissen, Verdrängung : Die IG Auschwitz und das Vernichtungslager Birkenau, in : Ausbeutung, Vernichtung, Öffentlichkeit. Neue Studien zur nationalsozialistischen Lagerpolitik, éd. par Norbert Frei, Munich, 2000 ; Bernd C. Wagner : IG Auschwitz : Zwangsarbeit und Vernichtung von Häftlingen des Lagers Monowitz 1941-1945, Munich, 2000 (=Darstellung und Quellen zur Geschichte von Auschwitz, 3). 103 „Es war das Jahr 1930. Die I. G. Farbenindustrie, aus dem Zusammenschluß elf großer und kleinerer chemischer Fabriken hervorgegangen, und nun eines der gewaltigsten wirtschaftlichen Kraftzentren des Kontinents, schickte sich an, ihr neues Verwaltungsgebäude zu beziehen. […] Für Hunderte von Familien aus dem Rheinland, der Pfalz, dem Maingau, aus ganz Deutschland, bedeutete die Schaffung dieses Mittelpunktes Wechsel des Wohnsitzes und damit aller Lebensbeziehungen. So auch für uns.“ (La Maison sans localisation, p. 9). 44

Il adopta, face au nazisme et à la guerre une position qu’il garda toute sa vie : il parla<br />

<strong>de</strong> la guerre comme d’une catastrophe que le peuple allemand dut subir sous la dictature<br />

nazie. Il ne s’est jamais exprimé sur le nazisme en soi, ni sur les crimes commis en son nom.<br />

Cette attitu<strong>de</strong> est une conséquence <strong>de</strong> la conception apolitique <strong>de</strong> la vie politique d’Overhoff.<br />

On observe un phénomène <strong>de</strong> scission entre les actes, qu’ils soient le fait <strong>de</strong> personnes ou<br />

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fonctions au sein <strong>de</strong> l’IG Farben. C’est ainsi que s’expliquent ses réactions, qui seront celles<br />

<strong>de</strong> tous les directeurs <strong>de</strong> l’IG Farben, vis-à-vis <strong>de</strong>s Américains lors <strong>de</strong> leur occupation <strong>de</strong><br />

Francfort, et en particulier <strong>de</strong>s locaux du siège <strong>de</strong> l’IG Farben (qui furent tout d’abord utilisés<br />

comme abri <strong>de</strong> fortune pour les étrangers déportés puis <strong>de</strong>vint le siège <strong>de</strong> l’administration<br />

américaine). Se considérant comme une victime intègre, au service d’une entreprise tout aussi<br />

intègre, Overhoff ne pouvait adhérer à la vision <strong>de</strong>s Américains traitant les directeurs <strong>de</strong> l’IG<br />

Farben comme <strong>de</strong>s coupables en puissance. 97<br />

Il est intéressant <strong>de</strong> comparer le texte d’Overhoff Der Einsturz et un témoignage du<br />

côté américain. Robert Thompson Pell, agent secret américain, était présent lors <strong>de</strong><br />

l’occupation du siège <strong>de</strong> l’IG Farben par l’armée américaine. Il présente les faits dans son<br />

reportage sous une tout autre lumière. 98 Deux exemples illustreront ce double éclairage. La<br />

disparition <strong>de</strong> documents, détruits ou dissimulés par <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> l’IG Farben, est<br />

considérée par Overhoff comme une réaction légitime <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> loyaux employés qui ne<br />

pouvaient se résoudre à « se séparer <strong>de</strong> leurs chers dossiers ». 99 Ce même fait est considéré<br />

par les Américains comme une preuve <strong>de</strong> la culpabilité <strong>de</strong> ces dirigeants. L’argument<br />

97 „Im Geheimsten hatte man doch gehofft, nach <strong>de</strong>n Enttäuschungen, <strong>de</strong>r Schmach <strong>de</strong>r eigenen Regierung, auf<br />

<strong>de</strong>r an<strong>de</strong>ren Seite eine bessere, eine weisere Welt zu fin<strong>de</strong>n. Wie sollte nur je wie<strong>de</strong>r <strong>de</strong>r kleinste Schritt aufwärts<br />

sich tun lassen bei so viel Hass, Verhärtung, flachem Besserwissen und Blindheit vor historischen<br />

Zusammenhängen?“ (Der Einsturz, p. 85) ; „Wir sollten als Gangster behan<strong>de</strong>lt wer<strong>de</strong>n. Wir sollten unbedingt<br />

ein schlechtes Gewissen zeigen. Da wir keines hatten, konnte das nur verbrecherische Verstocktheit sein.“ (Ibid.,<br />

p. 92).<br />

98 „Im Anschluß an ein im April 1945 mit <strong>de</strong>n leiten<strong>de</strong>n Herren <strong>de</strong>r IG-Farben in Frankfurt geführtes Gespräch<br />

gibt Robert Thomas Pell [richtig Thompson] sein Erstaunen zu Protokoll über die mit Selbstmitleid,<br />

kriecherische Selbstrechtfertigung, gekränkten Unschuldsgefühlen <strong>de</strong>r Deutschen, ihr Land größer und<br />

mächtiger wie<strong>de</strong>raufzubauen, als es in <strong>de</strong>r Vergangenheit war.“ (Stig Dagerman : Europa in Ruinen.<br />

Augenzeugenberichte aus <strong>de</strong>n Jahren 1944–1948, éd. par Hans Magnus Enzensberger, Francfort/M., 1990.<br />

Préface <strong>de</strong> Hans Magnus Enzensberger, p. 14).<br />

99 „Wohl je<strong>de</strong>r Amerikaner o<strong>de</strong>r Englän<strong>de</strong>r hätte genau so gehan<strong>de</strong>lt wie <strong>de</strong>r Vorstand <strong>de</strong>r I.G. Gera<strong>de</strong> aber aus<br />

dieser Aktenverbrennung, aus <strong>de</strong>r Tatsache, dass einige Abteilungsleiter, die sich von ihrem geliebten Stoff nicht<br />

trennen konnten, ein paar Mappen mit heimnahmen, bei sich versteckten o<strong>de</strong>r im Garten vergruben, hat man<br />

nachträglich versucht, <strong>de</strong>r I.G. eine betrügerische Verschleierung unterzuschieben, ja einzelne Männer wur<strong>de</strong>n<br />

bedroht und verfolgt.“ (Der Einsturz, p. 65).<br />

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