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1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine

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peine trouvé quatre ou cinq qui fussent en état d’assurer eux-mêmes leur subsistance au service du<br />

Christ. Cela était dû surtout au fait que ni les rois ni les princes, ni les autres puissants personnages<br />

n’étaient restés dans l’armée, à l’exception du comte Mathieu du royaume <strong>de</strong> Sicile qui retenait les<br />

chevaliers à ses propres frais autant qu’il le pouvait. Le seigneur légat contribuait à l’approvisionnement<br />

en utilisant dans les mesures du possible les aumônes qu’il avait reçues. Les nôtres donc,<br />

qui étaient plus nombreux, et comme ils ne pouvaient s’assembler en sécurité en raison <strong>de</strong> la multitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s Sarrasins, restaient au pied <strong>de</strong>s lices et <strong>de</strong> leurs fossés afin <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r la ville. Or le sultan d’Égypte<br />

se trouvait à un jour <strong>de</strong> marche à peine <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Damiette ; il avait installé son camp dans une île,<br />

nous dressait <strong>de</strong> multiples embûches ; il était à l’affût <strong>de</strong> toute occasion <strong>de</strong> porter aux nôtres <strong>de</strong><br />

mauvais coups, ou d’utiliser certains hommes, fils <strong>de</strong> Bélial, chrétiens impies, pour semer la discor<strong>de</strong><br />

parmi les nôtres.<br />

La plupart <strong>de</strong>s Sarrasins qui tendaient leurs embûches si insidieusement faisaient prisonniers ceux<br />

<strong>de</strong>s nôtres gui sortaient impru<strong>de</strong>mment, ou leur tranchaient la tête : pour une tête <strong>de</strong> chrétien, en effet,<br />

le sultan d’Égypte leur octroyait une certaine somme d’argent. De leur côté, les nôtres capturaient<br />

parfois en retour certains Sarrasins – à vrai dire un petit nombre – car ils fuyaient en abandonnant leurs<br />

armes, avec l’agilité <strong>de</strong>s chevreuils, et se réfugiaient dans <strong>de</strong>s marécages. Parfois, ils capturaient, en<br />

blessant leurs chevaux <strong>de</strong> leurs flèches, certains chevaliers ou Turcopoli auxquels il arrivait <strong>de</strong><br />

chevaucher loin <strong>de</strong> l’armée en raison <strong>de</strong> quelque nécessité, qu’il s’agît <strong>de</strong> faire du bois, ou <strong>de</strong> récolter<br />

<strong>de</strong>s herbages ; mais ils n’osaient jamais affronter les nôtres groupés en corps <strong>de</strong> bataille, à moins qu’ils<br />

n’eussent une supériorité numérique considérable. Quelquefois aussi, ils faisaient semblant <strong>de</strong> fuir et<br />

capturaient l’un <strong>de</strong>s nôtres qui se lançait à leur poursuite <strong>de</strong> manière indisciplinée, en encerclant<br />

l’impru<strong>de</strong>nt ; <strong>de</strong> même, quand les nôtres rentraient, leurs Bédoins montés sur <strong>de</strong>s chevaux agiles<br />

suivaient <strong>de</strong> loin l’arrière-gar<strong>de</strong>, saisissant toute occasion pour s’emparer d’un <strong>de</strong>s nôtres qui se<br />

laissait impru<strong>de</strong>mment distancer par le gros <strong>de</strong> la troupe, et leurs archers, blessant par <strong>de</strong>rrière <strong>de</strong> leurs<br />

flèches les chevaux <strong>de</strong>s traînards, faisaient parfois prisonniers certains <strong>de</strong>s nôtres. Il résulta <strong>de</strong> tout ceci<br />

que plus <strong>de</strong> trois mille chrétiens étaient retenus en captivité à Alexandrie, au Caire et à Damas ;<br />

certains d’entre eux avaient été fait prisonniers par <strong>de</strong>s pirates en mer, d’autres l’avaient été au<br />

combat, d’autres en allant au fourrage ; beaucoup <strong>de</strong> ces malheureux, tombés dans les pièges insidieux<br />

<strong>de</strong>s ennemis, furent capturés alors qu’ils pêchaient impru<strong>de</strong>mment dans un lac peu éloigné <strong>de</strong> notre<br />

camp, ou alors qu’ils s’étaient trop laissés distancer par les nôtres sur le rivage même <strong>de</strong> la mer, et tous<br />

s’en sont allés en captivité <strong>de</strong>vant le persécuteur. Un certain jour, comme nos chevaliers, avec nos<br />

milices musulmanes, rentraient recrus <strong>de</strong> fatigue d’un village avec un grand butin d’animaux et <strong>de</strong><br />

païens, <strong>de</strong>s Turcs placés en embusca<strong>de</strong>, avec <strong>de</strong>s chevaux tenus cachés, attaquèrent notre arrière-gar<strong>de</strong><br />

et, criblant <strong>de</strong> flèches nos chevaux, les blessèrent et nous infligèrent <strong>de</strong> grands dommages, car certains<br />

<strong>de</strong> nos chevaliers, les plus preux et les meilleurs combattants, furent soit faits prisonniers, soit tués par<br />

eux. Ainsi donc, dans les combats quotidiens, tantôt l’armée <strong>de</strong>s chrétiens se montrait inférieure aux<br />

ennemis, et était livrée aux misères <strong>de</strong> la captivité et <strong>de</strong> la mort, parfois, au contraire, elle avait le <strong>de</strong>ssus,<br />

et massacrait ou faisait prisonniers les ennemis <strong>de</strong> la croix du Christ. Plus pru<strong>de</strong>nts et plus<br />

prompts à se dérober que les nôtres, les Sarrasins évitaient d’attendre un choc avec nos chevaliers s’ils<br />

n’étaient pas en nombre nettement supérieur et ne pouvaient compter sur un avantage manifeste : alors<br />

qu’ils détenaient plus <strong>de</strong> trois mille <strong>de</strong>s nôtres en captivité comme il a été dit – c’est à peine si nous<br />

avions fait <strong>de</strong> notre côté un millier <strong>de</strong> prisonniers. Souvent, cependant, <strong>de</strong>s Sarrasins passaient<br />

spontanément dans notre camp, mais trouvant la vie que menaient les chrétiens trop dure et austère,<br />

car chez eux régnait une complète licence, ils ne supportaient pas <strong>de</strong> rester très longtemps avec nous,<br />

et retournaient au fumier propre aux païens, en nous quittant subrepticement. Certains <strong>de</strong>s nôtres, en<br />

revanche, <strong>de</strong>s misérables abjects, passaient spontanément dans le camp <strong>de</strong>s païens pour se vautrer<br />

pêle-mêle, sans retenue, dans les orgies, la luxure et d’immon<strong>de</strong>s plaisirs, croupissant dans leur ordure.<br />

Ayant ainsi reçu beaucoup <strong>de</strong> ces apostats, le sultan d’Égypte n’ignorait pas leur infidélité et<br />

l’inconstance <strong>de</strong> leur esprit ; il se servit d’eux non sans malignité, les envoyant dans les régions les<br />

plus excentriques <strong>de</strong> son royaume, d’où ils ne pourraient jamais revenir ; quant à eux, ils étaient si<br />

méprisés par les Sarrasins qu’on leur donnait à peine <strong>de</strong> quoi se sustenter ; ils refusaient <strong>de</strong> les<br />

admettre dans leurs hospices, et leur reprochaient d’être incapables <strong>de</strong> jamais bien observer la loi <strong>de</strong>s<br />

Sarrasins dans la mesure même où ils avaient été <strong>de</strong> mauvais chrétiens. Le sultan d’Égypte, cependant,<br />

s’ingéniait à trouver tous les moyens possibles <strong>de</strong> nous nuire, et d’affaiblir notre armée en l’amenant à<br />

se morceler le plus possible. Il ordonna à son frère Conradin, sultan <strong>de</strong> Damas, d’assiéger une nouvelle<br />

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