1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine
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Traduction <strong>de</strong> la lettre <strong>de</strong> Jacques <strong>de</strong> Vitry en français 5<br />
LETTRE VII<br />
a] Au très saint père et seigneur Honorius, pontife suprême par la grâce <strong>de</strong> Dieu, Jacques indigne<br />
ministre <strong>de</strong> l’église d’Acre par la grâce <strong>de</strong> Dieu, révérence également due et dévouée, avec le baiser<br />
<strong>de</strong>s pieds.<br />
b] Aux hommes vénérables et très chers dans le Christ, le frère Walter (d’Utrecht), abbé <strong>de</strong><br />
Villiers, et le maître Jean <strong>de</strong> Nivelles, et ses frères d’Oignies ainsi qu’aux autres amis <strong>de</strong>meurant dans<br />
ces pays, Jacques ministre indigne <strong>de</strong> l’église d’Acre par la grâce divine, salut éternel dans le<br />
Seigneur.<br />
c] À Léopold illustre duc d’Autriche par la grâce <strong>de</strong> Dieu, Jacques ministre indigne <strong>de</strong> l’église<br />
d’Acre par la grâce <strong>de</strong> Dieu, puisse-t-il passer par les biens temporels <strong>de</strong> telle sorte que nous ne<br />
perdions pas les éternels.<br />
d] Aux hommes vénérables et très chers dans le Christ, le doyen Étienne et le chancelier Philippe,<br />
Parisiens tous <strong>de</strong>ux, et à tous les autres maîtres et écolâtres <strong>de</strong>meurant dans la ville <strong>de</strong> Paris, Jacques,<br />
ministre indigne <strong>de</strong> l’église d’Acre par la permission divine, rapporter les talents <strong>de</strong> la sagesse et <strong>de</strong> la<br />
science avec usure au Seigneur.<br />
e] Jacques, évêque d’Acre par la divine miséricor<strong>de</strong>, salut dans le Christ à tous ses amis.<br />
Après que la munificence <strong>de</strong> la bienveillance divine, ayant pris en pitié les labeurs interminables et<br />
multiples <strong>de</strong> ses serviteurs, eut livré aux mains <strong>de</strong>s chrétiens la ville <strong>de</strong> Damiette (soixante mille<br />
combattants perdirent la vie au pied <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong> la ville, sans glaive ni combat), et qu’elle eut soumis<br />
aux chrétiens le château inexpugnable <strong>de</strong> Thanis, tandis que les Sarrasins impies fuyaient sans que<br />
personne les poursuive, beaucoup <strong>de</strong>s nôtres oublièrent tant <strong>de</strong> bienfaits et attirèrent sur eux la colère<br />
du Seigneur ; enchaînant leurs âmes par divers crimes, ils frustrèrent au plus haut point la communauté<br />
<strong>de</strong> l’armée en s’appropriant frauduleusement les dépouilles <strong>de</strong>s païens et les trésors <strong>de</strong> la cité. Irrité<br />
contre eux, à l’exemple d’Achor qui commit un vol furtif à Jéricho l’anathème, il permit qu’ils<br />
périssent sur mer et sur terre en vertu <strong>de</strong> la vengeance manifestée ainsi : certains d’entre eux furent<br />
capturés par les Sarrasins, d’autres engloutis dans la mer, d’autres aussi s’entretuèrent ; d’autres enfin<br />
dissipèrent lamentablement leur argent gagné <strong>de</strong> manière sacrilège en forniquant avec les prostituées et<br />
hantant les maisons <strong>de</strong> jeux. C’est ainsi qu’un butin infâme n’eut pas <strong>de</strong> bons len<strong>de</strong>mains, mais fut un<br />
piège et apporta la ruine à ses misérables possesseurs emprisonnés dans les chaînes <strong>de</strong><br />
l’excommunication, et leur argent périt avec eux. Dans ce temps <strong>de</strong> malheur, <strong>de</strong>s croisés qui n’avaient<br />
<strong>de</strong> pèlerins que le nom pervertirent leur conduite, croulant <strong>de</strong> péché en péché, ayant tenu en mépris la<br />
crainte <strong>de</strong> Dieu, et ceux qui sont dans la souillure y restaient obstinément, se vautrant ça et là dans la<br />
luxure, allant <strong>de</strong> festin en beuverie, se mordant les uns les autres, se dénigrant, séditieux, impies et<br />
traîtres, bouleversant par malice l’œuvre du Christ et empêchant le succès <strong>de</strong> l’armée du Christ ; pour<br />
ce qui est <strong>de</strong>s prélats, ils ne leur accordaient aucune obéissance et ne leur manifestaient aucune<br />
révérence, mais méprisant le glaive <strong>de</strong> l’Église, ils bafouaient les sentences d’excommunication.<br />
Le roi <strong>de</strong> Jérusalem abandonna cependant l’armée avec presque tous ces chevaliers, le maître du<br />
Temple se retira avec la majeure partie <strong>de</strong> ses frères, presque tous les chevaliers français s’éclipsèrent,<br />
et le seigneur patriarche ne voulut pas rester avec nous dans l’armée. Tous ceux qui étaient <strong>de</strong> Chypre<br />
nous abandonnèrent ; quant aux gens d’Orient, qu’il s’agisse <strong>de</strong>s prêtres ou <strong>de</strong>s chevaliers séculiers, ils<br />
étaient pratiquement tous absents, tant et si bien que l’armée <strong>de</strong>s croisés se trouvait en grand péril<br />
<strong>de</strong>vant Damiette. Telle était la pauvreté dont pâtissaient presque tous nos chevaliers qu’on en eut à<br />
5 Citée in : Robert B. C. Huygens : Jacques <strong>de</strong> Vitry. Lettres <strong>de</strong> la cinquième croisa<strong>de</strong>. Texte latin établi par<br />
R.B.C. Huygens. Traduit et présenté par G. Duchet-Suchaux, Turnhout, 1998, pp. 163-202.<br />
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