1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine

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Cette réflexion sur la raison d’État et le pouvoir politique s’inscrit dans un cadre particulier qui lui confère une dimension spirituelle : le chancelier est responsable de ses actes devant ses ancêtres, à qui il réfère de sa tâche. Cela signifie que sa politique échappe aux contingences du présent pour s’inscrire dans la durée. Cela ressort de son discours, entièrement dirigé vers l’avenir de la Chine. Sa conclusion revêt en outre un caractère philosophique par l’évocation du Yin et du Yang, c’est-à-dire du dualisme sous forme de complémentarité. Dans le taoïsme, ce sont les deux principes, qui tantôt par leur conflit, tantôt par leur union féconde, sont à l’origine de l’univers et de l’humanité. 237 Ye-liu Tch'ou-ts'ai conçoit sa politique comme une contribution à l’équilibre du monde, par la réunification du Yin et du Yang. 238 29 Repos lors de la marche Sous-titre : Les dernières questions Exergue : Gengis Khan sur un lit de camp dans sa yourte, entouré de chefs et d’émissaires. Il brise une flèche dans ses mains, la colère qui avait gonflé les veines de ses tempes retombe. Monologue de récit de Gengis Khan Éléments de datation Le titre de ce tableau Repos lors de la marche est une indication chronologique en soi. Il est ici question d’un repos au sens propre et au sens figuré. Au sens propre, Gengis Khan est revenu au cœur des steppes mongoles après ses campagnes vers l’ouest au printemps 1225. « Il passa l’hiver de 1225-1226 et l’été suivant dans ses campements de la Toula, affluent de l’Orkhon » écrit René Grousset. 239 Hormis le titre, l’imminence de l’expédition contre les Tangouts 240 nous renseigne sur la date du tableau, tout comme dans le tableau précédent ; cette campagne dans le royaume de Hi-Sia eut lieu en 1226. 241 Au sens figuré, ce repos signifie pour Gengis Khan un regard porté sur le chemin parcouru depuis ses premières victoires, une réflexion sur l’immortalité et un questionnement sur l’avenir du peuple mongol après sa mort. 237 Cf. Royston Pike : Dictionnaire des religions, Paris 1954, p. 325. 238 „So ist das Los derer, die bestimmt sind, an der Wiedervereinigung des Jin und des Jang mitzuwirken.“ (Le Monde avec Gengis Khan, p. 331). 239 René Grousset : L’Empire des steppes, Paris, 1939, p. 308. 240 „Wir werden jetzt die aufrührerischen Tanguten in Hi-Sia züchtigen und vernichten.“ (Le Monde avec Gengis Khan, p. 334). 241 René Grousset indique dès mars 1226 dans Le Conquérant du monde, p. 359 et l’automne 1226 dans L’Empire des steppes, p. 309. 245

Clôturant le chapitre Au Centre, le tableau 29 constitue la conclusion des quatre chapitres du roman. Il est placé avant le tableau 30, qui sert d’épilogue à l’ensemble de l’ouvrage. La composition l’indique clairement : composer un dernier chapitre avec un seul tableau confère à celui-ci une place à part et témoigne de la volonté de l’auteur de marquer une césure entre le corps du roman et son « dénouement ». À ce stade du roman, le lecteur est parvenu au bout de sa quête, qui l’a mené, par un système de spirales juxtaposées, de bout en bout du Continent eurasiatique jusqu’au repaire de l’être aux réalités multiples dont il a suivi la trace. Il découle de la logique de la structure du roman que cette rencontre se fasse au plus profond des steppes mongoles, « au milieu du monde », 242 là où Gengis Khan a commencé sa conquête du monde, et à l’endroit où il est venu puiser du repos avant sa dernière campagne. Ce repos est l’occasion pour le guerrier de se donner au questionnement et à la méditation. C’est une réflexion sur le pouvoir, sur la solitude des souverains, seuls face aux décisions à prendre qui scelleront le destin de leur peuple. La méditation de Gengis Khan porte essentiellement sur deux thèmes : son action passée et l’avenir des Mongols. 1) Il se livre à une rétrospective de ses actions passées en analysant les raisons de ses succès. Elles reposent sur l’anéantissement systématique de l’ennemi, 243 c’est-à-dire de tous les peuples hors de la steppe, qui, parce qu’ils sont différents, représentent une menace permanente pour les Mongols. Sur le respect de la Jassa, la loi que Gengis Khan a donnée à son peuple et qui lui confère sa force, 244 en lui enseignant le respect (envers les Anciens, envers les supérieurs), le devoir (des riches envers le gouvernement, des supérieurs envers les subordonnés). Sur l’union de ses fils et des généraux, enfin, qu’il a illustrée à l’aide de l’exemple des flèches, tiré de l’Histoire secrète des Mongols : 246 Un jour de printemps, [Alan-qo] fit asseoir en rang ses cinq fils […] et leur donna à chacun un seul bois de flèche, en leur disant de le briser. Chacun, prenant son seul bois de flèche, le cassa et le jeta. Puis elle lia ensemble cinq bois de flèches et les [leur] donna en disant : ‹ Brisez-les. › [Mais] à eux cinq, s’étant repassé successivement les cinq flèches liées, ils furent incapables l’un après l’autre de les briser. 245 242 „in die Mitte des Erdkreises“ (Le Monde avec Gengis Khan, p. 334). 243 „Endgültig ist der Sieg, wenn es den Feind nicht mehr gib.“ (Le Monde avec Gengis Khan, p. 337). 244 „Solange de Mangchol das Gesetz, die Jasa, achten, werden sie stark bleiben.“ (Le Monde avec Gengis Khan, p. 334). 245 Paul Pelliot : Histoire secrète des Mongols, in : Œuvres posthumes de Paul Pelliot, Paris, 1949, p. 123. Cf. les propos de Gengis Khan chez Overhoff : „Ich habe zu meinen Söhnen und den Führern gesprochen. Ich habe ihnen das Pfeilbündel gereicht, sie vermochten es nicht zu zerbrechen. Aber jeden einzelnen Pfeil knickt ein Kind. Si schwuren verstanden zu haben, aneinander festzuhalten, einig zu bleiben.“ (Le Monde avec Gengis Khan, p. 335). On trouve d’autres références à l’Histoire secrète des Mongols dans ce tableau. Dans le tableau 29, Gengis Khan évoque l’amitié qui le lie à Tchamouka par ces mots : „Dschamucha hatte mir Spielknöchel von einem Reh geschenkt, ich hatte ihm kupfergegossene Spielknöchel dagegen gegeben. Im Frühling schossen wir mit den Holzbogen miteinander, Dschamucha hatte sich tönende Pfeile hergestellt, indem er aus den beiden

Cette réflexion sur la raison d’État et le pouvoir politique s’inscrit dans un cadre<br />

particulier qui lui confère une dimension spirituelle : le chancelier est responsable <strong>de</strong> ses actes<br />

<strong>de</strong>vant ses ancêtres, à qui il réfère <strong>de</strong> sa tâche. Cela signifie que sa politique échappe aux<br />

contingences du présent pour s’inscrire dans la durée. Cela ressort <strong>de</strong> son discours,<br />

entièrement dirigé vers l’avenir <strong>de</strong> la Chine. Sa conclusion revêt en outre un caractère<br />

philosophique par l’évocation du Yin et du Yang, c’est-à-dire du dualisme sous forme <strong>de</strong><br />

complémentarité. Dans le taoïsme, ce sont les <strong>de</strong>ux principes, qui tantôt par leur conflit, tantôt<br />

par leur union fécon<strong>de</strong>, sont à l’origine <strong>de</strong> l’univers et <strong>de</strong> l’humanité. 237 Ye-liu Tch'ou-ts'ai<br />

conçoit sa politique comme une contribution à l’équilibre du mon<strong>de</strong>, par la réunification du<br />

Yin et du Yang. 238<br />

29 Repos lors <strong>de</strong> la marche<br />

Sous-titre : Les <strong>de</strong>rnières questions<br />

Exergue : Gengis Khan sur un lit <strong>de</strong> camp dans sa yourte, entouré <strong>de</strong> chefs et d’émissaires. Il<br />

brise une flèche dans ses mains, la colère qui avait gonflé les veines <strong>de</strong> ses tempes<br />

retombe.<br />

Monologue <strong>de</strong> récit <strong>de</strong> Gengis Khan<br />

Éléments <strong>de</strong> datation<br />

Le titre <strong>de</strong> ce tableau Repos lors <strong>de</strong> la marche est une indication chronologique en soi.<br />

Il est ici question d’un repos au sens propre et au sens figuré. Au sens propre, Gengis Khan<br />

est revenu au cœur <strong>de</strong>s steppes mongoles après ses campagnes vers l’ouest au printemps 1225.<br />

« Il passa l’hiver <strong>de</strong> 1225-1226 et l’été suivant dans ses campements <strong>de</strong> la Toula, affluent <strong>de</strong><br />

l’Orkhon » écrit René Grousset. 239 Hormis le titre, l’imminence <strong>de</strong> l’expédition contre les<br />

Tangouts 240 nous renseigne sur la date du tableau, tout comme dans le tableau précé<strong>de</strong>nt ;<br />

cette campagne dans le royaume <strong>de</strong> Hi-Sia eut lieu en 1226. 241<br />

Au sens figuré, ce repos signifie pour Gengis Khan un regard porté sur le chemin<br />

parcouru <strong>de</strong>puis ses premières victoires, une réflexion sur l’immortalité et un questionnement<br />

sur l’avenir du peuple mongol après sa mort.<br />

237 Cf. Royston Pike : Dictionnaire <strong>de</strong>s religions, Paris 1954, p. 325.<br />

238 „So ist das Los <strong>de</strong>rer, die bestimmt sind, an <strong>de</strong>r Wie<strong>de</strong>rvereinigung <strong>de</strong>s Jin und <strong>de</strong>s Jang mitzuwirken.“ (Le<br />

Mon<strong>de</strong> avec Gengis Khan, p. 331).<br />

239 René Grousset : L’Empire <strong>de</strong>s steppes, Paris, 1939, p. 308.<br />

240 „Wir wer<strong>de</strong>n jetzt die aufrührerischen Tanguten in Hi-Sia züchtigen und vernichten.“ (Le Mon<strong>de</strong> avec Gengis<br />

Khan, p. 334).<br />

241 René Grousset indique dès mars 1226 dans Le Conquérant du mon<strong>de</strong>, p. 359 et l’automne 1226 dans<br />

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