1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine
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Mazovie 186 qui date de 1226, alors que le tableau se déroule en 1221 comme l’indiquent de nombreuses autres références. Overhoff a précisé lui-même dans la postface 187 que la description des Mongols citée dans ce tableau 188 est tirée d’une lettre adressée par Frédéric II aux princes d’Europe rédigée ultérieurement, en 1241. Le tableau 7 (Égypte, Le Caire) représente un autre genre d’anachronisme. Ce tableau est une lettre du sultan El-Kamel adressée à Frédéric II, appelant le souverain européen à une alliance entre Francs et Musulmans contre la menace mongole. Une telle missive existe effectivement, mais est postérieure à 1221, date de la rédaction supposée de cette lettre. Les contacts entre les deux souverains n’ont commencé qu’en 1226, par une ambassade envoyée à Frédéric II par le sultan. C’est à partir de ce moment que s’engagea une correspondance entre les deux hommes. On peut évidemment supposer au crédit d’Overhoff que cette ambassade officielle fut précédée de contacts secrets. 189 Ces quelques exemples illustrent la démarche de romancier d’Overhoff. Il a mis au service de son récit sa connaissance de l’histoire reposant non seulement sur l’étude des textes des spécialistes les plus érudits mais aussi celle des sources elles-mêmes, sa formation d’humaniste lui permettant de lire les textes latins, celle d’orientaliste de sa femme lui livrant accès aux textes arabes. Overhoff n’a cependant pas voulu faire œuvre scientifique en rédigeant Le Monde avec Gengis Khan, mais œuvre de fiction, pour pouvoir s’émanciper du carcan parfois trop étroit des réalités historiques et développer une fresque répondant à ses desseins. En s’émancipant des strictes données historiques, il veut rendre, dans son roman, un portrait plus complet de l’histoire. C’est pour des raisons historiques, et non esthétiques, qu’il effectue ces transpositions. Il est fidèle à l’esprit de l’histoire, à un niveau supérieur à celui du simple positivisme. 186 Le Monde avec Gengis Khan, p. 83. 187 Ibid., p. 356. 188 Ibid., p. 82. 189 Comme le fait Pierre Boulle dans L’Étrange croisade de l’empereur Frédéric II : « Une question se pose tout naturellement ici, que je n’ai vue abordée nulle part. Cette ambassade était-elle le premier contact entre les deux souverains ? Officiellement, sans aucun doute, mais je pense, pour ma part, que d’autres contacts secrets avaient eu lieu, et cela depuis fort longtemps. Si aucun document n’existe à l’appui de cette hypothèse et, indépendamment même de ma conviction que la croisade de Frédéric et la manière dont il la mena faisaient partie d’un plan élaboré avec soin depuis des années, un certain nombre de faits la rendent extrêmement probable. En voici un : Hermann de Salza, le bras droit de l’Empereur, était à Damiette lorsque Al Camil avait déjà proposé une transaction. Après l’échec catastrophique de la cinquième croisade, et en même temps d’ailleurs que son esprit toujours aiguisé, jamais abattu par un échec, cherchait à reprendre l’affaire sur une autre base en manigançant le mariage de Frédéric avec la fille de Jean de Brienne, il se tenait dans l’ombre très près de celui-ci, pendant toute la durée des longs pourparlers avec Al Camil qui aboutirent à une trève. […]. En voici un autre, qui convaincra sans doute ceux qui ont eu l’occasion de mesurer l’importance de ‹la face› chez les Orientaux : le sultan Al Camil n’eût jamais envoyé officiellement l’émir Fachr ed-Din, son collaborateur le plus éminent et le plus en vue, auprès de l’Empereur, s’il n’avait été assuré par des sources secrètes de ne pas essuyer une rebuffade. » (Pierre Boulle : L’Étrange croisade de l’empereur Frédéric II, Paris, 1968, p. 87). 128
En dehors du premier tableau, où la date est expressément mentionnée dans le soustitre : Année 1221 après J.-C., ville de Londres, berges du fleuve, aucun tableau n’indique de précision chronologique dans son titre ou sous-titre. 190 Dans la suite du roman, Overhoff ne situe plus l’action des tableaux dans le temps. Il adopte une double attitude : il alterne les tableaux où il distille des informations claires qui renseignent le lecteur, et ceux qui restent dans le flou en ne livrant aucune piste qui pourrait mener à une datation précise au sein de la période qui nous intéresse. Il ressort de l’étude du texte les datations suivantes (nous verrons lors de l’analyse détaillée des tableaux la méthode de détermination de la chronologie) : Au bord de la sphère d’action 1 Angleterre 1221 2 Japon, ville de Kamakura sans date 3 Ceylan sans date La zone occidentale 4 Rome, Vatican 1221 5 Syrie, Krak des Chevaliers 1221 6 Sicile, Palerme 1221 7 Egypte, Le Caire 1221 8 Les ruines de l’empire byzantin 1222 9 Russie, Kiev, salle 1222/3 10 Silésie, Liegnitz 1225 11 Venise 1222 12 Bataille dans la plaine de Tiflis 1221 Dans le centre asiatique 13 Perse 1221 14 Mer Caspienne, île à garance d’Abeskoun 1221 15 Chez les Ouïgours, dans l’actuelle Dzoungarie 1221 16 Ville d’Azerbaïdjan, pièce de séjour sans date 17 Bagdad, palais à l’est de la ville 1221 18 Transoxiane, alentours de Samarcande, pavillon de chasse 1220 19 Kharezm, gorge dans la montagne sans date 20 Chez les Toungouses, dans le nord de la Sibérie sans date 21 Route à l’est d’Hérat le long du lit d’un fleuve asséché 1221/1222 22 Cœur de la Mongolie, Au pied de la montagne sacrée Burqan Qaldun sans date 190 Dans le tableau 17 (Bagdad), l’historien Ibn al Athir commence ainsi son monologue: „Es kam das Jahr 1220…“. (Le Monde avec Gengis Khan, p. 203). 129
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aux princes d’Europe rédigée ultérieurement, en 1241.<br />
Le tableau 7 (Égypte, Le Caire) représente un autre genre d’anachronisme. Ce tableau<br />
est une lettre du sultan El-Kamel adressée à Frédéric II, appelant le souverain européen à une<br />
alliance entre Francs et Musulmans contre la menace mongole. Une telle missive existe<br />
effectivement, mais est postérieure à 1221, date <strong>de</strong> la rédaction supposée <strong>de</strong> cette lettre. Les<br />
contacts entre les <strong>de</strong>ux souverains n’ont commencé qu’en 1226, par une ambassa<strong>de</strong> envoyée à<br />
Frédéric II par le sultan. C’est à partir <strong>de</strong> ce moment que s’engagea une correspondance entre<br />
les <strong>de</strong>ux hommes. On peut évi<strong>de</strong>mment supposer au crédit d’Overhoff que cette ambassa<strong>de</strong><br />
officielle fut précédée <strong>de</strong> contacts secrets. 189<br />
Ces quelques exemples illustrent la démarche <strong>de</strong> romancier d’Overhoff. Il a mis au<br />
service <strong>de</strong> son récit sa connaissance <strong>de</strong> l’histoire reposant non seulement sur l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s textes<br />
<strong>de</strong>s spécialistes les plus érudits mais aussi celle <strong>de</strong>s sources elles-mêmes, sa formation<br />
d’humaniste lui permettant <strong>de</strong> lire les textes latins, celle d’orientaliste <strong>de</strong> sa femme lui livrant<br />
accès aux textes arabes. Overhoff n’a cependant pas voulu faire œuvre scientifique en<br />
rédigeant Le Mon<strong>de</strong> avec Gengis Khan, mais œuvre <strong>de</strong> fiction, pour pouvoir s’émanciper du<br />
carcan parfois trop étroit <strong>de</strong>s réalités historiques et développer une fresque répondant à ses<br />
<strong>de</strong>sseins. En s’émancipant <strong>de</strong>s strictes données historiques, il veut rendre, dans son roman, un<br />
portrait plus complet <strong>de</strong> l’histoire. C’est pour <strong>de</strong>s raisons historiques, et non esthétiques, qu’il<br />
effectue ces transpositions. Il est fidèle à l’esprit <strong>de</strong> l’histoire, à un niveau supérieur à celui du<br />
simple positivisme.<br />
186 Le Mon<strong>de</strong> avec Gengis Khan, p. 83.<br />
187 Ibid., p. 356.<br />
188 Ibid., p. 82.<br />
189 Comme le fait Pierre Boulle dans L’Étrange croisa<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’empereur Frédéric II : « Une question se pose tout<br />
naturellement ici, que je n’ai vue abordée nulle part. Cette ambassa<strong>de</strong> était-elle le premier contact entre les <strong>de</strong>ux<br />
souverains ? Officiellement, sans aucun doute, mais je pense, pour ma part, que d’autres contacts secrets avaient<br />
eu lieu, et cela <strong>de</strong>puis fort longtemps. Si aucun document n’existe à l’appui <strong>de</strong> cette hypothèse et,<br />
indépendamment même <strong>de</strong> ma conviction que la croisa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Frédéric et la manière dont il la mena faisaient<br />
partie d’un plan élaboré avec soin <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années, un certain nombre <strong>de</strong> faits la ren<strong>de</strong>nt extrêmement<br />
probable. En voici un : Hermann <strong>de</strong> Salza, le bras droit <strong>de</strong> l’Empereur, était à Damiette lorsque Al Camil avait<br />
déjà proposé une transaction. Après l’échec catastrophique <strong>de</strong> la cinquième croisa<strong>de</strong>, et en même temps<br />
d’ailleurs que son esprit toujours aiguisé, jamais abattu par un échec, cherchait à reprendre l’affaire sur une autre<br />
base en manigançant le mariage <strong>de</strong> Frédéric avec la fille <strong>de</strong> Jean <strong>de</strong> Brienne, il se tenait dans l’ombre très près <strong>de</strong><br />
celui-ci, pendant toute la durée <strong>de</strong>s longs pourparlers avec Al Camil qui aboutirent à une trève. […]. En voici un<br />
autre, qui convaincra sans doute ceux qui ont eu l’occasion <strong>de</strong> mesurer l’importance <strong>de</strong> ‹la face› chez les<br />
Orientaux : le sultan Al Camil n’eût jamais envoyé officiellement l’émir Fachr ed-Din, son collaborateur le plus<br />
éminent et le plus en vue, auprès <strong>de</strong> l’Empereur, s’il n’avait été assuré par <strong>de</strong>s sources secrètes <strong>de</strong> ne pas essuyer<br />
une rebuffa<strong>de</strong>. » (Pierre Boulle : L’Étrange croisa<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’empereur Frédéric II, Paris, 1968, p. 87).<br />
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