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1 couverture - Bibliothèques de l'Université de Lorraine

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puissance formidable mobilise toutes ses énergies matérielles et morales en vue <strong>de</strong> la Révolution<br />

mondiale. Elle emploie à cette fin <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s radicalement neuves, inconnues <strong>de</strong>s Européens<br />

et <strong>de</strong>s Américains. […] D’une guerre en Europe, ni l’Angleterre, ni la France, ni l’Allemagne ne<br />

sortiront vainqueurs. Le vainqueur sera le bolchevisme. 144<br />

Ces lignes renferment d’une façon concise et prophétique l’origine du Mon<strong>de</strong> avec<br />

Gengis Khan : « À l’Est <strong>de</strong> l’Europe est apparue une nouvelle puissance, qui menace toute la<br />

civilisation, toute l’humanité. Le vainqueur sera le bolchevisme. » Le parallélisme est<br />

présenté <strong>de</strong> la manière la plus évi<strong>de</strong>nte qui soit. Au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre<br />

mondiale, l’Europe en est au point prédit par Atatürk : face aux États européens ruinés, <strong>de</strong>ux<br />

superpuissances s’imposent dans la constellation géopolitique mondiale. 145 Les États-Unis<br />

détiennent le monopole nucléaire <strong>de</strong>puis Hiroshima, l’URSS, que Staline cherche à mettre à<br />

l’abri d’une nouvelle attaque par la création d’un « glacis » territorial et idéologique, dispose<br />

d’une force militaire décisive en Europe orientale. L’Europe, soumise à la sphère d’influence<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux puissances mondiales, dont la ligne <strong>de</strong> démarcation coupe l’Europe et notamment<br />

l’Allemagne, est contrainte <strong>de</strong> trouver sa place face aux <strong>de</strong>ux hégémonies ; mais pour ce faire,<br />

elle doit avant tout se donner les moyens d’agir, <strong>de</strong> choisir son avenir. En acceptant l’ai<strong>de</strong><br />

américaine du plan Marshall, les seize pays bénéficiaires s’alignent sur la politique <strong>de</strong>s États-<br />

Unis. Cette prise <strong>de</strong> position est facilitée par la menace pour l’Europe <strong>de</strong> l’Ouest que<br />

représente l’URSS. C’est dans cette situation internationale, où l’Europe est divisée en <strong>de</strong>ux<br />

camps qui ne sont que « les ombres portées sur elle par <strong>de</strong>s empires extérieurs », 146<br />

moment où elle est placée, pour les cinquante années à venir, à l’Est « sous le joug russe » et<br />

donc dans un état « <strong>de</strong> sujétion aux États-Unis à l’Ouest », 147 que se place la conception du<br />

au<br />

144 Cité dans Pierre Béhar : Vestiges d’empires. La décomposition <strong>de</strong> l’Europe centrale et balkanique, Paris,<br />

1999, pp. 160-161.<br />

145 Dès le XIX e siècle, Alexis <strong>de</strong> Tocqueville prédit que les États-Unis et la Russie ont tous <strong>de</strong>ux vocation à<br />

<strong>de</strong>venir un empire à l’échelle mondiale et qu’ils s’opposeront pour la domination globale dès qu’ils entreront en<br />

contact. La <strong>de</strong>stinée manifeste <strong>de</strong>s États-Unis ne peut accepter l’existence d’un défi à sa vision du mon<strong>de</strong>, pas<br />

plus que la vocation continentale <strong>de</strong> la Russie ne peut admettre qu’un État eurasien fasse allégeance à une autre<br />

gran<strong>de</strong> puissance. « Il y a aujourd’hui sur la terre <strong>de</strong>ux grands peuples qui, partis <strong>de</strong> points différents, semblent<br />

s’avancer vers le même but : ce sont les Russes et les Anglo-Américains. Tous <strong>de</strong>ux ont grandi dans l’obscurité ;<br />

et tandis que les regards <strong>de</strong>s hommes étaient occupés ailleurs, ils se sont placés tout à coup au premier rang <strong>de</strong>s<br />

nations, et le mon<strong>de</strong> a appris presque en même temps leur naissance et leur gran<strong>de</strong>ur. Tous les autres peuples<br />

paraissent avoir atteint à peu près les limites qu’a tracées la nature, et n’avoir plus qu’à conserver ; mais eux sont<br />

en croissance : tous les autres sont arrêtés ou n’avancent qu’avec mille efforts ; eux seuls marchent d’un pas aisé<br />

et rapi<strong>de</strong> dans une carrière dont l’œil ne saurait encore apercevoir la borne. L’Américain lutte contre les<br />

obstacles que lui oppose la nature ; le Russe est aux prises avec les hommes. L’un combat le désert et la barbarie,<br />

l’autre la civilisation revêtue <strong>de</strong> toutes ses armes : aussi les conquêtes <strong>de</strong> l’Américain se font-elles avec le soc du<br />

laboureur, celles du Russe avec l’épée du soldat. Pour atteindre son but, le premier s’en repose sur l’intérêt<br />

personnel, et laisse agir, sans les diriger, la force et la raison <strong>de</strong>s individus. Le second concentre en quelque sorte<br />

dans un homme toute la puissance <strong>de</strong> la société. L’un a pour principal moyen d’action la liberté ; l’autre, la<br />

servitu<strong>de</strong>. Leur point <strong>de</strong> départ est différent, leurs voies sont diverses ; néanmoins, chacun d’eux semble appelé<br />

par un <strong>de</strong>ssein secret <strong>de</strong> la Provi<strong>de</strong>nce à tenir un jour dans ses mains les <strong>de</strong>stinées <strong>de</strong> la moitié du mon<strong>de</strong>. » (De<br />

la démocratie en Amérique, Paris, 1981, t. 1, pp. 540-541).<br />

146 Pierre Béhar : Vestiges d’empires. La décomposition <strong>de</strong> l’Europe centrale et balkanique, Paris, 1999, p. 161.<br />

147 Ibid.<br />

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