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LE MARQUEUR DE L’ALLOCUTIF PLURIEL DANS LES LANGUES BANTU.<br />
Mark <strong>Van</strong> <strong>de</strong> Vel<strong>de</strong> & Johan van <strong>de</strong>r <strong>Auwera</strong> 1<br />
Université d’Anvers, Belgique<br />
1. Introduction<br />
Un très grand nombre <strong>de</strong> langues bantoues ont un marqueur <strong>de</strong> l’allocutif pluriel<br />
(AP) qui exprime que le locuteur s’adresse à plus d’un allocutaire et/ou qui sert <strong>de</strong><br />
marque <strong>de</strong> politesse. Ce marqueur est un suffixe ou un enclitique qui s’attache le plus<br />
souvent à la forme <strong>de</strong> l’impératif (1b), mais parfois aussi à d’autres formes<br />
exhortatives, qu’elles soient verbales (2b) ou pas (3b). Dans les formes verbales, le<br />
marqueur d’allocutif pluriel (AP) se place en position dite Postfinale après le<br />
morphème <strong>de</strong> TAMV (Temps, Aspect, Modalité, Voix) appelé Finale.<br />
orungu (Gabon, B11b) (O<strong>de</strong>tte Ambouroué, c.p.) 2<br />
(1) a. yèmbá « Chante ! »<br />
|yèmb-á|<br />
chanter-IMP<br />
b. yèmbánì « Chantez ! »<br />
|yèmb-á-ánì|<br />
chanter-IMP-AP<br />
(2) a. ɣáyémbò « Chantons (toi et moi)! »<br />
|ɣá-yemb(T?)-ò|<br />
SUBJ-chanter-PAS<br />
b. ɣáyémbónì « Chantons (nous tous) ! »<br />
|ɣá-yemb(T?)-ò-ánì|<br />
SUBJ-chanter-PAS-AP<br />
1 Mark <strong>Van</strong> <strong>de</strong> Vel<strong>de</strong> est chercheur postdoctoral du Fonds <strong>de</strong> la Recherche Scientifique – Flandre.<br />
Nous tenons à remercier Yvonne Bastin, Koen Bostoen, Larry Hyman, Baudouin Janssens, Jacky<br />
Maniacky et Roger Mickala, avec qui nous avons discuté <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> cet article. La Electronic<br />
bibliography for African languages and linguistics, compilée et distribuée gratuitement par Jouni Filip<br />
Maho, a beaucoup facilité notre travail. Johan van <strong>de</strong>r <strong>Auwera</strong> tient aussi à remercier l’Université <strong>de</strong><br />
Princeton, le Fonds <strong>de</strong> la Recherche-Flandre et l’Université d’Anvers pour le financement d’un séjour<br />
sabbatique à Princeton, pério<strong>de</strong> pendant laquelle l’article a pris forme.<br />
2 O<strong>de</strong>tte Ambouroué prépare une <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> l’orungu, sa langue maternelle (thèse <strong>de</strong> doctorat,<br />
ULB).
2<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
(3) a. mbóló « Bonjour ! »<br />
b. mbólwánì « Bonjour (vous tous) ! »<br />
|mbóló-ánì|<br />
bonjour-AP<br />
Vu que les accords personnels dérivent généralement <strong>de</strong>s pronoms dans les<br />
langues du mon<strong>de</strong> et que <strong>de</strong> plus on note souvent <strong>de</strong> fortes ressemblances formelles<br />
entre les pronoms <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième personne du pluriel et le marqueur AP, il paraît<br />
fort probable que ce <strong>de</strong>rnier soit à l’origine un pronom enclitique. Bien que cette<br />
hypothèse puisse être correcte, on verra qu’elle est difficile à démontrer à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />
métho<strong>de</strong> comparative, <strong>de</strong> sorte que d’autres origines ne peuvent pas être exclues a<br />
priori. Cet article commence par un aperçu <strong>de</strong>s fonctions du marqueur AP et <strong>de</strong>s<br />
constructions dans lesquelles on peut le trouver (Section 2). Ensuite nous discutons<br />
les problèmes comparatifs auxquels on se heurte en essayant d’i<strong>de</strong>ntifier le<br />
marqueur AP dans les langues contemporaines comme forme enclitique d’un<br />
pronom (3.2), ou comme réflexe d’un morphème proto-bantou, lui-même<br />
éventuellement dérivé d’un pronom (3.3).<br />
Il convient <strong>de</strong> commencer par un bref exposé <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong>s formes verbales<br />
bantoues. Cette structure est généralement décrite à l’ai<strong>de</strong> d’un modèle polaire avec<br />
un nombre précis <strong>de</strong> positions autour du radical verbal (voir notamment Meeussen<br />
1967 : 108-111). Creissels (2005) définit ainsi neuf positions pour le verbe tswana<br />
(S31), auxquelles il donne un numéro <strong>de</strong> -4 à +5. Les positions préradicales n’ont pas<br />
trop d’importance pour notre sujet, sauf, peut-être, les préfixes d’accord en position<br />
-3 (le préfixe sujet) et -1 (le préfixe objet ou réfléchi). Toujours en tswana, après le<br />
radical, en position +1, viennent un ou plusieurs suffixes qui, en gros, changent la<br />
valence du verbe, puis le suffixe -its du parfait (+2) et la marque du passif (+3). Toutes<br />
ces positions peuvent rester vi<strong>de</strong>, selon la construction. La position +4 est la seule qui<br />
ne puisse jamais rester vi<strong>de</strong>. 3 Elle est occupée par un morphème vocalique appelé<br />
Finale. En tswana, cette voyelle peut être a, i, ɛ ou e ~ i, selon le tiroir. Comme c’est le<br />
cas pour plusieurs autres morphèmes verbaux, la fonction <strong>de</strong> la Finale ne peut pas<br />
être décrite en tant que telle, puisque la même Finale peut apparaître dans un<br />
nombre <strong>de</strong> formes qui n’ont rien en commun du point <strong>de</strong> vue sémantique ou<br />
syntaxique (Creissels 2005 : 9). Dès lors, la sémantique d’une forme verbale bantoue<br />
peut rarement être analysée comme la somme <strong>de</strong>s fonctions individuelles <strong>de</strong> ses<br />
composants morphologiques. Finalement, en position +5 on trouve un nombre<br />
généralement très restreint (<strong>de</strong>ux en tswana) <strong>de</strong> morphèmes dits Postfinales, dont le<br />
marqueur AP. Voici un exemple tswana (Creissels 2005 : 9) :<br />
3 Cette affirmation vaut pour la majorité <strong>de</strong>s langues bantu, mais quelques langues du nord-ouest font<br />
exception.
3<br />
(4) sì-ts h áb-ì-ŋ̀ « N’ayez pas peur ! »<br />
NÉG-avoir.peur-FIN-AP<br />
-2 0 +4 +5<br />
2. Usages<br />
Cette section donne un aperçu <strong>de</strong>s constructions dans lesquelles on peut trouver<br />
le marqueur AP et <strong>de</strong> ses fonctions.<br />
2.1. Formes exhortatives 4<br />
Si Meeussen (1967 : 111) et Rose et.al. (2002 : 66) reconstruisent le marqueur AP en<br />
tant que morphème <strong>de</strong> l’impératif pluriel en proto-bantou, ils le font sans doute<br />
parce que c’est la fonction la plus courante dans les langues contemporaines. Ainsi,<br />
ces comparatistes sont implicitement d’accord avec l’hypothèse avancée par van <strong>de</strong>r<br />
<strong>Auwera</strong> et al. (à paraître) que le marqueur AP s’est répandu par analogie à partir <strong>de</strong><br />
l’impératif <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième personne à d’autres constructions, telles que le cohortatif.<br />
En effet, nous n’avons trouvé aucune langue ayant un marqueur AP dans l’une ou<br />
l’autre construction, mais pas dans l’impératif. Cependant, il faut noter que les<br />
traditions <strong>de</strong>scriptives en linguistique bantoue favorisent souvent la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s<br />
formes verbales, et qu'en dépouillant les grammaires nous avons d'abord cherché le<br />
marqueur AP dans les sections qui traitent <strong>de</strong> l'impératif.<br />
Il y a une certaine variation entre les langues en ce qui concerne la fréquence<br />
d’usage du marqueur AP à l’impératif (mais en l’absence <strong>de</strong> corpus toute information<br />
pertinente est nécessairement basée sur l’intuition du <strong>de</strong>scripteur et <strong>de</strong> ses<br />
collaborateurs). D’abord, il y a <strong>de</strong>s langues dans lesquelles son usage serait restreint.<br />
C’est le cas <strong>de</strong> l’iyaa (Congo Brazzaville ; B73) et du silozi (Zambie ; K21) où « the<br />
plural is rare and some informants do not use it at all » (Gowlett 1967 : 143). Puis,<br />
dans certaines langues, telle que l’éton (Cameroun ; A71), le marqueur AP est<br />
obligatoire à l’impératif dès que le locuteur s’adresse à plus d’une personne, mais ne<br />
peut pas être utilisé ailleurs. Dans d’autres langues, finalement, le marqueur AP est<br />
presque toujours présent à l’impératif. Ainsi, en chinyanja (Malawi ; N31a) « One only<br />
rarely hears an imperative in the singular, as it is impolite to address any person in<br />
that way. » (Harding 1966 : 103). Ceci suggère une évolution dans la fonction du<br />
marqueur AP, qui commence en tant que marqueur du pluriel (optionnel) et qui<br />
acquiert ensuite un sens honorifique. La fréquence d’usage du marqueur AP à<br />
l’impératif augmente au fur et à mesure que le nombre <strong>de</strong> situations où on peut<br />
utiliser la forme « intime », non honorifique, diminue, <strong>de</strong> sorte que ce morphème<br />
4 Le terme exhortatif englobe toutes les formes verbales que le locuteur utilise pour inciter ou<br />
encourager quelqu’un à agir. Nous utiliserons le terme impératif pour les exhortatifs <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième<br />
personne et le terme cohortatif pour les exhortatifs <strong>de</strong> la première personne du pluriel. Les termes<br />
Impératif et Subjonctif, avec majuscule, refèrent à <strong>de</strong>s formes verbales (ou tiroirs verbaux).
4<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
pourrait finalement être réinterprété comme le marqueur (obligatoire) <strong>de</strong><br />
l’impératif, ce qui est presque le cas en chinyanja. 5<br />
Une autre forme verbale qui se sert souvent du marqueur AP est le cohortatif, qui<br />
exprime une exhortation incluant le locuteur (voir Scha<strong>de</strong>berg 1977). Le plus<br />
souvent il s’agit d’une forme du Subjonctif dans les langues bantoues, parfois<br />
accompagné d’un marqueur cohortatif spécial, par exemple le préfixe kha-/nga- en<br />
venda (Afrique du Sud ; S21) (Poulos 1990). Le groupe concerné par l’exhortation<br />
comporte minimalement <strong>de</strong>ux personnes dans les formes <strong>de</strong> la première personne, à<br />
savoir le locuteur et un allocutaire (le cohortatif minimal). En principe, le nombre <strong>de</strong><br />
personnes concernées revient à trois dans les formes avec marqueur AP (le<br />
cohortatif augmenté). Toutefois, notre échantillon contient <strong>de</strong>ux langues (toutes<br />
<strong>de</strong>ux en zone K) où l’usage du marqueur AP s’est généralisé comme marqueur du<br />
cohortatif, minimal ou augmenté, sans doute par la même évolution déjà évoquée à<br />
propos <strong>de</strong> l’impératif. Ainsi en lucazi (Angola ; K13) « Hortatives are formally similar<br />
to the imperative plural forms. In addition to the imperative plural suffix they<br />
receive the subject concord tù- for the first person plural. » (Fleisch 2000 : 181). En<br />
silozi, il est rare d’utiliser le cohortatif simple (c’est-à-dire sans marqueur AP), même<br />
quand on s’adresse à un seul allocutaire, tandis que l’usage du marqueur AP est<br />
marginal à l’impératif (Gowlett 1967 : 177).<br />
(5) a. álùyè « Allons-y. (nous <strong>de</strong>ux) » (rare)<br />
|á-lù-y-è|<br />
CH-1PL-go-SUBJ<br />
b. álùyéŋì « Allons-y (nous tous ; ou nous <strong>de</strong>ux (honorifique)) »<br />
|á-lù-y-è-ŋì|<br />
CH-1PL-go-SUBJ<br />
L’usage du marqueur AP dans les formes prohibitives (ou impératives négatives)<br />
mériterait une étu<strong>de</strong> plus approfondie. En basaá (Cameroun ; A43a) (Hyman 2003 :<br />
280) l’usage du marqueur AP est optionnel dans le prohibitif, pas à l’impératif. Le<br />
marqueur AP -ni n’apparaît jamais dans le prohibitif en chichewa (Malawi ; N31b) et<br />
la différence entre singulier et pluriel y est neutralisée (Mchombo 2004 : 34). Le silozi<br />
s’avère <strong>de</strong> nouveau intéressant, car le marqueur AP y est toujours présent aux formes<br />
prohibitives. La différence entre singulier et pluriel se fait à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s préfixes sujets<br />
et là il est intéressant <strong>de</strong> noter que le pluriel <strong>de</strong> l’allocutif peut être formé par le<br />
préfixe <strong>de</strong> la classe 2 ba- (ce qui est en fait une marque <strong>de</strong> la troisième personne du<br />
5 Ceci n’est pas nécessairement la fin <strong>de</strong> l’évolution. En budu (DRC ; D35) le conditionnel est formé à<br />
l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> la postfinale -eni (Asangama 1983 : 338). Or, il n’est pas trop difficile <strong>de</strong> s’imaginer que le<br />
verbe dans la protase d’une phrase conditionnelle peut être un impératif, comme dans Ouvre cette<br />
porte, et tu vas dormir sans manger.
5<br />
pluriel). Ce phénomène n’est probablement pas rare dans les langues bantoues et<br />
peut être mis en rapport avec la présence très répandue du préfixe pronominal <strong>de</strong><br />
classe 2 dans les pronoms <strong>de</strong> la première et <strong>de</strong>uxième personne du pluriel.<br />
(6) básìyèŋí tèŋì « N’y allez pas » (‘You must not go there.’)<br />
2-NÉG-aller-FIN-AP là<br />
En isangu (Gabon ; B42) le prohibitif peut également faire la distinction entre le<br />
singulier et le pluriel, mais seulement à l’ai<strong>de</strong> d’un préfixe sujet, qui n’apparaît qu’au<br />
pluriel (et qui d’ailleurs ne fait pas la distinction entre première et <strong>de</strong>uxième<br />
personnes) (Idiata 1998 : 166).<br />
(7) a. ɣáàŋgə̀ « attrape ! »<br />
b. ɣáàngə̀-ànù ([sic] n) « attrapez ! »<br />
(8) a. yá ɣáàŋgə̀ « n’attrape pas ! »<br />
b. dí yá ɣáàngə̀ ([sic] n) « n’attrapez pas ! » ou « n’attrapons pas ! »<br />
Etant donné que, souvent, le prohibitif dans les langues bantoues (et ailleurs, van<br />
<strong>de</strong>r <strong>Auwera</strong> et al. à paraître) n’est pas simplement une forme <strong>de</strong> l’Impératif<br />
accompagnée d’une particule négative, mais plutôt une forme verbale tout à fait<br />
différente qui comporte un préfixe sujet, le marqueur AP n’y a pas la même charge<br />
fonctionnelle et peut donc être absent, ou, le cas échéant, généralisé.<br />
Nous pouvons clore cette section avec quelques remarques sur les différences<br />
sémantiques entre les formes exhortatives sans et avec marqueur AP. Les formes<br />
sans marqueur AP peuvent en principe être ou bien minimales, c’est-à-dire singulier<br />
dans l’impératif et « duel » dans le cohortatif ; ou bien neutres, ce qui veut dire<br />
qu’elles ne sont pas spécifiquement plurielles, mais peuvent l’être. <strong>Van</strong> <strong>de</strong>r <strong>Auwera</strong><br />
et al. (à paraître) supposent que la forme sans marqueur AP acquiert généralement<br />
un sens minimal quand elle s’oppose à une forme augmentée, i.e. avec marqueur AP.<br />
Les données bantoues semblent confirmer cette hypothèse. À cela il faut ajouter que<br />
selon Mickala (2001 : 170) une forme cohortative sans marqueur AP peut aussi avoir<br />
un sens exclusif en punu (Gabon ; B43).<br />
(9) ubóːla « ramasser »<br />
tubóːli « il faut que nous ramassions »<br />
tubóːlyánu « il faut que nous ramassions (vous et moi) ou bien<br />
(vous et nous) »<br />
La première, tubóːli, peut être l’objet <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux interprétations :
6<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
a) « il faut que (toi et moi) nous ramassions » dans ce cas, le locuteur ne<br />
s’adresse qu’à une personne seulement.<br />
b) « Il faut que nous autres (pas vous auxquels je parle) nous ramassions. »<br />
Le sens <strong>de</strong> la forme augmentée, quant à elle, n’est pas toujours simplement une<br />
question <strong>de</strong> nombre, au moins dans les langues du nord-ouest. Certes, on ne peut<br />
utiliser la forme augmentée que si le nombre d’allocutaires requis est atteint (<strong>de</strong>ux<br />
pour l’impératif, <strong>de</strong>ux plus le locuteur pour le cohortatif). Cependant, l’impératif<br />
avec marqueur AP est rarement traduit par l’impératif pluriel français en –ez tout<br />
court. La majorité <strong>de</strong>s locuteurs ajoutent (vous) tous, <strong>de</strong> sorte que les formes avec<br />
marqueur AP concernent tous les allocutaires pertinents. En cherchant la forme du<br />
marqueur AP en fang atsi (Gabon ; A75) avec notre collègue Yolan<strong>de</strong> Nzang Bié, qui<br />
est locutrice native, nous avons rencontré trois formes du cohortatif qu’on peut<br />
appeler minimale, augmentée et maximale. Notez que le morphème qui marque la<br />
forme maximale ressemble formellement au marqueur AP dans les autres langues<br />
bantoues. Le -á du cohortatif augmenté est formellement i<strong>de</strong>ntique au suffixe<br />
réciproque du fang atsi (voir la section 3.4).<br />
(10) ŋ́kə́ŋ « allons (toi et moi) »<br />
ŋ́kə́ŋá « allons-y (moi et vous) »<br />
ŋ́kə́ŋáànə̀ « allons-y nous tous / tous ensemble / tous en même<br />
temps »<br />
Quelques formes non verbales du punu (Gabon ; B43) donnent une autre<br />
indication qui permet d’attribuer au marqueur AP un sens <strong>de</strong> maximalité du groupe<br />
<strong>de</strong>s allocutaires (Mickala 2001 : 177) :<br />
(11) -ótsù « tout »<br />
jyétu bótsu « nous tous »<br />
jyétu bótswánu « nous tous (sans exclusive) »<br />
2.2. Formes indicatives<br />
Au moins quatre langues dans notre échantillon utilisent le marqueur AP dans <strong>de</strong>s<br />
formes <strong>de</strong> l’indicatif apparemment pour désambiguïser <strong>de</strong>s préfixes d’accord (sujet<br />
ou objet) <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième personne qui ne font pas la différence entre singulier et<br />
pluriel. Ainsi en mbole (RDC ; C68) le marqueur AP -ááyì peut apparaître à tous les<br />
tiroirs <strong>de</strong> la conjugaison (De Rop 1971 : 60). Le préfixe sujet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième personne<br />
(sg. et pl.) est ò-.
7<br />
(12) a. ò-sô-kàmb-à « Tu travailles »<br />
2SG/PL-PRÉS-travailler-FIN<br />
b. ò-sô-kàmb-ááyì « Vous travaillez »<br />
2SG/PL-PRÉS-travailler-AP<br />
Dans les trois autres langues, ekoti (Mozambique ; G40), chichewa (Malawi ; N31b)<br />
et makwe (Mozambique ; P231), toutes orientales, cet usage est restreint à l’accord<br />
objet.<br />
chichewa (Mchombo 2004:33)<br />
(13) a. Mkángó ú-ma-ku-kónd-a « Le lion t’aime »<br />
3-lion 3PS-HAB-PO2SG-aimer-FIN<br />
b. Mkángó ú-ma-ku-kónd-a-ni « Le lion vous aime »<br />
3-lion 3PS-HAB-PO2PL-aimer-FIN-AP<br />
Dans son étu<strong>de</strong> comparative sur le préfixe objet, Louise Polak (1986 : 387) signale<br />
cet usage du marqueur AP dans un grand nombre <strong>de</strong> langues dans lesquelles il n’y a<br />
pas toujours ambiguïté entre les préfixes objet 2SG et 2PL. Le marqueur AP peut<br />
compléter <strong>de</strong>s formes avec un préfixe objet du singulier ou du pluriel, mais dans ce<br />
<strong>de</strong>rnier cas <strong>de</strong> redondance, son apparition semble le plus souvent être optionnelle.<br />
2.3. Formes non verbales<br />
Des exemples <strong>de</strong> l’usage du marqueur AP avec une forme non verbale ont déjà été<br />
présentés. Nous avons trouvé <strong>de</strong>s exemples dans la littérature qui montrent que le<br />
marqueur AP a parfois acquis la fonction <strong>de</strong> morphème exhortatif dans les formes<br />
non verbales, tout comme dans les formes verbales <strong>de</strong> l’impératif et du cohortatif<br />
(pluriel <strong>de</strong> l’exhortatif > forme honorifique <strong>de</strong> l’exhortatif > exhortatif). Ces exemples<br />
viennent du punu, où le marqueur AP peut dériver une interpellation à partir d’un<br />
substantif au pluriel (Mickala 2001 : 175).<br />
(14) a. ba-mbâːtsi « les amis »<br />
2-ami<br />
b. ba-mbâːtsy-ánu « vous, chers amis ! »<br />
2-ami-AP<br />
Il en est <strong>de</strong> même en (15) et (16) où le marqueur AP s’attache respectivement à<br />
une phrase interrogative (avec l’interrogatif -énì ‘comment’) et (probablement)
8<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
connective pour former une interpellation, à partir d’un simple soupir (Mickala 2001:<br />
178) 6 .<br />
(15) a. íkà tsyénì « Comment faire !? » (litt. ‘être comment’)<br />
b. íkà tsyénánu « Comment (allons-nous) faire !? »<br />
(16) a. ngêba « la pitié »<br />
b. ngêba ménu « pitié <strong>de</strong> moi ! pauvre <strong>de</strong> moi ! »<br />
c. ngêba ménwánu « Ayez pitié <strong>de</strong> moi ! »<br />
2.4. Résumé<br />
Les données présentées dans cette section suggèrent que le marqueur AP peut<br />
être la source d’un processus <strong>de</strong> grammaticalisation qui mène à un morphème<br />
exhortatif. Ce qui est à l’origine un morphème qui marque le pluriel <strong>de</strong> l’allocutaire<br />
dans <strong>de</strong>s exhortations peut facilement acquérir un sens honorifique. Ensuite la forme<br />
non honorifique peut tomber en désuétu<strong>de</strong> si elle commence à être réinterprétée<br />
comme forme impolie et le marqueur AP est réinterprété comme morphème<br />
exhortatif. Une autre observation est que l’usage du marqueur AP dans les tiroirs<br />
verbaux <strong>de</strong> l’indicatif comme marque du pluriel <strong>de</strong> l’objet est à première vue peu<br />
compatible avec l’hypothèse selon laquelle le marqueur AP soit apparu d’abord à<br />
l’impératif pour se répandre ensuite par analogie (mais voir la section 3.4).<br />
3. Forme et origine du marqueur allocutif pluriel<br />
3.1. Introduction<br />
Il semble y avoir <strong>de</strong>ux hypothèses sur l’origine du marqueur AP dans les langues<br />
bantoues contemporaines. D’une part, la littérature propose plusieurs<br />
reconstructions <strong>de</strong> ce marqueur en tant que « Postfinale » proto-bantoue (Meinhof<br />
1906 : 100, Meeussen 1967 : 111, Rose et al. 2002 : 66, Scha<strong>de</strong>berg 2003 : 153). D’autre<br />
part, certains auteurs affirment que le marqueur AP <strong>de</strong> l’impératif est le résultat<br />
d’une grammaticalisation dont la source est le pronom <strong>de</strong> l’allocutaire pluriel<br />
(Meinhof 1948 : 100, van <strong>de</strong>r <strong>Auwera</strong> et al. à paraître, Zavoni 2003 : 239, entre autres).<br />
Ces <strong>de</strong>ux hypothèses ne sont bien évi<strong>de</strong>mment pas irréconciliables, puisque un<br />
élément proto-bantou peut être le résultat d’un processus <strong>de</strong> grammaticalisation.<br />
Le tableau ci-<strong>de</strong>ssous contient les formes du marqueur AP dans 37 langues<br />
bantoues, tirées d’un petit échantillon <strong>de</strong> 60 langues plus ou moins arbitrairement<br />
choisies. Les langues suivantes n’ont pas <strong>de</strong> marqueur AP (au moins selon les<br />
6 Il nous est impossible <strong>de</strong> savoir si (ou dans quelle mesure) les possibilités combinatoires du<br />
marqueur AP en punu sont exceptionnelles, puisque l’article <strong>de</strong> Roger Mickala est à notre<br />
connaissance la seule publication entièrement dédiée à ce morphème dans une langue bantoue.
9<br />
sources) : A13 balong, A24 duala, A42 bankon, C36 lingala, C61 batswa (& C61L yengé),<br />
C81 n<strong>de</strong>ngese, E43 igikuria, J102 kitalinga, J51 kihun<strong>de</strong>, J66 ha & P13 kimatuumbi.<br />
A43a basaá -ná C68 mbole -ááyì K21 silozi -ŋi<br />
A53 bafia -íná D13 mituku -áì K332 dciriku -énù<br />
A601 tuki -nánò D25 lega -zì L21 kete -ː̀ɲ<br />
A71 éton -éŋgán(à) E51 kikuyu -i / -ni L23 songye - ýì<br />
A72 éwondo -àn E54 tharaka -ni L31 ciluba -áyí<br />
B11b orungu -ánì F22 kinyamwezi -i L62 nkoya -enu<br />
B25 kota #àjì F33 langi -i N31 chinyanja -nì<br />
B31 tsogo -ni G40 ekoti -ni P231 makwe -ni<br />
B43 punu -ánù / -aːnu H17b kaamba -ìnú R21 kwanyama -ni<br />
B52 nzebi -nì H21 mbundu -i S21 venda -ni<br />
B73 iyaa -ánì K12b ngangela -ɛni S31 tswana -ŋ(ì)<br />
B87 mbuun -ín K13 lucazi -enu S42 zulu -ni<br />
C44 boa ni<br />
Ce tableau montre une assez gran<strong>de</strong> homogénéité dans la forme du marqueur AP à<br />
travers l’aire bantoue. Les principaux paramètres <strong>de</strong> variation sont l’alternance<br />
entre un i et un u final 7 et la présence ou l’absence d’une consonne nasale. En plus, en<br />
présence d’une nasale, les langues diffèrent selon la présence ou l’absence d’une<br />
voyelle précé<strong>de</strong>nte et selon le timbre <strong>de</strong> cette voyelle toujours antérieure. Enfin, les<br />
langues diffèrent selon l’usage du marqueur AP, discuté ci-<strong>de</strong>ssus, et selon sa<br />
distribution dans la phrase. En kota (B25), par exemple, le marqueur AP -ájì peut<br />
suivre l’objet d’une forme impérative, la forme verbale ou les <strong>de</strong>ux (Piron 1990).<br />
(17) bòmàká bàf’ áj’<br />
bòmàkájì bàfɛ̀<br />
bòmàkájì bàf’ áj’ « pêchez les poissons »<br />
En nzebi (B52) (Marchal-Nasse 1989 : 507) le cohortatif est exprimé à l’ai<strong>de</strong> d’un<br />
« auxiliaire » yá-ád-. Le marqueur AP -ání s’attache <strong>de</strong> façon obligatoire à la fois à<br />
l’auxiliaire et au verbe principal.<br />
(18) yǎːdání ləsóːmbání mápóːnzi « vendons les paniers »<br />
Pour le punu (B43), par contre, Mickala (2001 : 177) affirme explicitement qu’une<br />
phrase peut contenir maximalement un marqueur AP.<br />
7 L’alternance peu prévisible entre /i/ et /u/ dans les réflexes <strong>de</strong>s mêmes formes est un phénomène<br />
répandu en bantu, qui n’est pas restreint aux formes du marqueur AP.
10<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
3.2. Origine pronominale<br />
Dans cette section nous envisageons l’hypothèse selon laquelle le marqueur AP<br />
dérive d’un pronom <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième personne du pluriel postposé au verbe. Cette<br />
hypothèse a entre autres été avancée par Rwakazina (1971 : 220), qui remarque en<br />
plus que la forme du marqueur AP ressemble souvent à celle du suffixe locatif et <strong>de</strong><br />
l’interrogatif pour ‘qui’. Toujours selon Rwakazina, plusieurs langues bantoues<br />
expriment couramment l’insistance en faisant suivre la forme <strong>de</strong> l’impératif d’un<br />
pronom substitutif (19-20) 8 . À notre connaissance, aucune langue n’a cliticisé le<br />
pronom du singulier pour marquer l’impératif minimal.<br />
taabwa (M41)<br />
(19) a. laandá weewé « parle, toi ! »<br />
b. laandé mweemwé « parlez donc, vous ! »<br />
swahili (G40)<br />
(20) a. tembea wewe « marche donc, toi ! »<br />
b. someni nyinyi « lisez, vous autres ! »<br />
Cette hypothèse expliquerait bien le statut enclitique du marqueur AP dans<br />
beaucoup <strong>de</strong> langues, ainsi que sa position postfinale et le fait qu’il ressemble<br />
souvent à un pronom. En ngangela (K12b), par exemple, le marqueur AP et le<br />
pronom substitutif <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième personne du pluriel ont tous <strong>de</strong>ux la forme -ɛni<br />
(Zavoni 2003). 9 En plus, les pronoms bantous sont formellement segmentables et<br />
ceux <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième personne du pluriel comportent souvent un élément semblable<br />
ou i<strong>de</strong>ntique au marqueur AP. Ainsi en kwanyama (R21) (Halme 2004), le marqueur<br />
AP est -ni, le substitutif 2PL nye et le possessif 2PL -éní ; le gisira (B41) a -ànù, yênù et -<br />
énù respectivement (Dodo-Bounguendza 1993). Ces <strong>de</strong>ux exemples montrent déjà la<br />
même variabilité entre /i/ et /u/ dans les pronoms et dans le marqueur AP. Notez<br />
que parfois il y a une ressemblance avec un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux pronoms seulement, soit le<br />
possessif (A43, B11), soit le substitutif (S42) :<br />
marqueur AP substitutif 2PL possessif 2PL<br />
basaá (A43a) -ná ɓèé -nân<br />
orungu (B11b) -ánì ànwɛ́ -ánì<br />
zulu (S42) -ni nina -inu<br />
8 Substitutif est le terme généralement utilisé pour le pronom personnel dans les langues bantoues.<br />
9 Chez Maniacky (2003) les formes sont -ééni pour le marqueur AP et yééni pour le substitutif<br />
empathique.
11<br />
Finalement, la variabilité entre marqueurs AP <strong>de</strong> type –CV et –VCV pourrait être<br />
expliquée selon la quantité <strong>de</strong> matériel segmental du pronom retenue lors <strong>de</strong> la<br />
cliticisation.<br />
Cependant, il y a quelques problèmes avec cette hypothèse, <strong>de</strong> sorte que, si on ne<br />
la rejette pas entièrement, il faut au moins avouer qu’elle n’est pas nécessairement<br />
valable (et certainement pas démontrable) pour toutes les langues bantoues.<br />
D’abord, dans la majorité <strong>de</strong>s langues <strong>de</strong> notre échantillon, il n’y a aucune<br />
ressemblance formelle entre le marqueur AP et le pronom substitutif ou possessif <strong>de</strong><br />
la <strong>de</strong>uxième personne du pluriel. En outre, quand il y a une ressemblance entre les<br />
<strong>de</strong>ux, il est souvent difficile d’expliquer comment on peut arriver <strong>de</strong> l’un à l’autre.<br />
Dans les langues où le marqueur AP commence par une voyelle, celle-ci n’est pas<br />
toujours directement i<strong>de</strong>ntifiable comme une voyelle pronominale, comme le<br />
montrent les exemples suivants. Pourtant elle fait bien partie du marqueur AP,<br />
n’étant pas analysable, par exemple, comme la voyelle <strong>de</strong> la Finale (voir l’exemple<br />
punu (9c)).<br />
marqueur AP substitutif 2PL possessif 2PL<br />
punu (B43) 10 -ánù djyenu -enu<br />
iyaa (B73) -ánì bèní<br />
kaamba (H17b) -ìnú yéno -éno<br />
Cette différence vocalique pourrait être expliquée à partir <strong>de</strong> la reconstruction<br />
<strong>de</strong>s pronoms substitutifs <strong>de</strong>s participants proposée par Kamba Muzenga (2002 : 256),<br />
c’est-à-dire *a-V-PP-ɛ, 11 où V est /i/ ou /e/ dans les formes du pluriel. La voyelle -edans<br />
les pronoms serait alors l’aboutissement d’une succession a-i-, tandis que les -aet<br />
-i- dans le marqueur AP peuvent résulter <strong>de</strong> la chute d’un <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux éléments.<br />
Mais sans une indication <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong>s différents constituants du pronom protobantou<br />
il est impossible <strong>de</strong> connaître la raison <strong>de</strong> la chute d’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux éléments<br />
vocaliques du pronom proto-bantou. En plus, Bonneau (1956 : 40) décrit en punu une<br />
série <strong>de</strong> pronoms substitutifs enclitiques qui s’attachent à la préposition na ‘avec’ et<br />
qui ont bien un /e/ initial à la <strong>de</strong>uxième personne du pluriel.<br />
(21) n’ami ‘avec moi’ n’etu ‘avec nous’<br />
n’au ‘avec toi’ n’enu ‘avec vous’<br />
10 La forme du marqueur AP est celle donnée par Mickala (2001). Dans Nsuka-Nkutsi (éd.) (1980) on<br />
trouve -aːnu. Les formes pronominales sont prises chez Bonneau (1956), qui ne marque pas la tonalité.<br />
11 Kamba Muzenga appelle les éléments constitutifs du pronom morphèmes, sans pour autant discuter<br />
leur fonction. Un essai <strong>de</strong> reconstruction <strong>de</strong> la fonction originelle <strong>de</strong> ces éléments, si possible, serait<br />
fort intéressant et contribuerait certainement à une meilleure analyse diachronique du marqueur AP.<br />
Notez que dans l’analyse <strong>de</strong> Bouka (1989) la forme sous-jacente du pronom substitutif kaamba est í-<br />
á.ínú. Le -o final est le résultat d’une règle d’harmonie vocalique.
12<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
n’andi ‘avec lui’ n’ou ‘avec eux’<br />
En bira (D32) on trouve une situation semblable, où un élément qui est clairement<br />
i<strong>de</strong>ntifiable comme un pronom enclitique diffère formellement du marqueur AP. Le<br />
pronom substitutif 2PL y est bɛ́nú et les formes verbales qui n’admettent pas <strong>de</strong><br />
préfixe objet, prennent plutôt le pronom enclitique =nú. La forme du marqueur AP,<br />
par contre, est -nè. Toujours en relation avec la reconstruction du pronom protobantou<br />
citée plus haut, on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi il n’y a aucun marqueur AP<br />
dans notre échantillon qui présente la voyelle *-ɛ finale, très répandue dans le<br />
domaine bantou, que Kamba appelle le thème pronominal. Finalement, nous avons<br />
vu qu’il y a une certaine variabilité à travers les langues entre une forme -(n)i et une<br />
forme -nu à la fois pour les marqueurs AP et dans les pronoms. Néanmoins on ne<br />
peut pas en déduire que l’un dérive <strong>de</strong> l’autre, puisque d’abord cette variabilité entre<br />
/i/ et /u/ se trouve un peu partout dans le lexique et la grammaire <strong>de</strong>s langues<br />
bantoues, et en plus cette variabilité se trouve régulièrement entre le marqueur AP<br />
et le pronom 2PL au sein d’une seule langue. Notez que dans les langues <strong>de</strong> notre<br />
échantillon qui ont cette variabilité, le marqueur AP a toujours /i/ et le pronom<br />
toujours /u/.<br />
marqueur AP substitutif 2PL possessif 2PL<br />
boa (C44) ni ɓánú -ŋgbá-nù<br />
mbole (C68) -ááyì ínó -ánú<br />
ciluba (L31) -áyí nwênu -ènù<br />
chinyanja (N31a) -nì inu -nu<br />
Les ressemblances évi<strong>de</strong>ntes entre le marqueur AP et le pronom substitutif à<br />
travers les langues bantoues et l’impossibilité <strong>de</strong> démontrer que l’un s’est développé<br />
à partir <strong>de</strong> l’autre suggèrent que les <strong>de</strong>ux sont constitués, partiellement, <strong>de</strong>s mêmes<br />
éléments. Cette conclusion est renforcée par l’observation que le marqueur AP<br />
ressemble plus souvent au pronom possessif que le pronom substitutif, alors qu’il est<br />
difficilement imaginable qu’il se soit développé à partir du possessif. Or, les<br />
constituants du possessif 2PL *-i-nu (forme reconstruite par Kamba-Muzenga 2002 :<br />
256) sont un sous-ensemble <strong>de</strong>s constituants du pronom substitutif *-a-i-ɲu-ɛ (avec la<br />
complication possible du lieu d’articulation <strong>de</strong> la nasale).<br />
3.3. Réflexe d’une Postfinale proto-bantu<br />
Certains auteurs ont reconstruit le marqueur AP en proto-bantou comme une<br />
Postfinale *-(V)ni. Ces auteurs posent tous l’élément *-ni (sans tonalité reconstruite),<br />
mais divergent quant à la présence ou non d’une voyelle initiale. Meinhof (1906 :
13<br />
100) 12 reconstruit *-eni, tandis que Scha<strong>de</strong>berg (2003 : 153) pose un « enclitic *-ini ».<br />
Meeussen, par contre, reconstruit une Postfinale *-ni (variante régionale *-i), d’abord<br />
avec un peu d’hésitation (1962 : 73), mais avec plus <strong>de</strong> confiance, semble-t-il,<br />
quelques années plus tard (1967 : 111). À ces reconstructions on peut ajouter<br />
l’observation <strong>de</strong> Gül<strong>de</strong>mann (2003 : 185) que « the postfinal -ni marking plurality of<br />
the addressee (…) seems to go back to the pre-Bantoid era because reflexes appear<br />
already in Igboid, another branch of Benue-Congo… » et aussi « compare as potential<br />
cognates (…) the Tikar suffix -e-ni marking plural addressees in imperatives with the<br />
functionally i<strong>de</strong>ntical Bantu postfinal *-ni. A careful comparative study will reveal<br />
whether these items are in<strong>de</strong>ed etymologically related. » (2003 : 186) 13 .<br />
Dans cette section nous nous concentrons sur la question <strong>de</strong> la voyelle initiale.<br />
Selon Meeussen (1962 : 73), la voyelle -e- <strong>de</strong> la reconstruction <strong>de</strong> Meinhof doit être<br />
associée à la Finale du Subjonctif (exprimant un impératif atténué), tandis qu’un -ainitial<br />
serait la Finale <strong>de</strong> l’Impératif ; aucun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux n’appartiendrait donc au<br />
marqueur AP. Pourtant, il y a <strong>de</strong>s langues dans lesquelles le marqueur AP comporte<br />
clairement une voyelle initiale, qui s’ajoute à la Finale ou au <strong>de</strong>rnier segment d’un<br />
nom, ou qui le remplace, selon les règles <strong>de</strong> résolution d’hiatus vocalique. Le gisira,<br />
par exemple, présente une situation semblable à celle illustrée pour l’orungu en (1-<br />
3). Le comportement <strong>de</strong> la voyelle AP du marqueur AP en gisira est typique pour les<br />
langues bantoues du nord-ouest (Dodo-Bounguendza 1993 : 348, 385, 388).<br />
gisira (Gabon, B41)<br />
(22) a. bókə̀ « tue ! »<br />
b. bókànù « tuez ! »<br />
(23) dùlámbyánù « que nous cuisinions ! »<br />
|dù-lámb-i̋-ànù|<br />
1PL-cuisiner-SUBJ-AP<br />
(24) a. mbòlù / mbòlwánù « salut ! »<br />
b. kùngwálì /kùngwályánù « au revoir ! »<br />
En lucazi, l’Impératif prend une Finale -a en l’absence <strong>de</strong> préfixe objet et une<br />
Finale -e en sa présence, une situation que Meeussen (1967 : 112) reconstruit en<br />
12 Cité par Meeussen (1962 : 73). Nous n’avons pas pu contrôler cette citation. Dans la <strong>de</strong>uxième<br />
édition <strong>de</strong> son Grundzüge, Meinhof (1948 : 100) favorise plutôt l’idée d’une origine pronominale -inî.<br />
Peut-être n’y a-t-il pas <strong>de</strong> différence entre les <strong>de</strong>ux éditions et Meeussen a simplement estimé que si le<br />
marqueur AP s’est développé à partir d’un pronom, cette évolution était déjà achevée en protobantou.<br />
13 Le tikar est une langue bantoï<strong>de</strong>, parlée au Cameroun.
14<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
proto-bantou. Dans les <strong>de</strong>ux cas, un marqueur AP <strong>de</strong> forme -enu s’ajoute à la Finale.<br />
Notez qu’une succession <strong>de</strong> /a/ et /e/ est réalisée [eː] en lucazi.<br />
lucazi (Angola, K13) (Fleisch 2000)<br />
(25) a. tálá [tálà] « regar<strong>de</strong> ! »<br />
b. mutále « regar<strong>de</strong>-le ! »<br />
(26) a. tálénu [tálèːnù] « regar<strong>de</strong>z! »<br />
b. mutálienu « regar<strong>de</strong>z-le »<br />
Par contre, il y a aussi <strong>de</strong>s langues où rien ne permet <strong>de</strong> dire que le marqueur AP<br />
ait une voyelle initiale, tel que le nzebi, le tharaka et l’ekoti.<br />
nzebi (Gabon ; B52) (Marchal-Nasse 1989 : 503)<br />
(27) a. soːmbəs-a mapóːnzi « vends les paniers ! »<br />
b. soːmbəs-a-ni mapóːnzi « ven<strong>de</strong>z les paniers ! »<br />
tharaka (Kenya ; E54) (Lindblom 1914)<br />
(28) a. kir-a « hold your peace » (singulier)<br />
b. kir-a-ni « hold your peace » (pluriel)<br />
ekoti (Mozambique ; G40) (Scha<strong>de</strong>berg & Ussene Mucanheia 2000)<br />
(29) a. base-a / préfixe objet-base-e (singulier)<br />
b. base-a-ni / préfixe objet-base-e-ni (pluriel)<br />
Notre échantillon contient aussi <strong>de</strong>s langues où l’on trouve une variation libre<br />
entre /e, ɛ/ et /a/ <strong>de</strong>vant le marqueur AP <strong>de</strong> forme -(n)i. On peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s’il<br />
s’agit ici d’une variation dans la forme <strong>de</strong> la Finale, ou dans la forme du marqueur AP,<br />
qui peut alors optionnellement avoir une voyelle initiale /e/ ou /i/.<br />
kikuyu (E51, Kenya) (Barlow 1951)<br />
(30) a. gwata « prends »<br />
b. gwatani ~ gwatɛni ~ gwatai ~ gwatɛi « prenez »<br />
makwe (P231, Mozambique) (Devos 2004)<br />
(31) yumaani ~ yumeeni « achetez »<br />
silozi (K21, Zambie) (Gowlett 1967)<br />
(32) a. cá « mange ! »<br />
b. céŋì ~ cáŋì « mangez ! »
15<br />
En dciriku, les Finales -à/-á <strong>de</strong> l’Impératif et -è du Subjonctif sont toujours<br />
remplacées par la forme -énu pour marquer l’allocutif pluriel, <strong>de</strong> sorte qu’il est<br />
impossible <strong>de</strong> savoir si ce -é- est la voyelle initiale du marqueur AP ou la forme que<br />
prend la Finale <strong>de</strong>vant le marqueur AP -nù. Finalement, il y a <strong>de</strong>s langues comme le<br />
lusaamia (J34), qui marquent la différence entre le singulier et le pluriel <strong>de</strong><br />
l’impératif simplement en remplaçant la Finale -a par une Finale -e.<br />
lusaamia (Kenya J34) (Botne 2006 : 50)<br />
(33) a. fwâ « meurs »<br />
b. fwê ~ mufwê « mourez »<br />
Pour savoir avec certitu<strong>de</strong> si la voyelle -e / -ɛ fait partie du marqueur AP dans les<br />
langues où -ini remplace la Finale précé<strong>de</strong>nte, on aurait besoin d’exemples d’un<br />
impératif suivi d’un objet nominal auquel l’enclitique AP s’attache. S’il s’avère alors<br />
que cette voyelle n’appartient pas au marqueur AP, mais si elle est plutôt une forme<br />
<strong>de</strong> la Finale, il faut expliquer pourquoi elle n’a pas le timbre -a auquel on s’attend à<br />
l’Impératif. Nous voyons trois explications possibles. La plus simple serait<br />
l’assimilation <strong>de</strong> la Finale -a à la voyelle fermée du marqueur AP suivant. Chebanne,<br />
Creissels et Nkhwa (1997) décrivent une telle assimilation en tswana, où la Finale -ɛ<br />
<strong>de</strong> l’Impératif avec préfixe objet à ton haut <strong>de</strong>vient -e <strong>de</strong>vant le marqueur AP. Le<br />
marqueur AP y est -ŋ, mais les auteurs affirment que cette nasale est suivie d’une<br />
voyelle -i sous-jacente, pour expliquer la fermeture <strong>de</strong> la voyelle <strong>de</strong> la Finale<br />
précé<strong>de</strong>nte 14 . Une autre explication serait que l’impératif pluriel a sa propre Finale<br />
dans certaines langues, c’est-à-dire qu’il appartient à un autre tiroir verbal que<br />
l’impératif singulier. Plus spécifiquement, Meeussen (1962 : 73) propose que les<br />
formes <strong>de</strong> l’impératif avec marqueur AP peuvent prendre la Finale du Subjonctif.<br />
D’un point <strong>de</strong> vue formel, cette explication est synchroniquement possible dans<br />
certaines langues, mais pas dans d’autres. En silozi, par exemple, la Finale du<br />
Subjonctif est -e et cette voyelle remplace aussi la Finale -a <strong>de</strong> l’Impératif en présence<br />
du marqueur AP -ŋi. Par contre, en lunda (Zambie ; L52) la Finale <strong>de</strong> l’Impératif est -a,<br />
le marqueur AP est -enu et la Finale du subjonctif est -i. Le /e/ initial du marqueur AP<br />
ne peut pas être interprété comme le résultat d’une succession <strong>de</strong>s Finales -a et -i,<br />
puisque dans le cohortatif, qui est une forme du Subjonctif, la Finale -i est remplacée<br />
par le marqueur -enu au pluriel, tout comme la Finale <strong>de</strong> l’Impératif (Kawasha 2003 :<br />
408).<br />
14 Mais dans les formes <strong>de</strong> l’impératif sans préfixe objet à ton haut, la Finale est toujours -a, aussi<br />
<strong>de</strong>vant le marqueur AP.
16<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
(34) a. túdi « mangeons » (minimal)<br />
b. túdénu « mangeons » (augmenté)<br />
Au moins <strong>de</strong>ux langues <strong>de</strong> la zone K, le lucazi et le ngangela, présentent <strong>de</strong>s<br />
problèmes tonaux si on veut i<strong>de</strong>ntifier la première voyelle du marqueur AP (Haut)<br />
comme celle <strong>de</strong> la Finale du Subjonctif (Bas).<br />
ngangela (Angola ; K12b) (Maniacky 2003 : 122)<br />
(35) a. tutuʋe « que nous percions » (minimal)<br />
b. tutuʋééni « que nous percions » (augmenté)<br />
(36) a. tuʋa « perce » (minimal)<br />
b. tuʋééni « percez » (augmenté) 15<br />
En kaamba (H17b) le radical d’un verbe à l’impératif pluriel est toujours à ton bas<br />
(37b), tout comme au Subjonctif (Bouka 1989) 16 . Mais en dciriku par contre le radical<br />
gar<strong>de</strong> son ton lexical à l’impératif pluriel, tandis qu’il <strong>de</strong>vient bas au Subjonctif (38).<br />
(37) a. sálà « travaille ! »<br />
b. sàlȅnó « travaillez ! »<br />
(38) a. tjánga mbapíra! « écris une lettre ! »<br />
b. tjángénu mbapíra « écrivez une lettre ! »<br />
Il convient <strong>de</strong> rappeler ici la remarque <strong>de</strong> Creissels (2005 : 9) que la même Finale<br />
peut apparaître dans un nombre <strong>de</strong> formes qui n’ont sémantiquement ou<br />
syntaxiquement rien en commun. Une Finale –e ou -ɛ n’est donc pas en soi (en<br />
l’absence <strong>de</strong>s autres caractéristiques formelles du Subjonctif) un morphème du<br />
Subjonctif et dès lors il est difficile d’imaginer qu’un tel élément se répan<strong>de</strong> par<br />
analogie vers une autre forme verbale pour y marquer certaines caractéristiques du<br />
Subjonctif. De plus, pour les langues qui ont une variation –a / -e <strong>de</strong>vant le marqueur<br />
AP, aucune source ne fait mention d’une différence pragmatique entre les variantes,<br />
alors que généralement le Subjonctif exprime une exhortation plus atténuée que<br />
l’Impératif quand les <strong>de</strong>ux stratégies sont disponibles. Cela nous mène à la<br />
15 L’apparition <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux tons hauts sur le marqueur AP -ééni n’est pas prévisible à partir <strong>de</strong>s règles<br />
tonales complexes du ngangela, si on ne les traite pas comme tons hauts sous-jacents (Jacky Maniacky<br />
c.p.). Les sigles minimal et augmenté après les exemples ngangela sont les nôtres. Maniacky (2003)<br />
utilise exclusif et inclusif, respectivement.<br />
16 Tout <strong>de</strong> même, la forme sous-jacente <strong>de</strong> l’impératif pluriel est base-á-inu dans la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong><br />
Bouka, donc avec une Finale <strong>de</strong> l’impératif.
17<br />
conclusion que dans les quelques langues où le /e/ initial du marqueur AP pourrait<br />
être la Finale du subjonctif, il ne l’est probablement pas.<br />
Une troisième explication possible pour le timbre –e / -ɛ <strong>de</strong> la Finale <strong>de</strong> l’Impératif<br />
<strong>de</strong>vant marqueur AP serait que la présence du marqueur AP peut provoquer<br />
l’apparition <strong>de</strong> la Finale que prend l’Impératif en présence d’un préfixe objet, un<br />
préfixe réfléchi ou un morphème tel que l’allatif ka-. Nous avons l’impression que<br />
cette hypothèse serait aussi difficile à prouver que la précé<strong>de</strong>nte. Il suffit <strong>de</strong><br />
remarquer qu’en ngangela elle se heurte aux mêmes problèmes tonaux :<br />
ngangela (Maniacky 2003)<br />
(39) a. cituʋe « perce-le ! » (cl.7)<br />
b. cituʋééni « percez-le ! »<br />
3.4. Relation avec le suffixe réciproque<br />
Il y a <strong>de</strong>s ressemblances remarquables entre le suffixe *-an du réciproque et le<br />
marqueur AP. Le lien est particulièrement fort dans les langues du nord-ouest, où les<br />
<strong>de</strong>ux sont souvent i<strong>de</strong>ntiques. En tunen (Cameroun, A44), par exemple, « Imperatives<br />
are marked for plural addressee by the addition of a reciprocal extension with a High<br />
tone assimilated to the final High tone » (Mous 2003 : 294). Il en est <strong>de</strong> même dans les<br />
langues beti-bulu-fang (A70-75), à l’exception <strong>de</strong> l’éton (A71). En éton le marqueur<br />
AP a la forme -ə́ŋgán(à) et le réciproque est marqué par le suffixe -nì, ce qui pourrait<br />
être le réflexe d’une suite -an-i (<strong>Van</strong> <strong>de</strong> Vel<strong>de</strong> 2006). Notez que le marqueur AP a<br />
clairement une voyelle initiale dans beaucoup <strong>de</strong> langues <strong>de</strong> la zone B, <strong>de</strong> sorte qu’on<br />
peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si le marqueur AP n’y comporte pas le même morphème -an, qui<br />
exprime la notion <strong>de</strong> réciproque quand il est en position suffixale (i.e. <strong>de</strong>vant la<br />
Finale).<br />
A part ces ressemblances formelles, il y a aussi un lien sémantique très clair entre<br />
le marqueur AP et le suffixe réciproque *-an. A propos <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier, Creissels (2006,<br />
vol.2 : 38) affirme « (…) le marqueur <strong>de</strong> réciprocité est probablement apparenté à la<br />
préposition comitative na ‘avec’, ce qui suppose un sta<strong>de</strong> dans l’évolution <strong>de</strong> ces<br />
formes où elles <strong>de</strong>vaient avoir un sens <strong>de</strong> coparticipation plutôt que <strong>de</strong> réciprocité.<br />
D’ailleurs certains <strong>de</strong> leurs emplois, difficilement réductibles à la signification <strong>de</strong><br />
réciprocité qui est actuellement leur signification la plus évi<strong>de</strong>nte, ont une<br />
explication très simple à partir <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> coparticipation ». Ainsi en makwe<br />
(P231) « the associative extension [= -an, n.d.a.] is used to emphasize that an action is<br />
performed jointly or simultaneously by two or more agents » (Devos 2004 : 168).<br />
Du coup on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si le marqueur AP n’était pas à l’origine un<br />
morphème qui exprimait la coparticipation (‘faire ensemble’), plutôt que l’accord<br />
avec la <strong>de</strong>uxième personne du pluriel. Une origine pronominale serait alors<br />
beaucoup moins évi<strong>de</strong>nte. En même temps, il <strong>de</strong>vient plus probable que le marqueur
18<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
AP ait surgi à l’impératif, sinon sa relation préférée avec la <strong>de</strong>uxième personne serait<br />
inexplicable. Si le marqueur AP marque le plus souvent le pluriel <strong>de</strong> l’objet dans les<br />
formes <strong>de</strong> l’indicatif, c’est parce qu’il y a été récupéré justement pour résoudre<br />
l’ambiguïté causée par la fusion fréquente <strong>de</strong>s préfixes objet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième<br />
personne singulier et pluriel (*ku- SG, *mu- PL > u- SG/PL).<br />
3.5. La Préfinale -a(<br />
a(ŋ)g comme marqueur alternatif <strong>de</strong> l’associatif pluriel<br />
La forme du marqueur AP en éton, -ə́ŋgán(à), est historiquement composée <strong>de</strong> la<br />
Préfinale *-a(ŋ)g et du suffixe réciproque *-an. C’est une combinaison <strong>de</strong> morphèmes<br />
qui n’est pas rare dans les langues bantoues, mais l’éton est dans notre échantillon la<br />
seule langue qui l’utilise pour marquer l’allocutif pluriel 17 . L’usage <strong>de</strong> la Préfinale -<br />
a(ŋ)g dans l’impératif pluriel mérite un peu <strong>de</strong> discussion. La Préfinale est l’un <strong>de</strong> ces<br />
morphèmes qui sont utilisés dans un nombre <strong>de</strong> tiroirs si grand et si hétérogène qu’il<br />
est impossible <strong>de</strong> lui attribuer un sens unique. Mais à titre d’hypothèse, nous<br />
pouvons proposer une chaîne d’évolution sémantique qui couvre une bonne partie<br />
<strong>de</strong> ses usages, et qui est par ailleurs i<strong>de</strong>ntique à celle déjà évoquée pour le marqueur<br />
AP. Le point <strong>de</strong> départ, déjà fort polysémique, est le sens pluractionnel <strong>de</strong> -a(ŋ)g, qui<br />
englobe l’itératif, la pluralité <strong>de</strong> l’objet et – surtout pour les verbes intransitifs – la<br />
pluralité du sujet (voir p.ex. Mous 2003 : 289 pour le tunen) 18 .<br />
(a) pluractionnel (b) pluriel <strong>de</strong> l’allocutaire à l’impératif <br />
(c) marque honorifique / <strong>de</strong> politesse à l’impératif (d) impératif<br />
Notez que dans quelques langues telles que le ganda (J15, Sebasoni 1967 : 131), la<br />
« Préfinale » -a(ŋ)g se met en position postfinale, ce qui fournit un autre parallèle<br />
remarquable avec le marqueur AP. Voici <strong>de</strong>s exemples <strong>de</strong> tous les usages recensés <strong>de</strong><br />
la Préfinale :<br />
(a) Le sens pluractionnel le plus pertinent pour notre sujet peut être illustré à<br />
l’ai<strong>de</strong> du kimatuumbi (P13), où « The affix -aang- can be affixed to a verb to indicate<br />
that either the subject or the object is plural. e.g. bóna (see) bónaanga (see (pl.<br />
obj)). In intransitive verbs with the plural suffix, the subject must be plural (...)<br />
Otherwise the interpretation of the suffix as pluralising the subject or the object is<br />
free (...); the interpretation of -aang- as pluralizing the object is the preferred<br />
17 On trouve les <strong>de</strong>ux ordres -an-a(ŋ)g et -a(ŋ)g-an, parfois au sein d’une même langue. En makwe<br />
(P231) ce suffixe complexe exprime que plusieurs personnes exécutent la même action (Devos 2004 :<br />
169). En tswana (S31) « -agan- s’ajoute à <strong>de</strong>s bases transitives pour former <strong>de</strong>s dérivés décausatifs, mais<br />
avec en plus l’idée d’une pluralité d’entités concernées simultanément par le processus » (Creissels<br />
2006 : 38).<br />
18 La notion <strong>de</strong> pluractionnel englobe aussi le sens duratif, qui est le point <strong>de</strong> départ d’une autre<br />
chaîne évolutive, menant aux sens <strong>de</strong> l’imperfectif et <strong>de</strong> la simultanéité.
19<br />
reading. The only way to disambiguate the homophonous 3sg. and 2pl. object<br />
prefixes, both mu, is with the plural object extension -aang- » (Od<strong>de</strong>n 1996 : 49).<br />
(b) Rwakazina (1971 : 219) signale l’existence d’un impératif (toujours pluriel) à<br />
Préfinale dans les langues bantoues : « Cette préfinale est -ag-, -ang-, -ak- (…). Elle est<br />
suivie <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong>s voyelles simples <strong>de</strong> l’impératif pluriel -e, -ɛ, -a. L’impératif pluriel<br />
exprimé par une Préfinale a été observé dans les langues ci-après. -ag-e : J shi ; F<br />
sukuma, rangi, kinyamwezi ; P matumbi ; -ag-ɛ : G hehe ; -ang-a : A ngumba ; P<br />
makon<strong>de</strong> ; S tswana, suthu S (-aŋ). » Pour le makwe (P231), Devos (2004 : 192) affirme<br />
que l’extension pluractionnelle -ang- peut avoir exactement la même fonction que le<br />
marqueur AP -ni dans les formes <strong>de</strong> l’impératif.<br />
(c) En mituku (D13), le morphème -ang suffixé à la forme <strong>de</strong> l’impératif exprime<br />
l’encouragement (Stappers 1973), ce qui peut être interprété comme un ordre moins<br />
direct et donc plus respectueux que celui exprimé par l’impératif nu 19 .<br />
(d) Les langues <strong>de</strong> notre échantillon où la Préfinale est un marqueur <strong>de</strong> l’impératif<br />
se trouvent toutes en zone A. En tunen (A44), le suffixe -ak marque l’impératif <strong>de</strong>s<br />
verbes duratifs (Mous 2003). Dans les langues A70 (moins l’éton, A71) la Préfinale<br />
intervient dans la formation <strong>de</strong> l’impératif <strong>de</strong> tous les verbes, bien qu’en éwondo<br />
(A72) il soit souvent optionnel (sauf à la forme minimale <strong>de</strong> la première personne du<br />
pluriel) (Essono 2000 : 490ff) et qu’en bulu (A74) le marqueur AP -an le remplace<br />
parfois au pluriel (Alexandre 1966 : 58).<br />
4. Discussion<br />
Aucune hypothèse sur l’origine du marqueur AP <strong>de</strong>s langues bantoues<br />
contemporaines n’a pu être choisie au détriment <strong>de</strong>s autres. L’hypothèse selon<br />
laquelle le marqueur AP se serait grammaticalisé à partir d’un pronom dans les<br />
langues filles du proto-bantou se heurte aux problèmes suivants :<br />
- dans la majorité <strong>de</strong>s langues <strong>de</strong> notre échantillon qui ont un marqueur AP,<br />
celui-ci ne présente aucune ressemblance formelle avec un pronom<br />
quelconque ;<br />
- là où il y a une ressemblance entre les <strong>de</strong>ux, les données permettent<br />
rarement d’en tirer la conclusion que l’un serait dérivé <strong>de</strong> l’autre : ils ont<br />
souvent une autre voyelle finale et/ou initiale ; dans aucune langue <strong>de</strong> notre<br />
échantillon le marqueur AP présente un réflexe <strong>de</strong> la voyelle -ɛ qui est selon<br />
Kamba Muzenga le thème du pronom substitutif ; en punu il y a un pronom<br />
substitutif 2PL enclitique, qui diffère formellement du marqueur AP.<br />
19 Une autre interprétation possible serait que cette forme exprime plutôt l’insistance. Dans ce cas,<br />
l’impératif en -aŋg n’a rien à voir avec l’expression du pluriel <strong>de</strong> l’allocutaire, mais pourrait être lié au<br />
sens intensif du pluractionnel ou au sens imperfectif (lui-même dérive du sens duratif) <strong>de</strong> -aŋg. Ce lien<br />
existe en russe, où l’impératif formé sur la base du verbe imperfectif est souvent plus insistant que<br />
celui formé à partir du verbe perfectif (Dmitry Idiatov c.p.).
20<br />
MARK VAN DE VELDE & JOHAN VAN DER AUWERA<br />
Les données justifient plutôt la reconstruction du marqueur AP en proto-bantou,<br />
mais sa forme n’est pas claire. Vu qu’il est toujours plus facile d’expliquer la chute<br />
d’un segment que d’expliquer son apparition dans <strong>de</strong>s langues éloignées l’une <strong>de</strong><br />
l’autre, les comparatistes préfèrent généralement reconstruire la forme la plus<br />
longue, dans notre cas -V(n)i plutôt que -(n)i. L’alternative serait <strong>de</strong> traiter la voyelle<br />
initiale du marqueur AP comme le résultat d’une réanalyse morphologique qui a<br />
intégré la Finale <strong>de</strong> l’Impératif ou du Subjonctif au marqueur AP. Ce <strong>de</strong>rnier se serait<br />
ensuite attaché aux formes verbales complètes (avec Finale) et aux formes non<br />
verbales, ce qui fournirait un argument supplémentaire pour dire que le marqueur<br />
AP s’est répandu à partir <strong>de</strong> l’impératif. Cet alternative nous semble peu probable en<br />
vue <strong>de</strong> la faible intégration morphologique et prosodique <strong>de</strong> la Postfinale dans le<br />
verbe.<br />
Notre conclusion est donc que le proto-bantou avait un marqueur AP <strong>de</strong> forme -<br />
Vni, qui pourrait être le résultat <strong>de</strong> la grammaticalisation d’un pronom <strong>de</strong> la<br />
<strong>de</strong>uxième personne du pluriel. Ce pronom serait aussi à l’origine <strong>de</strong>s pronoms<br />
substitutifs et possessifs 2PL du proto-bantou, qui présentent <strong>de</strong>s éléments<br />
supplémentaires tel que le « thème » -ɛ du pronom substitutif. Ceci expliquerait la<br />
situation récurrente où le marqueur AP ressemble au pronom possessif mais non au<br />
substitutif, alors que le possessif ne peut pas être sa source <strong>de</strong> grammaticalisation.<br />
L’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s constituants historiques du marqueur AP présuppose une<br />
meilleure compréhension <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong>s pronoms (proto-)bantous que celle que<br />
nous avons actuellement. Entre autres, il serait intéressant d’examiner si l’élément<br />
n(y)u dans les pronoms 2PL est analysable comme ni/na ‘et, avec’ 20 plus u ‘toi’, où<br />
ni/na sert <strong>de</strong> marqueur du pluriel associatif (‘toi et compagnie’). Le lien entre les<br />
pronoms, la conjonction/préposition na, qui introduit souvent l’agent dans les<br />
phrases passives, et le suffixe anaphorique mériterait une étu<strong>de</strong> comparative. Notez,<br />
par exemple, que la présence <strong>de</strong> la préposition na ‘et, avec’ peut influencer le choix<br />
du thème pronominal, qui est généralement -ɔ pour les classes à partir <strong>de</strong> la classe 2<br />
et -ɛ pour les pronoms <strong>de</strong>s participants et <strong>de</strong> la classe 1. Ainsi en tsogo (B31) le<br />
substitutif 2PL est anyɛ, sauf après na ‘avec’ où il prend la forme anyo (Walker 1950 :<br />
35). Il nous semble donc probable que la partie -ni du marqueur AP soit en définitive<br />
le morphème associatif ni ‘avec, et, par’. La voyelle qui précè<strong>de</strong> ni est soit a soit e/i,<br />
<strong>de</strong>ux éléments qui se retrouvent aussi dans la reconstruction <strong>de</strong>s pronoms<br />
substitutifs, mais dont nous ne connaissons pas la fonction. Par rapport au e/i on<br />
peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s’il ne s’agit pas du même élément qui s’ajoute à la Finale <strong>de</strong><br />
l’Impératif avec préfixe objet. Dans les langues du nord-ouest, où le lien entre<br />
marqueur AP et suffixe réciproque est plus clair qu’ailleurs, l’ordre <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux<br />
éléments pourrait être l’inverse <strong>de</strong>s autres langues, i.e. -an-i. Mais rien n’exclut que<br />
20 On trouve les <strong>de</strong>ux conjonctions ni et na en bantou. En basaá la conjonction na ajoute le <strong>de</strong>uxième<br />
conjoint au premier, tandis que ni indique que le premier conjoint inclut le <strong>de</strong>uxième.
21<br />
le marqueur AP se soit développé indépendamment dans les langues du nord-ouest, à<br />
partir du morphème <strong>de</strong> coparticipation qui a aussi donné naissance au suffixe<br />
réciproque. La digression sur la Préfinale -aŋg en 3.5 a clairement montré comment<br />
<strong>de</strong>s stratégies alternatives pour marquer le pluriel <strong>de</strong> l’allocutaire peuvent surgir<br />
dans la morphologie verbale postradicale. Dans cette position prosodiquement faible,<br />
on doit se méfier <strong>de</strong>s ressemblances formelles entre les langues, qui peuvent très<br />
facilement être dues au hasard, comme c’est le cas, à notre avis, pour les<br />
ressemblances entre le marqueur AP et le suffixe locatif -ni.<br />
ABRÉVIATIONS<br />
AP allocutif pluriel, CH cohortatif, FIN Finale, HAB habituel, IMP Impératif, NÉG négation,<br />
PAS passif, PL pluriel, PRÉS présent, PO préfixe objet, PS préfixe sujet, SG singulier, SUBJ<br />
Subjonctif.<br />
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