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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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sera de toute façon pas là, ce qu’il trouve « très bien ». Il commente la scène à mon<br />

intention : « Vous voyez, on n’est pas d’accord ! »<br />

Alors qu’Émilie estimait que son mari n’était pas légitime à prendre la <strong>par</strong>ole sur<br />

Anaïs (elle précise même que « c’est son be<strong>au</strong>-père », alors qu’il l’a officiellement reconnue),<br />

celui-ci a très envie de donner sa version des choses et s’empresse d’accepter l’entretien et de<br />

prendre rendez-vous avec moi pour le mois suivant.<br />

tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

Jean-Jacques Courgeon est seul avec son chien quand j’arrive. Nous nous<br />

installons à la même table qu’avec son épouse, la fois précédente. Il a visiblement envie<br />

de <strong>par</strong>ler et de bien me recevoir. Il me propose un café et en prend un <strong>au</strong>ssi. Au bout d’un<br />

quart d’heure, sa femme arrive. Il n’aime pas <strong>par</strong>ler devant elle, je le sens gêné ; il lui<br />

demande d’ailleurs rapidement de <strong>par</strong>tir, sur un ton assez sec (« Je voudrais que tu t’en<br />

ailles <strong>par</strong>ce que je suis pas bien quand t’es là et je veux <strong>par</strong>ler librement. »). Mais comme<br />

elle veut me <strong>par</strong>ler de son frère et de sa sœur, elle ne veut pas <strong>par</strong>tir tout de suite.<br />

J’arrête l’enregistrement, tout le monde se détend. Elle me dit que son frère et sa sœur<br />

sont d’accord pour me voir, mais comme sa sœur est à Royan, elle me propose que ce soit<br />

<strong>par</strong> mail. Je dis que je préfère attendre qu’elle passe à Paris.<br />

Nous reprenons l’entretien. Émilie Courgeon tarde à quitter la pièce. Elle dit<br />

qu’elle a plein de choses à faire dans l’ap<strong>par</strong>tement, mais elle reste en fait dans le salon.<br />

Jean-Jacques râle régulièrement qu’elle soit encore là. Elle finit <strong>par</strong> s’en aller, mais<br />

revient <strong>au</strong> bout d’une demi-heure pour s’occuper du linge, dans la pièce juste à côté (elle<br />

entend donc tout). Jean-Jacques ferme la porte ; peut-être continue-t-elle à entendre ce<br />

qui se dit. Elle s’installe ensuite à l’ordinateur derrière nous, pour jouer <strong>au</strong> solitaire.<br />

Comme Jean-Jacques a fini de <strong>par</strong>ler directement d’Anaïs et qu’il <strong>par</strong>le à présent de sa<br />

famille, il est moins gêné <strong>par</strong> la présence de sa femme. Elle intervient de temps en temps ;<br />

Jean-Jacques dit <strong>par</strong>fois des choses à son attention.<br />

Très manifestement, Émilie tient absolument à entendre ce que son mari a à dire, à la<br />

fois pour pouvoir en <strong>par</strong>tie le contrôler, apporter des démentis (ce qu’elle fait <strong>par</strong> moments),<br />

<strong>au</strong>ssi sûrement <strong>par</strong> curiosité. Jean-Jacques finit <strong>par</strong> céder et accepter sa présence, mais une<br />

fois qu’il en a fini avec les points les plus délicats (l’éducation d’Anaïs, ce qu’il f<strong>au</strong>drait faire<br />

etc.). La lutte pour la <strong>par</strong>ole légitime se joue de manière plus ou moins explicite dans toutes<br />

les familles 22 . Les pressions peuvent aller dans le sens d’une obligation de <strong>par</strong>ler (les plus<br />

impliqués se doivent de montrer leur implication en acceptant l’entretien) ou plutôt d’une<br />

interdiction de <strong>par</strong>ler. Ces pressions peuvent venir des personnes les plus légitimes à <strong>par</strong>ler<br />

22 J’y reviendrai plus en détail dans la <strong>par</strong>tie 4.<br />

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