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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

répondre. Dans ce dernier cas, il est possible de savoir qui a répondu et si c’était en présence<br />

ou non de la personne concernée. Le questionnaire commence <strong>par</strong> une question ouverte sur les<br />

difficultés rencontrées dans la vie de tous les jours, laissant <strong>au</strong> répondant le choix des<br />

domaines à aborder et des mots les plus appropriés : « Rencontrez-vous dans la vie de tous les<br />

jours des difficultés, qu’elles soient physiques, sensorielles, intellectuelles ou <strong>mental</strong>es ? (dues <strong>au</strong>x<br />

conséquences d’un accident d’une maladie chronique, d’un problème de naissance, d’une infirmité, du<br />

vieillissement...) Si oui, de quelle(s) difficulté(s), infirmité(s) ou <strong>au</strong>tre(s) problème(s) de santé s’agit-il<br />

? (indiquez ci-dessous et notez en clair, sans rien modifier, les réponses de la personne interviewée) »<br />

Une étude approfondie du vocabulaire employé pour répondre à ces questions montre<br />

combien, lorsque la personne concernée ne répond pas elle-même, sa présence ou son absence<br />

change la donne : « Les personnes qui <strong>par</strong>lent pour elles-mêmes évoquent directement et de<br />

façon précise les organes qui posent problème (dans les trente mots les plus spécifiques à cette<br />

population, on trouve ‘dos’, ‘genoux’, ‘colonne’, ‘ép<strong>au</strong>le’, ‘poitrine’, ‘jambe’, ‘cervic<strong>au</strong>x’,<br />

‘lombaires’, ‘hanche’). Elles utilisent très peu de mots génér<strong>au</strong>x, qui résumeraient en un terme<br />

abstrait leur problème ou donnerait le nom de la maladie : elles sont, pourrait-on dire, dans<br />

une logique du symptôme : elles évoquent la ou les ‘douleurs’, la ‘fatigue’, la difficulté à faire<br />

telle ou telle chose, ou encore la conséquence du problème en matière d’ap<strong>par</strong>eillage (porter<br />

une ‘prothèse’). Au contraire, le <strong>face</strong>-à-<strong>face</strong> entre l’enquêteur et une personne qui <strong>par</strong>le d’un<br />

tiers absent favorise l’expression en termes génér<strong>au</strong>x et en syndromes : ‘<strong>handicap</strong>é’,<br />

‘<strong>au</strong>tisme’, ‘Alzheimer’, ‘hémiplégique’, ‘trisomique’, ‘dépendant’. La situation où le malade<br />

et une <strong>au</strong>tre personne <strong>par</strong>lent ensemble est <strong>par</strong>ticulièrement intéressante. Les problèmes<br />

évoqués sont les mêmes que lorsque c’est une <strong>au</strong>tre personne seule qui <strong>par</strong>le (problèmes<br />

ment<strong>au</strong>x), mais ils ne le sont pas de la même façon : il y a be<strong>au</strong>coup moins d’ ‘étiquettes’, on<br />

est <strong>au</strong> contraire largement dans le registre du symptôme et des organes (‘cerve<strong>au</strong>’, ‘mémoire’,<br />

‘<strong>par</strong>ler’, ‘langage’, ‘élocution’, ‘difficilement’, ‘difficultés’). Tout se passe comme si la<br />

présence de la personne dont il est question interdisait une logique de l’étiquetage,<br />

l’expression froide de problèmes médic<strong>au</strong>x, et invitait à se poser sur le plan des problèmes qui<br />

se posent concrètement.[Béliard et Eideliman, 2007, p. 23-24] »<br />

Ces variations montrent que le fait de s’arroger la légitimité de <strong>par</strong>ler pour quelqu’un<br />

d’<strong>au</strong>tre est un coup de force qui peut dans certains cas être accepté <strong>par</strong> tous (y compris celui<br />

pour qui l’on <strong>par</strong>le), dans d’<strong>au</strong>tres non. Il se peut même qu’<strong>au</strong>-delà de la personne dont on<br />

<strong>par</strong>le, d’<strong>au</strong>tres personnes veillent à ce que n’importe qui n’ait pas accès, <strong>au</strong>tant que faire se<br />

peut, à la <strong>par</strong>ole sur l’enfant. Il y <strong>au</strong>rait quelque chose comme un monopole (ou un oligopole,<br />

pour être plus précis) de la <strong>par</strong>ole légitime sur l’enfant, pour <strong>par</strong>aphraser Max Weber [Weber<br />

M., 2003], et ceux qui le détiennent veillent à ce que n’importe qui ne l’usurpe pas. D’<strong>au</strong>tre<br />

<strong>par</strong>t, ceux qui se sentent moins légitimes à <strong>par</strong>ler de ou pour l’enfant, s’ils le font tout de<br />

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