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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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Manifestement, le fait que Jean Chatrian accepte de <strong>par</strong>ler de son fils devant lui est<br />

une façon pour lui de montrer la proximité qu’il entretient avec lui (mise en évidence <strong>par</strong><br />

ailleurs <strong>par</strong> des démonstrations d’affection), qu’il n’a rien à lui cacher. En même temps, son<br />

discours tient compte de la présence ou de l’absence de Grégoire, ce qui fait ap<strong>par</strong>aître malgré<br />

tout l’enjeu du contexte d’énonciation. Dans d’<strong>au</strong>tres cas, lorsque les relations avec l’enfant<br />

concerné sont plus délicates ou bien lorsqu’on ne veut pas qu’il prenne davantage conscience<br />

de ses propres difficultés, cet enjeu est nettement plus explicite. Ainsi, lors du deuxième<br />

entretien avec Sylvie Man<strong>au</strong>d, la mère de Frédéric, la présence inopinée de ce dernier a mis<br />

en évidence des tensions <strong>au</strong>tour de la légitimité à <strong>par</strong>ler de lui. La scène se déroule dans un<br />

petit ap<strong>par</strong>tement en banlieue <strong>par</strong>isienne, en novembre 2005 :<br />

tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

J’ai la grande surprise en arrivant de voir Frédéric, alors que sa mère et moi<br />

avions avait fait exprès de choisir un moment où il ne devait pas être là. Dès que j’arrive,<br />

elle m’annonce d’ailleurs e que sa séance de modelage a été annulée mais que « ce n’est<br />

pas grave ». Frédéric est assis dans un canapé, devant la télévision éteinte. Il ne se<br />

retourne pas vers moi quand j’entre dans la pièce. Sa mère lui demande, tout doucement<br />

et lentement comme toujours, d’aller dans sa chambre, mais il refuse. Il dit qu’il va rester<br />

là, se mettre à l’ordinateur. Elle insiste et lui dit que ce n’est pas ce qui était prévu. Il lui<br />

répond qu’il ne regardera pas la télévision, que ça ne fera donc pas de bruit, que ça ne<br />

nous dérangera pas qu’il soit à l’ordinateur. Elle hésite et finit <strong>par</strong> dire qu’on <strong>au</strong>rait<br />

voulu être tranquilles. Rien n’y fait, Frédéric a très bien compris la situation et lui dit<br />

malicieusement qu’il ne fera pas de bruit, qu’on sera donc « tranquilles » et que comme<br />

ça, on pourra même le « surveiller ». Il sait bien que l’on va <strong>par</strong>ler de lui et il veut<br />

manifestement savoir ce que l’on va dire.<br />

En désespoir de c<strong>au</strong>se, Mme Man<strong>au</strong>d me propose que nous nous installions dans<br />

la cuisine. Nous nous installons donc <strong>au</strong>tour d’une petite table, dans la cuisine. (…)<br />

Après l’entretien, je passe rapidement dire <strong>au</strong> revoir à Frédéric, qui est toujours à<br />

l’ordinateur, dans un recoin du salon. En entrant dans la pièce, sa mère s’exclame :<br />

« Ah ! ben Frédéric a dis<strong>par</strong>u ! », il répond depuis l’ordinateur sur un ton plutôt sombre :<br />

« Non non, je dis<strong>par</strong>ais pas comme ça. »<br />

Les concepteurs de l’enquête Handicaps-Incapacités-Dépendance (conduite <strong>par</strong><br />

l’INSEE) ont bien compris ces enjeux, puisque les enquêteurs étaient vivement encouragés à<br />

interroger directement la personne ap<strong>par</strong>tenant à l’échantillon de l’enquête et à se tourner vers<br />

une <strong>au</strong>tre personne, pour qu’elle réponde à sa place, uniquement si la première était inapte à<br />

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