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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

personnels comme « on » ou « nous ». C’est chez certaines mères, comme Lydie Héry, que la<br />

tendance est poussée à son maximum ; mais ce n’est alors que le reflet d’une implication<br />

décisionnelle <strong>par</strong>ticulièrement forte des mères, sur laquelle j’<strong>au</strong>rai l’occasion de revenir.<br />

Inversement, certains enquêtés soulignent leur détachement, leur prise de distance en<br />

n’utilisant jamais le « on » et en se cantonnant <strong>au</strong> « il » ou « elle ». Mais on peut faire<br />

l’hypothèse que la plu<strong>par</strong>t de ceux qui ne se sentent pas légitimes à <strong>par</strong>ler pour l’enfant ont<br />

tout simplement refusé de me <strong>par</strong>ler.<br />

Parler pour <strong>au</strong>trui représente toujours un coup de force, même lorsqu’on a une forte<br />

légitimité pour le faire, comme dans le cas des <strong>par</strong>ents d’enfants ayant des difficultés<br />

intellectuelles. Be<strong>au</strong>coup de mes interlocuteurs ont d’ailleurs cherché à éviter la situation où<br />

ils devraient <strong>par</strong>ler devant l’enfant dont il était question, même si certains ont <strong>au</strong> contraire<br />

affiché une ap<strong>par</strong>ente indifférence sur ce point. Prenons l’exemple de Grégoire Chatrian, qui<br />

est né en 1990 et a connu à <strong>par</strong>tir de deux ans d’importantes difficultés relationnelles et de<br />

développement qui ont retardé sa scolarisation. Après un passage <strong>par</strong> un hôpital de jour, il a<br />

été scolarisé dans deux écoles privées (hors-contrat), dont ABC École <strong>par</strong> laquelle je l’ai<br />

rencontré, où il a fait d’importants progrès sur le plan scolaire, tout en conservant un retard<br />

important. Très grand pour son âge, Grégoire se présente comme un jeune homme souriant,<br />

communicatif, avec qui on peut tenir une conversation simple, même s’il a tendance à<br />

be<strong>au</strong>coup répéter les mêmes choses. Il a une sœur d’un an son aînée, Solène. Après avoir fait<br />

un entretien avec sa mère, Florence Chatrian, je me suis rendu de nouve<strong>au</strong> dans leur grand<br />

ap<strong>par</strong>tement situé dans l’ouest <strong>par</strong>isien pour rencontrer le père de Grégoire, Jean Chatrian. Ils<br />

sont tous deux médecins, l’une gérontologue, l’<strong>au</strong>tre médecin du travail. Lors de l’entretien<br />

que j’ai mené avec Jean Chatrian, en novembre 2002, j’ai pu observer de nettes différences de<br />

comportement selon que son fils était présent ou non.<br />

Au bout d’une dizaine de minutes, M. Chatrian arrive en s’excusant d’être en retard et en<br />

expliquant celui-ci <strong>par</strong> des problèmes de transport (il travaille en province). Grégoire lui<br />

s<strong>au</strong>te <strong>au</strong> cou et manifeste be<strong>au</strong>coup de joie de le retrouver, tandis que M. Chatrian se<br />

montre ravi de ces débordements et l’appelle « mon Grégou » tout comme sa femme<br />

(mais sur un ton <strong>par</strong>ticulièrement enthousiaste). Nous nous installons rapidement à la<br />

table et l’entretien commence, tout d’abord en compagnie de Grégoire, dont la présence<br />

ne semble pas du tout gêner son père, qui semble <strong>au</strong> contraire fier de montrer qu’il n’a<br />

rien à cacher à son fils. Grégoire fait de très nombreuses interventions, plus ou moins à<br />

propos. Son père ne cherche pas du tout à l’empêcher d’intervenir et réagit à ses<br />

remarques. (…) Grégoire est présent <strong>au</strong> début et à la fin de l’entretien mais s’absente <strong>au</strong><br />

milieu. M. Chatrian, malgré ce qu’il peut dire, ne se comporte pas de la même façon<br />

selon que Grégoire entend ou non ce qu’il dit.<br />

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