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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

différents points de vue qui peuvent être construits sur ces questions,<br />

« l’illusion biographique » fait <strong>par</strong>tie de mon objet et n’est pas pour moi gênante en soi. Pour<br />

<strong>au</strong>tant, il serait f<strong>au</strong>x de dire que la vérité des pratiques ne m’intéresse pas et que je me<br />

contente de discours fortement reconstruits. Mon dispositif d’enquête permet de cerner en<br />

<strong>par</strong>tie l’ampleur et les effets de cette illusion d’<strong>au</strong> moins trois façons : <strong>par</strong> rapport à une<br />

<strong>au</strong>tobiographie, la reconstruction de la trajectoire lors d’une biographie faite <strong>par</strong> <strong>au</strong>trui est<br />

plus explicite (trous de mémoire fréquents, regard plus distant) et la mise en cohérence moins<br />

accentuée, surtout dans le cas de ces enfants et adolescents <strong>au</strong> <strong>par</strong>cours souvent heurté qui ne<br />

facilite pas une telle opération. Ensuite, le fait de pouvoir disposer de plusieurs points de vue<br />

sur cette trajectoire, quand plusieurs entretiens <strong>au</strong>tour du même cas ont pu être effectués,<br />

facilite grandement la déconstruction de la biographie et invite à souligner les différences<br />

subjectives dans la perception de la trajectoire. Enfin, la répétition d’entretiens à des moments<br />

différents avec une même personne permet de faire un premier tri entre les interprétations<br />

temporaires et les convictions durables, ou encore entre les faits qui ne sont soulignés qu’à un<br />

moment précis et ceux qui sont sans cesse rappelés. Il est frappant de voir combien des<br />

positions que l’on croyait définitives, des interprétations qui semblaient fonda<strong>mental</strong>es, des<br />

affirmations qui se présentaient comme des certitudes lors d’un premier entretien ont pu<br />

s’altérer considérablement quelques mois ou années plus tard.<br />

Le cœur de chaque entretien est donc consacré à la vie du jeune <strong>au</strong>tour duquel est<br />

centré le « cas » 20 . Bien sûr, chaque personne ayant <strong>par</strong>ticipé à un entretien a <strong>au</strong>ssi <strong>par</strong>lé d’elle<br />

et de sa propre trajectoire, mais le contrat tacite sur lequel reposait l’entretien était que le sujet<br />

en était l’enfant. Un tel contrat n’a rien d’évident, même si les personnes rencontrées étaient<br />

souvent (mais pas toujours) <strong>par</strong>tie prenante dans la trajectoire de l’enfant ou adolescent en<br />

tant que décideurs ; souvent en ethnographie, il est difficile de faire accepter un entretien à<br />

quelqu’un en lui disant qu’il portera sur quelqu’un d’<strong>au</strong>tre (ce qui ne veut pas dire qu’on ne<br />

<strong>par</strong>vient pas pendant les entretiens à faire <strong>par</strong>ler les enquêtés d’<strong>au</strong>tres personnes) car il est<br />

illégitime de <strong>par</strong>ler pour quelqu’un d’<strong>au</strong>tre, surtout si c’est en termes négatifs. Le cas qui nous<br />

occupe est <strong>par</strong>ticulier dans la mesure où les enfants dont il est question ne sont pas légitimes à<br />

<strong>par</strong>ler d’eux-mêmes. Comme on l’a déjà vu, leur <strong>par</strong>ole est deux fois illégitime. Il est donc<br />

ap<strong>par</strong>u naturel à mes interlocuteurs que je les contacte pour les faire <strong>par</strong>ler de quelqu’un<br />

d’<strong>au</strong>tre qu’eux.<br />

Cette faculté de <strong>par</strong>ler légitimement <strong>au</strong> nom de quelqu’un d’<strong>au</strong>tre se traduit dans<br />

certains cas <strong>par</strong> un procédé d’énonciation qui englobe le locuteur et l’enfant pour qui l’on<br />

20 J’appelle « cas » l’ensemble des entretiens, observations et données centrés sur un même enfant. Pour des<br />

exemples analogues d’utilisation de cas, cf. Gojard, Gramain et Weber, 2003. Pour une réflexion plus large sur la<br />

logique du cas, cf. Passeron et Revel, 2005.<br />

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