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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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Mais être en première ligne, c’est <strong>au</strong>ssi, et inextricablement, occuper une position de<br />

pouvoir, surtout si l’enfant est défini comme une c<strong>au</strong>se commune, c’est-à-dire comme l’un<br />

des piliers <strong>au</strong>tour duquel s’articulent les relations familiales. Il f<strong>au</strong>t bien comprendre que<br />

charges et pouvoir sont étroitement entremêlés, et donc indissociables pour les « première<br />

ligne » [Gl<strong>au</strong>de et Singly, 1986], en <strong>par</strong>ticulier pour les mères [Schwartz, 2002, p. 177-195].<br />

La question de la souffrance illustre bien cette situation. Les <strong>par</strong>ents, et plus encore la mère,<br />

d’un enfant <strong>handicap</strong>é <strong>mental</strong> sont censés souffrir de cette situation. Il est « normal » qu’ils en<br />

souffrent, même si on attend <strong>au</strong>ssi d’eux qu’ils domptent cette souffrance. Les grands-<strong>par</strong>ents<br />

paternels de Tristan, René et Solange (avec qui je fais un entretien lors de l’un de leurs<br />

fréquents passages à Paris pour voir leurs petits-enfants), commencent d’ailleurs leur entretien<br />

sur cette question :<br />

tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

« Solange : Ben la naissance de Tristan, nous l’avons apprise (…) d’une façon tout à fait<br />

subite puisqu’on ne s’y attendait absolument pas <strong>au</strong> point de vue diagnostic, enfin on était<br />

tous dans la joie d’attendre un petit-enfant chez Daniel et Fabienne. J’avoue que ça a été<br />

quand même très dur. Surtout moi, la première impression qui m’a fait très très mal, j’ai<br />

pensé <strong>au</strong>x enfants, je me suis dit : ‘Quel chagrin pour eux deux !’ J’ai pas tellement pensé<br />

<strong>au</strong> petit. J’ai pensé à Fabienne et Daniel. Et pendant une ou deux semaines, ça m’a habité,<br />

hein, ça. (cherche ses mots) Après, on a téléphoné presque tous les soirs à Daniel et<br />

Fabienne et puis on s’est dit tous les deux : ‘C’est très dur, mais c’est pas une<br />

catastrophe.’ Et on a voulu presque fêter la naissance. Je sais pas si les enfants vous l’ont<br />

dit, mais enfin. Et nous sommes venus à Paris avec du foie gras, une bouteille de<br />

Champagne puis je sais pas quoi, et on a fêté Tristan quand il est rentré. »<br />

Si l’on veut rentrer dans des détails plus subtils, on peut même remarquer que la mère<br />

de Daniel <strong>par</strong>le en général de « Daniel et Fabienne », mais incidemment de « Fabienne et<br />

Daniel » quand elle aborde la question de la souffrance présumée des <strong>par</strong>ents. Certes, on<br />

pense à la souffrance des deux <strong>par</strong>ents, mais avant tout à celle de la mère.<br />

Ceux qui sont en première ligne sont les plus exposés, matériellement et<br />

affectivement, à la charge que représente un enfant <strong>handicap</strong>é <strong>mental</strong>. Mais ils sont <strong>au</strong>ssi ceux<br />

qui ont le droit d’en souffrir et donc d’exprimer cette souffrance, tandis que les <strong>au</strong>tres<br />

membres de l’entourage ont tendance à s’interdire d’exprimer la leur, à moins que ceux qui<br />

ont le quasi-monopole de la souffrance légitime les y encouragent. La souffrance de certains,<br />

en <strong>par</strong>ticulier celle des frères et sœurs, est cependant de plus en plus prise en considération <strong>par</strong><br />

les spécialistes du psychisme. Audrey et Diane ont d’ailleurs pu <strong>par</strong>ticiper à des groupes de<br />

<strong>par</strong>ole ouverts <strong>au</strong>x grands frères et grandes sœurs d’enfants trisomiques, qui avaient été<br />

organisés <strong>par</strong> le SESSAD où Tristan a été un temps pris en charge, <strong>par</strong>allèlement à sa scolarité<br />

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