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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

« Marc, à mon avis, a considéré qu’il fallait faire comme pour Pascal [le cousin<br />

<strong>handicap</strong>é qui vit dans un centre]. On la met de côté, (hésite) on la met de côté, c’est pas<br />

quelqu’un qui doit détruire la famille. Quoiqu’il a détruit <strong>au</strong>ssi l’<strong>au</strong>tre famille, enfin<br />

c’est… (s’arrête) (…) Mon frère a vécu – (cherche ses mots) moi ça m’a jamais dérangé<br />

mais on n’a pas la même <strong>mental</strong>ité – be<strong>au</strong>coup plus dans… (hésite) pas la jalousie, mais<br />

le regard sur ce que ma mère pouvait donner à moi ou à ma sœur. C’est pas vraiment de<br />

la jalousie, c’est qu’il reproche que ma mère donne plus ou moins à l’un ou à l’<strong>au</strong>tre etc.<br />

Le fait de voir que Michèle était là avec Camille, que maman était à côté, que tous les<br />

jours, (se reprend) ou deux fois <strong>par</strong> semaine, elle va chercher Camille là-bas et qu’elle se<br />

crève, que mes <strong>par</strong>ents se crèvent pour faire ça, il l’accepte pas. Dans sa tête, il accepte<br />

pas. (cherche ses mots) Il accepte pas que Michèle épuise mes <strong>par</strong>ents. C’est tout ! Mes<br />

<strong>par</strong>ents n’ont pas à faire ça. Donc (cherche ses mots) c’est pour ça qu’il f<strong>au</strong>t la mettre en<br />

institut, comme ça mes <strong>par</strong>ents seront tranquilles. Tu vois ce que je veux dire ? La<br />

<strong>mental</strong>ité, elle est pas du tout… (s’arrête) C’est plus vis-à-vis de mes <strong>par</strong>ents : Michèle<br />

ne doit pas prendre mes <strong>par</strong>ents. »<br />

Comme très souvent dans les conflits famili<strong>au</strong>x 4 , l’attitude des exclus (qui peuvent<br />

être d’un certain point de vue considérés comme des <strong>au</strong>to-exclus) est expliquée en termes de<br />

jalousie. Ici, Marc est jaloux dans la mesure où il reproche à ses <strong>par</strong>ents d’être trop impliqués<br />

dans la maisonnée de Camille et donc pas assez présents pour lui et ses propres enfants.<br />

Même si l’argument n’est pas développé ici, on peut faire l’hypothèse que cette « jalousie »<br />

est alimentée <strong>par</strong> une différence sociale inavouée : tandis que Michèle a exercé en tant que<br />

kinésithérapeute (et a choisi de cesser de travailler à la naissance de son deuxième enfant) et<br />

que son mari est ingénieur, Marc et sa femme ont des emplois de nive<strong>au</strong> intermédiaire dans le<br />

domaine du commerce (commercial et vendeuse). Gérard et Chantal, qui sont tous deux<br />

ingénieurs informaticiens, occupent une position sociale intermédiaire. Même si la différence<br />

sociale entre les deux familles n’est pas très importante, elle existe, en <strong>par</strong>ticulier en matière<br />

de capital culturel, ce qui peut d’ailleurs expliquer en <strong>par</strong>tie la fierté de Marc devant les<br />

résultats scolaires de Mathieu (avant que ceux-ci ne dégringolent, comme me le raconte<br />

Michèle).<br />

Ce conflit permet d’envisager sous un jour nouve<strong>au</strong> les théories diagnostiques des uns<br />

et des <strong>au</strong>tres : même si je n’ai pas eu accès directement <strong>au</strong> point de vue de Marc, on peut<br />

déduire des propos de Gérard que son frère considère Camille comme assez lourdement<br />

4 Pour un <strong>au</strong>tre exemple, cf. Eideliman, 2003a. On peut <strong>au</strong>ssi se référer à une analyse de l’accusation de jalousie<br />

hors de la sphère familiale [Weber F., 1989], qui souligne que cette accusation vient pointer une distorsion dans<br />

les relations entre des individus considérés comme ég<strong>au</strong>x.<br />

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