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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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Première <strong>par</strong>tie (introductive)<br />

Des enfants dont on <strong>par</strong>le ?<br />

tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

« Parler, en sorcellerie, ce n’est jamais pour informer. Ou si l’on informe, c’est pour<br />

que celui qui doit tuer (le désenvoûteur) sache où porter ses coups. Il est littéralement<br />

incroyable d’informer un ethnographe, c’est-à-dire quelqu’un qui assure ne vouloir faire<br />

<strong>au</strong>cun usage de ces informations, qui demande naïvement à savoir pour savoir. » [Favret-<br />

Saada, 1981, p. 26] On pourrait croire que l’importance donnée à la <strong>par</strong>ole <strong>par</strong> Jeanne Favret-<br />

Saada lors de son enquête sur la sorcellerie dans le Bocage tient, comme elle le suggère ellemême,<br />

en grande <strong>par</strong>tie à son objet d’enquête. Or mon enquête sur le <strong>handicap</strong> <strong>mental</strong><br />

d’enfants et adolescents vu <strong>par</strong> leurs proches montre que les mêmes mécanismes sont à<br />

l’œuvre et que les usages de la <strong>par</strong>ole sont un enjeu central. Non seulement vis-à-vis de moi,<br />

l’enquêteur, qui ai d’ailleurs construit le cœur de mon analyse sur ce que révèlent les manières<br />

de percevoir, de dire (et de faire 1 ) avec le <strong>handicap</strong>, mais <strong>au</strong>ssi entre les différents acteurs qui<br />

ont <strong>par</strong>ticipé à l’enquête : qui peut légitimement dire quoi sur les difficultés de ces enfants et<br />

adolescents ? Qui en <strong>par</strong>le et qui n’en <strong>par</strong>le pas ? Comment en <strong>par</strong>ler ? Avec qui et dans quel<br />

contexte ?<br />

Bien que les deux sujets aient a priori peu de choses en commun, le <strong>handicap</strong> <strong>mental</strong><br />

d’adolescents et les questions de sorcellerie <strong>par</strong>tagent quelques caractéristiques qui <strong>au</strong>torisent,<br />

me semble-t-il, à les rapprocher sur le plan du rapport à la <strong>par</strong>ole. Dans un cas comme dans<br />

l’<strong>au</strong>tre, une série de phénomènes considérés comme anorm<strong>au</strong>x, socialement « extraordinaires<br />

» et difficiles à interpréter pour les individus qui y sont confrontés sont convertis en<br />

un mal que l’on cherche à nommer, <strong>au</strong>quel on cherche à assigner une origine, des raisons<br />

potentielles, enfin pour lesquels on met petit à petit sur pied un traitement, éventuellement<br />

avec l’aide de spécialistes de la question. La victime de cette série de malheurs est considérée<br />

comme impuissante, objet de processus morbides qui la dépassent et nécessitent le recours à<br />

une (ou plusieurs) aides extérieures. On a là des situations où une anormalité sociale appelle,<br />

pour rentrer dans le rang de ce qui est explicable et <strong>par</strong> là rassurant, une mise en récit, en<br />

mots, qui acquièrent dans cette configuration une force <strong>par</strong>ticulière. S’il n’est pas question de<br />

dire que le <strong>handicap</strong> <strong>mental</strong> se joue tout entier dans la symbolique des mots, on peut affirmer<br />

qu’il est l’objet de discours à travers lesquels s’expriment des angoisses et des espoirs, mais<br />

1 Je mets pour l’instant l’accent sur les manières de dire et l’importance de la <strong>par</strong>ole, mais on verra à <strong>par</strong>tir de la<br />

deuxième <strong>par</strong>tie combien ces manières de dire sont prises dans des manières de faire.<br />

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