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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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Comme on s’en doute, le fait de caractériser son enfant comme « différent » va de<br />

pair, comme chez Catherine Loski, avec une critique du manque d’acceptation dont fait<br />

preuve la société française et une remise en c<strong>au</strong>se des « normes » qui pèsent sur les<br />

comportements et les standardisent, bref avec une mise en exergue du « caractère normatif de<br />

l’état dit normal », pour reprendre les termes de Georges Canguilhem [2006, p. 25].<br />

tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

Au-delà de la mise en évidence de la diversité de ces théories, qui me semble en soi<br />

intéressante, on peut s’aventurer à formuler quelques hypothèses sur leur ré<strong>par</strong>tition en<br />

fonction de caractéristiques sociales, comme le genre de l’enfant et le milieu social des<br />

<strong>par</strong>ents. Il est <strong>par</strong> exemple troublant de se rendre compte que la majorité des filles de mon<br />

éventail de cas (12 sur 19) sont décrites comme ayant un comportement troublé ou différent,<br />

alors même qu’on a vu (<strong>au</strong> chapitre 4) que les troubles du comportement étaient be<strong>au</strong>coup<br />

plus fréquents chez les garçons que chez les filles. Mon éventail de cas est donc biaisé, ce qui<br />

n’a rien d’une révélation, mais on peut se demander pourquoi il l’est dans ce sens. Je ferai de<br />

nouve<strong>au</strong> 16 l’hypothèse que le retard <strong>mental</strong> « simple », c’est-à-dire sans troubles du<br />

comportement associés, est moins gênant pour les <strong>par</strong>ents dans le cas d’une fille que dans<br />

celui d’un garçon. Or les <strong>par</strong>ents qui ont répondu à mon enquête l’ont le plus souvent fait pour<br />

témoigner de leur expérience difficile, pour se justifier, se féliciter ou s’indigner (voir le<br />

chapitre 3). Si les filles qui n’ont qu’un simple retard <strong>mental</strong> sont sous-représentées dans les<br />

cas que j’ai étudiées, ce pourrait donc être <strong>par</strong>ce que la sélection de mon enquête redouble la<br />

sélection classificatoire, dont j’ai <strong>par</strong>lé <strong>au</strong> chapitre 4, qui veut que les caractéristiques du<br />

retard <strong>mental</strong> soient davantage pensées <strong>par</strong> rapport à des traits construits comme masculins.<br />

En d’<strong>au</strong>tres termes, le retard <strong>mental</strong> des garçons serait plus problématique, et problématisé,<br />

que celui des filles et serait donc plus digne d’intérêt, <strong>par</strong> exemple pour en <strong>par</strong>ler à un<br />

sociologue. Par ailleurs, du fait que les troubles du comportement sont davantage craints pour<br />

les garçons (pour lesquels ils évoquent un glissement possible vers la violence, voire la<br />

délinquance), il est possible que les <strong>par</strong>ents de garçons (surtout de milieu social aisé, dont<br />

proviennent la plu<strong>par</strong>t des personnes que j’ai rencontrées) aient tendance à minimiser leurs<br />

écarts de conduite et à les présenter comme ayant un retard <strong>mental</strong> simple, tandis qu’il serait<br />

moins problématique de souligner le comportement <strong>par</strong>ticulier (qui consiste souvent en des<br />

« troubles du comportement », mais qui peut <strong>au</strong>ssi être simplement décrit comme<br />

« <strong>par</strong>ticulier », « différent ») des filles. Je pense en <strong>par</strong>ticulier à des adolescents comme<br />

Adrien, Mickaël ou Arn<strong>au</strong>d, que leurs <strong>par</strong>ents présentent comme ayant un comportement tout<br />

à fait normal, alors que d’<strong>au</strong>tres (enseignants, membres de l’entourage familial) soulignent<br />

16 Voir le chapitre 4.<br />

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