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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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C. Aux origines de la culpabilité maternelle<br />

Les soupçons que l’on vient d’évoquer, qui pèsent constamment sur les <strong>par</strong>ents<br />

d’enfants ayant des difficultés intellectuelles, sont l’un des moteurs du sentiment de<br />

culpabilité, latent ou explicite, qui les tar<strong>au</strong>de toujours avec plus ou moins d’acuité. Ils sont<br />

facilement soupçonnés d’être de m<strong>au</strong>vais <strong>par</strong>ents, incapables d’élever correctement leurs<br />

enfants. Et ils ont tendance à intégrer ce soupçon, si bien qu’en l’absence de manifestations<br />

explicites, ils l’interprètent facilement dans ce qu’on appelle « le regard des <strong>au</strong>tres », comme<br />

le dit <strong>par</strong> exemple le père de Grégoire 14 (angoisse et difficultés de compréhension, <strong>au</strong>cun<br />

diagnostic), Jean Chatrian (médecin du travail), entre deux remarques de son fils :<br />

tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

« Jean : Vous êtes un peu dans un processus de culpabilité, de honte. F<strong>au</strong>t voir le regard<br />

des <strong>au</strong>tres, hein ! F<strong>au</strong>t voir comment ma femme s’est <strong>par</strong>fois crêpé le chignon (léger rire)<br />

avec des nanas, dans des supermarchés, dans des… (s’arrête) Vous savez, le regard des<br />

<strong>au</strong>tres qui porte des jugements, le gosse mal élevé, tout de suite.<br />

Grégoire : Qui, moi ? Moi ?<br />

Jean : C’est pas un problème de gosse mal élevé du tout, hein !<br />

Grégoire : (plus fort) Qui moi ? Moi ?<br />

Jean : (léger rire) (à Grégoire) Non, chéri, non ! C’est ce que disaient certaines<br />

personnes, tu te rappelles ?<br />

Grégoire : Non.<br />

Jean : Quand t’étais petit, ils pensaient que t’étais mal élevé. On disait : ‘Mais c’est pas<br />

que Grégoire est mal élevé, c’est <strong>par</strong>ce qu’il a des difficultés’, c’est ce qu’on disait. »<br />

Outre le poids diffus du regard des <strong>au</strong>tres, bien d’<strong>au</strong>tres occasions tendent à faire<br />

naître ou à renforcer ce sentiment de culpabilité. Le simple fait qu’un enfant ait des difficultés<br />

intellectuelles ou des troubles du développement déclenche l’irruption dans l’intimité<br />

familiale (physiquement ou <strong>par</strong> les mots) de divers professionnels que les <strong>par</strong>ents vont <strong>par</strong>fois<br />

chercher et qui <strong>par</strong>fois viennent à eux. Cette « police des familles », pour reprendre<br />

l’expression de Jacques Donzelot [1977], n’a bien sûr pas qu’une mission de contrôle social et<br />

l’aide qu’apportent les divers professionnels est souvent soulignée et louée <strong>par</strong> les familles.<br />

Mais elle n’en représente pas moins une pression, une forme atténuée d’inquisition qui vient<br />

décortiquer l’organisation domestique ou fouiller le passé familial. Dianne Longo et Linda<br />

Bond [1984] montrent ainsi que les professionnels pensent a priori que le <strong>handicap</strong> <strong>mental</strong><br />

14 Je rappelle que l’on trouvera à la fin de cette <strong>par</strong>tie, comme à la fin de la <strong>par</strong>tie dernière et <strong>au</strong>ssi en annexe, un<br />

table<strong>au</strong> récapitulatif qui présente les différents cas, dont celui de Grégoire.<br />

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