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'Spécialistes par obligation'Des parents face au handicap mental ...

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tel-00333296, version 1 - 28 Nov 2008<br />

Alfred Br<strong>au</strong>ner. Tandis qu’<strong>au</strong>x États-Unis, l’hypothèse d’une origine organique de l’<strong>au</strong>tisme<br />

s’affirme et qu’on le différencie des psychoses, l’<strong>au</strong>tisme est vu en France <strong>au</strong> même moment<br />

comme une forme de psychose infantile propre à être traitée <strong>par</strong> la psychanalyse. À <strong>par</strong>tir des<br />

années 1970-80, notamment après la loi de 1975 en France, les <strong>par</strong>ents d’enfants <strong>au</strong>tistes, las<br />

de la charge culpabilisatrice que font peser sur eux les psychanalystes, s’organisent et<br />

revendiquent pour leurs enfants le statut de personne <strong>handicap</strong>ée. Il s’ensuit une bataille avec<br />

les psychiatres qui refusent en majorité de fixer un t<strong>au</strong>x d’incapacité et de transformer ainsi<br />

une psychose en <strong>handicap</strong>. À <strong>par</strong>tir de 1985, des associations spécifiques de <strong>par</strong>ents d’enfants<br />

<strong>au</strong>tistes voient le jour et soutiennent la recherche d’une origine organique de l’<strong>au</strong>tisme, ainsi<br />

que le développement <strong>au</strong>x États-Unis de la méthode dite TEACCH 5 qui propose des<br />

techniques d’éducation des <strong>au</strong>tistes à <strong>par</strong>tir d’une conception cognitiviste du trouble, visant<br />

davantage à aménager la situation qu’à obtenir une guérison. En 1988, le législateur leur<br />

donne raison en France et <strong>au</strong>torise le financement public d’établissements adoptant la<br />

méthode TEACCH. En 1996 enfin, une loi reconnaît l’<strong>au</strong>tisme comme un <strong>handicap</strong>, tout en<br />

précisant qu’il est lié à un syndrome.<br />

Cet exemple montre combien la différence entre <strong>handicap</strong> et maladie <strong>mental</strong>e est un<br />

enjeu non seulement entre les professionnels qui en sont spécialistes, mais <strong>au</strong>ssi entre<br />

professionnels et <strong>par</strong>ents organisés en associations. Il montre également l’importance des lois<br />

et leur effet sur les luttes de classement : c’est la loi de 1975 qui a orienté les revendications<br />

des associations de <strong>par</strong>ents vers la volonté de voir l’<strong>au</strong>tisme reconnu comme un <strong>handicap</strong>,<br />

même si d’<strong>au</strong>tres éléments les poussaient dans ce sens (la volonté de contrer l’approche<br />

psychanalytique notamment). Au Canada en revanche, où le système de prise en charge du<br />

<strong>handicap</strong> est différent, les associations de <strong>par</strong>ents d’enfants <strong>au</strong>tistes ont lutté pour sa<br />

reconnaissance en tant que « maladie neurologique » [Chamak, 2005]. D’un <strong>au</strong>tre côté,<br />

l’organisation administrative française donne davantage de poids à la profession médicale<br />

dans le champ du <strong>handicap</strong> via la Sécurité sociale que ne le font les États-Unis, où la loi de<br />

lutte contre les discriminations (« Americans with Disabilities Act ») relève de l’optique des<br />

droits civiques et non de la protection sociale [Chapire<strong>au</strong>, Constant et Durand, 1997].<br />

La médicalisation n’est donc en tous les cas ni absolue, ni uniforme. Aussi le soupçon<br />

d’anormalité ou d’amoralité, <strong>par</strong>fois assorti de connotations religieuses [Stiker, 1997], peut-il<br />

subsister sous diverses formes. Ceci éclaire d’ailleurs d’un <strong>au</strong>tre jour la fréquence des<br />

changements terminologiques pour désigner les personnes <strong>au</strong>jourd’hui dites <strong>handicap</strong>ées :<br />

avec le temps, le terme employé se charge inexorablement de connotations péjoratives que le<br />

nouve<strong>au</strong> terme évacue pour un temps.<br />

5 Voir le glossaire en annexe.<br />

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