Naguib Mahfouz et Michel Houellebecq: deux romanciers face au ...

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d’Europe occidentale, je souhaite voyager. 454 tel-00831353, version 1 - 6 Jun 2013 L’empreinte de nihilisme qui se trouve à la fin de ce roman nous rappelle L’Étranger de Camus. La vie n’a aucun sens chez les deux protagonistes de Houellebecq et de Camus. Je m’imagine, je ne sais pas pourquoi que je mourrai au milieu de la nuit, et j’éprouve encore une légère inquiétude à la pensée de la souffrance qui accompagnera le détachement des liens du corps (…) Comme je n’aurai pas laissé d’instructions précises, il en sera établi, une case cocheé dans un fichier d’état civil, très loin de là, en France (…). Mon appartement sera loué à un nouveau résident. On m’oubliera. On m’oubliera vite. 455 Murielle Lucie Clément démontre aussi que le héros houellebecquien sert de miroir qui réflète nos sentiments, notre profonde image. Il est vrai que ces héros sont racistes, xénophobes, misogynes, mais ces types de gens existent en réalite et que l'on peut les croiser dans la rue, dans les transports communs, à l'université, etc. Mme Clément qualifie ces attributs, qui sont communs aux héros houellebecquiens et aux hommes en général, de "cancers qui que chacun porte en soi". 456 Le sens du tabou change-t-il au fil du temps? Nous avons passé en revue plusieurs sens du tabou dans des perspectives historique, religieuse et psychanalytique. En basant notre terrain d’étude sur deux fictions, égyptienne et française, nous avons 454 455 Ibid., p.34. Ibid., p. 370. 456 Clément, Murielle Lucie, "Le Héros houellebecquien", in Studi Francesi, 148, janvier-avril, 2006. p. 98. 252

tel-00831353, version 1 - 6 Jun 2013 montré les différentes réactions à l’égard du contenu des deux romans (Awlād Ḥāratiِnā et Plateforme), et le changement total de l’avis égyptien sur le roman de Maḥfūz en 2006. Sandra Laugier dit que le vrai tabou, c’est la censure interne. 457 Elle montre aussi que le tabou ne peut être pensé, reconnu, parce que structurellement il ne peut être jugé, soit à cause du véhicule même de la pensée et de l’expression, soit à cause de la structure du monde, de notre monde : des limites dans lesquelles nous pensons et parlons. Ainsi, aux yeux de Mme Laugier, le tabou est véritablement interne et vient de NOUS. Ce faux tabou du langage privé en cache un autre, le tabou du narcissisme qui est le refus de reconnaître autrui par exemple. Donc le tabou n’est ni un secret, ni une règle, mais une réalité: le tabou, c’est nous 458 Selon Jauss, l’oeuvre littéraire est reçue et jugée non seulement par contraste avec un arrière-plan d’autres formes artistiques, mais aussi par rapport à l’arrière-plan de l’expérience de la vie quotidienne. 459 Cette expérience n’est pas stable, mais elle varie d’une génération à l’autre. Par conséquent, les normes de la société influent sur la réception de chaque auteur par son lectorat. Maḥfūẓ a été différemment reçu par les générations différentes de 1959 à nos jours. La première réception de l'œuvre ne ressemblait pas aux réceptions qui se succèdent depuis lors. Nous nous attardons sur 457 Laugier, Sandra, "L'Usage idéologique du mot Tabou", in Que reste-t-il de nos tabous? op.cit., p. 233. 458 Ibid., p.234. 459 Jauss, H.R., Pour une Esthétique de la Réception, op.cit., p. 84. 253

tel-00831353, version 1 - 6 Jun 2013<br />

montré les différentes réactions à l’égard du contenu des <strong>deux</strong> romans<br />

(Awlād Ḥāratiِnā <strong>et</strong> Plateforme), <strong>et</strong> le changement total de l’avis<br />

égyptien sur le roman de Maḥfūz en 2006.<br />

Sandra L<strong>au</strong>gier dit que le vrai tabou, c’est la censure interne. 457<br />

Elle montre <strong>au</strong>ssi que le tabou ne peut être pensé, reconnu, parce que<br />

structurellement il ne peut être jugé, soit à c<strong>au</strong>se du véhicule même de<br />

la pensée <strong>et</strong> de l’expression, soit à c<strong>au</strong>se de la structure du monde, de<br />

notre monde : des limites dans lesquelles nous pensons <strong>et</strong> parlons.<br />

Ainsi, <strong>au</strong>x yeux de Mme L<strong>au</strong>gier, le tabou est véritablement interne <strong>et</strong><br />

vient de NOUS. Ce f<strong>au</strong>x tabou du langage privé en cache un <strong>au</strong>tre, le<br />

tabou du narcissisme qui est le refus de reconnaître <strong>au</strong>trui par exemple.<br />

Donc le tabou n’est ni un secr<strong>et</strong>, ni une règle, mais une réalité: le tabou,<br />

c’est nous 458<br />

Selon J<strong>au</strong>ss, l’oeuvre littéraire est reçue <strong>et</strong> jugée non seulement<br />

par contraste avec un arrière-plan d’<strong>au</strong>tres formes artistiques, mais<br />

<strong>au</strong>ssi par rapport à l’arrière-plan de l’expérience de la vie<br />

quotidienne. 459<br />

C<strong>et</strong>te expérience n’est pas stable, mais elle varie d’une génération à<br />

l’<strong>au</strong>tre. Par conséquent, les normes de la société influent sur la<br />

réception de chaque <strong>au</strong>teur par son lectorat.<br />

Maḥfūẓ a été différemment reçu par les générations différentes de 1959<br />

à nos jours. La première réception de l'œuvre ne ressemblait pas <strong>au</strong>x<br />

réceptions qui se succèdent depuis lors. Nous nous attardons sur<br />

457 L<strong>au</strong>gier, Sandra, "L'Usage idéologique du mot Tabou", in Que reste-t-il de nos tabous? op.cit.,<br />

p. 233.<br />

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Ibid., p.234.<br />

459 J<strong>au</strong>ss, H.R., Pour une Esthétique de la Réception, op.cit., p. 84.<br />

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