Naguib Mahfouz et Michel Houellebecq: deux romanciers face au ...

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tel-00831353, version 1 - 6 Jun 2013 jugée selon un système de valeurs convenues religieusement et socialement. Le prix Nobel qui lui est décerné le 13 octobre 1988 va bousculer pour le meilleur et pour le pire la routine de retraité de Maḥfūẓ. Le meilleur : ce prix, le premier attribué à un écrivain arabe, lui donne accès au marché mondial (ses traductions se comptent aujourd’hui par centaines, dans plusieurs dizaines de langues) et à une renommé immense. Le pire : dans un contexte d’affrontement violent entre le pouvoir et la fraction radicale de l’opposition islamiste, et aussi de raidissement moral et religieux qui touche peu ou prou toutes les couches de la société égyptienne, la polémique autour d'Awlād Ḥāratiِnā refait surface et l'écrivain, à la sortie de son domicile, survit miraculeusement à une tentative d’assassinat à l’arme blanche (octobre 1994) perpétrée par un jeune fanatique islamiste, membre, d'Al- Jamā ̉a Al-islāmīyya qui a reconnu au procès ne pas avoir lu une seule ligne de son œuvre. En effet l’intégriste Nājī ou (Negui selon la citation) prétendait être un admirateur de Maḥfūẓ et s’est rendu chez lui, chargé de fleurs et de chocolat avec l’intention de le poignarder. Mais Maḥfūẓ était absent. Plus tard, poussé par son fanatisme, l’agresseur attendit Maḥfūẓ dans la voiture qui l’avait transportée au club littéraire. Dès qu’il le vit sortir, Nājī le blessa sauvagement au cou. Negui a vingt-cinq ans, il est musclé, entraîné : " J’ai frappé deux fois. De toute la force que Dieu m’a donnée. J’ai entendu le long soupir de l’homme. J’étais sûr que l’hémorragie le tuerait". Il s’en va. Le couteau de vingt centimètres est resté planté dans 156

la gorge. 294 Il a été motivé par une fatwa, qui accuse Maḥfūẓ d’impiété, prononcée par le Cheik ̉mar ̉bd Al-Raḥman, guide spirituel de la fraction la plus radicale des islamistes égyptiens, et rapportée par le quotidien koweitien Al-Anbā' ( Les Nouvelles) le 13 avril 1989. tel-00831353, version 1 - 6 Jun 2013 D’après le jugement islamique, Salman Rushdie et son semblable Naguib Mahfouz sont des apostats. Le jugement légal islamique est qu’il doit être invité à se repentir, et s’il ne le fait pas, il faut appliquer les dires du prophète: " Tuez celui qui change de religion". La fatwa de Khomeiny est donc juste et droite. Il faut tuer Rushdie et si on avait appliqué cela à Naguib Mahfouz lorsqu’il a écrit Awlad Haratina, Salman Rushdie aurait retenu la leçon et personne n’aurait plus parlé en mal de l’islam. 295 Depuis, l'auteur était paralysé de la main droite et avait cessé d'écrire, lui-même contraint de dicter ses textes. Mais croyant toujours au grand pouvoir de la littérature, il déclara à L’Humanité, dans un article paru le 11décembre 2001que : L’écriture a beaucoup d’effets sur la culture et sur toutes les valeurs civilisationnelles. 296 294 Mari, Jean-Paul, "Un islamiste égyptien poignarde l’écrivain Naguib Mahfouz", article consulté en ligne le 12/07/09 et disponible sur le site suivant: http://www.grands-reporters.com/Le-Caire-Attentat-contre-un-prix.html. 295 Jacquemond, Richard, Entre scribes et écrivains, Le champ littéraire dans l’Égypte contemporaine, Arles, Actes Sud, 2003, p. 80 296 Barbancey, Pierre, "Naguib Mahfouz : Pour une modernité arabe ", article consulté en ligne le 12/07/09 et disponible sur le site suivant: http://www.humanite.fr/2001-12-19_Cultures_-Naguib- Mahfouz-Pour-une-modernite-arabe. 157

tel-00831353, version 1 - 6 Jun 2013<br />

jugée selon un système de valeurs convenues religieusement <strong>et</strong><br />

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Le prix Nobel qui lui est décerné le 13 octobre 1988 va bousculer<br />

pour le meilleur <strong>et</strong> pour le pire la routine de r<strong>et</strong>raité de Maḥfūẓ.<br />

Le meilleur : ce prix, le premier attribué à un écrivain arabe, lui donne<br />

accès <strong>au</strong> marché mondial (ses traductions se comptent <strong>au</strong>jourd’hui par<br />

centaines, dans plusieurs dizaines de langues) <strong>et</strong> à une renommé<br />

immense. Le pire : dans un contexte d’affrontement violent entre le<br />

pouvoir <strong>et</strong> la fraction radicale de l’opposition islamiste, <strong>et</strong> <strong>au</strong>ssi de<br />

raidissement moral <strong>et</strong> religieux qui touche peu ou prou toutes les<br />

couches de la société égyptienne, la polémique <strong>au</strong>tour d'Awlād Ḥāratiِnā<br />

refait sur<strong>face</strong> <strong>et</strong> l'écrivain, à la sortie de son domicile, survit<br />

miraculeusement à une tentative d’assassinat à l’arme blanche (octobre<br />

1994) perpétrée par un jeune fanatique islamiste, membre, d'Al- Jamā ̉a<br />

Al-islāmīyya qui a reconnu <strong>au</strong> procès ne pas avoir lu une seule ligne de<br />

son œuvre. En eff<strong>et</strong> l’intégriste Nājī ou (Negui selon la citation)<br />

prétendait être un admirateur de Maḥfūẓ <strong>et</strong> s’est rendu chez lui, chargé<br />

de fleurs <strong>et</strong> de chocolat avec l’intention de le poignarder. Mais<br />

Maḥfūẓ était absent. Plus tard, poussé par son fanatisme, l’agresseur<br />

attendit Maḥfūẓ dans la voiture qui l’avait transportée <strong>au</strong> club<br />

littéraire. Dès qu’il le vit sortir, Nājī le blessa s<strong>au</strong>vagement <strong>au</strong> cou.<br />

Negui a vingt-cinq ans, il est musclé, entraîné :<br />

" J’ai frappé <strong>deux</strong> fois. De toute la force que Dieu<br />

m’a donnée. J’ai entendu le long soupir de l’homme.<br />

J’étais sûr que l’hémorragie le tuerait". Il s’en va.<br />

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