La thèse des désignateurs rigides et la distinction des modalités ...

Alexandre, alors dire « Aristote n’a pas enseigné à Alexandre » serait une contradiction, ce
qui, manifestement, n’est pas le cas. Il n’y aucune incohérence, dans l’usage des noms propres,
à concevoir une situation dans laquelle Aristote n’a pas enseigné à Alexandre. A moins que,
dans ce cas, ce soit Philippe qui, sous prétexte qu’il serait l’unique individu correspondant à la
description définie « l’enseignant d’Alexandre », deviendrait le référent de « Aristote » !
D’autre part, il est courant d’associer différents sens à un nom. En ce qui concerne
« Aristote », on peut le considérer comme une abréviation pour « celui qui a enseigné à
Alexandre » ou pour «celui qui fut le plus grand disciple de Platon ». Soit. Mais dans ce cas,
« Aristote » aurait différentes significations. Est-il pertinent de dire que le sens du nom varie
selon la description qu’on lui attribue ? Si cette théorie descriptiviste permet d’expliquer
comment on détermine la référence d’un nom, elle ne peut pas réellement tenir. Cette thèse
« suscite un peu d’incrédulité étant donné que les noms n’ont pas l’air d’être des descriptions
déguisées » 5 , affirme Kripke.
III- Cluster theories : sens du nom propre et faisceau de descriptions
Si la description définie qu’on attribue au nom propre peut se révéler fausse, alors on
ne peut dire que la description donne le sens du nom propre. « Etre l’enseignant
d’Alexandre » ne peut être contenu dans le nom « Aristote » sinon dire que « Aristote n’a pas
été l’enseignant d’Alexandre » serait une contradiction. Or il semble qu’on pourrait découvrir
que cet énoncé est vrai. Des auteurs avaient déjà perçu cela et ont finalement préconisé de
parler en termes de faisceaux de descriptions. Cependant, Kripke fait d’emblée remarquer que
cette thèse de remplacement reste fortement empreinte de la pensée descriptiviste.
Kripke cite à ce sujet la théorie de John R. Searle 6 . Ainsi, le nom « Aristote »
signifierait « celui qui est le précepteur d’Alexandre ou le philosophe né à Stagire ou le plus
grand disciple de Platon, ou celui qui a fait ceci et cela ». Le référent d’Aristote serait alors
l’individu qui satisfait au mieux ces descriptions. Il serait ainsi possible de découvrir que
l’une ou l’autre description est fausse, et d’exprimer cette découverte sans avoir à énoncer une
contradiction. On aurait donc une description définie qui ne contiendrait plus une seule
propriété, mais une disjonction de propriétés. Cette description disjonctive est, comme une
description définie, à considérer comme un terme. « Aristote » sera ainsi traduit par « x)(Txו)‏
V Sx V Px) ». Ce terme doit se lire « exactement un seul x a été soit l’enseignant d’Alexandre,
5 cf. p.16
6 John R. Searle, 1958, « Proper Names », revue Mind (67), pp.166-173.
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