La thèse des désignateurs rigides et la distinction des modalités ...

énoncé contingent car je suis ici mais j’aurais très bien pu être ailleurs. Néanmoins, je peux
dire avec vérité « je suis ici » sans rien savoir de l’endroit où je suis. Aucune connaissance de
l’endroit où je suis, comme fait contingent, n’est exprimée quand je dis a priori « je suis ici ».
Par conséquent, si le fait que je sois ici est bien contingent, la connaissance a priori de la
vérité de la proposition « je suis ici » ne concerne pas la connaissance d’un fait contingent.
I-2- Modalités : le statut de l’énoncé et le statut du fait
La question demeure : quel est le fait dont la contingence est exprimée quand je dis
« le mètre étalon pourrait ne pas avoir mesuré un mètre » mais qui n’est pas exprimée quand
je dis a priori « le mètre étalon mesure un mètre » ? Afin de comprendre en quoi Kripke
manque la distinction des modalités on doit comprendre plus précisément ce qu’est cette
modalité métaphysique laquelle serait une propriété des faits, et en quoi ce fait ne peut être
identifié, dans le cas d’une vérité a priori, avec la connaissance exprimée par la proposition.
A vrai dire, la contingence invoquée ne peut être saisie qu’en termes de faits contingents, un
fait consistant selon Kripke en la possession ou non d’une propriété par un objet. Autrement
dit, la contingence est ici à saisir en termes de propriétés accidentelles et non en termes
d’énoncés contingents. Kripke pose lui-même la modalité métaphysique en affirmant qu’on
peut dire avec vérité « Nixon aurait pu ne pas être le président américain en 1970 » parce
qu’on parle d’une propriété accidentelle de Nixon, celle d’avoir été président des Etats-Unis
en 1970.
Ainsi, pour comprendre de la contingence invoquée par Kripke, on doit rendre compte,
dans le cas du mètre étalon, non pas d’une modalité portant sur l’énoncé telle que ◊(le mètre
étalon ne mesure pas un mètre), mais plutôt une modalité portant sur la propriété telle que ◊(x
ne mesure pas un mètre). Ainsi, la contingence d’un énoncé telle que « le mètre étalon mesure
un mètre » ne concerne pas la proposition toute entière, mais la propriété accidentelle du
mètre étalon qu’il a de faire un mètre. Finalement, il semble qu’on en revienne ici à une
explication en termes de portées, tout comme dans le cas des descriptions définies. La
modalité épistémique concernerait la compréhension de toute la proposition, tandis que la
modalité métaphysique rendrait compte du prédicat qui s’applique ou non à un objet.
La distinction des modalités pour Kripke devait concerner le statut de la proposition.
En effet, on aurait selon lui des nécessités réelles, indépendamment de ce qu’on pourrait
connaître, comme dans le cas de l’identité entre Hesperus et Phosphorus. On aurait des
nécessités épistémiques, relatives à notre connaissance, comme dans le cas de « le mètre
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