La thèse des désignateurs rigides et la distinction des modalités ...

Introduction
Dans la lecture de La logique des noms propres (Naming and Necessity), Kripke
développe la thèse des désignateurs rigides, thèse très influente dans la logique actuelle. Les
arguments de Kripke, bien qu’étant la marque d’une certaine perspicacité, ne peuvent à
certains égards que laisser perplexe. Mon objectif premier ne sera pas ici de dire ce qui va ou
ce qui ne va pas dans la thèse de Kripke. Ce ne sera pas non plus d’avancer une nouvelle
théorie de la nomination. L’enjeu de ce travail est bien plutôt d’éclaircir le propos de Kripke
de manière à saisir quels sont les fondements de sa thèse et les problèmes qu’elle pose. Je ne
suivrai pas le cours du texte, mais j’essaierai quand même d’être relativement complet en
expliquant toutes les notions qui interviennent. Au final, il sera intéressant tout de même de
poser des pistes de recherches pour dépasser sa thèse.
Ce travail s’organisera en six parties. Je commencerai par resituer les thèses de Kripke
face aux théories descriptivistes. Je poserai d’emblée l’argument modal, lequel argument
récuse la synonymie entre le nom propre et la description définie. Cela peut sembler étrange,
mais ça permet de rendre plus clair le fil de l’argumentation et de saisir les enjeux. Cet
argument modal, comme son nom l’indique, repose sur une logique modale. Or, cette façon
de faire de la logique s’est trouvée opposée à de vives contestations au cours du siècle dernier.
Dans une seconde partie, je ferai donc le point sur les problèmes qu’une telle pratique engage
et sur la façon dont Kripke entend se débarrasser de telles critiques - par sa conception des
mondes possibles et la distinction des modalités notamment. De là, j’enchaînerai sur une
troisième partie où j’expliquerai l’argument épistémique qui mène Kripke à poser ce qu’il
appelle un « schéma » d’usage des noms propres. On commencera alors à saisir les limites de
son propos et d’une théorie qui traite la signification en termes de référence. Cette explication
du propos de Kripke ne serait pas complète sans évoquer l’extension de sa thèse aux noms
d’espèces et de substances, ce que je ferai dans une quatrième partie. En ce qui concerne la
méthode, je n’hésiterai pas à signaler les points qui posent problèmes. Cependant, je
m’attacherai surtout à expliquer le propos de Kripke. Il pourrait donc apparaître que je
présente ses arguments de façon naïve, mais peu importe.
La dimension critique de ce travail commencera avec une cinquième partie où je
propose une formalisation, très schématique, de l’argument modal. Ceci permettra de
comprendre une bonne fois pour toutes comment Kripke entend utiliser les noms propres et
les descriptions définies, ainsi que de s’interroger sur les fonctions d’interprétation dans la
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