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Juliette Mesnil, sept. 2006 - Irma

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Université Paris III – Sorbonne Nouvelle<br />

UFR Communication<br />

DE L’USAGE DES MEDIAS<br />

DANS LE RAP :<br />

DES STRATEGIES MEDIATIQUES<br />

AUX STRATEGIES IDENTITAIRES<br />

Mémoire Master 2 Recherche<br />

Sciences de l’Information et de la Communication<br />

Présenté par :<br />

<strong>Juliette</strong> <strong>Mesnil</strong><br />

Sous la direction de :<br />

Guy Lochard<br />

Septembre <strong>2006</strong><br />

2


« Tout d’abord, partir des objets et de leurs usages pour mettre en évidence non pas tant ce<br />

que les techniques font aux gens que ce que les gens en font. Le problème n’est plus ici de<br />

raisonner en termes d’influence des médias, […] mais d’analyser les formes d’appropriations<br />

des techniques et des objets par les groupes sociaux. »<br />

CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines<br />

à communiquer, « Communiquer, relier », CHAMBAT Pierre,<br />

Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions Descartes, 1992, p. 13-14.<br />

« Mais en dehors de ces éléments, qui répondent à une intention de communiquer<br />

spécifique et bien contrôlée, la communication véhiculera des éléments indépendants de cette<br />

intention, et qui se rapportent au métier, à la position de l’entreprise, à son mode de<br />

fonctionnement, à ses valeurs et aux images qui la représentent. »<br />

SCHWEBIG Philippe, Les communications de l’entreprise. Au-delà de l’image,<br />

Editions Mc Graw Hill, Paris, 1998, p. 59.<br />

« Autrefois une Théorie des Objets eut été une théorie de l’échange aboutissant à une<br />

psycho-économie, désormais elle est une théorie des communications. Autrefois<br />

l’environnement était exclusivement un cadre biologique ou un arrière-fond sur lequel se<br />

détachaient les messages ; désormais il est message lui-même, message social d’authenticité<br />

ou de kitsch, de richesse ou de dénuement, de simplicité ou de complexité : il y a bien là un<br />

totalitarisme de la référence communicationnelle. »<br />

MOLES Abraham A., Théorie structurale de la communication et société,<br />

Masson et CNET-ENST, Paris, 1986, p.51.<br />

3


REMERCIEMENTS<br />

Je tiens à remercier :<br />

Guy Lochard, mon directeur de recherche, qui m’a épaulée et soutenue dans le<br />

déroulement de mes recherches.<br />

L’équipe de Because Music, tout particulièrement le pôle urbain : Karim<br />

Benzina, Anthony Cheylan et Stéphane Ndjigui, pour m’avoir accueillie au sein du label, et<br />

fourni des matériaux qui ont permis la réalisation de ces recherches.<br />

4


SOMMAIRE<br />

Introduction p. 10<br />

CHAPITRE I<br />

REPENSER LES MEDIAS<br />

A TRAVERS LE RAP<br />

p. 20<br />

I. Propos préliminaires p. 21<br />

1. Position discutée p. 21<br />

2. Hypothèse p. 22<br />

3. Méthodologie p. 22<br />

4. Plan p. 22<br />

II. Penser les médias p. 22<br />

1. Une définition des médias ! p. 22<br />

2. Une conception traditionnelle et institutionnelle ? p. 24<br />

3. Des médias alternatifs ? p. 28<br />

4. Pour quel positionnement ? p. 35<br />

III. Rap et médias : des relations paradoxales et controversées p. 41<br />

1. Le rap et la rue p. 41<br />

2. Le marché du rap p. 41<br />

3. Le rap et les médias, quelles relations ? p. 42<br />

4. Paradoxes et controverses p. 45<br />

5


CHAPITRE II<br />

DE L’USAGE : ENTRE APPROPRIATION<br />

ET CONSTRUCTION<br />

p. 48<br />

I. Propos préliminaires p. 49<br />

1. Position discutée p. 49<br />

2. Hypothèse p. 50<br />

3. Méthodologie p. 50<br />

4. Plan p. 50<br />

II. Penser les usages p. 51<br />

1. La notion d’usage cantonnée aux études en réception ? p. 51<br />

2. Eclairages définitionnels p. 52<br />

III. De l’appropriation p. 55<br />

1. De la teckné p. 55<br />

2. De l’appropriation à la pratique discursive p. 55<br />

IV. L’usager comme acteur p. 56<br />

1. De la participation citoyenne p. 56<br />

2. Des choix rationnels (in)conscients p. 57<br />

3. De la conformité ? p. 58<br />

4. Des logiques d’usages p. 58<br />

5. Des modalités d’usages des médias p. 60<br />

6. De la représentation à l’action p. 62<br />

CHAPITRE III<br />

DEs STRATEGIES<br />

MEDIATIQUES<br />

p. 64<br />

6


I. Propos préliminaires p. 65<br />

1. Position discutée p. 65<br />

2. Hypothèse p. 65<br />

3. Méthodologie p. 65<br />

4. Plan p. 66<br />

II. Les stratégies au cœur de l’usage des médias … l’usage des médias au<br />

cœur des stratégies p. 67<br />

1. Eclairage définitionnel sur le concept de stratégie p. 67<br />

2. Des choix stratégiques p. 68<br />

3. Revisiter la notion de stratégie p. 68<br />

III. Le « plan médiats » p. 69<br />

1. Le cas de la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? » le 24 avril <strong>2006</strong> p. 69<br />

2. Le projet p. 70<br />

3. Des évènements et lieux médiats de significations p. 72<br />

IV. Comprendre et interpréter les stratégies d’un plan médiats p. 90<br />

1. Le cadre situationnel p. 90<br />

2. Les acteurs p. 91<br />

3. Les contextes p. 93<br />

4. Les relations p. 94<br />

V. Les stratégies d’un plan médiats p. 96<br />

1. Proposer une typologie ? p. 96<br />

2. De l’usage « spé » et « généraliste » … p. 97<br />

3. Ou des stratégies « médiationnelles » p. 99<br />

4. De la cohérence ? p. 100<br />

7


CHAPITRE IV<br />

DES STRATEGIES<br />

IDENTITAIRES<br />

p. 102<br />

I. Propos préliminaires p. 103<br />

1. Position discutée p. 103<br />

2. Hypothèse p. 104<br />

3. Méthodologie p. 104<br />

4. Plan p. 104<br />

II. Les stratégies identitaires au cœur de l’usage des médias p. 105<br />

1. Les stratégies identitaires p. 105<br />

2. L’écriture médiatique ou la prise en compte des valeurs p. 110<br />

III. Des usages aux stratégies : les lieux de construction des identités p. 112<br />

1. Des axes identitaires p. 112<br />

2. De la construction p. 115<br />

3. Synthèse. Des stratégies médiatiques aux stratégies identitaires p. 118<br />

4. De la complexité des rapports constitutifs des identités p. 120<br />

Conclusion p. 122<br />

Médiagraphie p. 126<br />

Table des matières p. 133<br />

Volume d’annexes<br />

8


AVANT PROPOS<br />

C<br />

hoisir le rap comme lieu d’étude vient d’un intérêt personnel pour cette<br />

musique ainsi que pour l’état d’esprit et la culture qui l’enveloppent.<br />

Pourtant le rap n’est pas qu’un divertissement et une affaire de préférences musicales. Le rap<br />

peut aussi être considéré comme objet de recherche à part entière, ce qui est trop peu souvent<br />

le cas.<br />

Par ailleurs, le couple média - rap fait beaucoup jazzer. L’envisager dans le<br />

cadre d’une recherche universitaire, permettra de développer un regard distancié quant aux<br />

fondements des critiques.<br />

9


INTRODUCTION<br />

L<br />

es produits culturels, artistiques et tout particulièrement le rap,<br />

entretiennent depuis toujours des relations paradoxales, antagoniques et<br />

ambivalentes avec les médias. En effet, le rap a pris dès ses débuts, une attitude revendicative<br />

face aux institutions, notamment face aux institutions médiatiques. Pourtant le rap fait partie<br />

de l’espace industriel et médiatique actuel.<br />

Notre recherche se propose alors de tenter de dépasser les opinions polarisées,<br />

en observant une cohabitation, si ce n’est nécessaire, en tous cas, qui se pose à nous dans les<br />

faits.<br />

Objet d’étude<br />

Notre regard a pour point d’ancrage les médias. Plus précisément nous<br />

proposons d’envisager les médias dans leurs usages et leurs stratégies médiatiques et<br />

identitaires autour de la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? ». Et ceci par une<br />

approche communicationnelle.<br />

Le média et encore plus, les stratégies médiatiques, participent de la forme et<br />

ainsi de la construction discursive et identitaire ou plutôt d’identités discursives.<br />

Notre interrogation ne porte pas sur le média en lui-même, mais plutôt sur les<br />

stratégies qui gouvernent les pratiques médiatiques et leurs articulations avec les stratégies<br />

identitaires. Reprenant une métaphore culinaire, nous allons observer quels sont les<br />

ingrédients, leur dosage, mais aussi à quelle occasion est préparé le plat.<br />

10


Bien que nombreuses études portent sur les médias, que ce soit de manière<br />

générale, sur des aspects, historiques, relationnels, économiques, etc., ou bien que ce soit de<br />

manière particulière, envisageant alors bien souvent les médias de masse tels la radio, la<br />

télévision,…, il s’agit à chaque fois d’inscrire le média dans un champ théorique et<br />

conceptuel, qu’il soit sémiologique, sociologique, etc. ce qui rend l’approche singulière et<br />

inédite.<br />

Bien que le rap et la culture hip-hop suscitent de plus en plus d’écrits, peu de<br />

travaux restent propres à ce domaine. Articuler le rap avec son aspect médiatique apportera<br />

une dimension si ce n’est, nouvelle, en tout cas, inédite sous ma plume. En effet, en dehors<br />

d’articles d’opinions concernant le rap et les médias, il n’existe pas à ma connaissance de<br />

travaux de fond, sur les relations qu’entretiennent le rap et les médias, notamment dans une<br />

axiomatique identitaire.<br />

Quel secteur, quelle période,<br />

quels médias ?<br />

Le rap, aspect musical du mouvement hip-hop est le secteur auquel se limite<br />

notre recherche. Nous aurions pu nous attacher à l’ensemble des moyens d’expression du<br />

mouvement, comprenant ainsi, le graffiti, le breakdance et le djing. Néanmoins nous avons<br />

choisi de restreindre la recherche au côté musical du hip-hop. D’ailleurs, parmi l’ensemble de<br />

ses disciplines artistiques, il semblerait que le rap soit celle qui connaît manifestement la plus<br />

haute médiatisation.<br />

Pas né d’aujourd’hui, le rap ne peut plus être envisagé comme un phénomène<br />

de mode. Il faut bien en effet porter notre regard sur un phénomène social, culturel et<br />

médiatique. Il est donc question d’envisager le rap comme une discipline culturelle, artistique<br />

et musicale hautement médiatique, relativement peu médiatisée, mais participant de la<br />

médiation, voire au ciment de cohésions sociales.<br />

Nous avons choisi de fonder nos recherches sur un projet : l’album de Sefyu<br />

« Qui suis-je ? » sorti le 24 avril <strong>2006</strong>. Le choix de ce projet comme étude de cas vient de<br />

l’occasion d’intégrer le pôle urbain du label Because Music durant six mois en tant<br />

qu’assistante stagiaire du chef de projet et de l’attaché de presse.<br />

11


Si le cas est choisi notons qu’il n’est pas sélectionné par préférences, mais par<br />

opportunité. Cette opportunité offre en effet la possibilité de recueillir informations et<br />

matériaux de « l’intérieur », afin de constituer le corpus de recherche.<br />

Ainsi, lorsque nous parlerons d’usages, de stratégies médiatiques et<br />

identitaires, c’est dans le cadre de la sortie de l’album du rappeur Sefyu que nous les<br />

envisagerons.<br />

Notons dès à présent que les résultats seront alors limités au cas étudié, plus<br />

particulièrement à la période d’observation déterminée de trois mois (de la mi-mars à la mijuin<br />

<strong>2006</strong>). Ces limites sont constructives et permettent :<br />

- de réunir l’ensemble des matériaux qui constituent le corpus<br />

- de disposer de l’environnement situationnel et contextuel – en partie seulement, car toute<br />

exhaustivité serait vaine –, élément capital afin d’étudier les usages et les pratiques.<br />

Ainsi déterminé, le champ exploratoire suggère une certaine latitude de<br />

recherche qui ne cessera d’être précisée au cours de ces travaux.<br />

Le sujet<br />

A bien des égards, les stratégies médiatiques utilisées sont corrélées à des<br />

stratégies discursives et identitaires. Entrer en relation avec autrui, passe par la médiation<br />

d’un arsenal d’outils qui prend corps à travers l’usage et les stratégies d’un acteur. Une<br />

explicitation de ces quelques lignes s’impose.<br />

En effet, il est question d’étudier l’usage comme choix, appropriation d’une<br />

technique, d’un support, d’une situation. Ainsi émergent des interrogations quant aux<br />

relations mais aussi aux rapports qui s’établissent avec et par l’utilisation d’un outil. Les<br />

usages sont des lieux riches en significations de par le corps qui s’approprie.<br />

Face à l’ensemble des théories des sciences de l’information et de la<br />

communication, il pourrait à première vue sembler déplacé d’évoquer le terme d’usage au<br />

sujet de la production, ou plutôt de la construction discursive. En effet, le terme est la plupart<br />

du temps, convoqué pour décrire les phénomènes de réception. Pourtant le terme d’usager est<br />

à envisager dans sa dimension pratique, actionnelle et surtout interactionnelle, pour lesquelles<br />

des partenaires, tantôt émetteur, tantôt récepteur (parfois même à leur insu) produisent des<br />

discours et représentations et engendrent ainsi des possibilités interprétatives.<br />

12


Il me semble que le terme de stratégie est sous jacent à l’activité humaine,<br />

mais aussi à l’activité médiatique et discursive qui nous concerne ici plus précisément.<br />

Envisager un moyen ou une fin comme stratégique, permet d’ancrer une action dans un<br />

système d’enjeux, de libertés mais aussi de contraintes et de jeux de pouvoirs. La stratégie de<br />

l’acteur est cette marge de libertés et de choix dont on propose de rendre compte. L’usage<br />

d’un terme ou d’un média n’est pas anodin, ils relèvent de choix, qui bien souvent sont euxmêmes<br />

issus de valeurs, d’idéologies, de constructions imaginaires de cibles, etc.<br />

Mes recherches s’attachent à étudier l’appropriation de dispositifs<br />

médiatiques et à en dégager des éléments d’interprétation.<br />

En s’intéressant à la construction d’un discours à travers l’usage des médias et<br />

les choix sous-jacents, j’envisagerai l’interprétation d’un point de vue méta-discursif.<br />

En effet, on peut interpréter dans le choix d’une typographie ou d’un lieu de<br />

représentation d’un concert par exemple, un méta-discours sur l’entité énonciative. Celui-ci ne<br />

dira pas la même chose sur les moyens financiers, humains, matériels, … impliqués, et donc<br />

sur l’entité énonciative elle-même.<br />

Pour poursuivre l’exemplification de ce propos, Yves Lavoinne précise que<br />

« ce livre (objet) où, comme dans tout imprimé, les éléments matériels (le format et le nombre<br />

de pages comme le caractère et le corps choisi) et symboliques (éditeur, collection)<br />

déterminent, au moins partiellement, la construction de ce livre (texte). » 1<br />

La manière dont l’énonciateur se présente à autrui participe autant que le contenu à la<br />

construction de stratégies médiatiques et ainsi à la signification.<br />

Il s’agit d’étudier l’enveloppe, ce « packaging » qui emballe le contenu, lieu de<br />

développement d’un méta-discours, dont on peut interpréter et tirer du sens, de l’organisation<br />

sur elle-même.<br />

Utiliser la communication orale interpersonnelle, le téléphone, le courrier<br />

postal ou électronique par exemple pour annoncer une nouvelle, nous ne dirions pas, ajoute<br />

des significations supplémentaires, mais contribue à part entière à l’interprétation des<br />

significations qui en découlent, et même à la production qui la précède. Autrement dit, je ne<br />

dis pas la même chose si je le dis de vive voix ou bien si je l’écris par courrier. (Par exemple,<br />

X préfère utiliser le courrier parce que le téléphone lui revient trop cher, et X est radin, ou<br />

bien X est trop sensible pour annoncer une nouvelle de vive voix…) En fait, X ne dit pas la<br />

1 LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, p. 15.<br />

13


même chose de lui-même. Le choix est attaché à une personne, un énonciateur qui divulgue<br />

des éléments de sens sur lui-même et son identité. Le message prend toute sa particularité dès<br />

lors qu’il s’ancre et transite par un intermédiaire. Il en ressort une possibilité interprétative au<br />

niveau identitaire, qui va bien au-delà du contenu du message ainsi que l’on s’attache souvent<br />

à l’étudier.<br />

En fait ce qui suscite mon intérêt ce n’est pas tant le discours comme contenu,<br />

mais comme forme discursive, à laquelle il est donné une certaine importance à la<br />

construction et à la possibilité d’interprétation d’un choix. Le choix d’un terme, d’une<br />

attitude, … est bien présent dans la construction du discours. Mais cela passe aussi par les<br />

représentations mutuelles qui contribuent à la construction de celui-ci.<br />

Une telle approche permet donc de ne pas simplement penser en terme de<br />

choix ou d’intention, mais en terme de co-construction discursive, médiatique et identitaire.<br />

Mon regard se porte alors sur les complexités relationnelles. L’instauration<br />

d’une relation nous importe presque plus que le contenu du discours. En effet, l’aspect<br />

stratégique que nous avons choisi d’aborder, suppose d’être appréhendé en relation et en<br />

interaction avec autrui mais aussi dans un cadre organisationnel et situationnel.<br />

Comme nous venons de le présenter, entrer en relation, se (re)présenter à autrui<br />

requiert de développer et mettre en œuvre un ensemble d’outils, techniques, langagiers, …<br />

porteurs de significations, qu’il convient d’éclairer dans un contexte particulier qui est celui<br />

que j’ai choisi, la musique rap, en l’occurrence, la sortie de l’album « Qui suis-je ? » de<br />

Sefyu.<br />

Le sujet présenté ici se d’ :<br />

- aborder les propriétés communicationnelles des médias et surtout d’un plan média relatif à<br />

un projet artistique, musical et culturel,<br />

- analyser au travers des faits médiatiques décrits les stratégies médiatiques et identitaires<br />

sous-jacentes.<br />

Notre sujet participe de la spécificité d’une recherche en sciences de<br />

l’information et de la communication, du fait qu’il prend part à l’étude « des processus<br />

d’information ou de communication relevant d’actions contextualisées, finalisées, prenant<br />

14


culturelles. » 2 Les mots-clefs de cette recherche ainsi que nous l’avons exposé, sont<br />

appui sur des techniques, sur des dispositifs, et participant des médiations sociales et<br />

principalement : appropriation, usages, stratégies, médias, identité, rap.<br />

Une fois notre domaine et notre sujet de réflexion explicités, une série<br />

d’interrogations se pose à nous.<br />

Problèmes et interrogations ?<br />

Quels sont les médias utilisés ?<br />

A quelles occasions ?<br />

Comment, ensemble, s’inscrivent-ils dans un projet relationnel et communicationnel ?<br />

Quelles sont les stratégies médiatiques développées ?<br />

Quelles sont les stratégies identitaires sous-jacentes ?<br />

Comment passe-t-on de la publicité des faits à la construction d’une image de marque ?<br />

Notre démarche interrogative se schématise ainsi :<br />

Démarche interrogative<br />

Fondements théoriques<br />

Afin d’apporter des éléments de réponse aux problèmes et interrogations cités<br />

ci-dessus concernant les stratégies médiatiques, discursives et identitaires, nous adopterons un<br />

paradigme constructiviste, tout en faisant principalement référence parallèlement aux apports<br />

théoriques de la sémiologie.<br />

2 Source : http://cnu71.online.fr<br />

15


Ainsi, un fond théorique sémiologique est omniprésent dans ces recherches. Il<br />

s’impose tant pour ses capacités à étudier les propriétés médiatiques et communicationnelles<br />

que pour ses compétences à révéler les sens « seconds » ou les méta-sens. La pensée<br />

sémiologique permet de mettre au cœur l’interprétation des phénomènes dans une démarche<br />

connotative.<br />

Plus que cela, la sémiologie rend compte d’une rhétorique de la<br />

représentation ou de la mise en représentation. La rhétorique comme art du discours,<br />

conduit à envisager celui-ci comme un construit, processus mais aussi résultat d’une<br />

interaction.<br />

« Un vêtement, une automobile, un plat cuisiné, un geste, un film, une<br />

musique, une image publicitaire, un ameublement, un titre de journal, voilà en apparence des<br />

objets bien hétéroclites.<br />

Que peuvent-ils avoir de commun ? Au moins ceci : ce sont tous des signes.<br />

[…] l’homme moderne, l’homme des villes passe son temps à lire. Il lit d’abord et surtout<br />

des images, des gestes, des comportements : cette auto me dit le statut social de son<br />

propriétaire, […] il nous est donné sans cesse de lire un second message entre les lignes du<br />

premier […]<br />

Toutes ces « lectures » sont trop importantes dans notre vie, elles impliquent trop de valeurs<br />

sociales, morales, idéologiques, pour qu’une réflexion systématique n’essaie pas de les<br />

prendre en charge : c’est cette réflexion que, pour le moment du moins, nous appelons<br />

sémiologie. Sciences des messages sociaux ? des messages culturels ? des informations<br />

secondes ? Saisie de tout ce qui est « théâtre » […] l’information devient un signe second,<br />

elle affiche un choix politique.<br />

Déchiffrer les signes du monde, cela veut toujours dire lutter avec une<br />

certaine innocence des objets. […] : bref le sémiologue, comme le linguiste, doit entrer dans<br />

la « cuisine du sens ».<br />

C’est là une entreprise immense. Pourquoi ? Parce qu’un sens ne peut jamais<br />

s’analyser d’une façon isolée. […] par exemple, étudier cette opération mystérieuse par<br />

laquelle un message quelconque s’imprègne d’un sens second, diffus, en général<br />

idéologique, et que l’on appelle « sens connoté » » 3<br />

En cela, nous resterons proches du fait communicationnel et énonciatif. En<br />

effet, toute communication prend sens par l’usage d’un acteur. L’acteur s’approprie des outils<br />

3 BARTHES Roland, L’aventure sémiologique, Editions du Seuil, 1985, extraits de « La cuisine du sens », p.227<br />

à p.229. Passages surlignés en gras par moi-même.<br />

16


langagiers et se pose par-là comme être de discours, plus précisément dans notre cas,<br />

énonciateur de sa condition.<br />

Pour résumer, la démarche interrogative et analytique de ces recherches sera<br />

sémio-discursive, recherchant la construction du sens à travers l’appropriation d’outils<br />

médiatique. Mais aussi la compréhension des jeux des acteurs à travers la construction du<br />

discours.<br />

Ces quelques éléments présentent le fond théorique sous-jacent à la réalisation<br />

de cette étude de cas relative à la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? ». A présent,<br />

voyons comment nous allons procéder pour analyser le projet choisis et répondre à ces<br />

ambitions de recherches.<br />

Démarche méthodologique<br />

Observer les usages des médias offre un mode opératoire pour considérer les<br />

pratiques et traiter des questionnements posés.<br />

L’opportunité de disposer d’une place d’observateur participant au sein du<br />

label Because Music, permet de recueillir informations, documents et propos, qui rendent<br />

possible la constitution d’un corpus et l’observation de celui-ci.<br />

Cette enquête de terrain nous permettra de décrire, expliquer et interpréter les<br />

stratégies.<br />

L’observation en tant que méthode de recherche a de nombreux points positifs<br />

mais aussi de nombreux biais. Ainsi, le rôle d’observateur participant confère une place<br />

ambiguë au chercheur. L’observateur est « dedans » et « dehors » à la fois. L’ancrage du<br />

regard est multiple. Ce n’est qu’une remarque parmi tant d’autres concernant cette méthode,<br />

qui indique bien l’ambivalence de la position d’observateur et aussi les difficultés auxquelles<br />

il fait face. Toutefois, nous tenterons d’exploiter au mieux les opportunités d’interrogations et<br />

de résultats que cette méthode offre.<br />

A travers la méthode d’observation nous entendons ainsi développer une<br />

approche communicationnelle des dispositifs médiatiques et sortir des opinions polarisées<br />

par l’étude de la construction des usages et des stratégies.<br />

17


Le corpus<br />

C’est par les sources documentaires auxquelles nous ferons référence que nous<br />

serons en mesure d’analyser les stratégies de l’usage des médias dans le projet rap étudié et<br />

d’apporter des résultats.<br />

Les matériaux d’analyse ou corpus de recherche réunit des informations sur<br />

une période de trois mois 4 . Ces informations et documents sont de nature diverse : des<br />

autocollants, affiches, communiqué de presse, clip, pochette album cd, article de presse,<br />

dossier de presse, biographie, document de mise en avant en Fnac, invitation pour le concert à<br />

l’Elysée Montmartre, dossier de partenariats, photo, PLV, documents commerciaux, plan<br />

marketing, site internet, skyblog, t-shirt, etc. 5<br />

Nous n’allons faire une analyse approfondie de chaque document. On le fera<br />

pour un ou deux supports, dans le but de révéler une orientation. Cependant ces documents<br />

nous intéressent non dans leur singularité, mais dans leurs interrelations, entre eux, avec le<br />

contexte, les évènements, etc.<br />

Le corpus est homogène du fait qu’il concerne un seul et même projet. D’autre<br />

part, il est hétérogène du fait qu’il s’intéresse à des supports différents. Si nous avons limité<br />

ces recherches à une approche monographique, c’est pour tenter d’embrasser une certaine<br />

connaissance du projet dans ses applications pratiques, afin de pouvoir en envisager les<br />

stratégies.<br />

Hypothèse<br />

L’usage d’un média développe des possibilités signifiantes autres que le<br />

contenu. Il participe et relève d’un métadiscours et entre ainsi dans un ensemble de stratégies,<br />

elles-mêmes liées à un environnement représentationnel (organisationnel, institutionnel,<br />

culturel, etc.). Le rap et plus particulièrement la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? »<br />

est cet environnement qui nous permettra de considérer la construction de stratégies<br />

identitaires en miroir (reflet, imaginaire et fantasmatique) avec les stratégies médiatiques.<br />

Problématique ?<br />

La problématique qui guide ces recherches se formule alors ainsi : quelles sont<br />

les stratégies médiatiques et identitaires mises en œuvre à travers l’usage des médias dans le<br />

4 De la mi-mars à la mi-juin <strong>2006</strong>.<br />

5 Tous les éléments du corpus se trouvent sous la rubrique des annexes Sefyu dans le volume d’annexes.<br />

18


projet rap étudié ? Et de manière subordonnée : en quoi l’imaginaire se construit-il sur des<br />

oppositions de type institutionnel ?<br />

Annonce du plan<br />

Parce que les lieux de significations ne se trouvent pas uniquement dans le<br />

contenu c’est en étudiant l’usage des médias et les stratégies sous jacentes relatifs à la sortie<br />

de l’album de Sefyu, que nous atteindrons une meilleure appréhension des éléments de<br />

significations.<br />

Notons que ces questionnements à portée générale s’appuient ici, sur le cas<br />

étudié.<br />

Afin de répondre à ce questionnement principal qui guide l’ensemble de ces<br />

recherches, nous envisagerons dans un premier temps, l’appropriation des médias,<br />

redéfinissant ainsi la considération des médias au regard du rap et du projet étudié. Le second<br />

chapitre mettra en évidence les propriétés de l’appropriation au service de la construction de<br />

stratégies médiatiques et identitaires. Le troisième chapitre articulera une présentation du plan<br />

médiats observé, avec la description et l’analyse des stratégies médiatiques. Enfin, le<br />

quatrième et dernier chapitre abordera quant à lui les possibilités interprétatives sur le plan<br />

identitaire et ainsi les stratégies relatives.<br />

19


« Il ne suffit donc pas d’opposer les médias par leur<br />

schéma technique (unidirectionnel / interactif par<br />

exemple) ou par leur capacité de mobilisation pluri ou<br />

unisensorielle (médias chauds / médias froids de Mac<br />

Luhan) pour épuiser leurs effets sociaux. Les médias<br />

s’incarnent dans des objets et ceux-ci ne sont pas qu’un<br />

reste, un sous-produit ou un mariage honteux de la<br />

technique (numérisation, commutation, etc.) et du<br />

marketing. Les formes matérielles prises par les<br />

techniques participent de l’imposition comme de<br />

l’appropriation du sens des communications et tout<br />

changement de support induit des déformations. »<br />

CHAMBAT Pierre (sous la direction de),<br />

Communication et lien social. Usages des machines à<br />

communiquer, « Communiquer, relier », CHAMBAT<br />

Pierre, Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions<br />

Descartes, 1992, p. 15.<br />

I<br />

l semblerait qu’il se soit installé une conception traditionnelle et<br />

institutionnelle des médias et de la notion même. Dépasser les conceptions<br />

mainstream en étudiant les pratiques de terrain liées à la sortie de l’album du rappeur Sefyu<br />

nous permettra d’aborder les médias dans leurs usages.<br />

I. Propos préliminaires<br />

1. Position discutée<br />

Le paysage définitionnel et conceptuel qui entoure le mot média est vaste et en<br />

même temps par quelques aspects, il est restreint à certaines considérations. Par ailleurs, le<br />

terme média est galvaudé ; il est aussi riche de significations qu’il peut en être vidé.<br />

Nous sommes alors conduits dans ce chapitre à discuter les conceptions et à<br />

poser les bases du positionnement conceptuel qui oriente notre approche.<br />

21


2. Hypothèse<br />

Les conceptions des médias ne s’accordent ni sur un même objet, ni sur les<br />

mêmes théories et encore moins sur les mêmes réalités. Suivre les conceptions mainstream,<br />

accordées implicitement par un consensus définitionnel, empêcherait de porter un regard sur<br />

des phénomènes médiatiques existants, mais non considérés comme tels. On propose ici, de<br />

nommer média, ce qui ne l’est pas usuellement.<br />

3. Méthodologie<br />

Nous considérons qu’il est essentiel de s’accorder le temps de redéfinir le<br />

terme comme nous entendons nous approprier son sens, afin de fonder notre description et<br />

notre analyse et surtout de justifier la constitution de notre corpus d’étude.<br />

Une exigence méthodologique proposée par Yves Lavoinne, à laquelle nous<br />

répondrons, suggère d’être « attentif à la manière dont un média induit, en tant que technique,<br />

ou construit, en tant qu’acteur social, des usages de la langue, de l’image et des sons. […] En<br />

outre, ce parti pris de méthode implique de ne pas isoler a priori la presse, la radio ou la<br />

télévision d’autres médias volontiers reconnus aujourd’hui comme des vecteurs culturels …» 6<br />

Quels sont ces autres médias, vecteurs de culture, dont il est question ?<br />

4. Plan<br />

Avant de présenter notre étude de cas et parcourir les stratégies des usages des<br />

médias, nous allons expliciter dans un premier temps ce que nous entendons par le terme<br />

média ou plutôt ce qu’il est pertinent de considérer comme tel au regard de notre sujet de<br />

recherche : le rap et plus particulièrement l’étude de la sortie de l’album de Sefyu « Qui suisje<br />

? ». Cela nous conduira ensuite à affirmer notre positionnement théorique et conceptuel.<br />

II. Penser les médias<br />

1. Une définition des médias !<br />

De nombreux auteurs s’attachent à penser les médias. Pourtant il ne semble pas<br />

y avoir une conception unie ou alignée tant sur un mode définitionnel qu’opératoire, même si<br />

6 LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, p. 12.<br />

22


problèmes. » 7 La difficulté d’aborder la notion de médias vient dans les confusions multiples,<br />

on constate néanmoins des terrains d’ententes. Ces multiples conceptions ne s’excluent pas<br />

l’une l’autre, mais elles dévoilent de la complexité de l’appréhension d’un objet de recherche<br />

unifié. Ceux qui travaillent sur les médias – bien qu’ils sachent que la notion est complexe –,<br />

pensent regarder un même objet. L’objet média serait devenu évident. Cependant à la lecture<br />

de certains ouvrages, même simplement en parcourant les titres, sous-titres et tables des<br />

matières, quand bien même tous prétendent porter sur les médias, on constate qu’ils décrivent<br />

pourtant des objets différents.<br />

La notion de média, recouvre une polysémie et un investissement selon certains<br />

auteurs, et certaines conceptions, qui font plus ou moins autorité, qui conduisent – quasiment<br />

– à autant de formes d’interprétation que d’auteurs.<br />

« Le terme générique de technologie renvoie en effet à des objets d’études très<br />

divers : procédés, outils, machines, dispositifs ou systèmes. […] On a plutôt le sentiment<br />

d’avoir affaire à une juxtaposition de perspectives différentes ou de paradigmes indépendants,<br />

sans qu’il y ait un accord minimal sur les définitions de base, ou la façon de poser les<br />

« l’assimilation entre innovation technique et innovation sociale, entre applications et usages,<br />

l’identification entre la communication fonctionnelle, techniquement efficace et la<br />

communication sociale, infiniment complexe. » 8<br />

La multitude d’utilisations de la notion de média et des conceptions, n’apporte<br />

pas une clarification du terme. Penser le média au singulier est difficilement envisageable.<br />

Pourtant si une définition doit être fournie, c’est dans sa singularité et non dans sa dimension<br />

plurielle qu’il faut l’envisager. Cela ne doit pas pour autant perturber notre attention sur notre<br />

objet de recherche. Objet de recherche dont nous tenterons, non pas d’apporter une nouvelle<br />

définition, mais un regard qui n’est pas privilégié habituellement.<br />

En effet, il se dégage une vision commune des conceptions sur les médias et<br />

des orientations de recherche. En « bon » chercheur des sciences de l’information et de la<br />

communication, et en « rap-attitude », je tenterai de développer une vision critique des<br />

conceptions usuelles institutionnalisées, dites « mainstream ». Et cela sur plusieurs points :<br />

- sur la conception même des médias, qui nous concerne à présent<br />

7 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages,<br />

« Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias et<br />

nouvelles technologies, 1994, p. 16.<br />

8 CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à communiquer,<br />

« Communiquer, relier », CHAMBAT Pierre, Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions Descartes, 1992, p. 11.<br />

23


- sur l’appréhension de cet objet par les usages, non en terme de réception, mais en terme de<br />

production<br />

- et ainsi sur les stratégies mises en œuvre, que nous aurons l’occasion d’approfondir par la<br />

suite.<br />

2. Une conception traditionnelle<br />

et institutionnelle ?<br />

Bien que les conceptions théoriques et pratiques des médias soient nombreuses,<br />

leurs préoccupations considèrent peu d’objets médiatiques. Ce paragraphe est l’occasion pour<br />

nous d’aborder différents angles et conceptions, théoriques et pratiques, précieux à la<br />

compréhension du positionnement de notre regard dans la réalisation de ces recherches.<br />

A. De l’implicite mass médiatique<br />

La conception des médias s’arrête bien souvent à la presse, la télévision,<br />

l’affichage, la radio, le cinéma et Internet.<br />

Il se trouve que le terme média est implicitement associé au terme mass media.<br />

Les médias sont réduits à un canal de diffusion massive. Les canaux de diffusion non massive<br />

ne sont-ils pas pour autant médias ? Qu’en est-il de l’affichage dans ce cas là ?<br />

Nombreux sont les auteurs qui s’attachent à étudier, la radio, la télévision, …<br />

Pourtant les phénomènes de communication sont plus vastes. Certes, il est nécessaire de<br />

borner son regard. Mais exclure de facto des objets précieux à l’étude des médias, par des<br />

conceptions réduites à un consensus définitionnel, limite les possibilités d’études. Supposer<br />

penser les médias, en envisageant seulement les mass media, c’est écarter toutes les<br />

possibilités, pourtant ouvertes pour étudier les phénomènes médiatiques.<br />

En effet, « tous les médias ne sont pas des mass-médias » 9 , ainsi que l’affirme<br />

Eliséo Véron.<br />

Cette assertion rejoint notre postulat. Ainsi, « l’expression « communication de masse »<br />

désigne un mode d’utilisation (parmi d’autres) de ces supports de sens qui sont les médias. Ce<br />

mode d’utilisation semble pouvoir être caractérisé, de façon minimale, comme l’accès public<br />

(ou semi-public : en tout cas pluriel, collectif) à un même message ou ensemble de messages.<br />

Cette notion « d’accès public » veut éviter une approche purement quantitative (nombre de<br />

personnes) du problème de la communication « de masse ». Sans avoir à définir les<br />

9 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 27.<br />

24


dimensions de cette « masse », la notion d’accès public, collectif, aux mêmes messages<br />

permet de distinguer certaines utilisations en termes d’une opposition public / privé. » 10<br />

Il est essentiel de constater à travers cette réflexion que parler de masse ou non,<br />

ne revient pas à penser le média en des termes quantitatifs. Les modes d’usages et<br />

d’appropriation apportent une dimension qualitative à la définition des médias.<br />

« Un même média peut être l’objet d’une utilisation « non massive ». » 11 Voici un schéma<br />

conçu par Eliséo Véron et Martine Levasseur, qui distingue les pratiques médiatiques.<br />

Ce schéma est enrichissant à plusieurs égards. Il semble pourtant ici, que les<br />

auteurs apportent des propos contradictoires. En effet, ils considèrent de par la forme que<br />

prend le média (et non l’usage, mais celle-ci induit cela) que la radio, la télévision, sont des<br />

10 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 27.<br />

11 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 28.<br />

25


médias de masse. Pourtant si l’on prend en considération les propos cités précédemment,<br />

l’usage qui est fait de la radio ou autre média peut être non massif. Nombreuses sont les<br />

télévisions ou radios locales, dont la portée serait dite non de masse.<br />

On constate à travers l’exemple de photo presse, photo amateur, qu’un<br />

deuxième terme vient qualifier le premier, et identifier l’usage. Ainsi que le suggère<br />

l’exemple, la distinction s’opère notamment au niveau de la professionnalisation des<br />

pratiques. En effet la professionnalisation et ainsi l’institutionnalisation contribue à<br />

différencier les usages. Cette remarque n’est pas anodine, puisque la professionnalisation et<br />

par-là l’institutionnalisation du rap, apportent des distinctions concernant les usages.<br />

Les médias, sont bien souvent regroupés et associés de manière exclusive à la<br />

presse, la radio, la télévision… On constate tout d’abord, que ces termes ne sont que des<br />

exemplifications qui ne nous mènent pas à ce que sont les composantes intrinsèques d’un<br />

média. Par ailleurs des termes comme celui de presse ou encore de publicité serait plutôt un<br />

type de traitement du contenu, puisque l’on parle de presse radio, télévisée ou presse papier.<br />

Elles sont « d’un certain emploi ou d’une certaine fonction de divers autres médias (…) qui en<br />

sont les supports » 12<br />

Notre ambition est de sortir de ces conceptions imposées comme évidentes et<br />

exclusives pour pouvoir envisager l’étude de notre projet de rap.<br />

Si la grande conception des médias, radio, télévision, cinéma, … distingue la<br />

télévision du cinéma, ce n’est pas tant par le support, que par la relation communicationnelle<br />

qui est sous-jacente, avec tout ce que suppose la situation contextuelle.<br />

L’implicite mass médiatique ne laisse pas de place aux conceptions qui<br />

envisageraient les médias, comme non nécessairement de diffusion massive. Pourtant on a pu<br />

constater que la qualification de massivité ne vient pas des propriétés du média lui-même,<br />

mais de l’usage qui en est fait.<br />

B. Le « hors-média »<br />

B.1. Ou les médias à usages non massifs<br />

Ce qui préoccupe la plupart des recherches, ce sont les mass medias, confondus<br />

trop rapidement comme étant l’ensemble des médias.<br />

12 CAZENEUVE Jean, cité dans LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication<br />

en plus, 1997, « Des médias », p. 24.<br />

26


Ainsi parle-t-on de « hors-média », finalement pour désigner ceux qui ne sont<br />

pas de masse, mais restent néanmoins des médias. Alors cette appellation de « hors-média »<br />

revient à ne pas considérer des phénomènes qui n’en restent pas moins médiatiques.<br />

Le « hors-média » serait-il une autre catégorie de canaux de communication,<br />

néanmoins, non corrélé à l’implicite mass médiatique ? Quelles sont toutes ces autres formes<br />

de communication ?<br />

A la lecture des propos du manuel le Publicitor 13 , la communication dite<br />

« hors-média » apparaît comme une catégorie « fourre-tout », dans laquelle tout ce qui<br />

n’appartient pas à la catégorie média (autrement dit médias de masse) s’insère par défaut dans<br />

cette catégorie.<br />

Le canon définitionnel laisse peu de place aux autres formes, il pose d’ailleurs<br />

des limites restrictives. Il se crée alors une rubrique spécifique, pour toutes ces formes de<br />

communication, qui ne passent pas par les mass media, et qui ne sont pas moins médiatiques<br />

pour autant.<br />

L’appellation de « hors-média » laisse penser que ces phénomènes médiatiques<br />

sont laissés dans l’ombre.<br />

Et pourtant, la communication dite « hors-média » constitue 2/3 des<br />

investissements promotionnels 14 . D’ailleurs, après certains travaux parlementaires du sénat et<br />

« selon les experts, la forte ampleur des investissements publicitaires « hors média »<br />

représenterait une singularité française, qui s'expliquerait par une série de particularismes de<br />

marché, mais aussi, géographiques et réglementaires. » 15<br />

B.2. Ou les médias à usages non publicitaires ?<br />

Un élément de distinction notable qu’il est à notre sens important d’évoquer,<br />

même s’il se situe a priori sur un plan économique, est la dimension publicitaire payante du<br />

média face à la dimension non « non payante » ou dite promotionnelle dont relèverait le<br />

« hors-média ».<br />

13 LENDREVIE Jacques, de BAYNAST Arnaud, Publicitor. De la publicité… à la communication intégrée, 6 ème<br />

édition avec la collaboration de RIOU Nicolas, Editions Dalloz, 2004.<br />

14 Consulter en ANNEXE 3 : Quelques chiffres.<br />

15 Source : http://www.senat.fr (http://www.senat.fr/rap/r04-413/r04-4131.html) (rapport d’information, n°413,<br />

de M. Philippe LEROY, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur l’évaluation de l’impact<br />

de la libéralisation de la publicité télévisée et les perspectives ainsi ouvertes pour l’ensemble des acteurs<br />

concernés, L'ouverture de la publicité télévisée aux secteurs interdits : quels équilibres entre déréglementation<br />

et pluralisme ? (session ordinaire de 2004 – 2005, annexe du procès-verbal de la séance du 21 juin 2005).<br />

27


Si le hors-média, n’a pas la forme économique de la publicité, n’en a t-il pas<br />

pour autant la capacité de publiciser ? D’ailleurs, pour certains, le hors-média est considéré<br />

comme de la publicité masquée 16 .<br />

En effet, il s’agit à présent de considérer la publicité, non dans sons sens<br />

marchand, mais dans son sens de publicisation.<br />

L’activité médiatique n’est pas liée pour l’essentiel à une dimension<br />

économique publicitaire, bien qu’elle soit selon les cas, constitutive du fonctionnement<br />

organisationnel.<br />

Mais surtout – en ce qui nous concerne –, l’activité médiatique est<br />

intrinsèquement liée à la dimension communicationnelle.<br />

En effet, d’un point de vue communicationnel, que<br />

l’on observe une activité médiatique, dite média ou hors-média,<br />

cela ne change pas fondamentalement le fait que la chose soit<br />

rendue publique. Assurément, les moyens utilisés sont différents.<br />

Mais en quoi ?<br />

Certes dans une optique technique et surtout financière, le hors-média ne peut<br />

être comparable à ce qui est habituellement nommé média, comme nous l’avons indiqué.<br />

Malgré cela dans une optique communicationnelle, ce qui est nommé « hors-média », est<br />

pourtant média. En cela nous rejoignons Eliséo Véron qui considère ainsi l’exposition comme<br />

un média 17 .<br />

* * *<br />

La dimension non massive et non publicitaire (au sens d’insertion payante),<br />

permet pourtant de parler de phénomènes médiatiques et de médias. Quels sont donc ces<br />

médias, pour lesquels peu d’attention est accordée et auxquels on ne reconnaît pas le nom de<br />

média ? C’est en parcourant la nature communicationnelle (dite « promotionnelle ou<br />

publicitaire »), autrement dit l’usage sous-jacent de ces formes de communication que nous<br />

pourrons faire émerger leurs caractéristiques médiatiques.<br />

3. Des médias alternatifs ?<br />

16<br />

Consulter l’article « Hors-média : quand la pub avance masquée », Sauveur Fernandez, source :<br />

http://www.econovateur.com/rubriques/communiquer/eth1_151001.shtml.<br />

17 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983.<br />

28


Certains – nous faisons allusion ici, notamment et principalement aux agences<br />

ou services de communication et marketing – proposent une alternative au paysage mass<br />

médiatique 18 .<br />

Une alternative aux médias de masse, suggère ainsi de sortir de la pensée<br />

unique qu’offriraient les médias dits dominants ou traditionnels. Selon les époques, on parle<br />

de médias parallèles, contre-médias, alter-médias ou médias alternatifs, libres, indépendants,<br />

associatifs, etc. Quelles composantes communes ces termes reflètent-ils de la réalité ? Il est<br />

souvent avancé une volonté d’indépendance face aux médias dits dominants ou encore aux<br />

conceptions dominantes des médias, qu’en est-il ?<br />

A. L’espace urbain investit<br />

ou quand l’image sort du cadre<br />

En consultant les pages de la régie publicitaire Metrobus 19 , deux modes de<br />

communication sont proposés, et ceci en correspondance avec ce que nous avons abordé<br />

précédemment : le média et le hors-média. D’après Metrobus, le média, selon leur activité, a<br />

pour configuration principale l’affichage (ce qui rejoint la définition canonique des médias),<br />

illustré ci-dessous à gauche. Le hors-média, illustré à droite, serait, quant à lui, caractérisé par<br />

sa dimension évènementielle et hautement situationnelle.<br />

18 Source : http://www.marketing-alternatif.com.<br />

19 Source : http://www.metrobus.fr ; Consulter ANNEXE 4 : Les opérations évènementielles de Metrobus.<br />

29


A première vue, lorsque l’on se trouve face à l’illustration de ces deux modes<br />

de communication ci-dessus, on ne constate pas vraiment de différences. Pourtant un regard<br />

plus approfondi nous fait remarquer que l’affichage est cantonné à un cadre, un espace<br />

prédéfini – en effet, la loi du 29 juillet 1881, interdit d’afficher, hors des espaces réservés à<br />

cet effet –, alors que le hors-média dépasse un cadre physique, pour investir l’espace urbain.<br />

Cette présentation permet de distinguer finalement, deux types de publicité<br />

extérieure, celle dite média, de celle dite hors-média. Ceci d’une part, du fait qu’elle est<br />

événementielle. D’autre part, du fait que la seconde s’approprie un espace qui ne lui est pas<br />

réservé, et non du fait qu’elle est une insertion payante. Ainsi, l’affichage n’est plus restreint à<br />

son cadre. On parle aussi dans certains cas d’affichage sauvage.<br />

Dit autrement, la distinction médias / hors-média ne permet pas de classer<br />

l’affichage dans l’une ou l’autre de ces rubriques. On est conduit à penser l’affichage 20<br />

autrement. Seul l’usage peut aider à la compréhension de ce qu’est un média.<br />

20<br />

Consulter http://www.lentreprise.com/article/4.2111.1.353.html : « L’affiche devient spectacle »,<br />

CLAUSTRES Magalie, le 31.10.2002.<br />

30


B. Le streetmarketing 21<br />

Le streetmarketing 22 est le nom pour désigner le marketing de rue 23 . Son<br />

principe est d’aller à la rencontre des publics et fonder une relation de proximité 24 .<br />

B.1. Les techniques du streetmarketing<br />

Tribeca 25 , agence de marketing alternatif, propose comme actions de<br />

streetmarketing : l’affichage sauvage, les graffitis (légaux), les projections et la distribution.<br />

Urban act 26 , agence conseil en streetégique marketing opérationnel diversifie ses outils en<br />

proposant différentes actions, nous avons eu l’occasion de les citer plus haut.<br />

Plutôt que de faire appel aux médias traditionnels, il s’agit de disposer d’un<br />

réseau de partenariats et d’échanges de visibilité, qui permet la multiplication de la présence<br />

sur les supports 27 .<br />

« Les techniques de promotion se sont diversifiées. « Aujourd'hui, les labels<br />

utilisent beaucoup la scène pour lancer des artistes, et misent sur les techniques de bouche-àoreille<br />

ou les actions menées dans la rue. Le « streetmarketing » se développe en particulier<br />

dans les univers du rap et du R'n'B », souligne Dominique Leguern, directrice du Midem, le<br />

21 Urban act, agence conseil en streetégique marketing opérationnel nous propose une définition sur son site<br />

http://www.urbanact.com. « Le street marketing ou marketing urbain consiste à conceptualiser et à organiser des<br />

opérations de communication en milieu urbain, à destination de différents publics afin de créer une émulation à<br />

l’égard d’une marque, d’un service ou d’un produit. Il s’agit d’un moyen de communication alternatif où la<br />

marque investit l’espace public et aborde les consommateurs dans des lieux qui sont les leurs et qui leur<br />

correspondent. Pour ce faire, nous nous appuyons sur un certain nombre d’outils et de concepts promotionnels<br />

novateurs tels que l’Ice Cube, la Promobile, le Boarding, le Bombing act, ou plus classiques mais tout aussi<br />

efficaces, tels que l’Echantillonnage, l’Animation Out door, la Multidiffusion de flyers ou d’autres supports, le<br />

Stickage, le Mailing, l’Affichage boutique (Store posting), ou encore l’Affichage libre (free posting). L’objectif<br />

de ces opérations étant de favoriser une communication de proximité, chose que la communication traditionnelle<br />

a parfois des difficultés à réaliser, du fait qu’elle se confond de plus en plus avec le mobilier urbain (affichage<br />

4x3, abribus,…). Si ce mode de communication a largement fait ses preuves auprès des 15-35 ans, il permet<br />

également de cibler tout types de public (du plus spécifique au plus large, du plus jeune au plus âgé) et s’adapte à<br />

tout budget. […] Ainsi, si vous souhaitez vous démarquer et personnaliser votre communication, attiser la<br />

curiosité, faire circuler une rumeur, étonner, troubler, bref surprendre le public, vous trouverez sur ce site une<br />

manière différente et originale d’appréhender votre stratégie marketing. »<br />

22 A noter que deux façons d’orthographier le mot sont employées : streetmarketing et street marketing. Nous<br />

optons pour la première.<br />

23<br />

Consulter http://management.journaldunet.com/dossiers/03109lancement/street.shtml ; cf ANNEXE 5 :<br />

« Quand le marketing investit la rue », source : http://management.journaldunet.com.<br />

24 Consulter http://www.lexpress.fr/info/societe/dossier/pub/dossier.asp?ida=391313 ; cf ANNEXE 6 : « La pub<br />

descend dans la rue », par Henri Daguet, l’Express du 30.04.2003., source : http://www.lexpress.fr ; Consulter :<br />

« Les marques jouent la carte de la proximité pour séduire les collégiens », par Laurence Girard, Le Monde du<br />

10.09.2002, source : http://www.passe-partout.de.<br />

25<br />

Source : http://www.tribeca.fr ; cf ANNEXE 7 : Le streetmarketing selon Tribeca, source :<br />

http://www.tribeca.fr.<br />

26 Source : http://www.urbanact.com.<br />

27 Consulter : http://www.economiematin.com article « Streetmarketing : et le tract devint moteur … », 2 juillet<br />

2005 (cf ANNEXE 8), par OM. Ainsi que l’article « Ces Smart si stylées … », propos recueillis par Sandrine<br />

Allonier, 22 janvier <strong>2006</strong>.<br />

31


marché international du disque qui prévoit une relative banalisation des opérations en relation<br />

avec le mobile : « Les nouveaux supports sont des outils marketing puissants mais<br />

complémentaires. Ils vont rentrer de plus en plus dans les plans médias des maisons de<br />

disques. » » 28<br />

Il est intéressant de constater que nombreuses agences de streetmarketing se<br />

sont ouvertes, pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises. On constate que ces<br />

agences ne s’occupent la plupart du temps pas des opérations de la musique rap. Le<br />

streetmarketing, n’est plus la propriété réservée de certaines organisations. Beaucoup<br />

d’entreprises l’intègrent dans leur plan marketing. 29<br />

Pourtant, c’est spontanément que ce type de communication est développé par<br />

le rap. En effet, le rap et le hip-hop de manière générale, ne disposaient pas de l’accès aux<br />

médias traditionnels, ni des budgets nécessaires pour les intégrer. Ainsi le streetmarketing<br />

s’organise peu à peu à travers le développement du mouvement hip-hop. Aujourd’hui, le<br />

streetmarketing fait partie intégrante des plans de communication de nombreuses marques.<br />

Ce type d’actions de rue tâche d’établir une approche directe et interactive. Il s’agit de se<br />

mettre en scène et de développer si ce n’est de nouveaux espaces, des niches d’espaces de<br />

communication.<br />

B.2. Du buzz<br />

Le streetmarketing est pour certains, le moyen pratique de faire du buzz,<br />

autrement dit de générer le bouche-à-oreille, voire des retombées médiatiques 30 . En effet, le<br />

buzz ou marketing viral, est l’art de générer du bouche-à-oreille, positif, auprès des leaders<br />

d’opinion.<br />

Il s’agit de développer un dispositif « multi-canal » qui conduit les publics à<br />

entendre parler de la marque par diverses sources d’influence 31 .<br />

Le buzz se veut être une alternative voire un complément à la publicité<br />

traditionnelle, qui, il est vrai, face aux chiffres des dépenses médias et hors-média 32 , la<br />

publicité est en perte de vitesse. Le buzz est une technique de communication induisant les<br />

leaders d’opinion à parler d’une marque ou d’un produit sans passer par les techniques<br />

traditionnelles.<br />

28 Source : http://perso.wanadoo.fr/ivy/madoinfos.htm.<br />

29<br />

Consulter http://www.loreal.fr/_fr/_fr/passion/full_article.aspx?NewsID=b3e959a4-8758-4d07-a9b8-<br />

3b233c02e526&r=3&sr=7;<br />

30 Consulter le site : http://www.culture-buzz.com.<br />

31 Consulter : http://www.nouveaujour.fr.<br />

32 Consulter ANNEXE 3 : Quelques chiffres.<br />

32


Le buzz envisage de créer une dynamique communicationnelle autour de la<br />

marque, et ceci en s’appuyant sur une histoire, un imaginaire, une identité, etc.<br />

Le streetmarketing est ce qui est considéré comme off-line, notamment du fait<br />

qu’il est événementiel. On parle aussi d’undercover marketing.<br />

B.3. Undercovered<br />

En effet le streetmarketing est un des aspects de l’undercover marketing 33 .<br />

« L’undercover marketing désigne l'ensemble des techniques utilisées par un annonceur afin<br />

d'approcher le consommateur dans son environnement sans qu'il ait conscience d'une<br />

démarche commerciale. » 34<br />

Le marketing peut s’éloigner plus ou moins des techniques de<br />

commercialisation et du rapport strictement marchand. Cependant sa composante<br />

promotionnelle est toujours présente, si ce n’est finalement, la composante essentielle. En<br />

revanche la mettre en avant, c’est tout autre chose.<br />

« Pour être plus efficace encore, le street marketing doit être conçu et envisagé sous le<br />

principe de l’undercover marketing. Les entreprises doivent influencer les individus au sein<br />

de leur environnement, sans trace d’action commerciale. […] Pour cela, deux approches :<br />

s’associer à des événements ou investir la culture de rue. » 35<br />

« L’objectif de cette démarche est d’impliquer le consommateur dans le processus de<br />

communication, en lui envoyant un message personnalisé et d’atteindre directement son<br />

comportement d’achat. Alors que la publicité classique tente bien souvent de recréer un<br />

univers autour du produit, à introduire des liens émotionnels dans le comportement d’achat,<br />

l’undercover se borne simplement à mettre le produit en situation 36 (hidden sponsor, street<br />

marketing, nightlife marketing…) ou à créer un événement autour du produit (marketing viral,<br />

alterno marketing…). » 37<br />

B.4. Impliquer les publics<br />

Le streetmarketing ambitionne de créer l’événement, développer une action<br />

originale, en impliquant les publics, en les faisant participer.<br />

33 Source : http://www.undercover-marketing.fr.<br />

34 Source : http://www.undercover-marketing.fr.<br />

35 Source : http://www.undercover-marketing.fr.<br />

36 C’est nous qui soulignons.<br />

37 Source : http://www.undercover-marketing.fr.<br />

33


à la marque. » 38 La mise en forme de l’affichage, comme on a pu<br />

Il s’agit de « faire des individus les propagateurs bénévoles (parfois récompensés, voire<br />

rémunérés) d’une marque, de ses produits, de la publicité et des événements conçus pour elle.<br />

C’est le marketing viral ou buzz marketing qui vise à développer une rumeur (buzz) favorable<br />

le voir à travers les illustrations de Metrobus, s’attache à<br />

développer une connexion avec les publics. Au regard des<br />

illustrations relevant du dit « hors-média », il semble selon<br />

nous que nous sommes en présence d’une communication qui<br />

accentue la dimension relationnelle par l’implication directe<br />

des publics dans l’interaction.<br />

Nombreux sont les objets du quotidien qui impliquent une relation. Le public n’est pas<br />

simplement consommateur, il est acteur de la communication de la marque.<br />

Il ne s’agit pas d’une simple connexion, ni d’une simple relation, comme on<br />

aurait pu le comprendre, mais de l’implication directe dans la relation communicationnelle.<br />

Par certains aspects ils développent une dimension de proximité avec les publics que les<br />

médias traditionnels ne sont pas en mesure d’induire.<br />

B.5. Une guérilla urbaine<br />

La rue est le lieu de promotion, propice pour le buzz. Par<br />

ailleurs c’est le lieu d’une guérilla urbaine.<br />

Le streetmarketing ou comment s’approprier l’espace<br />

urbain ?<br />

Tout comme peut l’être nommée la rumeur, on<br />

peut dire que la rue est le premier média du<br />

monde.<br />

Les opérations de guérilla, rentrent là encore dans le cadre<br />

d’évènements ponctuels.<br />

Leur objectif est d’étonner, d’intriguer, surprendre et susciter la conversation autour d’une<br />

marque ou d’un produit.<br />

38 LENDREVIE Jacques, de BAYNAST Arnaud, Publicitor. De la publicité… à la communication intégrée, 6 ème<br />

édition avec la collaboration de RIOU Nicolas, Editions Dalloz, 2004, p. 528.<br />

34


Il s’agit, comme nous l’avons vu précédemment d’activer le buzz, ainsi que de<br />

développer une relation de proximité entre la marque et les cibles 39 .<br />

Ces techniques hors-média visent pourtant à atteindre les objectifs classiques que se fixe la<br />

publicité dite médias.<br />

* * *<br />

Ainsi certains parlent de marketing alternatif. Alternatif à quoi ? A ce qui est<br />

désigné communément comme grands médias et techniques « publicitaires » traditionnels.<br />

Les médias dits alternatifs disposent de logiques et de<br />

dynamiques singulières. Ce sont des moyens de communication non<br />

conventionnels. Pourtant, « les activités « alternatives » telles que le<br />

marketing viral ou le buzz deviennent, elles, traditionnelles. Les<br />

entreprises allouent désormais près de 10% de leur budget marketing à<br />

ces nouvelles pratiques, qui sont à présent une autre corde à l’arc du<br />

marqueteur professionnel » 40<br />

Les techniques marketing ne sont généralement pas considérées par les<br />

sciences de l’information et de la communication. Alors qu’un des axes essentiel du<br />

marketing est celui de la communication, dit autrement dans le jargon marketing, de la<br />

publicité ou promotion. La communication est au cœur du marketing. Inversement, les<br />

techniques d’image et de marque (au sens de signe distinctif) sont finalement bien souvent les<br />

préoccupations des sciences de l’information et de la communication (nous pensons ici,<br />

particulièrement à la rhétorique ou sémiologie).<br />

La pensée communicationnelle, trouve pour partie, sa réalisation concrète dans<br />

les techniques marketing. Effectivement, le marketing prend en charge les formes<br />

communicationnelles, à tous niveaux, tout particulièrement au niveau des stratégies d’image<br />

et des représentations.<br />

4. Pour quel positionnement ?<br />

39 Consulter : http://www.nouveaujour.fr.<br />

40 Source : http://www.buzz-marketing.fr “Non-traditional marketing become, well, traditional. Buzz, wordof-mouth,<br />

and viral marketing were pretty radical ideas in 2003. Now, companies are allocating almost a tenth of<br />

their annual budgets to these activities, and they have become just another arrow in the professional marketer's<br />

quiver.” traduit de l’anglais par moi-même.<br />

35


Il se trouve que la définition qui est attribuée au média s’associe implicitement<br />

à un rôle et une fonction, et ainsi à toute la théorie qui s’organise au-delà. Attribuer une<br />

fonction, c’est aussi penser les enjeux de pouvoir, ainsi que les représentations implicites<br />

auxquels participent les usagers. Lorsque l’on consulte les définitions proposées par le Petit<br />

Larousse, des mots média, médiatiser, médiation, … on constate que les définitions sont très<br />

enrichissantes, quant à la difficulté de définir, mais aussi de cristalliser une origine au mot,<br />

ainsi qu’un investissement théorique et conceptuel particulier.<br />

Ce paragraphe est l’occasion d’expliciter la manière dont on entend<br />

s’approprier le terme média et ainsi définir le phénomène et les multiples dimensions sousjacentes<br />

sur lesquelles notre regard se pose.<br />

A. Des niveaux d’analyse<br />

Nous avons eu recours à des notions telles celles d’outil, de technologie, de<br />

technique, de dispositif, de support, de canal, de message, etc., et tout cela pour tenter de<br />

définir ce qu’est un média.<br />

Poser son regard sur les médias, c’est aussi adopter un positionnement face à ce<br />

qui a été présenté précédemment, mais aussi face à toutes les études qui existent que nous<br />

n’avons évoqué ?<br />

En effet, nous ne trouvons pas satisfaction dans les assertions qui suivent : « le<br />

contenu = le message », « le média est le message » ou encore « le canal = le média ».<br />

Les propriétés signifiantes dépassent le seul cadre du contenu, en trouvant<br />

notamment des fondements dans leur représentation médiatique. Ne pas prendre en compte<br />

l’aspect situationnel et contextuel revient à ne pas véritablement s’interroger sur les<br />

significations des usages des médias. En effet, la catégorisation se fait plutôt à partir du mode<br />

interactionnel induit par la relation médiatique.<br />

Les multiples considérations se situent bien souvent à des niveaux d’analyse<br />

différents. Le schéma concernant le sens et les significations connotées de Roland Barthes<br />

développe cette volonté de distinguer des strates de significations et ainsi des niveaux<br />

interprétatifs.<br />

Des niveaux d’analyse ou les lieux de significations<br />

36


41<br />

Les niveaux d’analyse présentés par le schéma ci-dessus, conçu par nousmême,<br />

sont complémentaires et permettent dans leur ensemble d’appréhender un plus haut<br />

niveau de significations en se questionnant sur les choix, les intentions et les stratégies des<br />

usages des médias dans le projet rap étudié.<br />

Le contenu n’est pas seul à participer au message ou propriétés signifiantes.<br />

Cette réalisation schématique indique que des éléments de la construction des significations se<br />

trouvent dans l’action ou le contenu, qui s’organise dans des lieux médiats de significations<br />

au travers de mi-lieux d’actions et ceci, de manières relatives aux contextes.<br />

Seule l’étude du contenu ou de l’action, ne parvient pas à fournir toutes les<br />

significations que recouvre le message, ou plutôt qui émergent de l’acte de communication.<br />

B. Le média : un mi-lieu<br />

Penser le média comme un mi-lieu, c’est prendre en compte les multiples<br />

dimensions que recouvre le terme de lieu, ainsi que celui de milieu.<br />

B.1. Un lieu de CONSTRUCTION du sens<br />

Si Eliséo Véron envisage le média comme support c’est aussi en tant que lieu<br />

qu’il est appréhendé.<br />

41 Pour illustrer rapidement, la rue serait un mi-lieu d’action et les affiches, un lieu médiat de significations par<br />

exemple. Les termes mi-lieux d’actions et lieux médiats de significations seront explicités ultérieurement dans<br />

notre développement.<br />

37


Du point de vue de Eliséo Véron et Martine Levasseur, « la notion de<br />

« média » désigne un support de sens, un lieu de production (et donc de manifestation) du<br />

sens. Sur le plan du fonctionnement social, bien entendu, ces supports sont toujours le résultat<br />

de dispositifs technologiques matérialisés dans des supports de sens socialement disponibles,<br />

accessibles à l’utilisation à un moment donné. » 42<br />

Adopter le terme de lieu, c’est selon nous, ainsi que le note Eliséo Véron, se<br />

donner la possibilité de prendre en compte l’aspect situationnel.<br />

Reprenant des concepts au domaine économique, on peut dire que le média est un lieu de<br />

rencontre de pratiques discursives, entre une offre et une demande, qui passe par<br />

l’intermédiaire de l’établissement de mondes communs et de communautés.<br />

B.2. Quand le lieu devient espace<br />

Le terme de lieu laisse interrogatif. Michel de Certeau, non seulement, nous<br />

éclaire sur la notion de lieu, mais aussi sur sa distinction sémantique avec celle d’espace.<br />

« La pratique des individus est, la plupart du temps, non-intentionnelle du point de vue de<br />

la constitution d’espace, mais c’est l’autonomie du choix des lieux auxquels ils associent<br />

leurs pratiques qui diffère. […] Michel de Certeau (1990) appelle « pratique du lieu » le<br />

fait de déployer les pratiques pour que le lieu devient espace.<br />

« Est un lieu l’ordre (quel qu’il soit) selon lequel des éléments sont distribués dans des<br />

rapports de coexistence. S’y trouve donc exclue la possibilité, pour deux choses, d’être à la<br />

même place. La loi du « propre » y règne : les éléments considérés sont les uns à côté des<br />

autres, chacun situé en un endroit « propre » et distinct qu’il définit. Un lieu est donc une<br />

configuration instantanée de positions. Il implique une indication de stabilité. Il y a espace dès<br />

qu’on prend en considération des vecteurs de direction, des quantités de vitesse et la variable<br />

du temps. L’espace est un croisement de mobiles. Il est en quelque sorte animé par l’ensemble<br />

des mouvements qui s’y déploient. Est espace l’effet produit par les opérations qui l’orientent,<br />

le circonstancient, le temporalisent et l’amènent à fonctionner en unité polyvalente de<br />

programmes conflictuels ou de proximités contractuelles. L’espace serait au lieu ce que<br />

devient le mot quand il est parlé, c’est-à-dire quand il est saisi dans l’ambiguïté d’une<br />

effectuation, mué en un terme relevant de multiples conventions, posé comme l’acte d’un<br />

présent (ou d’un temps), et modifié par les transformations dues à des voisinages successifs.<br />

42 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 27.<br />

38


À la différence du lieu, il n’a donc ni l’univocité ni la stabilité d’un « propre ». En somme<br />

l’espace est un lieu pratiqué » » 43 B.3. L’ « entre »<br />

Il se crée des espaces de médiation entre les différents acteurs usagers. La<br />

construction et la mise en représentations sont des intermédiaires autant que les lieux<br />

(spatiaux, temporels, imaginaires, symboliques) dans lesquels elles s’expriment.<br />

L’entre s’apparente par certains aspects à la notion de sphère publique. La<br />

dimension consensuelle qui émerge de la possibilité de construction de lieux intermédiaires<br />

est un élément essentiel.<br />

L’entre est cet espace intermédiaire pratiqué, ce mi-lieu, lieu médian. Cela<br />

suppose que chaque partie soit explicitement définie, avec l’impossibilité d’être à la même<br />

place, ainsi que le notait Michel de Certeau quelques lignes plus haut.<br />

« Régulé par un groupe social, chacun de ces espaces est porteur d'identité et assimilé à ce<br />

groupe. La rue comme espace public, à disposition de l'ensemble de la population, est<br />

soumise aux lois et règles publiques […] et fonctionnent selon leurs règles propres. S'y<br />

trouver ou y demeurer nécessite de la part de l'individu une adaptation (de tenue, de posture,<br />

d'élocution, de gestes, de pratiques) aux règles du lieu. Franchir ces limites et donc pratiquer<br />

un moment l'espace intermédiaire, c'est quitter un groupe social, un rôle, un statut, une<br />

pratique ou un moment de la pratique, pour opérer en soi et sur soi une transformation afin de<br />

se préparer au nouvel espace à venir, au nouvel univers, que l'on va intégrer. » 44<br />

La notion de l’entre développée dans les quelques lignes qui précèdent, fait<br />

émerger des dynamiques temporelles et spatiales, tout autant qu’imaginaires et symboliques.<br />

Parler de dimension spatiale ne signifie pas délimitée géographiquement. D’ailleurs les<br />

limites s’il y en a, ne sont en aucun cas stables. Elles sont mouvantes et en perpétuelle<br />

construction définitionnelle.<br />

Lorsque l’on regarde le schéma proposé ci-dessous par Eliséo Véron 45 , on<br />

constate que le domaine de l’entre trouve des analogies dans celui de l’appropriation.<br />

43 Source : http://www.espacestemps.net/document1138.html#ftn10 cite Michel de Certeau, L’invention du<br />

quotidien. 1. Arts de faire, Paris, Gallimard [1980], 1990, p. 173.<br />

44 « La concierge est dans l’escalier ! », socio-anthropologie des espaces de « l’entre », BONNIN Philippe,<br />

source : http://www2.cnrs.fr/presse/thema/637.htm?print=1.<br />

45 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983.<br />

39


Il ne se creuse pas de dichotomie entre objet et action. Il ne s’agit plus de<br />

considérer les médias comme un objet technique de diffusion, de transmission ou encore de<br />

communication, assurant un rôle et une fonction déterminés. Il s’agit de considérer les<br />

médias, comme des lieux de médiations, autrement dit de significations, nécessairement<br />

médiates, à travers le discours autant investit, de techniques que de symboliques… au cœur<br />

des pratiques appropriatives.<br />

* * *<br />

Se positionner, s’approprier des concepts, des schémas réflexifs n’est pas si<br />

aisé avec la densité des recherches existantes. Ce paragraphe a été l’occasion pour nous<br />

d’affirmer notre position face à l’ensemble de ces recherches. Ainsi, nous avons proposé<br />

d’envisager le média comme un mi-lieu, lieu intermédiaire de rencontre, mais aussi lieu de<br />

communauté de représentations. La prise en compte des valeurs et ainsi les choix d’exposition<br />

médiatique, sont des propriétés signifiantes, qui permettent de mieux analyser, interpréter et<br />

comprendre en retour la corporéité et le geste médiatique.<br />

* * *<br />

Certes, notre regard porte sur les outils et particulièrement sur les usages qui<br />

leur donnent vie. Mais surtout, notre regard porte sur les modes d’organisation de la<br />

production, sur les contextes et enjeux, tant techniques, économiques que symboliques. Nous<br />

aborderons cela en profondeur lors du chapitre concernant les stratégies, néanmoins nous<br />

40


proposons maintenant de présenter le domaine qui suscite l’intérêt de ces recherches, pour<br />

lequel nous étudions l’usage des médias : le rap.<br />

III. Rap et médias : des relations<br />

paradoxales et controversées<br />

Le rap dévoile des textes révoltés et révoltants. Pourtant si le rap exprime des<br />

propos contestataires et revendicatifs, notamment envers les institutions médiatiques et<br />

capitalistes, il ne faut pas oublier que le rap en fait aujourd’hui partie intégrante. Est-ce une<br />

perversion ? Cela fait partie des nombreux paradoxes, dont le rap est à certaines occasions,<br />

sommé de répondre. Toutefois dans quelle mesure cela fait-il également partie des stratégies<br />

qui gouvernent la diffusion voire la réalisation d’une œuvre ?<br />

1. Le rap et la rue<br />

Le rap s’est formé dans la rue avant d’être repris par les majors. Les<br />

institutions socialement légitimées l’ont pendant longtemps rejeté, et c’est encore le cas pour<br />

partie. Le rap s’est alors développé dans la rue, sur le terrain, au plus proche des réalités<br />

quotidiennes.<br />

Néanmoins, la quotidienneté évolue et le succès fait parfois oublier la rue, qui a<br />

pourtant été à la base de celui-ci. Toutefois, le rap, dans ses fondements, ne veut pas suivre<br />

l’économie de marché, qui serait susceptible d’altérer l’authenticité.<br />

Le rap s’inspire en effet, de courants musicaux empreints d’idéologie, tels le<br />

jazz, la soul, le funk, ou encore du côté de personnages tels Martin Luther King, Malcom X,<br />

les Black Panthers, etc. Le rap et le hip-hop sont avant tout, un état d’esprit, un art de vivre<br />

ainsi que le suggère Richard Shusterman 46 .<br />

La rue est le lieu de proximité par excellence, terrain connu et directement<br />

accessible qui permet au rap de se révéler.<br />

2. Le marché du rap<br />

46 SHUSTERMAN Richard, L’art à l’état vif. La pensée pragmatiste et l’esthétique populaire, traduit de<br />

l’américain par Christine Noille, Les Editions de Minuit, Paris, 1991.<br />

41


Pourtant, le rap n’est plus réservé au « marché de la rue ». La musique est la<br />

seconde industrie culturelle dominante. Et le rap a lui aussi creusé sa place au sein du marché<br />

de l’industrie musicale.<br />

Le rap français voit sortir son premier maxi 45 tours<br />

en 1987 (Destroy Man et Jhony Go « EGOïste,<br />

Barclay, 1987, à droite) et son premier album en<br />

1990 (Lionel D « Y’a pas de problème »,<br />

cbs/squatt, 1990, à gauche).<br />

Le marché du rap français est en gestation durant la fin des années 1980,<br />

et émerge alors, au début des années 1990.<br />

Certains ont ouvert la voix pour les suivants. Les plus grosses ventes<br />

dans le rap chiffrent à présent en volume, à plusieurs centaines de mille.<br />

Initié par la rue, le rap se retrouve aujourd’hui reconnu par certaines<br />

institutions comme l’Olympia ou les Victoires de la Musique. Au cours des années, il gravit<br />

les échelons de la légitimité et est considéré par la scène artistique musicale. Par ailleurs, le<br />

rap a été intégré par les multinationales mondiales de l’édition musicale.<br />

Néanmoins, à côté de cela, un marché pour les productions indépendantes se<br />

distingue, empruntant parfois les mêmes supports médiatiques, mais des circuits de diffusion<br />

distincts. La segmentation provient entre autre, de niches qui particularisent des conceptions<br />

d’exploitation différentes.<br />

Aller à la rencontre des publics ne passe pas uniquement par le support audio,<br />

mais aussi par un ensemble d’autres supports médiatiques, dont nous allons examiner à<br />

présent les relations que le rap entretient avec certains de ceux-ci.<br />

3. Le rap et les médias,<br />

quelles relations ?<br />

a. La médiatisation du rap<br />

Alors que le rap se développe sur le marché musical au début des années 1990,<br />

la culture hip-hop s’ouvre quant à elle aux médias dès 1982, avec la diffusion d’une émission<br />

Pour changer megahertz 47 . Puis en 1984, avec l’émission hebdomadaire, H.I.P. H.O.P.,<br />

présentée par Sidney sur TF1.<br />

47 Soirée filmée au Bataclan, avec le Rock Steady Crew, Afrika Bambaataa, Dondi, Futura, …, sur TF1.<br />

42


Avant 1990, c’est LE terrain vague de la Chapelle qui est au cœur de ce<br />

foisonnement artistique.<br />

Pourtant le rap est peu présent sur le petit écran. Rares sont les émissions<br />

musicales consacrées au rap. Notons tout de même l’émission Rapline, diffusée de <strong>sept</strong>embre<br />

1990 à 1993 sur M6, dédiée à la diffusion de clips, mettant la réalisation de clips de rap<br />

français au cœur de son projet. Aujourd’hui les chaînes thématiques musicales incluent plus<br />

ou moins selon leurs orientations de programmation le rap français dans leur grille.<br />

La radio et la presse sont des alliés indispensables afin que le rap puisse être<br />

diffusé. D’ailleurs la loi du 1 er février 1994 sur les quotas de programmation des chansons<br />

francophones sur les radios FM contribue à changer la donne en matière de diffusion du rap.<br />

Mais les radios et la presse peuvent aussi être des maîtres censeurs.<br />

Le rap de manière générale, est plutôt dénigré par les médias. Lorsque l’on<br />

parle de lui, le plus souvent, c’est pour avancer des critiques de manière négative. Il a alors<br />

fallu que le rap et le hip-hop se dotent de moyens propres afin de s’exposer aux publics.<br />

Il s’est crée des fanzines et des magazines, une tranche de la presse spécialisée,<br />

entièrement dédiée au rap et à la culture hip-hop. Plusieurs générations de magazines ont<br />

traversé le milieu, aussi bien en presse radio, qu’en presse écrite.<br />

Initialement, le rap ne peut se payer les espaces publicitaires alloués. C’est<br />

pourquoi, le streetmarketing dont nous avons parlé précédemment, a été une solution pour<br />

aller à la rencontre des publics. Aujourd’hui certes la rue n’est plus le seul lieu de production<br />

et de médiatisation, les moyens sont plus importants et peuvent financer la mise en avant sur<br />

des espaces publicitaires, parfois de manière colossale.<br />

Néanmoins l’affichage sauvage, la distribution de tracts dans la rue, la<br />

personnalisation de véhicules, etc. sont des éléments de base que le rap a développé, toujours<br />

présents dans les plans marketing.<br />

b. Rap et institutions<br />

Si le rap est légitimé par certaines institutions musicales, ainsi que nous l’avons<br />

noté précédemment, il n’est pas légitimé par toutes les institutions. Les champs politique et<br />

médiatique notamment, n’accordent bien souvent aucune légitimité à ce genre musical.<br />

En fait, le rap dénonce les institutions et faits non acceptables, parfois non-dits,<br />

et les institutions de leur côté dénoncent le côté agressif et violent du rap.<br />

43


Relatif à l’aspect proprement médiatique, les rappeurs dégagent un rejet des<br />

journalistes et des médias en général. En effet, soit ceux-ci ne cadrent qu’une dimension<br />

fortement caricaturée, ou bien ils envisagent le rap dans un aspect consensuel.<br />

Ainsi, le rap a développé directement, à travers la création de labels, de<br />

magazines, bref, de structures propres, la possibilité de s’institutionnaliser. La<br />

professionnalisation de certains métiers est un exemple de son organisation. Toutefois, être<br />

acteur dans l’espace médiatique ne veut pas dire propriétaire des moyens de production.<br />

Par ailleurs le rap a aussi fait émerger de manière indirecte certaines<br />

institutions, qui selon Ekoué (du groupe La Rumeur), dévitalisent la musique de son<br />

essence 48 , ainsi qu’il est fait référence à la radio Skyrock. Un format est de rigueur afin de<br />

pouvoir être diffusé. Les propos qui suivent en rendent compte.<br />

« La station avait à l'origine du mal à vendre ses espaces publicitaires, vu la catégorie<br />

d'auditeurs qu'elle vise. Aujourd'hui, les patrons de labels français (Small, Hostile,<br />

Atmosphériques...) travaillent avec le directeur général de Skyrock, notamment pour établir<br />

le choix crucial des titres lancés en format single. » Nicolas Dambre, Musique Info Hebdo (28<br />

<strong>sept</strong>embre 2001) 49 .<br />

« Si le refrain vient trop tard, c'est mauvais pour la chanson. Le public décroche... Oui, ça<br />

m'ait arrivé plusieurs fois de demander à des rappeurs qu'ils déplacent leur refrain. Pour les<br />

textes, je ne censure pas à proprement parler (...) On en discute, et s'ils veulent passer chez<br />

nous, ils refont leur chanson. Le rap est une musique jeune, vous savez, il faut qu'elle mûrisse<br />

(...) Je suis une radio commerciale. Mon objectif, quand je mise sur un titre ou un album, c'est<br />

d'en faire au minimum un Disque d'Or, c'est à dire 100 000 exemplaires. » Laurent Bouneau,<br />

Directeur Général des programmes de Skyrock, dans « Rap, la loi du fric », Télérama n°2612,<br />

2 février 2000. 50<br />

Les logiques médiatiques et identitaires sont implicitement corrélées et toutes<br />

deux sont inductrices de la construction de frontières imaginaires et symboliques.<br />

c. La construction de frontières symboliques<br />

L’usage des médias induit la construction de frontières symboliques. Les<br />

propos suivants en témoignent :<br />

48 Consulter Interview « Le rap s’est fait recoloniser » Ekoué, membre du groupe La Rumeur, avril 2005,<br />

source : www.poivrerouge.ouvaton.org.<br />

49<br />

Consulter l’article « Skyrock, la voix de son maître », <strong>sept</strong>embre 2002, source : http://www.zonemondiale.org/users/rapaces/pages/comm10.htm<br />

; ou ANNEXE 9.<br />

50<br />

Consulter l’article « Skyrock, la voix de son maître », <strong>sept</strong>embre 2002, source : http://www.zonemondiale.org/users/rapaces/pages/comm10.htm<br />

; ou ANNEXE 9.<br />

44


« C'est de la variété, c'est en rien de la musique populaire. C'est populiste à fond, c'est démago<br />

à souhait. Ils appartiennent à l'autre camp. » 51 Des frontières symboliques s’établissent. Il se<br />

crée implicitement des catégories oppositionnelles d’un « nous » et d’un « eux ». Dans quelle<br />

mesure ces catégorisations relèvent-elles de l’imaginaire ? Ou plutôt comment s’exprimentelles<br />

dans la pratique ? Quels en sont leurs fondements ?<br />

Nous avons esquissé quelques propos relatifs à ces questions. Nombreux sont<br />

les éléments à prendre en compte. Ce n’est pas l’occasion ici pour nous d’en faire l’état des<br />

lieux. Les frontières se créent de toute part, chacun élabore un espace d’action et<br />

d’interaction.<br />

Il se crée notamment une démarcation avec l’emploi des médias traditionnels.<br />

Celle-ci est parfois volontaire, parfois subie. La pratique médiatique, l’espace dans lequel on<br />

interagit est créateur de frontières symboliques. Leurs fondements qu’ils soient valides ou<br />

non, ne sont pas à remettre en question, ils sont inscrits en certains lieux de l’imaginaire<br />

collectif.<br />

Quoi qu’il en soit, le rap et la culture hip-hop ont investi les médias. Et ils<br />

participent volontiers aux jeux de pouvoirs dans l’espace public médiatique.<br />

4. Paradoxes et controverses<br />

Le rap entretient des relations paradoxales et bien souvent elles prêtent à<br />

controverse. D’un côté, le rap rejette les médias. Pourtant ceux-ci sont intégrés dans les<br />

stratégies de diffusion du rap. D’un autre côté, certains médias prennent en compte dans leur<br />

programmation le rap, ce qui n’empêche pas parallèlement qu’il soit bien souvent repoussé<br />

par les médias.<br />

Les paradoxes viennent d’une certaine ambivalence exprimée à l’égard des<br />

médias. Pour certains, l’orientation médiatique est clairement affirmée, pour d’autres, il se<br />

manifeste des sentiments contradictoires. Au sein du rap lui-même, il se développe des<br />

aspects radicalement différents voire opposés 52 .<br />

Ces aspects se rapprochent du vieux débat formulé notamment par Theodor<br />

Adorno entre art et commercialisation.<br />

51 Consulter Interview « Le rap s’est fait recoloniser » Ekoué, membre du groupe La Rumeur, avril 2005,<br />

source : www.poivrerouge.ouvaton.org.<br />

52<br />

Consulter l’article « Bâtir un pôle du rap anti-marchand », avril 2003, source : http://www.zonemondiale.org/users/rapaces/pages/comm12.htm<br />

; ou ANNEXE 10 ; et le Communiqué n°7, mars 2002, source :<br />

http://www.zone-mondiale.org/users/rapaces/pages/comm07.htm.<br />

45


De nombreux rappeurs se revendiquent capitalistes par exemple « (Passi interview en 1999<br />

par l’émission « Capital » sur M6). » 53 D’autres, comme Ekoué sont contre le capitalisme<br />

dans le rap 54 .<br />

Les paradoxes naissent au sein même du rap, mais aussi des relations qui l’ont<br />

construit jusqu’ici. Il faut dire tout de même que les propos sont divers, et nombreux sont les<br />

discours qui ne font pas des médias leurs agresseurs et bouc émissaires. C’est d’ailleurs un<br />

élément supplémentaire pour nourrir le paradoxe.<br />

Il va sans dire que l’on marche sur un fil. Dans quelle mesure le capitalisme<br />

est-il relié au profit, à la commercialisation, à la médiatisation, etc. ? Les termes prêtent<br />

souvent à confusion et dévoilent plusieurs fronts. Employer le terme d’ambivalence permet de<br />

reconnaître au rap de multiples facettes. Ainsi que le note Hugues Bazin, le rap est<br />

« aujourd’hui face aux interrogations que lui posent sa crise de croissance : celle de la<br />

structuration de ses acteurs, de la légitimité de ses formes artistiques, de la rencontre<br />

partenariale, de l’accompagnement qualifié des pratiques, ou de la formation<br />

professionnelle. » 55<br />

Certes le projet communicationnel du rap s’inscrit initialement à l’encontre des<br />

formes institutionnelles et traditionnelles. Pourtant cela ne l’empêche pas de participer aux<br />

débats dans les espaces médiatiques.<br />

* * *<br />

Ce développement a présenté brièvement le rap, orienté particulièrement dans<br />

sa relation à la dimension médiatique.<br />

Le terme de paradoxe suggère généralement d’opter pour une solution<br />

tierce, alors que celui d’ambivalence entend considérer l’ensemble dans une combinatoire. Ce<br />

que nous voulons faire comprendre à notre lecteur, c’est que nous tentons de dépasser ces<br />

paradoxes, notamment en les considérant dans leurs articulations.<br />

* * *<br />

53 GUIBERT Gérôme, L’éthique hip-hop et l’esprit du capitalisme, 2001 (document électronique, source :<br />

http://www.recherche-action.fr/Hip-hop.html#Topic57).<br />

54 Consulter Interview « Le rap s’est fait recoloniser » Ekoué, membre du groupe La Rumeur, avril 2005,<br />

source : www.poivrerouge.ouvaton.org.<br />

55 BAZIN Hugues, « Les enjeux et le développement de la culture hip-hop : une nécessaire reconnaissance. », 20<br />

mai 2005, source : http://www.irma.asso.fr.<br />

46


Ce n’est pas la « chose » mais bien l’usage qu’on en fait qui est signifiant.<br />

L’erreur serait de croire que la signification ne prend corps et s’ancre qu’au<br />

niveau du dit message ou contenu.<br />

Nous ne nous sommes pas donnés comme objet les médias, mais leurs usages.<br />

Ainsi, notre étude se propose de développer une approche constructiviste, bien loin d’un<br />

quelconque déterministe, aussi bien technologique que social.<br />

Nous envisageons ainsi les usages des médias comme : « d’un côté, une<br />

matière organisée ; de l’autre, des organisations matérialisées.» 56<br />

Les médias ou les machines à communiquer dévoilent du sens à construire. Ce<br />

ne sont pas les techniques elles-mêmes qui sont porteuses de sens, mais les usages et<br />

appropriations qui s’inscrivent dans la pratique d’un outil. C’est ce que nous proposons<br />

d’approfondir dans le chapitre qui suit.<br />

56 DEBRAY Régis, Introduction à la médiologie, PUF, 2000, p. 39.<br />

47


« Orienté vers l’usage, l’objet résulte d’un<br />

agencement entre la technique et le social, qui s’opère –<br />

peu importe ici que ce processus s’analyse en termes de<br />

traduction (Callon, Latour, Akrick), de négociation<br />

(Perriault), de prescription (Stourdzé) ou de circulation<br />

(Flichy) – de la conception où la mise en objet exige des<br />

concepteurs d’incorporer l’usager jusqu’à<br />

l’appropriation, qui comporte, à la différence de la<br />

consommation, une dimension positive de création et<br />

qui, à travers la constitution des usages, rejaillit sur<br />

l’objet. La mise en objet désigne […] plutôt la structure<br />

des opportunités d’action inscrites dans l’objet et fixant<br />

un système de relations entre les acteurs enrôlés […] »<br />

PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace<br />

public et l’emprise de la communication, « Espace<br />

public, espace privé : le rôle de la médiation technique »,<br />

CHAMBAT Pierre, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 82.<br />

A<br />

insi que nous avons tenté de le faire comprendre à notre lecteur<br />

jusqu’à présent, c’est l’usage qui permet de nommer ce qu’est un<br />

« média ». Ce chapitre est pour nous l’occasion de développer la notion d’usage en tant que<br />

concept opératoire.<br />

I. Propos préliminaires<br />

1. Position discutée<br />

Parler d’usages suggère de prendre en compte la pratique sous-jacente. La<br />

pratique ne se situe pas seulement en aval, ainsi que s’inscrivent les recherches qui s’attachent<br />

à étudier la réception.<br />

En effet, les recherches qui proposent d’étudier les usages sont problématiques<br />

car elles ne portent leur regard que sur les pratiques réceptives. Certes elles font état de<br />

49


stratégies d’usages. Cependant, elles ne s’intéressent en aucun point aux stratégies<br />

rhétoriques, si l’on peut dire, de l’orateur, qui fait usage d’outils pour se re-présenter à autrui.<br />

Celui-ci développe une écriture médiatique propre, et s’inscrit dans la construction de la<br />

relation communicationnelle. C’est cet usage des médias, côté producteur, auquel nous nous<br />

intéresserons 57 .<br />

2. Hypothèse<br />

Regarder les pratiques médiatiques suggère de les penser dans leurs usages.<br />

L’usage s’envisage dans un ensemble d’actions desquelles on peut supposer<br />

une démarche stratégique, qui apporte des éléments orienteurs de l’interprétation.<br />

Le geste, usager de l’outil et médiateur dans la relation, est essentiel à prendre<br />

en compte dans une optique communicationnelle.<br />

On n’étudie pas simplement une « technique » (pour le dire rapidement) mais<br />

aussi et surtout un geste, qui par définition n’est pas un geste quelconque, mais le geste d’une<br />

entité en action. On retrouve là, l’ambition de notre recherche : étudier les stratégies<br />

communicationnelles, nécessairement médiates et personnelles, rattachées à un corps.<br />

3. Méthodologie<br />

Avant d’aborder l’aspect stratégique des usages, il convient de présenter les<br />

particularités de cette notion comme concept opératoire à l’étude de notre objet et de notre<br />

corpus de recherche.<br />

Ce chapitre s’attache à justifier de la pertinence de la notion d’usages pour<br />

penser étudier les pratiques médiatiques. Il pose ainsi les bases de l’analyse des stratégies au<br />

prochain chapitre.<br />

4. Plan<br />

Nous apporterons tout d’abord des éléments d’éclairages concernant la<br />

conception définitionnelle des usages, notamment en tentant d’aller au-delà d’une approche<br />

réceptive. Ce regard constructiviste côté producteur nous permettra d’aborder sous l’angle de<br />

l’appropriation, les pratiques discursives. Ceci nous conduira dans un troisième temps, à<br />

passer des choix à l’action et ainsi à envisager l’usager comme acteur de sa condition.<br />

57 Notons que les termes « usages des médias » n’est pas un mot-clef de la base de données du site<br />

http://www.sudoc.abes.fr, alors que des termes liés à l’aspect social du média y sont incorporés.<br />

50


II. Penser les usages<br />

La notion d’usage soulève de nombreuses interrogations, tout comme cela l’est<br />

concernant les médias, des points qui sont laissés dans l’ombre. Comment questionner ce<br />

terme ? Quel positionnement envisageons-nous adopter pour penser la notion d’usage ?<br />

L’usage ne concerne-t-il que le domaine des études en réception ? L’usage n’est-il pas un<br />

concept opératoire qui permet de mettre en lumière toute pratique productive ?<br />

1. La notion d’usage cantonnée<br />

aux études en réception ?<br />

L’évolution de la pensée communicationnelle, au regard des axiomatiques de<br />

recherche, indique un intérêt grandissant pour les études concernant les usages. En effet, les<br />

interrogations sur les usages en réception (notamment à travers les recherches des Cultural<br />

Studies, « Uses and gratification ») connaissent une effervescence dans les recherches en<br />

sciences de la communication. Elles se sont construites en opposition à une axiomatique de<br />

l’influence. Pourtant les études en réception reproduisent les travers qu’elles dénonçaient<br />

auparavant, qui était la prépondérance conférée à l’action de l’entité (émettrice), et ainsi la<br />

prééminence qui lui est accordée dans la relation communicationnelle. En s’intéressant de<br />

plus prêt à la notion d’usage, on a constaté que celle-ci était réservée, si ce n’est<br />

exclusivement, disons dans 99,9 % des cas, à l’étude des processus en réception.<br />

Les études concernant les processus de réception sont en vogue. Et leur<br />

importance dans le champ de la recherche détourne le regard d’une pratique productive.<br />

Il semble pourtant que l’usager peut être défini, du fait qu’il emploie un outil<br />

ou technique, qui n’est pas de sa propre création, mais dont il apporte une nouvelle<br />

production, par ses représentations et ses actions. Que l’on se place du point de vue du<br />

« récepteur » ou bien de celui de « l’émetteur », tels que conventionnellement désignés, ils<br />

sont tous deux, producteurs, ainsi créateurs de richesse, et surtout d’une valeur ajoutée. La<br />

dichotomie producteur / usager doit alors s’estomper.<br />

On suggère pour notre part, qu’il peut être pertinent d’employer la notion<br />

d’usage lorsque l’on s’intéresse aux phénomènes qui gouvernent les productions. En affirmant<br />

cela, on ne s’inscrit pas nécessairement à l’encontre de ceux qui pensent les usages dans leur<br />

dimension unique de réception, mais on propose d’en élargir les accès.<br />

51


Sans amalgamer les propos, puisque a priori ils concernent deux entités qui ont<br />

un travail cognitif différent d’émission ou de réception, ainsi qu’il l’est couramment<br />

appréhendé dans les sciences de l’information et de la communication, il s’agira d’examiner<br />

les possibilités interprétatives que confère la dimension productive de l’activité médiatique.<br />

Les paragraphes qui suivent feront bien souvent appel à ces études, dites,<br />

d’usages en réception. Ceci, non nécessairement pour critiquer ou remettre en question les<br />

propos envisagés, mais pour leur conférer de nouvelles possibilités interprétatives au regard<br />

de notre sujet.<br />

2. Eclairages définitionnels<br />

a. Sur la notion d’usage<br />

a.1. Définition<br />

« L’usage est une activité sociale, l’art de faire, la manière de faire. C’est une<br />

activité que l’ancienneté ou la fréquence rend normale, courante dans une société donnée mais<br />

elle n’a pas force de loi, à la différence des mœurs, des rites, des « us et coutumes »,<br />

habitudes de vie auxquelles la plupart des membres d’un groupe social se conforment. » 58<br />

Nombreux termes et notions employés ici sont sources de questionnements.<br />

Tantôt action, pratique,… dans quelles mesures les usages sont-ils relatifs à des<br />

régularités et interdits propres à des groupes sociaux ?<br />

a.2. Du qualitatif ?<br />

Ainsi que l’a fait remarquer Isabelle Dumez 59 , les données quantitatives sont,<br />

même si très décriées par ailleurs, essentielles afin d’apporter des résultats reposant sur un<br />

groupe d’expérimentation. Elles autorisent la modélisation et permettent d’écarter le<br />

relativisme qui vient souvent qualifier les études des usages. Pourtant, rester dans le<br />

quantitatif ne permettrait pas d’étudier les usages. En effet, « la méthode qualitative ne peut<br />

pas être ignorée : entre les phénomènes, il existe des relations autres que mesurables. […]<br />

Une étude quantitative cherche une explication objective grâce à des descriptions statistiques<br />

alors qu’une étude qualitative cherche à comprendre un événement, un comportement, en<br />

partant de la perspective de l’acteur. Cela induit l’utilisation d’instruments structurés et<br />

standardisés et d’un échantillonnage statistique pour une étude quantitative, et l’utilisation<br />

58 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 19.<br />

59 Lors du séminaire du CREDAM le 28 février <strong>2006</strong>, Isabelle Dumez a présenté ses travaux de thèse concernant<br />

les Imaginaires des usages du réseau Internet. Les modes d’appropriation enfantine du média.<br />

52


qualitative. » 60 Il faut indubitablement, avoir conscience que les résultats qualitatifs vont être<br />

d’instruments moins structurés et d’un échantillonnage non-probabiliste pour une étude<br />

discutés. Malgré cela, l’usage ne peut se réduire à un simple nombre d’utilisations de l’objet.<br />

Il s’agit, nous concernant, d’apporter des éléments d’éclairage relatifs à des<br />

pratiques et des comportements.<br />

Nous suivons la proposition d’analyse que « de Certeau désigne sous le terme<br />

de « poiétique » (créer, inventer, générer) et qui se donne pour ambition de dépasser les<br />

tableaux statistiques sur la circulation ou la diffusion des marchandises culturelles pour des<br />

études plus qualitatives, souvent ethnologiques, qui s’attachent à la compréhension des<br />

opérations auxquelles procèdent les utilisateurs. » 61<br />

a.3. Usages et représentations d’usages<br />

Etudier les usages suggèrent de considérer une distinction fondamentale : les<br />

usages effectifs ou comportements et les représentations d’usages.<br />

« L’étude des modes matériels d’inscription ou de manifestation des signifiants s’accompagne<br />

de celle des représentations des médias, qu’à un moment donné du temps se donnent les<br />

diverses catégories d’acteurs, producteur ou consommateurs. » 62<br />

b. Sur la notion d’usager<br />

Développer des recherches sur l’usager, suggère de le considérer comme<br />

acteur.<br />

Ainsi que le notent Eliséo Véron et Martine Levasseur, l’usager des médias<br />

« ne se réduit pas à ce qu’il fait, et ce qu’il fait ne se réduit pas à ce qu’on en voit. » 63<br />

« Réhabiliter l’acteur, c’est avant tout rendre compte de ses compétences (au<br />

sens chomskyen de capacités formelles) à traiter le monde qui l’entoure. Mais ces<br />

compétences doivent être distinguées selon les rationalités qu’elles mettent en œuvre […]<br />

L’usager peut être « déconstruit » selon ces compétences en quatre « états » :<br />

60 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 86.<br />

61 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages,<br />

« Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias et<br />

nouvelles technologies, 1994, p. 25.<br />

62 LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, « Des médias »,<br />

p. 40.<br />

63 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 16.<br />

53


- il est récepteur lorsque dans le message il traite une représentation à travers la médiation<br />

du langage,<br />

- il est utilisateur (ou exploitant) lorsque, dans l’ouvrage, il traite son activité à travers la<br />

médiation de la technique,<br />

- il est usager (au sens strict cette fois) lorsque dans l’usage, il traite son appartenance à<br />

travers la médiation de la société,<br />

- il est consommateur ou électeur, lorsque dans le suffrage, il traite son désir à travers la<br />

médiation de la norme. » 64<br />

Toutes les notions évoquées ici par Dominique Boullier, excepté la première<br />

entendue au sens de récepteur, permettent d’apporter des détails sur l’objet de notre regard.<br />

Les « états » proposés rejoignent notre proposition d’appréhender les usages dans leurs<br />

dimensions sociales, d’appartenance identitaire, etc.<br />

Notons au passage que la médiation est au cœur de tout usage.<br />

Il est intéressant de constater que la définition de l’usage proposée est relative à<br />

la fonction occupée par l’usager. Les propos de Serges Proulx apportent une dimension<br />

supplémentaire pour concevoir l’activité de l’usager :<br />

« 1. l’usager est un « consommateur » de médias et de messages dont les comportements sont<br />

régis en vertu d’un principe marchand ;<br />

2. envisagé comme « émetteur » d’une opinion individuelle – par exemple à travers<br />

l’administration des sondages –, l’usager est pris en compte par le principe de construction de<br />

l’opinion publique et de la renommée ;<br />

3. considéré en tant que « personne » présente dans un « foyer », l’usager occupe le devant de<br />

la scène domestique ;<br />

4. finalement, l’usager peut être aussi défini comme « citoyen » présent dans la société civile<br />

et régie selon un principe civique de représentation du plus grand nombre. » 65<br />

« Sous le nouveau paradigme, une étude orientée-usager va s’intéresser à la<br />

façon dont un usager :<br />

- étudie seul ou avec l’aide d’un intermédiaire, humain ou machine, ses besoins<br />

d’information ;<br />

- entre en contact avec un système d’information ;<br />

64 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages,<br />

« Construire le téléspectateur : récepteur, consommateur ou citoyen ? », BOULLIER Dominique, Editions<br />

Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 64.<br />

65 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages,<br />

« Les différentes problématiques de l’usage et de l’usager », PROULX Serge, Editions Apogée, collection<br />

Médias et nouvelles technologies, 1994, p. 150.<br />

54


- construit du sens à partir de l’information qu’il a obtenue. » 66<br />

Dans tous les cas de figure, l’usager agit, produit et construit. Les différentes<br />

perspectives envisagées dans ce paragraphe apportent des informations précieuses quant à la<br />

manière de considérer l’usager en tant qu’acteur.<br />

III. De l’appropriation<br />

1. De la teckné<br />

L’usage est empli de technique, en référence au terme de teckné dans son<br />

étymologie grecque, et non aux acceptions plus modernes qui attraient au fonctionnement des<br />

machines et à leurs technologies. L’usage est compris ici comme art d’utiliser, de pratiquer et<br />

de savoir-faire.<br />

En parlant de technique, au sens d’art d’utiliser, on s’écarte de la dichotomie<br />

technique versus société, ingénieurs versus usagers. La technique aurait un aspect<br />

fonctionnement et un aspect usage, qu’il faudrait distinguer.<br />

Ainsi, toute activité supposerait « un cadre de référence sociotechnique,<br />

autrement dit dans un cadre qui nous permet de comprendre les phénomènes auxquels nous<br />

assistons et d’organiser nos propres actions […]. Le cadre de fonctionnement « définit un<br />

ensemble de savoirs et de savoir-faire qui sont mobilisés ou mobilisables dans l’activité<br />

technique » 67 […] Le cadre d’usage, comme son nom l’indique, est celui de l’activité<br />

effective de l’usager et correspond à la manière dont on se sert dans la réalité sociale de<br />

l’objet technique lui-même. » 68<br />

Faire usage, n’est pas qu’une activité productive. C’est aussi un art de faire<br />

selon les circonstances auxquelles l’acteur fait face. Comment l’acteur s’approprie-t-il non<br />

seulement un objet, mais aussi la situation circonstancielle et structurelle ?<br />

2. De l’appropriation<br />

à la pratique discursive<br />

Un média donne lieu à des modes d’appropriation d’une grande diversité.<br />

66 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004. p. 16.<br />

67 FLICHY Patrice, L’innovation technique, p. 124, cité dans RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème<br />

édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 191.<br />

68 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 192.<br />

55


L’usager n’est pas uniquement confronté à une situation, il se l’approprie. Il<br />

n’en est pas seulement acteur, il en est aussi producteur.<br />

Derrière l’appropriation et la production, il y a des facteurs d’âges,<br />

d’appartenance sexuelle, de lieu d’accès, de degré d’usage, de conditions d’accompagnement,<br />

etc. qui conditionnent l’usage. Les machines à communiquer intègrent les pratiques humaines<br />

et inversement les pratiques humaines intègrent ces dernières mais aussi ces facteurs.<br />

« Les pratiques et les « affections » étant articulées par un langage et par des<br />

médiations symboliques, ce sont aussi ceux-ci qui sont ainsi incorporés à l’individualité des<br />

objets. C’est aussi de cette façon qu’ils acquièrent leur analysabilité et leur descriptibilité dans<br />

et pour une communauté de langage et de pratiques. » 69<br />

L’usager s’approprie et adapte les outils à l’action qu’il envisage en rapport<br />

avec son environnement. Ces phénomènes d’appropriation sont au cœur de la communication,<br />

mais aussi du lien social.<br />

Articuler diverses techniques conduit à s’approprier et se constituer des points<br />

de repères, avec une pratique énonciative unique liée à chaque usage.<br />

Subtiles, les pratiques quotidiennes, les manières de faire, développent des<br />

ruses.<br />

IV. L’usager comme acteur<br />

1. De la participation citoyenne<br />

La participation médiatique relève d’enjeux de pouvoirs, qui participent au<br />

conditionnement des relations. Inversement les relations orientent les participations<br />

médiatiques. Cette participation qui relève tant du médiatique que du social, va de paire avec<br />

une ambition de transmettre certaines visions, de forger des représentations, des symboliques.<br />

L’échange est au coeur des rapports communicationnels. Echanger, faire usage,<br />

c’est participer en tant qu’acteur. A travers l’usage des médias l’acteur négocie sa<br />

participation. Ainsi pour André Vitalis, l’usager doit être considéré comme citoyen, du fait<br />

69 QUERE Louis, « Espace public et communication : remarques sur l’hybridation des machines et des valeurs »,<br />

dans CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à<br />

communiquer, Editions Descartes, Paris, 1992, p.37.<br />

56


de l’offre… » 70 « Elle [la citoyenneté, ndlr] désigne des comportements d’implication plus que<br />

que celui-ci n’est pas dans une « totale extériorité par rapport aux conditions et aux modalités<br />

de conformisme, de réassurance et de reconnaissance mutuelle plus que de revendication ;<br />

portant sur des problèmes quotidiens, l’engagement personnel y apparaît comme la condition<br />

d’une identité personnelle et d’une solidarité collective qui sont à construire dans l’ordinaire<br />

des relations et des rencontres. » 71<br />

C’est en tant qu’acteurs sociaux de la scène, producteurs des conditions et des<br />

modalités, que les rappeurs font émerger la constitution d’un lien social et d’un espace public.<br />

2. Des choix rationnels (in)conscients<br />

Certes faire usage participe du jeu, mais cela ne revient pas à en être maître.<br />

Pourtant l’usage n’est pas totalement inscrit dans l’outil lui-même. Un outil qu’il soit<br />

médiatique ou autre n’engendre pas un unique mode opératoire.<br />

Notre étude est portée par l’usage, l’appropriation d’outils, de médiations. Le<br />

choix d’un mot par exemple, même s’il relève parfois de l’inconscient, est porteur de<br />

significations sur les intentions d’actions, les perceptions, les jugements de valeurs.<br />

Le champ de vision d’une entité est restreint et ne peut prendre en compte un<br />

niveau exhaustif de l’information. Le fait que la possibilité de recueillir des informations ne<br />

soit pas maximale, ne signifie pas d’une part, qu’un optimum ne peut pas être atteint et<br />

d’autre part que l’on ne puisse pas parler de rationalité.<br />

Le terme de rationalité reconnaît la possibilité à l’individu de faire des choix, et<br />

non de tout prévoir. En tant qu’usager, acteur et producteur, il dispose d’une marge de liberté<br />

qu’il exerce dans l’usage, qui s’exprime dans le choix. Ce constat relevant de la pratique<br />

apporte une optique théorique particulière.<br />

En étudiant les usages et les stratégies il ne s’agit pas de donner toutes<br />

capacités d’autonomie de choix à l’usager, ni d’imposer un quelconque déterminisme par la<br />

nature et la fonction de l’outil. Cette démarche constructiviste permet d’envisager le terme de<br />

rationnel dans son aspect calculateur, d’un ratio, d’un rapport. Le travail inférentiel ainsi<br />

considéré permet de prendre en compte l’action non seulement cognitive, mais aussi sociale et<br />

70 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages,<br />

« La part de citoyenneté dans les usages », VITALIS André, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles<br />

technologies, 1994, p. 41.<br />

71 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « Espace<br />

public, espace privé : le rôle de la médiation technique », CHAMBAT Pierre, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 95.<br />

57


identitaire. L’activité calculatrice gouverne les interactions, c’est en celle-là que s’expriment<br />

les choix.<br />

3. De la conformité ?<br />

Certains comportements ou usages sont désignés comme déviants, provenant<br />

de comportements anormaux, voire irrationnels ! Michel de Certeau, parle même de<br />

braconnage à travers la mise en oeuvre de tactiques par l’usager.<br />

Cette recherche entend considérer les usages non comme des comportements<br />

prescrits par les normes ou l’outil lui-même, mais comme une appropriation, une pratique<br />

singulière, attachée à une entité discursive, sociale et médiatique. Penser les usages, ce n’est<br />

pas les considérer comme des pratiques négatives dites de détournement ou encore de<br />

dysfonctionnement. « Ces pratiques, différentes des modes d’utilisation imposés par le<br />

produit ou enseignés sous forme de codes par des prédicateurs, des éducateurs ou des<br />

vulgarisateurs, ont une forme et un sens propre. Elles doivent être étudiées pour ellesmêmes<br />

» 72<br />

Chaque usage est unique, différent des autres, d’où découle une multiplicité et<br />

une variété d’usages. Pourtant, n’y aurait-il pas une intériorisation de routines voire une<br />

routinisation des usages ?<br />

En effet, une certaine régularité et récurrence émergent des usages. Il y aurait<br />

des préconisations ou prescriptions (ou encore conventions) d’usages, relatives à la<br />

communauté hip-hop et rap, à la communauté médiatique, etc. Dans quelle mesure est-il plus<br />

attractif de les suivre, ou bien de s’en écarter ? Face à quelles communautés choisit-on de se<br />

distinguer ?<br />

S’il y a une circonscription des usages, il s’agit alors de s’interroger quant aux<br />

recours employés. Ainsi, en questionnant les références et les appartenances normatives, on<br />

s’écarte du dilemme de la conformité ou de la déviance. On peut ainsi y voir la constitution de<br />

pratiques plus ou moins institutionnalisées et traditionnelles qui entrent dans un rapport<br />

consensuel ou non.<br />

4. Des logiques d’usages<br />

72 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages,<br />

« Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias et<br />

nouvelles technologies, 1994, p. 25.<br />

58


« L’acculturation des techniques, leur apprivoisement repose sur la<br />

construction d’une logique de l’usage (Perriault, 1989) qui se fonde sur une généalogie de<br />

techniques et de pratiques antérieures. » 73<br />

« Elle [la cristallisation, ndlr] se repère par l’émergence et la reproduction<br />

d’utilisations constantes et récurrentes intégrées dans la quotidienneté. Ce sont ces dernières<br />

qui constituent les usages. » 74<br />

Parler de fondements des pratiques voire de cristallisation, laisserait penser que<br />

les usages s’envisagent dans leur dimension non mouvante. Malgré cela parler de logique<br />

d’usages ne signifie pas qu’elles soient définies de manière stable et qu’elles soient non<br />

versatiles.<br />

Dans quelle mesure, les « usages, pratiques multiformes et fragmentaires,<br />

obéissent à des logiques » 75 ? Quelles sont ces régularités dans les productions et usages<br />

médiatiques ? Y en auraient-ils qui constitueraient des contraintes, soit une « grammaire<br />

discursive » 76 ? Répondent-elles à des lois ? Comment les mesurer ? Est-il possible de prévoir<br />

le comportement moyen d’un ensemble d’individus ? Et ceci, avec quelle précision ? La durée<br />

de l’observation et le nombre d’individus seraient-ils des facteurs qui permettraient<br />

d’accroître les précisions ? Combien de temps d’observation faudrait-il pour prétendre<br />

appréhender le processus de formation des usages ?<br />

Notre étude ne prétend pas à la mesure. Elle vise à rendre compte et faire état<br />

d’actions, qui s’inscrivent dans une multitude de données contextuelles. Plus que d’apporter<br />

des éléments de réponse, ce sont des éléments d’interrogations qu’il est important de soulever<br />

dans un premier temps lorsque l’on suggère étudier les usages.<br />

L’approche socio-politique des usages « consiste à considérer que l’utilisation<br />

des technologies dans une société se situe au croisement de quatre logiques. D’une part, une<br />

logique technique et une logique sociale qu’il est possible d’articuler en recourant au concept<br />

de configuration socio-technique. D’autre part, une logique d’offre et une logique d’usage<br />

dont l’interaction complexe peut notamment – mais non exclusivement – être approchée par<br />

une analyse en termes de représentation.<br />

73 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 28.<br />

74 Texte extrait de l’article écrit par J.-G. Lacroix, B. Miège, P. Moeglin, P. Pajon, G. Tremblay sur « La<br />

convergence des télécommunications et de l’audiovisuel : un renouvellement de perspective s’impose », dans<br />

Technologies de l’information et société, vol. 5, 1, 1992, p. 94-95, cité dans LE COADIC, Yves F., Usages et<br />

usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 44.<br />

75 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 57.<br />

76 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 32.<br />

59


En croisant ces quatre logiques, il est possible de spécifier les rapports d’usage spécifiques à<br />

un système technologique donné, ces rapports d’usage définissant à la fois un rapport à l’objet<br />

technique et un rapport social entre les différents acteurs. » 77<br />

L’usage au croisement de quatre logiques<br />

Logique<br />

d'utilisation<br />

Logique Rapport d'usage Logique<br />

technique (objet / contexte) sociale<br />

Logique<br />

d'offre<br />

Ce schéma et ces représentations mentales apportent des éclairages quant à la<br />

manière d’appréhender les logiques qui gouverneraient les usages.<br />

Pourtant, il est difficile, de voir émerger une dimension particulière de l’usage<br />

des technologies, si l’on ne dispose pas du background des valeurs, symboliques et<br />

représentations d’usages, qui diffèrent de l’usage lui-même, tout en lui étant<br />

incontestablement liés. « Qu’il s’agisse d’outils ou de lieux matériels, leur appropriation met<br />

en œuvre des pratiques culturelles … » 78 , que nous reprendrons et approfondirons au chapitre<br />

concernant les stratégies identitaires.<br />

S’interroger sur les usages ce n’est pas seulement mesurer l’activité, mais<br />

observer dans quel cadre représentationnel et situationnel elle s’insère, comment et dans quel<br />

rapport interactionnel l’activité médiatique rebondit aux éléments contextuels.<br />

5. Des modalités d’usages des médias<br />

77 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des usages,<br />

« Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias et<br />

nouvelles technologies, 1994, p. 28-29.<br />

78 LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS, Armand Colin, 2004, p. 32.<br />

60


Dans quelle mesure est-il possible d’identifier des profils de pratiques ? Est-il<br />

pertinent de les considérer comme caractéristiques de certains groupes ?<br />

Certes parler d’appropriation et de ses modalités revient à inscrire l’usage dans<br />

une continuité et une succession. Ce qui conduit à considérer les usages dans leur consistance<br />

et leur constitution en pratiques.<br />

Pourtant, l’usage s’inscrit dans une situation, un mi-lieu propre à l’interaction<br />

présente.<br />

L’usage d’un mi-lieu<br />

Ce schéma réalisé par nous-même ne fait pas émerger une typologie des<br />

médias, ni des usages. Il ne confère pas la possibilité de classer un média dans une<br />

catégorisation précise, ni de produire une classification de profils de groupes. D’ailleurs,<br />

produire une taxinomie ne nous conduirait pas nécessairement à la compréhension des<br />

phénomènes médiatiques et identitaires.<br />

En revanche, ce schéma offre la possibilité de situer un « média », par<br />

exemple, l’affichage, dans chacune des parcelles proposées. Ce schéma permet de qualifier un<br />

objet, un outil par son usage. Et non par des propriétés qui lui auraient été assignées comme<br />

intrinsèques.<br />

Il est nécessaire, afin de pouvoir classer l’usage d’un média dans ce schéma de disposer du<br />

background symbolique…<br />

61


En effet, le terme d’espace est employé ici, comme lieu pratiqué. Cela sousentend<br />

qu’il est investit de valeurs relatives à des communautés, des territoires et surtout<br />

intimement liées à l’acteur qui en fait usage.<br />

Au sujet des termes employés, nous tenons à faire remarquer que nous<br />

n’envisageons pas street et institution, social et intime de manière polarisée, mais plutôt de<br />

manière graduée, susceptible ainsi de pouvoir apporter des nuances. En effet, la rue peut être<br />

pensée comme une institution.<br />

On retrouve au sein de notre schéma, à travers la distinction social et intime,<br />

une conception similaire à celle avancée en théorie de l’information et de la communication<br />

entre communication interpersonnelle et communication institutionnalisée.<br />

Ces quelques remarques nous permettent de constater un passage de la<br />

représentation des imaginaires des usages à l’action elle-même..<br />

6. De la représentation à l’action<br />

Deux aspects émergent de ces recherches : l’aspect pratique lié aux<br />

représentations et l’aspect pratique lié à l’action. D’une part, il s’agit d’interroger le praticien<br />

acteur, au cœur de logiques multiples. D’autre part, c’est le praticien au cœur de logiques<br />

communicationnelles et médiatiques que nous questionnons afin d’appréhender les choix, les<br />

orientations de l’action inscrites dans des situations avec des enjeux singuliers.<br />

Considérer les médias, c’est se donner un domaine d’observation sur lequel<br />

porte l’appropriation. Etudier les usages, c’est prendre en compte les appropriations des<br />

usagers, penseurs, mais aussi acteurs et producteurs.<br />

Il s’agit de s’interroger sur ce que les organisations font des médias et non sur<br />

ce que les médias, détermineraient des usages des organisations. C’est de ces contraintes qu’il<br />

s’agit de se jouer.<br />

* * *<br />

Nous retournons l’interrogation usuelle, en faisant le choix d’écarter la<br />

dimension de l’usage de la réception. Ainsi nous nous dégageons d’une problématique qui<br />

considère l’usager comme consommateur.<br />

Notre propos ainsi formulé, forge une dichotomie, non seulement conceptuelle,<br />

mais aussi pratique, concernant l’aspect déterministe et constructiviste. Nous faisons le choix<br />

62


de nous écarter d’une vision normative des usages en tentant d’observer les choses sous un<br />

autre angle de perspective.<br />

Considérer les usages des médias, c’est prendre en compte les stratégies<br />

d’appropriation de l’acteur, et ceci de façon solidaire avec un ensemble de représentations et<br />

d’institutions.<br />

L’exemple qui va suivre est quelque peu éloigné, mais illustre bien nos propos.<br />

Un adage cité par Jacques Gonnet dit : « Pour apprendre le latin à Jean, il faut connaître le<br />

latin, et il faut connaître Jean ». Autrement dit pas de technique (linguistique ou autre) sans<br />

usages humains. On aura beau passer des années à apprendre à connaître le latin, si l’on ne<br />

cherche pas à apprendre à connaître Jean, tout espoir de lui apprendre le latin est dépourvu.<br />

Disons qu’il en est de même pour les études concernant les médias. Observer les médias, en<br />

eux-mêmes, ne peut porter de fruits, si l’on n’observe pas le geste, et ceci de manière<br />

interdépendante, pour pouvoir enfin prétendre atteindre une connaissance tangible. En fait, ce<br />

n’est pas une préconisation de regard à porter, mais un constat. On ne peut étudier les médias<br />

en dehors de toute pratique.<br />

Pour résumer et conclure ce chapitre nous citerons les propos de Rémy Rieffel<br />

qui propose d’envisager le rapport usages et médias « sur les bases d’un ensemble de savoirs,<br />

de savoir-faire, de représentations, qui structure les interactions que chacun d’entre nous<br />

développe avec les objets techniques et avec les autres personnes ; qui organise nos actions,<br />

nos doutes, nos interprétations. » 79<br />

79 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 192.<br />

63


« Mais l’essentiel pour la construction de l’usage se<br />

joue en amont, du côté de l’offre, du côté des stratégies<br />

des promoteurs des cartes »<br />

CHAMBAT Pierre (sous la direction de),<br />

Communication et lien social. Usages des machines à<br />

communiquer, Editions Descartes, Paris, 1992,<br />

« Communiquer, relier », CHAMBAT Pierre, p. 24.<br />

L<br />

a prééminence des significations secondaires liées aux usages des<br />

médias nous conduit à questionner ces significations. Les choix et<br />

intentions « cachés » laissent interrogatifs sur la mise en œuvre de leurs plans d’actions.<br />

I. Propos préliminaires<br />

1. Position discutée<br />

Les usages sont hautement stratégiques. Les lieux de la construction de<br />

stratégies médiatiques trouvent en partie leurs fondements dans l’usage des médias. C’est<br />

donc à travers leur observation que nous pourrons déduire des éléments de leurs stratégies.<br />

2. Hypothèse<br />

Le concept de stratégies peut être envisagé comme concept opératoire, pour<br />

rendre compte comment, dans un système de contraintes, l’acteur dispose d’une marge de<br />

manœuvre. Couleurs, formats, supports, cadres, lieux, espaces, … tout cela est pensé avant<br />

d’être mis en œuvre et « constitue un savoir intuitif, implicite, incarné dans une pratique<br />

complexe et qui commence à peine à être étudiée. » 80 Telle est notre ambition.<br />

3. Méthodologie<br />

80 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 35.<br />

65


Après le recueil, la constitution du corpus et son observation, nous analyserons<br />

et explorerons les principes d’intelligibilité des stratégies d’usages, ou usages stratégiques.<br />

En effet, quels sont les choix opérés dans le système de contraintes<br />

environnant ? Comment construisent-ils la relation communicationnelle ? Sur quoi s’appuient<br />

ces stratégies ? A partir de quels éléments peut-on les identifier ? Et au-delà, quelles sont les<br />

stratégies mises en œuvre à travers l’usage des médias ?<br />

Nous ne cherchons pas à codifier les usages et stratégies médiatiques, mais à<br />

les identifier, leur donner sens et si possible comprendre le moteur et l’énergie qui leur<br />

donnent naissance.<br />

Les trois dimensions de ces recherches s’articulent autour de l’analyse de la<br />

tâche ou l’action, l’analyse de l’usager et l’analyse de l’environnement dans lequel l’ensemble<br />

opère. Mettre l’usager au cœur du dispositif, c’est prendre en compte, son statut, son<br />

environnement, son point de vue, etc.<br />

Pour cela nous procéderons par observation participante, ainsi qu’entretiens<br />

non formels, non directifs. « En définitive, la détermination complète de la nature d’une<br />

stratégie doit reposer, à terme, sur une « batterie » d’observation comprenant à la fois le<br />

parcours observé et l’analyse du discours » 81 Ainsi nous analyserons notre corpus non dans<br />

son unité mais dans les possibilités combinatoires offertes et mises en œuvre.<br />

4. Plan<br />

Les deux premiers chapitres avaient pour objectif de présenter la démarche<br />

théorique et intellectuelle de cette recherche. Les deux suivants développent la démarche<br />

analytique, conduisant à l’émergence de résultats et d’éléments interprétatifs. Ce chapitre<br />

concerne les stratégies médiatiques, le prochain les stratégies identitaires.<br />

Dans un premier temps nous apporterons des éléments d’éclairage et<br />

revisiterons la notion de stratégie. Cela fait nous aborderons alors notre étude de cas, la sortie<br />

de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? » dans les détails de son plan médiats. Nous verrons alors<br />

les évènements, lieux médiats de significations et plans d’actions qui s’organisent autour de<br />

ce projet. Une troisième partie abordera les éléments clefs pour comprendre et interpréter les<br />

stratégies du plan médiats autour de la sortie de l’album de Sefyu. L’explicitation de ces<br />

éléments clefs permettra de déceler et comprendre les stratégies qui constituent un autre<br />

versant des usages des médias.<br />

81 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 130.<br />

66


II. Les stratégies au cœur de<br />

l’usage des médias … l’usage des<br />

médias au cœur des stratégies<br />

1. éclairage définitionnel sur le concept<br />

de stratégies médiatiques<br />

Certains – nous faisons ici notamment allusion à Michel de Certeau –,<br />

envisagent l’usage comme relevant de la tactique. La tactique serait celle adoptée par l’entité<br />

réceptrice, comme pour déjouer et braconner les stratégies de l’entité productrice.<br />

La présente recherche considère l’usage comme appropriation effective. Qui se<br />

joue non d’une entité productrice, mais d’un ensemble de contraintes auxquelles il faut, pour<br />

participer au jeu, envisager des stratégies.<br />

Quelle nuance, faut-il apporter aux termes de « stratégie » et de « tactique » ?<br />

D’après le Petit Larousse, une tactique est « l’art de diriger une bataille en<br />

combinant par la manœuvre l’action des différents moyens de combat et les effets des<br />

armes ». Et surtout dans sa seconde acception qui nous permettra de mieux cerner la<br />

distinction, la tactique est un « ensemble de moyens habiles employés pour obtenir le résultat<br />

voulu », que nous serions tentés de nommer stratégie, et que le Petit Larousse indique<br />

d’ailleurs comme terme synonyme de ce second sens.<br />

Ainsi la stratégie serait un objectif général, qui peut être mis en forme par le<br />

moyen de plusieurs tactiques. Ou du moins, il y aurait plusieurs chemins pour atteindre un<br />

objectif.<br />

La stratégie c’est l’ « art de coordonner des actions, de manœuvrer habilement<br />

pour atteindre un but » 82 . C’est ainsi que nous envisagerons les stratégies médiatiques, non<br />

dans leur unité, mais dans leur combinaison des lieux de significations.<br />

Les définitions évoquées renvoient par certains aspects à un concept militaire ou encore à un<br />

concept rhétorique.<br />

Développer des stratégies, c’est savoir faire usage de manière circonstanciée,<br />

être calculateur et pragmatique.<br />

82 Le Petit Larousse.<br />

67


2. Des choix stratégiques<br />

Dans tout usage règne une part de choix. Bien que toutes les causes d’une<br />

action ne soient pas contenues dans une seule intentionnalité, la part de choix est primordiale.<br />

Les choix rationnels (in)conscient auxquels nous avons fait référence précédemment pour<br />

parler de calculs inférentiels sont à envisager sur un plan stratégique. « Chaque usager évalue<br />

l’utilité du réseau en fonction des externalités qu’il peut en attendre. … » 83<br />

En reprenant les propos d’Eliséo Véron, nous appréhendons l’usage des médias<br />

« comme une succession de choix effectués dans un certain nombre de nœuds décisionnels,<br />

cette succession de choix représentant la stratégie du visiteur et donc la nature de sa<br />

« négociation » vis-à-vis du média. » 84<br />

« Parler de stratégies revient à souligner que deux visiteurs qui déploient deux<br />

stratégies différentes, vont valoriser différemment, en arrivant au même nœud, les directions<br />

qui leur sont proposées. » 85<br />

Le rap ou d’autres genres de musiques disposent d’orientations propres quant<br />

aux lieux de manifestation médiatiques. Etudier les stratégies suppose de prendre en compte<br />

ces nœuds décisionnels.<br />

Un véritable choix stratégique se pose lorsqu’il s’agit d’utiliser les médias. Ce<br />

choix se réalise dans un ensemble contextuel et situationnel.<br />

3. Revisiter la notion de stratégie<br />

Il convient d’appréhender les usages et médias comme imbriqués, d’où émerge<br />

notre réflexion de penser l’usage des médias dans une optique systémique, à même de pouvoir<br />

questionner et rendre compte des stratégies d’usages.<br />

En effet, « La réflexion en termes de stratégie oblige à chercher dans le<br />

contexte organisationnel la rationalité de l’acteur et à comprendre le construit organisationnel<br />

dans le vécu des acteurs. » 86<br />

« Une situation organisationnelle donnée ne contraint jamais totalement un<br />

acteur. Celui-ci garde toujours une marge de liberté et de négociation. Grâce à cette marge de<br />

83 MUSSO Pierre et RALLET Alain (sous la direction de), Stratégies de communication et territoires,<br />

L’Harmattan, 1995, p. 272.<br />

84 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 60.<br />

85 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 67.<br />

86 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, les contraintes de l’action collective,<br />

Editions du Seuil, 1977, p. 57.<br />

68


liberté (qui signifie source d’incertitude pour ses partenaires comme pour l’organisation dans<br />

son ensemble), chaque acteur dispose ainsi de pouvoir sur les autres acteurs, pouvoir qui sera<br />

d’autant plus grand que la source d’incertitude qu’il contrôle sera pertinente pour ceux-ci,<br />

c’est-à-dire les affectera de façon plus substantielle dans leurs capacités propres de jouer et de<br />

poursuivre leurs stratégies. Et son comportement pourra et devra s’analyser comme<br />

l’expression d’une stratégie rationnelle visant à utiliser son pouvoir au mieux pour accroître<br />

ses « gains », à travers sa participation à l’organisation. » 87<br />

Les stratégies ne sont pas qu’un simple produit de la rencontre entre un outil et<br />

un geste, elles sont également source de constitution d’imaginaires, de représentations et<br />

d’identités. Des stratégies médiatiques, il se développe implicitement des stratégies de mise<br />

en scène propre à chaque contexte et relatives aux situations.<br />

En effet, la spectacularisation est au cœur de toute activité de communication.<br />

Cette « préoccupation renvoie implicitement à une problématique de l’énonciation : quelle est<br />

la nature même de l’acte d’exposer, de mettre-en-exposition, et comment cet acte affect le<br />

sens de ce qui est exposé ? » 88<br />

La manière de se mettre en scène, pensée par le plan médiats est au cœur du<br />

développement de cette analyse.<br />

III. Le « plan médiaTs » 89<br />

Ce paragraphe a pour objet de présenter de manière détaillée notre corpus, outil<br />

de base de notre analyse. C’est à travers l’étude de celui-ci que nous envisagerons la<br />

déconstruction et la construction de stratégies.<br />

1. Le cas de la sortie de l’album de<br />

Sefyu « Qui suis-je ? » le 24 avril <strong>2006</strong><br />

87 CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L’acteur et le système, les contraintes de l’action collective,<br />

Editions du Seuil, 1977, p. 91-92.<br />

88 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 23.<br />

89 L’expression « plan médiats » est apparue à plusieurs occasions. Il est à présent temps d’en expliciter les<br />

termes.<br />

Le mot médiat propose d’insister sur l’action et le caractère performatif du média plutôt que de le considérer<br />

comme objet. Implicitement en parlant de plan médiats, nous suggérons un plan d’actions.<br />

69


Nous avons choisi d’étudier les stratégies d’usage des médias autour de la<br />

sortie d’un album de rap, celui du rappeur Sefyu, intitulé « Qui suis-je ? » dans les bacs<br />

depuis le 24 avril <strong>2006</strong>.<br />

Le choix de ce projet comme étude de cas vient de l’opportunité d’intégrer un<br />

label de musique indépendant, Because Music, durant un stage de six mois (du 13 mars au 12<br />

<strong>sept</strong>embre <strong>2006</strong>).<br />

Durant trois mois nous avons recueilli tout type de documents et observé les<br />

conduites et démarches relatives à ce projet.<br />

Les informations concernant d’autres projets, telle la mixtape de Sefyu<br />

« Motolov 4 » ou encore d’autres apparitions, telle la compilation « Hostile <strong>2006</strong> » (entre<br />

autres), ne font pas partie de ce corpus. Les actions et supports d’action (exemple : concert /<br />

flyer) auxquels nous ferons référence entrent dans le cadre premier du projet de la sortie de<br />

l’album de Sefyu « Qui suis-je ? » (lequel projet est lui-même une action d’un projet plus<br />

englobant, qui lui serait « premier »).<br />

Par ailleurs, le terme de sortie, ne doit pas borner le champ d’étude à un instant<br />

« t » en date du 24 avril <strong>2006</strong>. L’album possède une exploitation et une vie qui va bien audelà<br />

de sa date de sortie. La sortie d’un album se prépare. C’est, une fois l’album à disposition<br />

du grand public, que le travail commence.<br />

Les actions relatives à un même projet sont nombreuses et leurs lieux de<br />

manifestations médiatiques encore plus. Ainsi nous tenons à avertir notre lecteur, que notre<br />

recherche se limite à une période d’étude de trois mois et ne prétend pas à l’exhaustivité,<br />

seulement à un optimum.<br />

Avant de présenter à notre lecteur les actions, supports d’action et lieux<br />

médiats de significations, nous allons parcourir brièvement ce que recouvre le projet en<br />

question dans le paragraphe qui suit.<br />

2. Le projet<br />

Etudier la sortie d’un album ne se restreint pas au seul support album.<br />

En effet, il y a une mécanique musicale – ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas<br />

de projets qui se déroulent autrement –, qui fait que sortir un album, c’est aussi, sortir un<br />

single ou maxi et en faire un clip. Autrement dit nous aurions fait erreur en considérant un<br />

projet comme contenu intégralement dans un seul et unique support musical. Le maxi et le<br />

clip font partie intégrante de ce projet.<br />

70


a. L’album « Qui suis-je » 90<br />

L’album est le support musical dont découlent les autres supports évoqués.<br />

C’est sur lui que le regard de la maison de disques se pose tout particulièrement, notamment<br />

en terme de ventes.<br />

La pochette ou « l’emballage en est le « média » premier, en tous les sens du<br />

terme : « La communication de la promotion passe souvent par l’emballage. C’est le média de<br />

base de la plupart des actions promotionnelles dans la mesure où c’est celui qui communique<br />

le plus directement et le plus immédiatement… » 91<br />

Nous comprenons par-là que l’album, plus particulièrement sa pochette 92 est le<br />

premier média, lieu de significations à la disposition des publics. Et ceci avant même le<br />

support cd. La pochette dévoile des couleurs sombres, un visage caché, un lieu urbain : le<br />

métropolitain. Aucune mention textuelle sur la pochette de l’album, excepté l’insertion du<br />

logo (entre visuel et textuel) du nom de l’artiste sur un panneau publicitaire du métro. Seul<br />

l’autocollant apposé sur l’emballage de l’album 93 , contient des éléments textuels, informe sur<br />

le nom de l’artiste, le titre de l’album, ainsi que les titres phares (sortis sur support single) que<br />

les publics pourront retrouver.<br />

Les codes typographiques, chromatiques (noir et blanc) ainsi que les visuels<br />

utilisés ici se retrouveront à de nombreuses reprises.<br />

Pour le reste, nous laissons notre lecteur apprécier le contenu de l’album.<br />

b. Le maxi « La légende » 94<br />

Le maxi, sortit le 13 mars <strong>2006</strong>, précède la mise à disposition de l’album et met<br />

en avant les titres « La légende » et « La vie qui va avec ».<br />

Nous verrons au fur et à mesure de notre développement, que ces deux titres<br />

fondent la construction de stratégies, de concepts développés sur les supports qui permettent<br />

d’identifier le projet en question.<br />

c. Le clip « La vie qui va avec » 95<br />

90 Consulter ANNEXE I : Sefyu « Qui suis-je ? », l’album cd.<br />

91 BROCHAND Bernard, LENDREVIC Jacques, Le publicitor, cité dans LAVOINNE Yves, Le langage des<br />

médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, p. 26.<br />

92 Consulter ANNEXE II : Visuels de l’album cd de Sefyu « Qui suis-je ? ».<br />

93 Consulter ANNEXE III : Autocollant apposé sur l’album cd.<br />

94 Consulter ANNEXE IV : Sefyu « La légende », pochette du maxi cd.<br />

95 Consulter ANNEXE V : Sefyu « La vie qui va avec », le dvd du clip (version 1).<br />

71


Le clip « La vie qui va avec » a pour vocation initiale d’appuyer le single et<br />

ainsi la sortie de l’album.<br />

Cependant, le clip est relativement peu diffusé à la télévision. Il est programmé<br />

uniquement en soirée, dans les cases thématiques des chaînes telles M6 Music Black, MTV,<br />

MCM et Trace TV.<br />

Cinq cents exemplaires du clip ont alors été envoyés, joints avec un<br />

communiqué de presse 96 dénonçant la barrière à laquelle prennent part les institutions<br />

médiatiques, telle la télévision.<br />

Néanmoins, ainsi que nous avons tenté de l’indiquer lors du premier chapitre,<br />

les lieux de manifestation médiatiques ne se limitent pas à ces médias traditionnels. Le clip<br />

« La vie qui va avec » connaît une diffusion sur de nombreux sites internet. Le site<br />

www.booska-p.com, entre autres, enregistre plus de 100000 visionnages en moins de deux<br />

mois 97 (notons au passage que c’est le clip le plus regardé sur l’ensemble de ce site, qui est<br />

tout de même un site de référence pour les productions de rap français). Le clip connaît donc<br />

un succès auprès de certains publics, quand bien même il est peu diffusé sur le petit écran.<br />

La non-programmation tout en étant subie, est détournée en employant d’autres<br />

moyens. Les stratégies mises en oeuvre s’apparentent dans un premier temps à un mode de<br />

diffusion « alternatif ».<br />

Cependant la très faible présence sur le petit écran paraît un obstacle pour la<br />

maison de disques, qui envisage, pour maintenir les ventes de l’album de Sefyu, d’être présent<br />

à la télévision. Pour se faire, une deuxième version du clip « La vie qui va avec » est tournée à<br />

la mi-juin 98 .<br />

Nous verrons au cours de notre recherche, que les enjeux varient et que les<br />

considérations par les institutions médiatiques fondent la construction des stratégies.<br />

3. Des évènements et<br />

lieux médiats de significations<br />

La sortie de l’album de Sefyu, en tant que projet, évènement, engendre d’autres<br />

projets, tels l’organisation d’un concert gratuit à l’Elysée Montmartre le lendemain du jour de<br />

la sortie de l’album, l’émission Planète rap de Skyrock la semaine précédent la date de sortie,<br />

etc.<br />

96 Consulter ANNEXE XII : Communiqué de presse « Quand tu regardes Sefyu y’a censure qui va avec ».<br />

97 Consulter ANNEXE XXIV : Le site www.booska-p.com.<br />

98 Consulter ANNEXE VI : Sefyu « La vie qui va avec », le dvd du clip (version 2).<br />

72


Ce qui nous intéresse plus particulièrement dans l’étude de ce projet, ce sont<br />

les actions sous-jacentes telles que citées précédemment, mais aussi les plans d’action, milieux<br />

d’actions (internet, streetmarketing, etc.) et surtout les lieux médiats choisis pour<br />

signifier, tels les interviews, les t-shirts, les affiches, les spots et pages publicitaires, etc.<br />

Avant de rendre compte des actions, des mi-lieux d’action ainsi que des lieux<br />

médiats de significations par lesquels se manifestent les plans d’action autour de la sortie de<br />

l’album de Sefyu, nous allons aborder comment se construit un plan médiats.<br />

a. Construire un plan médiats<br />

Voici un schéma de notre propre conception, qui permet de visualiser la<br />

manière dont nous pensons étudier la construction du plan médiats.<br />

La construction d’un plan médiats<br />

73


Le projet est considéré comme un évènement principal, engendrant des<br />

évènements qui lui sont directement ou indirectement corrélés. L’action ou l’évènement induit<br />

des plans d’action. C’est à travers les mi-lieux, que s’organisent les plans d’action et que se<br />

manifestent des lieux médiats de significations 99 , dernière unité de sens dans notre analyse.<br />

99 Les lieux médiats de significations plus couramment nommés supports sont à envisager aussi bien dans leur<br />

nature matérielle qu’immatérielle.<br />

74


Les évènements, plans d’action, mi-lieux et lieux médiats de signification<br />

restent encore abstraits. Il nous faut à présent les identifier.<br />

b. Des mi-lieux d’actions …<br />

aux lieux médiats de significations<br />

Pour chacune des actions ou évènements cités précédemment, il est développé<br />

des plans d’action, orientés vers des mi-lieux d’action, qui eux-mêmes s’appuient sur divers<br />

supports.<br />

Nous demandons la plus grande attention de notre lecteur dans ce paragraphe.<br />

Il est nécessaire de se rendre fréquemment en annexe pour consulter les multiples documents<br />

concernant le projet.<br />

Nous exposerons dans ce paragraphe les plans d’actions en direction d’un milieu<br />

spécifique incarnés dans des lieux médiats de significations.<br />

D’une part, il y a les plans d’actions directement relatifs, à l’album, au clip ou<br />

au maxi, c’est-à-dire au projet en lui-même. D’autre part, il y a les plans d’actions relatifs aux<br />

autres évènements qui découlent du projet.<br />

Notons avant toute chose, que les premiers lieux d’identification du projet se<br />

trouvent dans les photos de l’artiste et le logo 100 .<br />

b.1. La radio et<br />

ses lieux médiats de significations<br />

De nombreuses actions sont orientées vers la radio, tant pour y créer un<br />

évènement que pour lui venir en soutient.<br />

Le premier objectif lié à la radio est le passage du titre, une place dans la<br />

playlist, évaluée au nombre de passages par jour. Toute une stratégie est développée quant au<br />

titre choisi, le moment de switcher avec un autre titre 101 . Le choix du titre se fait parfois<br />

même de connivence avec la radio.<br />

Par ailleurs il est important de faire la promotion de l’album en radio en<br />

participant à des émissions, des interviews, la diffusion instantanée de concert, en faisant<br />

gagner des albums, des places de concerts, en annonçant les dates, etc 102 .<br />

100 Consulter ANNEXE X : Logo Sefyu « Qui suis-je ? ».<br />

101 Consulter ANNEXE VII : Fiche artiste Sefyu en date du 27 juin <strong>2006</strong>.<br />

102 Nous disposons de peu de documents concernant la radio en annexe, en partie du fait de son immatérialité,<br />

mais aussi que nous n’avons pas conservé des exemplaires de la fixation sur support. La grande part des<br />

75


Une autre action importante, non seulement parce qu’elle permet fortement de<br />

faire connaître au public et ainsi de se donner de la visibilité, mais aussi parce qu’elle<br />

constitue une part du budget conséquente, est l’achat d’espace publicitaire.<br />

b.2. La presse …<br />

Les domaines relatifs au plan d’action presse papier, sont similaires à ceux que<br />

nous avons décrits concernant la radio. Interviews, articles, chroniques, édito, concours,<br />

agenda 103 , achat d’espace publicitaire 104 , etc.<br />

Un des objectifs lié à la presse est d’obtenir des couvertures de magazines<br />

concernant la presse spécialisée 105 , ou encore d’atteindre des journaux quotidiens, tels<br />

Libération, Le Monde, Le Parisien 106 , etc. L’insertion d’un cd sampler 107 , pratiqué dans la<br />

presse spécialisée est un plus pour se faire connaître et se donner de la visibilité, il en va de<br />

même pour l’encartage de sa biographie 108 .<br />

L’envoi de communiqué de presse 109 , du support musical, etc. est un passage<br />

obligatoire afin de se faire connaître de ces lieux de médiatisation.<br />

b.3. Internet …<br />

Les actions relatives au plan internet sont là encore similaires à celles présentes<br />

en radio et en presse. Interviews 110 , chroniques 111 , agendas, concours 112 , achat d’espace<br />

éléments radiophoniques et télévisés sont physiquement absents dans nos annexes, ce qui ne signifie pas pour<br />

autant qu’ils sont absents de notre corpus, et encore moins qu’ils soient inexistants dans le plans médiats.<br />

103 Consulter ANNEXE XI : Dossier de presse ; ou consulter Groove n°102, mai <strong>2006</strong>, Rap Mag n°19, juin <strong>2006</strong>,<br />

entre autres.<br />

104 Consulter ANNEXE XIV : Publicité pour le concert à l’Elysée Montmartre le 25.04.06. ; ANNEXE XV :<br />

Publicité magazine, Qui suis-je ? le 24.04.<strong>2006</strong>. ; ANNEXE XVI : Publicité magazine Sefyu, à suivre, nouveaux<br />

talents Fnac. ; ANNEXE XVII : Publicité papier, internet, Sefyu, la semaine Sky qui va avec.<br />

105 Consulter ANNEXE XI : Dossier de presse ; ou consulter Groove n°102, mai <strong>2006</strong>, Rap Mag n°19, juin <strong>2006</strong>,<br />

entre autres.<br />

106 Consulter ANNEXE XI : Dossier de presse.<br />

107 Consulter ANNEXE XIII : Cd sampler dans Groove, n°102, mai <strong>2006</strong> ; cd sampler dans Rap Mag, n°19, juin<br />

<strong>2006</strong>.<br />

108 Consulter le magazine Campus Mag du mois de juin <strong>2006</strong>.<br />

109 Consulter ANNEXE XII : Communiqué de presse « Quand tu regardes Sefyu y’a censure qui va avec ».<br />

110 Consulter ANNEXE XVIII : Interview de Sefyu, sur Skyrock.com, postée le 12.05.06.<br />

111 Consulter ANNEXE XIX : Chronique sur www.evene.fr.<br />

112<br />

Consulter ANNEXE XX : Concours 16 mesures, source sur www.lehiphop.com,<br />

http://sefyunccofficiel.skyblog.com, www.cosmichiphop.com.<br />

76


publicitaire 113 , etc. C’est aussi l’occasion d’être présent sur la homepage 114 des sites internet,<br />

des blogs 115 .<br />

Internet c’est aussi l'opportunité d’avoir un site dédié 116 , une vitrine.<br />

C’est aujourd’hui l’outil par excellence afin de faire circuler une information<br />

rapidement, autrement dit de faire du viral. A cette fin, une e-card 117 , présentant l’artiste est<br />

largement diffusée.<br />

b.4. La télévision …<br />

Le plan d’action télévision est défaillant. En effet le clip est peu programmé sur<br />

les chaînes télévisées. La réalisation d’une publicité concernant le projet n’est pas appropriée.<br />

En revanche l’achat d’espace publicitaire pour annoncer un évènement, comme le concert<br />

au Nouveau Casino par exemple, avec des spots de 20 et 30 secondes sur les chaînes Trace et<br />

MTV est prévu 118 .<br />

Dans un autre registre, l’artiste peut être invité sur des plateaux d’émissions<br />

musicales ou encore, convié à des débats, etc. Cela n’a pas été le cas. En revanche Sefyu a été<br />

sollicité pour participer à l’émission Envoyé Spécial 119 .<br />

Pour tenter d’atteindre, ces médias que sont la radio, la presse, la télévision,<br />

internet, des mailings sont envoyés 120 , joints de cd single, clip, biographie 121 , dossier de<br />

presse, voire de communiqué de presse selon les situations.<br />

b.5. La téléphonie mobile …<br />

Le plan d’action téléphonie mobile prend une place de plus en plus<br />

importante 122 . En effet, on peut aujourd’hui télécharger des musiques de l’album de Sefyu sur<br />

113 Consulter ANNEXE XXI : Achat d’espace publicitaire sur www.booska-p.com.<br />

114 Consulter ANNEXE XXII : Homepage du site www.apple.com/itunes ; ANNEXE XXIII : Homepage du site<br />

www.lehiphop.com ; ANNEXE XXI : Achat d’espace publicitaire sur www.booska-p.com.<br />

115<br />

Consulter ANNEXE XXV : Blogs sur Sefyu : http://sefyunccofficiel.skyblog.com ; http://sefyumolotov4.skyblog.com<br />

; http://sefyu150.skyblog.com.<br />

116 Consulter www.sefyu.fr ; ou ANNEXE XXVI : Homepage du site www.sefyu.fr.<br />

117<br />

Consulter ANNEXE XXVII : E-card (http://www.because.tv/public/sefyu/ecard_sefyu/) ou<br />

http://madebyjuve.free.fr/sefyu/.<br />

118 Consulter ANNEXE XXIX : Publicité télévisuelle (spot de 20’ et 30’ pour Träce TV et MTV).<br />

119 Le reportage intitulé « Les enfants du rap », auquel a participé Sefyu a été déprogrammé deux fois, et n’a à ce<br />

jour pas encore été diffusé. Diffusion annoncée pour le mois de <strong>sept</strong>embre <strong>2006</strong> … à suivre … ; consulter<br />

ANNEXE XXVIII : Présentation du programme Envoyé Spécial.<br />

120 Consulter ANNEXE LVI : Mailing dj’s et émissions spés par Urban Act.<br />

121 Consulter ANNEXE VIII : biographie de Sefyu (pour clip / maxi) ; ANNEXE IX : biographie de Sefyu (pour<br />

l’album).<br />

77


son mobile, le télécharger en tant que sonnerie. Faire un concours pour gagner des places de<br />

concert, etc. La musique se développe aujourd’hui également sur ce genre de support, qui ne<br />

sont plus à négliger 123 .<br />

b.6. La rue …<br />

Le plan d’action street 124 constitue une part essentielle en ce qui concerne le<br />

plan médiats de Sefyu, et ceux relatifs au rap de manière générale, ainsi que nous l’avons<br />

mentionné lors de notre premier chapitre 125 .<br />

Le streetmarketing utilise différents types de supports. Des supports<br />

« traditionnels », tels l’affichage 126 , les autocollants 127 , le tract 128 , adapté selon les situations,<br />

tel des cartes postales afin d’y réaliser des dédicaces 129 , les cartons d’invitation 130 . Mais aussi<br />

des supports ordinaires comme des tee-shirts 131 . Ou encore des supports originaux si ce n’est<br />

inédits, tel l’apposition du logo de l’artiste sur des boîtes de donner Kebab 132 distribuée dans<br />

les 200 plus gros points de vente de l’Ile de France.<br />

b.7. La commercialisation …<br />

Le plan d’action commercial n’est pas directement lié à ce qui est<br />

communément considéré comme activité médiatique. Pourtant il utilise lui aussi des lieux de<br />

manifestations médiatiques et surtout c’est à travers lui que le produit physique, album, single<br />

est rendu disponible aux publics.<br />

Des outils tels les argumentaires 133 , les PLV 134 ou encore les bornes d’écoute 135<br />

sont employés pour faire connaître le produit. C’est également dans cette orientation que<br />

s’organise le partenariat avec la Fnac, opération nouveaux talents 136 .<br />

122 Consulter ANNEXE 11 : « France Télécom signe avec les indépendants Believe.fr et Because Music », le 3<br />

mai <strong>2006</strong>, source http://www.francetelecom.com.<br />

123 Consulter ANNEXE 13 : « SFR et Ocean Music Mobile signent un accord de partenariat pour proposer aux<br />

abonnés de SFR une offre musicale inédite », le 20 janvier 2005, source http://www.connaitresfr.fr.<br />

124 Consulter ANNEXE XXX : Plan d’action street marketing Urban Act, pour la sortie de l’album Sefyu « Qui<br />

suis-je ? » le 24 avril <strong>2006</strong>.<br />

125 Consulter ANNEXE XXXI : Photos affichage / boarding / stickage par Urban Act ; ANNEXE XXXII :<br />

Photos affichage par Campus Mag.<br />

126 Consulter ANNEXE XXXIII : Affiche Sefyu « Qui suis-je ? » 24 avril <strong>2006</strong> ; cf. ANNEXE XXXIII à XL<br />

montrant de nombreuses affiches, pour des occasions diverses.<br />

127 Consulter ANNEXE XLI à XLIV : Autocollants Sefyu.<br />

128 Consulter ANNEXE XLV : Tract pour annoncer les concerts au Nouveau Casino le 13 et 20 juillet <strong>2006</strong>.<br />

129 Consulter ANNEXE XLVI : Carte postale Sefyu, album disponible.<br />

130 Consulter ANNEXE XLVII : Invitation pour le concert à l’Elysée Montmartre le 25.04.<strong>2006</strong>.<br />

131 Consulter ANNEXE XLVIII : Visuel des tee-shirts Sefyu.<br />

132 Consulter ANNEXE VLIX : Photos de la boîte donner kebab Sefyu.<br />

133 Consulter ANNEXE L : Argumentaire pour Sefyu « Molotov 4 », le cd 2 rue (18.04.2005) ; ANNEXE LI :<br />

Argumentaire pour Sefyu « La légende », le maxi (13.03.<strong>2006</strong>) ; ANNEXE LII : Argumentaire pour Sefyu « Qui<br />

78


B.8. Pour synthétiser les mi-lieux d’actions<br />

Afin de synthétiser ce qui vient d’être développé, nous allons présenter un<br />

schéma de notre propre conception qui tente de refléter l’ensemble des éléments parcourus<br />

jusqu’à maintenant. Il n’est pas parfait, ni idéal. Les éléments auraient pu être identifiés et<br />

modélisés de manières différentes.<br />

Les mi-lieux d’actions et lieux médiats<br />

de significations relatifs à la sortie de<br />

l’album de Sefyu « Qui suis-je ? »<br />

suis-je ? », l’album (24.04.<strong>2006</strong>) ; ANNEXE LIII : Argumentaire pour Sefyu « La vie qui va avec », le single<br />

(10.07.<strong>2006</strong>).<br />

134 Consulter ANNEXE LV : Publicité sur le Lieu de Vente Fnac.<br />

135 Consulter ANNEXE LIV : Borne d’écoute Fnac.<br />

136 Consulter ANNEXE XVI : Publicité magazine Sefyu, à suivre, nouveaux talents Fnac.<br />

79


Le projet étudié, matérialisé principalement dans l’album, le single et le clip<br />

développe des lieux de manifestations ainsi que des lieux « supports » de significations.<br />

Chacun des éléments évoqués ici, concernant le projet de sortie de l’album, est<br />

présent sur des évènements auxiliaires.<br />

c. Des évènements … aux plans d’actions<br />

Il faut maintenant préciser que les lieux médiats de signification sont pensés en<br />

fonction d’une situation, d’un évènement et d’une action, dans un ensemble qui constitue un<br />

plan d’actions.<br />

80


Ce paragraphe a pour objet de rendre compte des nombreuses actions qui sont<br />

organisées durant notre période d’observation autour de la sortie de l’album de Sefyu 137 . On<br />

retrouve les plans d’action présentés plus haut, avec les lieux médiats de significations,<br />

relatifs à la situation rencontrée.<br />

c.1. Le tour du terrain<br />

La quinzaine précédant la sortie de l’album, est mis<br />

en place « Le tour du terrain » du 13 avril <strong>2006</strong> au 23 avril <strong>2006</strong>,<br />

dans une commune de chaque département d’Ile de France.<br />

Le concept : l’après-midi est organisé un tournoi de<br />

football (ou Sefyu Street Soccer) avec les gens du quartier et<br />

l’équipe Sefyu, et le soir un showcase. Et tout cela gratuitement.<br />

L’opération est également réalisée en province du 25 juin au 8 juillet <strong>2006</strong> en<br />

relation avec des associations locales de quartier, afin de leur reverser les quelques euros<br />

payés à l’entrée.<br />

L’organisation de cette tournée tour du terrain est par ailleurs envisagée une<br />

seconde fois.<br />

Parallèlement, se déroule le concours tour du terrain, qui permettra aux trois<br />

équipes gagnantes, de se rendre sur Paris pour un tournoi privé avec l’équipe de Sefyu.<br />

Ainsi que nous le constatons, le tour du terrain regroupe en lui-même plusieurs<br />

évènements.<br />

Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs au Tour du terrain :<br />

Afin de concrétiser l’action Tour du terrain il est développé autour des milieux,<br />

des lieux médiats de significations :<br />

Radio : agendas (88.2FM), interview (ex. : RGB [95]), diffusion du titre, achat d’espace<br />

publicitaire.<br />

Il est essentiel que la radio annonce l’évènement dans son agenda. Etant donnée l’étendue de<br />

l’évènement, il est principalement fait appel aux radios locales et dites spécialisées (à l’instar<br />

des radios généralistes). Générations 88.2 FM développe une grille de programmation<br />

orientée rap, et dessert à travers les ondes hertziennes, uniquement l’Ile de France. C’est une<br />

radio appropriée pour promouvoir l’évènement lorsqu’il est, lors de la première vague, limité<br />

137 Nous tenterons de conserver l’ordre d’apparition chronologique.<br />

81


à la région parisienne. D’autres radios avec des ondes restreintes à chaque département, telles<br />

RGB dans le Val d’Oise, ou encore Radio Droit de Cité (RDC) dans les Yvelines appuient<br />

l’évènement en local.<br />

Outre l’annonce de l’évènement dans l’agenda, il est important que les radios, s’intéressent au<br />

Tour du Terrain afin de parler et faire parler autour de celui-ci. L’organisation d’interviews<br />

par les radios permet d’annoncer l’évènement au niveau local, et de par leur nature, lui<br />

conférer une certaine proximité. L’interview permet surtout d’aller au-delà de l’évènement et<br />

de comprendre les ambitions de l’artiste dans l’organisation de celui-ci.<br />

L’envergure limitée et locale de l’évènement, est une des raisons qui justifie le fait qu’il n’y a<br />

pas d’achat d’espace publicitaire en radio. A noter que les évènements relatifs au projet sont<br />

présentés ici de manière isolée. Toutefois, ceux-ci sont renforcés par les lieux médiats de<br />

significations qui sont en rapport direct avec le projet. On constate par exemple qu’il n’y pas<br />

d’achat d’espace publicitaire sur l’évènement Tour du terrain. En revanche cet évènement est<br />

soutenu par de l’achat d’espaces publicitaires sur la sortie de l’album de Sefyu. Les supports<br />

et évènements s’appuient les uns sur les autres. Il n’est pas nécessaire de répéter le plan<br />

médiats dans sont intégralité pour chaque évènement, puisque chaque évènement vient<br />

appuyer l’autre et n’existe pas pour lui-même.<br />

Presse : interview, articles, chroniques, agenda, achat d’espace publicitaire, concours<br />

tournoi de foot privé.<br />

Le travail de la presse papier avoisine celui de la radio. Annoncer l’évènement dans les<br />

agendas, faire des interviews et articles sur l’évènement lui-même propose non seulement un<br />

effet d’annonce, mais cela confère aussi une certaine image de l’artiste concernant ses actions<br />

et ses ambitions.<br />

La presse papier est plus adaptée pour annoncer l’ensemble des règles de l’organisation de<br />

l’évènement et ainsi la possibilité de participer à un tournoi privé pour les trois équipes<br />

qualifiées.<br />

La presse contrairement à la radio, n’est pas restreinte à son aspect local. En revanche, elle est<br />

toujours circonscrite à la presse spécialisée (dans la gestion de son contenu).<br />

Internet : interview, articles, chroniques, agenda, concours tournoi de foot privé.<br />

Internet est un moyen d’annoncer une information de manière rapide, si ce n’est de manière<br />

instantanée. A contrario, la presse papier est tenue par des dates de bouclages, et les<br />

magazines auxquels nous faisons référence ont une périodicité, la plupart du temps mensuelle.<br />

La réactivité est de moindre envergure.<br />

Internet permet de répandre une information très rapidement et de manière virale.<br />

82


Télévision : néant.<br />

Téléphonie : néant.<br />

Le fait que la télévision et la téléphonie soient absents du plan médiats du Tour du terrain<br />

indique et contribue à penser en partie, que l’évènement a une ampleur perçue comme locale<br />

et considérée comme interpellant une petite frange de publics.<br />

Street : t-shirt, affiches, carte postale.<br />

L’affichage est un moyen opportun pour se donner de la visibilité localement et ainsi faire<br />

connaître l’organisation du Tour du Terrain. Pour accompagner l’évènement, des cartes<br />

postales pour la réalisation de dédicaces sont réalisées.<br />

Commercialisation : néant.<br />

Notons, non seulement pour cet évènement, mais aussi pour d’autres, comme la mise en place<br />

d’opération de streetmarketing par exemple, que cela se déroule en deux temps. Dans un<br />

premier temps s’organise une vague parisienne, puis dans un second temps vient la vague<br />

province.<br />

c.2. L’émission Planète Rap,<br />

du 17 au 21 avril <strong>2006</strong>, sur Skyrock<br />

Afin de promouvoir la sortie de l’album, Sefyu<br />

est présent à l’émission Planète Rap, la semaine précédant la<br />

date de sortie. L’émission est diffusée du lundi au vendredi<br />

de 20 heures à 21 heures sur les ondes de Skyrock du 17 au<br />

21 avril <strong>2006</strong>.<br />

Le concept : chaque soir de la semaine Sefyu,<br />

vient accompagné d’artistes avec lesquels il a collaboré.<br />

Les trois premiers quarts d’heures de l’émission sont réservés aux interviews,<br />

la présentation et l’écoute des titres de l’album. Tout cela intercalé d’autres sons de la playlist<br />

de la radio.<br />

Ainsi que la skyroulette, qui est l’occasion pour l’artiste d’interagir avec les auditeurs, mais<br />

aussi de faire gagner son album.<br />

Le dernier quart d’heure est réservé à une prestation freestyle de l’artiste et de ces acolytes.<br />

Rap :<br />

Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs à l’émission Planète<br />

83


Radio : spots publicitaires sur Skyrock pour annoncer l’évènement, interview, diffusion du<br />

titre, agenda, Skyroulette.<br />

La radio Skyrock, contrairement aux radios citées précédemment, dispose d’une portée<br />

nationale. L’organisation de la venue de Sefyu à l’émission Planète Rap semble un élément<br />

essentiel de la promotion de la sortie de l’album. L’émission est aussi l’occasion d’annoncer<br />

la tournée Tour du terrain qui arrive à sa dernière semaine.<br />

Presse : achat d’espace publicitaire.<br />

Internet : agenda sur site et blog ; video du freestyle sur www.booska-p.com.<br />

Skyrock dispose de son réseau internet à travers son site mais aussi ses nombreux skyblog.<br />

Télévision : néant.<br />

Téléphonie : néant.<br />

Street : affiche, autocollant.<br />

Cette émission est considérée comme un évènement en lui-même. Pour cela, des affiches et<br />

autocollants sont réalisés mentionnant la semaine de passage de Sefyu dans l’émission<br />

Planète Rap.<br />

Commercialisation : néant.<br />

c.3. Concert sauvage à<br />

l’Elysée Montmartre le 25 avril <strong>2006</strong><br />

Le lendemain de la sortie de l’album, le 25 avril <strong>2006</strong>, est organisé un<br />

concert gratuit à l’Elysée Montmartre.<br />

Le concept : premier arrivé, premier servi.<br />

Ce concert est l’occasion de faire un « coup médiatique » le lendemain du<br />

jour de la sortie de l’album.<br />

Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs au concert à l’Elysée<br />

Montmartre :<br />

Radio : achat espace publicitaire sur 88.2, place à gagner, agenda.<br />

Pour annoncer un tel évènement la radio est un lieu médiat approprié. La radio Générations<br />

88.2 FM par sa portée sur la région parisienne et son orientation rap, est idéale comme lieu de<br />

présence sur les espaces publicitaires, mais aussi pour faire gagner des invitations lors de jeux<br />

concours.<br />

Presse : achat espace publicitaire magazine presse spécialisée, envois promo à la presse<br />

généraliste, agenda.<br />

84


Internet : agenda sur site et blog.<br />

Télévision : néant.<br />

Téléphonie : place à gagner, diffusion du concert avec SFR fin juin.<br />

Faire des opérations régulières ou ponctuelles lors d’évènements comme c’est le cas de ce<br />

concert, avec des opérateurs de téléphonie mobile est de plus en plus répandu. Il s’agit en<br />

l’occurrence dans une première phase, de faire gagner des invitations par le biais de SFR pour<br />

se rendre au concert à l’Elysée Montmartre. Une seconde phase organise la diffusion du<br />

concert sur les écrans nomades.<br />

Street : affichage, invitation à retirer devant l’entrée.<br />

Le concert est une opération importante, qui marque la sortie de l’album comme un<br />

évènement. Des affiches annonçant le concert sont alors apposées aux abords de Paris.<br />

Commercialisation : néant.<br />

c.4. Showcase Fnac<br />

Parallèlement aux dates, tournées promotionnelles qui accompagnent la sortie<br />

d’un album, s’organisent d’autres évènements, comme des showcases Fnac.<br />

C’est ainsi que Sefyu était présent le 10 juin <strong>2006</strong> à la Fnac de Cergy pour la<br />

promotion de son album, pour un showcase et une séance de dédicaces 138 .<br />

Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs au showcase Fnac :<br />

Radio : néant.<br />

Presse : réseau Fnac.<br />

Internet : réseau Fnac.<br />

Télévision : néant.<br />

Téléphonie : néant.<br />

Street : néant.<br />

Commercialisation : réseau interne de distribution Fnac.<br />

(gratuit, dans la limite des places disponibles).<br />

Employer le terme néant pour le street ou d’autres rubriques, signifie qu’il n’y a pas de<br />

création de support particulier relatif à l’événement. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il<br />

n’est pas soutenu par une campagne de street avec de l’affichage plus général (ex. : sefyu,<br />

138 Consulter ANNEXE LVIII : Les forums de la Fnac (juin <strong>2006</strong>), p. 24.<br />

85


album disponible). C’est une remarque que nous avons déjà faite et qu’il est important de<br />

garder à l’esprit.<br />

c.5. Joga Bonito 3,<br />

du 15 juin au 2 juillet <strong>2006</strong> 139<br />

Afin d’approfondir l’aspect footballistique et musical, un<br />

partenariat est développé entre Because Music pour Sefyu et Nike 140 .<br />

Le concept : lors de certaines dates des tournois de football<br />

Joga Bonito, évènement organisé par Nike pour la troisième édition, Sefyu<br />

est présent, pour y « taper le ballon », mais aussi pour y chanter et même<br />

faire des dédicaces.<br />

Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs aux tournois de football<br />

Joga Bonito :<br />

Radio : agenda.<br />

La radio est un lieu approprié pour annoncer l’organisation de tournois. L’agenda des radios<br />

est un passage obligatoire pour annoncer un évènement, et ceci de manière relativement<br />

proche de celui-ci.<br />

Presse : néant.<br />

Internet : agenda site, blog.<br />

Internet accentue les qualités de simultanéité. La participation de Sefyu sur l’agenda est<br />

actualisée rapidement, aussi bien sur les sites et blogs officiels que les blogs de fans.<br />

Télévision : néant.<br />

Téléphonie : néant.<br />

Street : carte postale dédicace.<br />

La carte postale pour réaliser des dédicaces, est un plus. Elle entre dans une action et un cadre<br />

de proximité avec les publics.<br />

Commercialisation : néant.<br />

139 Les dates : 17 juin <strong>2006</strong> : Blanc-<strong>Mesnil</strong><br />

23 juin <strong>2006</strong> : Cergy<br />

24 juin <strong>2006</strong> : Mantes<br />

26 juin <strong>2006</strong> : Sarcelles<br />

29 juin <strong>2006</strong> : Trappes<br />

30 juin <strong>2006</strong> : Corbeil<br />

140 Consulter ANNEXE LVII : Proposition de partenariat avec Nike.<br />

86


c.6. Résidence au Nouveau Casino<br />

les 13 et 20 juillet <strong>2006</strong><br />

Deux dates sont organisées au Nouveau Casino, le 13 et le<br />

20 juillet <strong>2006</strong>.<br />

Le concept : faire deux dates parisiennes pour maintenir la<br />

présence et la visibilité de Sefyu auprès des publics 141 .<br />

Mi-lieux et lieux médiats de significations relatifs aux<br />

concerts au Nouveau Casino :<br />

Radio : achat d’espace publicitaire (88.2, Skyrock), agenda, interview.<br />

Presse : achat d’espace publicitaire, agenda.<br />

Internet : agenda site, blog.<br />

Les sites de Sefyu et du Nouveau Casino mettent à jour régulièrement les « news » et<br />

annoncent ainsi l’évènement.<br />

Télévision : achat espace publicitaire (MTV, Trace).<br />

Pour l’occasion, des spots publicitaires sont réalisés afin de promouvoir les deux dates<br />

parisiennes.<br />

Téléphonie : néant.<br />

Street : Affiche, tract.<br />

L’affiche et le tract sont les outils les mieux adaptés pour annoncer un concert. Contrairement<br />

à la presse ou la radio, ils sont destinés à des personnes qui sortent. Le profil des individus qui<br />

vont en concert est différent de ceux qui écoutent ou achètent un album, l’affiche et le tract en<br />

tiennent compte.<br />

Commercialisation : billetterie.<br />

c.7. Concours 16 mesures 142<br />

Le concept : télécharger l’instrumentale du titre de Sefyu « La vie qui va<br />

avec », poser 16 mesures, pour participer au concours, et tenter sa chance d’être sélectionné<br />

comme gagnant afin de poser un son lors d’un concert de Sefyu.<br />

141 A noter, contrairement aux évènements précédents, ces dates sont payantes pour les publics.<br />

142<br />

Consulter ANNEXE XX : Concours 16 mesures, source sur www.lehiphop.com,<br />

http://sefyunccofficiel.skyblog.com, www.cosmichiphop.com.<br />

87


Mi-lieux et lieux médiats de<br />

significations relatifs au concours 16 mesures :<br />

Radio : néant.<br />

Presse : néant.<br />

Internet : promo sur site.<br />

Le concours 16 mesures est un bon exemple d’opérations qui se réalisent par du viral. En<br />

effet, le seul lieu média utilisé est internet.<br />

Télévision : néant.<br />

Téléphonie : néant.<br />

Street : néant.<br />

Commercialisation : néant.<br />

Les actions relatives à la sortie de l’album, correspondent à des prestations<br />

musicales live mais aussi à des prestations sportives ou de toute autre nature.<br />

C.8. Pour synthétiser les plans d’actions<br />

Le schéma qui suit reprend les précédents, en le complexifiant et le considérant<br />

dans le contexte de chacun des évènements présentés dans les paragraphes qui précèdent.<br />

Reconstitution du plan médiats<br />

de la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? »<br />

88


Chaque action relative à la sortie du projet reprend les procédés présentés en<br />

les adaptant à la situation particulière.<br />

* * *<br />

Résumons notre paragraphe par cette formule :<br />

Stratégie média = projet < actions < mi-lieux d’actions < lieux médiats de significations<br />

89


Nous voulons dire ainsi qu’un projet engendre plusieurs actions, qui elles-mêmes engendrent<br />

de nombreux mi-lieux d’actions et ainsi de suite.<br />

L’observation du plan médiats en tant que combinaison de mi-lieux d’actions,<br />

est un domaine opératoire pour rendre compte des éléments qui se cachent derrière les choix<br />

stratégiques et la dynamique médiatique. Il reste encore à expliciter les éléments clefs qui<br />

nous permettront de les interpréter.<br />

IV. Comprendre et interpréter<br />

les stratégies d’un plan médiats<br />

Ce paragraphe propose de fournir des clefs de compréhension et<br />

d’interprétation des actions, supports d’action et lieux médiats de significations exposés<br />

précédemment, qui pourront nous conduire dans un troisième temps à l’appréhension des<br />

stratégies médiatiques.<br />

La clef de compréhension des stratégies à travers les usages des médias vient<br />

des enjeux, eux-mêmes issus de la situation, de l’environnement, des contextes, des acteurs,<br />

etc. Nous allons maintenant identifier et approfondir ces éléments.<br />

1. Le cadre situationnel<br />

Un choix, un usage s’exprime toujours dans un cadre situationnel. Une<br />

situation dans laquelle s’inscrit l’usage d’outils de communication, peut se résumer à des<br />

acteurs 143 , des représentations, des relations (directes et indirectes), des rapports, et des<br />

contextes ; et se schématiser de manière élémentaire ainsi :<br />

Le cadre situationnel<br />

143 A noter que le « média » tant puisse-t-il être considéré comme un objet, est envisagé ici comme un acteur,<br />

cependant non confondu avec son usager, qui lui-même est aussi appréhendé comme acteur.<br />

90


Nous proposons un schéma simplifié à outrance pour que notre lecteur<br />

identifie d’abord la dynamique de base.<br />

Ce n’est pas tant une réalité que l’on prétendrait étudier, mais ce sont des<br />

représentations. Celles des acteurs, qu’il nous faut à présent aborder.<br />

2. Les acteurs<br />

S’interroger sur les stratégies qui guident les pratiques, revient à dépasser une<br />

logique purement technique et fonctionnelle, et met ainsi l’accent sur les éventualités<br />

d’actions de l’acteur, la praxis.<br />

Derrière le projet étudié existent de nombreux acteurs. Nous nous attacherons à<br />

décrire ceux estimés être principaux dans le déroulement du projet.<br />

a. Sefyu<br />

Sefyu est un rappeur de 24 ans 144 , originaire d’Aulnay sous Bois<br />

(93). Il est membre du collectif NCC (Natural Court Circuit). Avec<br />

« Qui suis-je ? » Sefyu sort son premier opus.<br />

Par ailleurs il a déjà commercialisé ses propres titres sur son street cd « Molotov 4 » et a<br />

collaboré à de nombreuses compilations et featurings avec divers artistes.<br />

b. G8<br />

G8 est le label, premier producteur de l’artiste Sefyu. D’autres artistes<br />

appartiennent à ce label, cependant Sefyu est le premier à sortir son album.<br />

G8, c’est aussi un collectif organisé en tant qu’association caritative. A l’inverse<br />

de l’acceptation usuelle, G8 doit être compris ici comme le G8 des pauvres.<br />

Pour la sortie de l’album « Qui suis-je ? », G8 s’est adressé à Because Music et a confié à<br />

cette entité l’album en contrat de licence.<br />

c. Because Music<br />

Because Music 145 est un label de musique crée en 2004 par Emmanuel de<br />

Buretel 146 . Il s’affirme comme un label multiculturel indépendant 147 .<br />

144 Consulter ANNEXE VIII : Biographie de Sefyu (pour clip / maxi) ; ANNEXE IX : Biographie de Sefyu (pour<br />

l’album).<br />

145 Consulter ANNEXE 2 : Edito Because, Pourquoi ? source : http://test.because.tv/editorial/index.html.<br />

91


Différents pôles, world, électro, rock, urbain sont parties intégrantes du label.<br />

Le pôle urbain, lequel à été rejoint par Sefyu, comprend des artistes comme Tandem, Noyau<br />

Dur (Neg’ Marrons, Pit Bacardi, Arsenik), Keny Arkana, Perle Lama et James Deano 148 .<br />

Notons à l’occasion, que les maisons de disques communiquent rarement intentionnellement<br />

sur elles-mêmes. Cela se fait implicitement à travers le choix des artistes et de leurs<br />

apparitions.<br />

d. Les institutions médiatiques<br />

Les institutions médiatiques, telles la télévision, la presse ou encore la radio<br />

sont, lorsque cela concerne le rap, bien souvent réticentes.<br />

Accroître ses rôles dans la médiasphère, tant par l’ampleur d’un rôle, que la<br />

multiplication de plusieurs rôles, permet d’augmenter le degré de liberté relative.<br />

Auparavant, les moyens médiatiques étaient réduits, tout était à faire. A présent<br />

les radios sont déjà en place, elles intègrent une certaine programmation rap. Aujourd’hui, les<br />

projets de rap s’adossent à Groove, Skyrock, …<br />

Nous l’avons fait remarquer lors de notre premier chapitre, la radio Skyrock est<br />

devenue une véritable institution, à qui il est conféré une légitimité de construire la norme.<br />

Certains choisissent de la contourner, d’autres participent à sa construction, d’autres encore<br />

n’y voit pas d’autres choix que de s’y conformer.<br />

Accroître ses rôles, être polyvalent, avoir de multiples facettes, c’est se<br />

conférer la possibilité de toucher des cibles ou publics dans des sphères différentes.<br />

e. Les publics / cibles<br />

Certes le rap s’adresse à une frange de population ciblée. Pourtant, les publics<br />

sont pluriels. Les lieux médiats de signification s’adaptent à la cible visée. On peut avancer<br />

qu’il y aurait une cible dite « spé » et une cible dite « élargie ». Les mi-lieux et supports<br />

employés sont ajustés à la cible visée.<br />

En employant le terme générique de radio, il ne s’agit pas de considérer ce lieu<br />

comme un seul. C’est un terme commode pour y regrouper plusieurs réalités. En effet, il faut<br />

distinguer par exemple la radio Skyrock, qui a une portée nationale, de la radio Générations<br />

146 Pour plus d’informations sur le parcours d’Emmanuel de Buretel, consulter ANNEXE 13 : « SFR et Ocean<br />

Music Mobile signent un accord de partenariat pour proposer aux abonnés de SFR une offre musicale inédite »,<br />

le 20 janvier 2005, source http://www.connaitresfr.fr.<br />

147 Consulter ANNEXE 12 : « Emmanuel de Buretel lance le label Because Music », posté le 20 janvier 2005,<br />

source http://www.radio-music.org/article.php?sid=2025.<br />

148 Consulter ANNEXE 1 : Publicité magazine Because Urbain.<br />

92


qui n’a qu’une portée locale sur les ondes FM 149 . L’usage de l’une ou l’autre n’induit alors<br />

pas les mêmes visées. L’usage s’ajuste à la situation et aux contextes.<br />

Après avoir explicité les rôles des acteurs qui participent au jeu médiatique du<br />

projet étudié, il nous reste à rendre compte des contextes dans lesquels ils interagissent, et<br />

surtout les relations qu’ils entretiennent entre eux.<br />

3. Les contextes<br />

Le fait que certaines institutions aient pris du poids, non seulement dans la<br />

création et la diffusion du rap, mais aussi dans la définition de son contenu, indique entre<br />

autre l’importance de la prise en compte des aspects organisationnels et institutionnels pour<br />

l’étude de l’usage des médias dans notre projet.<br />

A titre comparatif, le rap et sa construction en rapport aux médias aux Etats-<br />

Unis se fait dans une optique économique, alors qu’en France, elle s’ancre plutôt dans une<br />

optique politique. Ce n’est qu’un exemple d’élément contextuel à portée générale qui rappelle<br />

néanmoins les particularités des contextes et leur nécessaire prise en comte pour comprendre<br />

toute relation.<br />

Les contextes qui suscitent tout particulièrement notre intérêt sont ceux dans<br />

lesquels s’inscrivent les usages des médias et les éléments situationnels sur lesquels reposent<br />

les choix. Appuyer un évènement de publicité télévisée ou non, choisir de distribuer un tract<br />

plutôt que d’afficher, ou bien envisager les deux de manière combinée, laisse transparaître<br />

l’importance accordée, les valeurs développées et les enjeux sous-jacents. Cela conduit<br />

également à penser les contraintes issues de ces multiples contextes.<br />

Mettre en place un partenariat avec la radio Skyrock, organiser une opération<br />

de streetmarketing dédiée à l’émission Planète Rap, confère une certaine importance à<br />

l’événement.<br />

On peut faire l’hypothèse que les usages sont relatifs à des cycles de vie.<br />

LE CYCLE DE VIE<br />

149 Notons qu’il est possible aujourd’hui d’écouter cette radio à travers le monde entier par le biais d’internet.<br />

93


La manière de faire usage, serait relative notamment au cycle de vie du genre<br />

musical rap. Autrement dit l’usage des médias durant la fin des années 1980, serait propre à la<br />

période de gestation du rap. Incontestablement les outils employés, mi-lieux d’actions et lieux<br />

médiats de significations ne peuvent être comparables, à ceux déployés aujourd’hui en <strong>2006</strong>,<br />

qui correspondent à une période de croissance ou de maturité du genre.<br />

Au-delà du genre musical lui-même, chaque artiste développe son propre cycle.<br />

Sefyu sort son premier album. L’envergure du projet ne peut être comparée à un artiste qui en<br />

serait à son troisième album, et ainsi largement connu des publics, même non raps. Sefyu est<br />

un artiste en développement et en pleine phase de croissance.<br />

Le développement de la maison de disques est par ailleurs un élément<br />

important, qui conditionne le déploiement même du plan médiats concernant l’artiste et son<br />

projet.<br />

Il émerge ainsi des « mécanismes » récurrents mais aussi singuliers à chaque<br />

évènement 150 , tout en étant relatifs et interdépendants à ces données.<br />

C’est là qu’il est intéressant de constater que selon les situations, les priorités<br />

qui sont conférées, mais aussi le cycle dans lequel se trouve le genre de musique, le projet de<br />

l’artiste lui-même, etc., il est employé tel type de lieu ou de support d’action plutôt qu’un<br />

autre.<br />

En tout cas, il s’agit d’affirmer l’importance, pour comprendre les plans<br />

d’action et lieux médiats de significations présentés précédemment, des éléments contextuels<br />

dans lesquels s’inscrivent les actions et relations.<br />

4. Les relations<br />

150 A côté de cela, les actions et plans d’actions, sont synthétisés dans le plan marketing et le retroplanning.<br />

Consulter ANNEXE LIX : Retroplanning marketing ; ANNEXE LX : Plan communication – marketing, au<br />

12.05.<strong>2006</strong> et au 03.07.<strong>2006</strong>.<br />

94


Il se construit en effet des relations, parfois même des réseaux de relations<br />

médiatiques, mais aussi des rapports (de force) qui apportent des éléments d’explication<br />

supplémentaires à la compréhension des usages des médias dans notre projet.<br />

Le fait qu’il incombe à G8 l’organisation d’un<br />

concert à Aulnay sous Bois par exemple, alors que<br />

l’organisation du concert à l’Elysée Montmartre,<br />

l’achat d’espaces publicitaires … incombent à<br />

Because Music, instaure un partage des actions.<br />

Initialement G8, Sefyu et Because Music sont liés<br />

par un contrat qui établit de fait une certaine relation,<br />

ainsi qu’une certaine responsabilité des parties.<br />

Chacun apporte son savoir-faire. Rien n’est imposé d’un côté comme de l’autre, bien qu’il y<br />

ait des rapports conflictuels. De manière générale, les possibilités de négociation sont très<br />

élevées.<br />

Cette relation de négociation n’est pas aussi ouverte lorsqu’il s’agit des rapports entretenus<br />

entre Because Music et les institutions médiatiques. C’est le cas de la (faible) diffusion du clip<br />

à la télévision par exemple.<br />

Les relations ainsi mises en lumière auraient pu être inversées : un faible<br />

espace de négociation entre G8, Sefyu et Because Music et un grand espace de négociation<br />

entre Because Music et les institutions médiatiques. Même si nous ne pouvons répertorier tous<br />

les contextes et relations impliqués, de manière exhaustive (et ce n’est pas notre intention), il<br />

est important de noter que des sphères d’interactions sont amenées à s’organiser dans la<br />

mesure où les acteurs entrent en relation et développent un rapport et un positionnement par<br />

rapport à autrui.<br />

* * *<br />

Notre analyse a rendu compte d’une part, d’une certaine récurrence des milieux<br />

et supports utilisés. Et d’autre part, elle a révélé l’organisation particulière de ceux-ci en<br />

fonction de chaque évènement. Autrement dit, il y a des modalités d’usage inscrites dans les<br />

pratiques des acteurs, en revanche, il est nécessaire de contextualiser à chaque fois les faits en<br />

rapports aux évènements.<br />

La relation aux médias passe par la prise en compte des contextes dans lesquels<br />

elle se construit. En effet, l’usage des médias s’inscrit en rapport avec des éléments<br />

95


circonstanciels, conjoncturels mais aussi structurels. « La diversité des stratégies de<br />

déploiement de ces technologies et de leurs modes d’appropriation est en effet l’une des<br />

caractéristiques actuelles des usages… » 151<br />

Ainsi que notre lecteur aura pu le constater, on ne s’intéresse pas aux effets de<br />

la pratique, mais à la pratique elle-même, ses formes et son fonctionnement.<br />

V. Les stratégies<br />

d’un plan médiats<br />

De l’observation des supports, il est possible de faire émerger des éléments<br />

d’interprétation des résultats de notre analyse du plan médiats concernant la sortie de l’album<br />

de Sefyu « Qui suis-je ? ». Sans vouloir répondre trop hâtivement à la question de savoir s’il y<br />

a des règles implicites derrière les choix mis en œuvre, nous identifierons les stratégies<br />

médiatiques développées par le plan médiats présenté précédemment.<br />

1. Proposer une typologie ?<br />

Notre typologie, ambitionne être une typologie des stratégies des usages des<br />

mi-lieux et lieux médiats de significations rencontrés lors de l’analyse de notre corpus<br />

concernant la sortie de l’album de Sefyu, et non une typologie de personnes.<br />

L’intention d’usage d’un mi-lieu d’action et des lieux médiats de significations<br />

est propre à chaque interaction et en l’occurrence au projet étudié.<br />

L’observation des usages renvoie à une catégorisation des attitudes face aux<br />

produits culturels et médiatiques.<br />

Les choix observés dans l’étude du projet, reposent sur diverses composantes,<br />

telles l’adéquation à la cible, l’adéquation au message, la compatibilité avec le budget, etc. et<br />

surtout sur la pondération de celles-ci. On peut néanmoins retrouver des indices des ambitions<br />

récurrentes à la mise en œuvre de stratégies, au sein d’un même projet, développant des<br />

événements parallèles ainsi que nous l’avons vu.<br />

Certes la rentabilité et le volume de part de marché, sont des objectifs<br />

primordiaux de la maison de disques qu’il nous est impossible de ne pas évoquer, car<br />

directement liés à la subsistance de l’activité de l’organisation.<br />

151 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 208.<br />

96


Cependant c’est la finalité qualitative, corrélée à l’image de marque qui suscite<br />

notre intérêt. Ancré dans un regard sémio-disursif, nous n’envisageons pas les producteurs<br />

comme un pôle de production économique comme le fait l’économie, mais comme un<br />

« pôle » de production de sens.<br />

« Ainsi, l’observation des pratiques se fonde sur la perception de celles-ci<br />

comme, si elles ne sont intentionnelles dans leur totalité, en tout cas choisies, développant<br />

alors des ambitions, et des logiques, « négociant avec leur environnement. » 152<br />

Formuler une typologie, revient comme le notent Eliséo Véron et Martine<br />

Levasseur 153 à poser plus de problèmes qu’elle n’en résout.<br />

Ce n’est pas une typologie, composées de multiples catégories que nous<br />

proposerons, mais deux axes, embryons de réflexion qui suggèrent l’émergence de tendances<br />

dans le projet de rap étudié. Ces deux axes rendent compte de dominantes et surtout ils ne<br />

s’excluent pas l’un l’autre.<br />

2. De l’usage<br />

« spé » et « généraliste »<br />

Notre analyse du plan médiats lié à la sortie de l’album de Sefyu conduit à<br />

distinguer deux orientations des usages qui gouverneraient les stratégies. Il ressort d’une part<br />

des usages dits « spés » ou spécialisés, d’autre part des usages dits généralistes.<br />

Expliquons-nous sur les mots employés. Nous aurions pu choisir les termes de<br />

« masse » ou encore « populaire » qui sont couramment usités. Cependant ce ne sont pas les<br />

connotations qui s’y rattachent et que nous avons mises à jour dans notre étude. Par ailleurs le<br />

terme de généraliste renvoie aux connotations relatives aux distinctions qui sont appliquées au<br />

traitement de la presse, qu’elle soit, radio, télévisée, etc. et qui s’approchent plus de ce que<br />

nous entendons développer comme référence.<br />

En effet, les usages des médias corrélés à la sortie de l’album de Sefyu se<br />

distinguent d’une part par le choix d’un mi-lieu qui développe des orientations thématiques<br />

spécifiques. Mais aussi d’autre part, du fait qu’ils s’adressent à une niche de population.<br />

Utiliser la télévision lorsqu’on fait une date à Paris, utiliser les radios locales<br />

lorsque l’on va en province, ainsi que nous l’avons respectivement noté concernant le<br />

152 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 77.<br />

153 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 140.<br />

97


Nouveau Casino et le « Tour du Terrain », met en lumière l’importance de la considération<br />

des enjeux.<br />

Cette distinction se retrouve au niveau des supports (le magazine Rap Mag, la<br />

radio Générations 88.2 FM, …) mais aussi dans la démarche (musique / sociale, musique /<br />

sport), des outils (tracts, …) des acteurs etc.<br />

La segmentation des médias, qui s’illustre notamment à travers la multiplication de titres de<br />

presse spécialisée, ainsi que par les chaînes, qui ne sont plus seulement thématiques, mais<br />

spécialisées dans tel genre ou époque musicale… n’est plus à questionner. Elle induit la<br />

multiplication de publics divers mais surtout des manières de s’organiser propres aux centres<br />

d’intérêts, hautement segmentés. C’est la pratique sélective relative aux centres d’intérêts en<br />

jeu qui est à interroger en regard aux pratiques à portée générale. Le rap lui-même peut aussi<br />

bien s’ouvrir à un large public, comme il peut s’adresser à un public plus segmenté.<br />

Dans ces deux façons de se mettre en avant – synthétisées dans le tableau cidessous<br />

–, l’une serait dite « spécialisée », appelant un public, non pas restreint, mais ciblé,<br />

des actions communicationnelles segmentées et orientées, et l’émergence d’une relation, et<br />

d’un lien communautaire fort, dans le sens de la fermeture. L’autre serait dite « généraliste »,<br />

n’excluant aucuns publics, des actions communicationnelles larges, et la construction d’un<br />

lien communautaire faible, dans le sens de l’ouverture.<br />

A noter qu’une dimension spécialisée irait dans le sens d’une accessibilité moindre, et<br />

pourtant celle-ci n’est pas le synonyme d’exclusion.<br />

Qualifier l’usage des médias<br />

« Spé » « Généraliste »<br />

Mi-lieu « spé » Mi-lieu « généraliste »<br />

Thématique « spé » Thématique « généraliste »<br />

Niche de population<br />

Population large<br />

Lien communicationnel fort<br />

Lien communicationnel faible<br />

Fermeture<br />

Ouverture<br />

La spécialisation ou « généralisation » dont nous parlons, ne sont pas définies<br />

ici, par leur système de reproduction, ou par le nombre d’individus susceptibles d’être<br />

98


touchés 154 – bien que ceux-ci en soient des parties constitutives –, mais par leur visée ainsi<br />

que leur perception.<br />

Ces termes sont aussi bien relatifs aux modes de diffusion qu’aux lieux de<br />

manifestation médiatiques et ainsi aux personnes susceptibles d’être impliquées.<br />

Bien que nous proposions deux axes pour considérer les stratégies d’usage<br />

mises en œuvre, nous ne voulons pas signifier par-là qu’elles soient polarisées.<br />

Ainsi que nous avons pu le constater lors de notre analyse du plan médiats, ce<br />

sont des articulations et combinaisons de divers mi-lieux et lieux médiats de significations<br />

qu’il faut envisager.<br />

3. Des stratégies « médiationnelles »<br />

A. Les stratégies d’un<br />

simulacre de proximité<br />

Il émerge de ces usages nommés ici « spé » et « généraliste » une volonté<br />

d’établir plus qu’un simple contact, un lien relationnel fort. Ce lien s’installe par une illusion<br />

de proximité, à travers les mi-lieux d’action employés 155 .<br />

La dimension de proximité ne s’instaure pas seulement sur un plan physique.<br />

D’ailleurs cet aspect physique de la proximité n’est pas suffisant à lui seul. Pour parler de<br />

proximité, il faut pouvoir l’envisager dans sa dimension immatérielle et notamment<br />

imaginaire.<br />

La cristallisation de l’image médiatique est pernicieuse car elle offre l’illusion<br />

d’un temps et espace partagés. Les usages des médias instaurent des imaginaires<br />

communautaires à travers la construction d’un simulacre de proximité, mais aussi de<br />

stratégies de connexion et de propagation.<br />

B. Les stratégies de<br />

connexion et de propagation<br />

On rencontre tout particulièrement dans les outils du streetmarketing, mais<br />

aussi dans les mi-lieux dits parfois « tribaux » ou « communautaires », telles certaines radios,<br />

154 La population n’est pas considérée ici par son critère numéral (bien qu’il soit implicitement induit), mais par<br />

ses caractéristiques culturelles, sociales, … à travers les préférences, goûts, valeurs, etc. exprimés dans ses choix,<br />

qui révèlent l’implication face aux mi-lieux et aux thématiques.<br />

155 De-là l’utilisation du néologisme « médiationnel », entendu comme le lien relationnel induit par les usages<br />

des mi-lieux d’actions.<br />

99


certains magazines ou encore des sites internet, etc., des stratégies de connexion et de<br />

propagation.<br />

Il s’agit de proposer un lien sensoriel, voire émotionnel et affectif entre l’artiste<br />

et les publics. Et cela en attachant une attention particulière au choix du contexte, en<br />

développant des actions originales afin non seulement d’attirer l’attention des publics, mais<br />

aussi de susciter leur motivation et ainsi leur participation. C’est ce que met en place « Le tour<br />

du terrain » par exemple.<br />

La rue est souvent le lieu adapté pour développer un lien connecteur.<br />

4. De la cohérence ?<br />

Comment juger de la cohérence de l’usage des lieux médiats de significations ?<br />

Il ressort que certaines stratégies sont contradictoires. Notre période d’observation, de trois<br />

mois, est relativement courte pour pouvoir juger de la cohérence de l’ensemble des actions<br />

afin d’y percevoir une unité de sens.<br />

Les pratiques médiatiques observées dans le cadre de la sortie de l’album de<br />

Sefyu sont parfois contraires, ce qui peut paraître déroutant. Pourtant cela révèle justement de<br />

la complexité des usages, et de leur possibilité d’appréhension. Pour exemplifier cela, on peut<br />

évoquer les incompréhensions et les interrogations du manager de Sefyu, qui proviennent des<br />

informations perçues comme contradictoires : doit-on construire la stratégie de lancement et<br />

de l’exploitation de l’album autour de la radio Skyrock (et donc de ses stratégies sousjacentes,<br />

de sa conception de la musique rap, etc.) ?<br />

Ainsi que le propose A. Vasquez 156 , il serait plus pertinent d’étudier les<br />

stratégies de manière longitudinale, pouvant ainsi rendre compte de stratégies qui semblent à<br />

première vue, contradictoires.<br />

Pour alimenter nos propos, nous allons faire appel à un exemple qui sort de<br />

notre période d’observation : le choix « crucial » du lancement du prochain single. Il s’agit de<br />

choisir un titre orienté vers un public segmenté (« Senegalo-Ruskov »), ou bien un titre<br />

susceptible de susciter l’implication de publics plus élargis (« En noir et blanc ») dit titre<br />

« fenêtre ». Ce choix est essentiel non seulement dans la mesure où il guide l’appréhension<br />

des actions qui seront organisées par la suite, mais aussi parce qu’il oriente la perception sur<br />

le plan identitaire de l’artiste.<br />

156 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, « Les mécanismes des stratégies<br />

identitaires : une perspective diachronique », VASQUEZ Ana, PUF, 1990.<br />

100


En fait, chaque nouvelle apparition réajuste et apporte de la cohérence et de la<br />

permanence ou non aux connaissances emmagasinées jusqu’alors. En cela, il est possible de<br />

faire émerger certains critères sur lesquels se basent les calculs tactiques et ainsi la mise en<br />

place des plans stratégiques au niveau médiatique.<br />

* * *<br />

L’intérêt d’étudier l’action stratégique est d’observer dans quels systèmes de<br />

contraintes elle se situe, mais surtout de constater le jeu qu’elle choisit de jouer, en rapport<br />

avec les contraintes propres à l’organisation, aux acteurs, aux systèmes.<br />

« Il faut insister sur le fait que nous n’avons pas décrit une typologie d’acteurs<br />

sociaux, ni pas non plus des types de personnalité, mais des types de stratégies de visite.<br />

[d’usage, ndlr] » 157 * * *<br />

En mettant en avant les usages, notre lecteur a peut être l’impression que notre<br />

étude se focalise sur l’acteur lui-même. Pourtant le déroulement de notre analyse va à<br />

l’encontre de cette assertion trop rapide. En fait notre recherche est centrée sur les usages des<br />

lieux de construction de l’entité discursive. Comment d’une fabrique de visibilité passe-t-on à<br />

une fabrique d’identités ?<br />

En effet, il existe bien des supports, des manières de communiquer, de<br />

convoquer la présence d’un public dans un espace, relatif à des valeurs, symboles que<br />

véhiculent les artistes, maisons de disques, genres musicaux…<br />

Son, social et sport sont les axes sur lesquels reposent les stratégies<br />

médiatiques, mais aussi les stratégies identitaires, que nous allons développer dans le chapitre<br />

suivant.<br />

157 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 140.<br />

101


102


« … un système socioculturel se définit par le mode<br />

de communication qui le spécifie, c’est-à-dire non pas<br />

par ses machines à communiquer ou ses techniques de<br />

transmission, mais par le dispositif intellectuel qui y est<br />

mis en œuvre pour produire, valider et transmettre les<br />

connaissances et les cadres motivationnels et normatifs<br />

de l’action. Ce faisant j’ai insisté sur l’interdépendance<br />

qui existe entre communication et identité, entre<br />

communication et action sociale. »<br />

QUERE Louis, Des miroirs équivoques. Aux origines de<br />

la communication moderne, Aubier, coll. Res-Babel,<br />

Paris, 1982, p. 121-122 ; cité dans MIEGE Bernard, La<br />

pensée communicationnelle, PUG, coll. La<br />

communication en plus, 1995, p. 56.<br />

« En d’autres termes, les critères choisis par chacun<br />

d’eux pour déterminer leur action sont la conséquence<br />

et le résultat de leur identité. »<br />

SCHWEBIG Philippe, Les communications de<br />

l’entreprise. Au-delà de l’image, Editions Mc Graw Hill,<br />

Paris, 1998, p. 33.<br />

L<br />

es moyens choisis pour appuyer les actions relatives à la sortie de<br />

l’album de Sefyu sont porteurs de traits caractéristiques identitaires et<br />

ainsi révélateurs de la complexité de la constitution des identités.<br />

I. Propos préliminaires<br />

1. Position discutée<br />

103


C’est volontairement que nous avons omis le contenu dans cette recherche,<br />

pour nous intéresser aux lieux de significations autres que celui-ci. Le chapitre précédent<br />

proposait, dirions-nous rapidement, des éléments de mise en forme de l’expression. Le<br />

chapitre présent suggère d’approfondir les sens seconds des lieux d’expression des<br />

significations. En effet la construction du sens dépasse le « vouloir-dire » et l’intentionnalité.<br />

Ainsi, la prépondérance de la référence conduit à aborder au-delà des stratégies médiatiques,<br />

les stratégies identitaires.<br />

2. Hypothèse<br />

Les lieux de la construction de stratégies identitaires se trouvent dans les<br />

stratégies d’usage des médias. La relation communicationnelle est lourde d’enjeux. L’aspect<br />

identitaire en est un des principaux, pour lequel nous proposons d’identifier les stratégies<br />

sous-jacentes.<br />

Ainsi, nous partons de l’hypothèse que l’usage du média est porteur<br />

d’informations sur l’usager et peut être associé à la construction d’identités. En d’autres<br />

termes, des stratégies, il émerge des représentations d’intention d’action, qui conduisent à<br />

construire du sens sur l’identité.<br />

3. Méthodologie<br />

Nous proposons d’esquisser « la situation d’interaction et la nature des enjeux<br />

qui apparaissent, et d’observer comment s’expriment concrètement ces stratégies. » 158<br />

Pour se faire nous resterons encore une fois dans le domaine de l’observation.<br />

Ce n’est plus sur l’action que porte notre regard, mais sur l’imaginaire qui l’engendre et<br />

qu’elle engendre. Les représentations de l’intention d’action et les interprétations sont alors<br />

les clefs qui nous permettront d’aborder les stratégies identitaires sous-jacentes à l’activité<br />

médiatique.<br />

Ce quatrième chapitre envisage quant à lui, les contextes culturels et<br />

identitaires, relatifs au rap, mettant ainsi en évidence les usages émergents mais aussi<br />

générateurs de cultures.<br />

4. Plan<br />

158 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 78.<br />

104


Ce quatrième et dernier chapitre apporte des éléments de sens « seconds »<br />

logés sur le plan identitaire qui se sont révélés durant les chapitres précédents notamment<br />

celui concernant les stratégies médiatiques autour de la sortie de l’album de Sefyu.<br />

Ces éléments de sens, nous les aborderons dans un premier temps par<br />

l’importance de la compréhension de l’usage des médias, pour en déceler les manifestations<br />

de l’identité et de ses stratégies.<br />

Cela nous conduira à identifier dans un second temps les lieux de construction<br />

de l’identité, aux travers des axes identitaires et de leurs lieux de manifestations et<br />

d’édification.<br />

II. Les stratégies identitaires au<br />

cœur de l’usage des médias<br />

1. Les stratégies identitaires<br />

a. Eclairage conceptuel<br />

Les éléments du corpus présentés au chapitre précédent sont en mesure<br />

d’apporter des fondements d’identification de l’entité qui se met en scène.<br />

La dimension processuelle est à même de pouvoir rendre compte de la<br />

constitution d’identité, notamment à travers la négociation mais aussi la cumulation<br />

d’expériences, et ceci de manière fluctuante, non prédéfinie, inférentielle et situationnelle. « Il<br />

n’y a que des identités en situations, produites par les interactions. » 159<br />

Par cette approche, « l’identité pourrait se définir comme : une structure<br />

polymorphe, dynamique, dont les éléments constitutifs sont les aspects psychologiques et<br />

sociaux en rapport à la situation relationnelle à un moment donné, d’un agent social (individu<br />

ou groupe) comme acteur social. » 160 Il s’avère que « l’individu n’a pas une seule identité,<br />

mais qu’il dispose d’un faisceau d’identités possibles dont il actualise l’ « une » selon les<br />

contraintes de la situation où il se trouve et selon ses désirs et intérêts (Goffman, 1973, 1974,<br />

1975) » 161<br />

159 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 44.<br />

160 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 28.<br />

161 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 144.<br />

105


Ce qui attire notre attention c’est plutôt la démarche identitaire qui<br />

« s’entretient dans les pratiques de communication reposant sur des codes sociaux partagés<br />

[…] qui font circuler les informations et les cadres d’interprétation de l’action. » 162<br />

Parler de stratégies identitaires revient à conférer la possibilité à l’individu de<br />

s’identifier, de se comparer et de faire des choix. De l’interprétation de ces choix il émerge ou<br />

non une certaine cohérence sur le plan identitaire 163 . L’ouvrage sous la direction de Carmel<br />

Camilleri, Stratégies identitaires, en avance autant 164 . Et pour en résumer et en enrichir les<br />

propos nous proposons le schéma qui suit.<br />

Les stratégies identitaires<br />

162 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « Espace<br />

public, espace privé : le rôle de la médiation technique », CHAMBAT Pierre, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 94.<br />

163 Consulter l’article de LAMARQUE Patrick, « Un entretien avec Jean-Noël Kapferer. De l’image à<br />

l’identité », dans Médias pouvoirs, n°42, 2 ème semestre 1996.<br />

164 « La notion de stratégie, qu’elle soit comprise comme « un ensemble de dispositions prises par des acteurs<br />

pour atteindre un but donné » (Larousse), ou, par référence à la théorie des jeux en mathématiques, comme « un<br />

ensemble de décisions prises en fonction d’hypothèses faites sur les comportements des partenaires du jeu »<br />

(définition qui a l’avantage d’introduire l’idée d’interaction), suggère, dès lors qu’on l’applique aux phénomènes<br />

sociaux ou psychologiques, l’existence d’une certaine liberté d’action des acteurs sur de possibles déterminismes<br />

sociaux ou existentiels. Quant à la notion de stratégie identitaire elle postule indiscutablement que les acteurs<br />

sont capables d’agir sur leur propre définition de soi. Cette conception est une conséquence logique de la<br />

définition de l’identité comme résultat d’une interaction et non comme une définition substantiviste. Mais<br />

l’hypothèse stratégique va plus loin en ce qu’elle suppose que la production de l’identité n’est pas un simple jeu<br />

de reflets, ou le résultat de réponses plus ou moins mécanicistes à des assignations identitaires effectuées par<br />

autrui, mais qu’il entre une part importante de choix et donc d’indétermination quant aux formes et issues des<br />

processus stratégiques.<br />

Ainsi, les stratégies identitaires, telles que nous les entendons, apparaissent comme le résultat de l’élaboration<br />

individuelle et collective des acteurs et expriment, dans leur mouvance, les ajustements opérés, au jour le jour, en<br />

fonction de la variation des situations et des enjeux qu’elles suscitent – c’est-à-dire des finalités exprimées par<br />

les acteurs – et des ressources de ceux-ci. » CAMILLERI Carmel, KASTERSZTEIN Joseph, LIPIANSKI<br />

Edmond Marc, MALEWSKA-PEYRE Hanna, TOBOADA-LEONETTI Isabelle, VASQUEZ Ana,<br />

Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 49.<br />

106


Nous entendons par stratégies identitaires la manière de penser l’identité, de<br />

la calculer et de combiner des moyens pour ajuster mais aussi la rendre pérenne. Parler de<br />

stratégies souligne en tous points le caractère relationnel et dynamique. Le terme de stratégie<br />

envisage de rendre compte de « la marge de manœuvre des acteurs sociaux faces aux clivages<br />

intérieurs et aux contradictions institutionnelles. » 165 Qu’il s’agisse des stratégies médiatiques<br />

développées au chapitre précédent ou des stratégies identitaires dont il est question ici,<br />

l’appréhension du terme stratégie reste identique, ce qui montre à quel point les deux aspects<br />

sont imbriqués et corrélés.<br />

Inférer des caractéristiques identitaires de l’observation des usages c’est aussi<br />

d’une certaine manière catégoriser l’individu à travers des éléments structurels, perçus comme<br />

repères dans le processus d’identification. Pour illustrer notre propos, faire un article dans tel<br />

magazine pourrait suggérer une certaine connivence avec la politique du magazine, ce qui<br />

165 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 23.<br />

107


serait un repère pour laisser penser que des idées similaires sont développées par l’artiste.<br />

C’est un exemple parmi d’autres à forte valeur heuristique.<br />

Attention, pour appréhender ces phénomènes il ne s’agit pas de se limiter à un<br />

instant « t ». La construction identitaire s’envisage dans la (dis)continuité.<br />

L’usage contribue à la constitution de l’identité, à son maintient, à son<br />

renforcement mais aussi aux ruptures. Ainsi, la dimension médiatique vient à légitimer ou non<br />

la construction identitaire.<br />

« Dans leurs stratégies, (…) c’est non seulement leur promotion et leur image<br />

sociale qui sont en jeu, mais les valeurs de leurs cultures et leurs liens avec la<br />

communauté… » 166<br />

b. Des enjeux<br />

Un élément primordial à la compréhension des stratégies (omis volontairement<br />

lors de notre paragraphe concernant les éléments clefs pour comprendre et interpréter les<br />

stratégies du plan médiats) est celui des enjeux. Ainsi que le note Pierre Chambat, « l’identité<br />

devient un enjeu » 167 .<br />

L’identité « se révèle donc comme un enjeu central de la communication<br />

interpersonnelle et sociale. La maîtrise et le contrôle de cet enjeu sont, pour l’individu comme<br />

pour le groupe, des facteurs stratégiques très importants dans l’interaction, sources de la<br />

plupart des sentiments qu’en retirent les protagonistes… » 168<br />

La communication, l’usage des médias, fait partie intégrante de la construction<br />

d’identités, comme lieux d’enjeux, dans la formation publique des problèmes définitionnels et<br />

conflictuels, eux-mêmes lourds d’enjeux politiques, économiques, sociaux, culturels, … et de<br />

manière générale, enjeux de pouvoirs.<br />

L’importance de la mise en scène dans la représentation médiatisée, conduit à<br />

penser que la construction d’une identité, est l’enjeu sous-jacent de la mise en œuvre du plan<br />

médiats. En effet, la constitution de mi-lieux d’identification permet d’envisager des traits<br />

relatifs à l’identité.<br />

Des logiques d’intégration, d’innovation, de crédibilité, etc. sont présentes dans<br />

la présentation et l’interaction avec autrui.<br />

166 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 136.<br />

167<br />

CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à<br />

communiquer, Editions Descartes, Paris, 1992, Yves Toussaint, « Historique des usages de la télématique »,<br />

p.206<br />

168 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 187.<br />

108


« La mise en place d’une stratégie identitaire, au-delà des finalités partielles et<br />

circonstancielles, vise toujours l’existence même de l’acteur, la reconnaissance aux yeux des<br />

autres et aux siens d’une place qui lui soit propre et comme le dit Maslow (1954) : la<br />

réalisation de soi. » 169<br />

Maintenir, développer des distinctions, l’appartenance à des communautés, la<br />

constitution d’identité de groupe, … s’organise dans la pratique médiatique. Les effets sont<br />

parfois éloignés des ambitions. Il n’empêche qu’il est possible d’en inférer des<br />

caractéristiques sur le plan identitaire.<br />

c. Du positionnement … à l’image<br />

Les jeux de représentations et de mise en scène sont des lieux riches de<br />

significations, imbriqués avec la dimension identitaire. L’usage des outils médiatiques est<br />

simultanément source de construction de soi et de « marquage social ».<br />

« Se réalisant à travers l’échange social, la constitution de l’image de soi<br />

confère donc à la parole une place centrale dans la problématique identitaire. » 170<br />

En prenant en compte l’identité, il est possible de distinguer le positionnement<br />

visé, mais aussi l’image qui est perçue ; l’identité individuelle, l’identité collective ; l’identité<br />

pour soi, l’image pour autrui, etc.<br />

En reprenant les propos de Pierre Chambat qui suivent, on suggère que « c’est<br />

l’identité d’un groupe, identité associée à une pratique et groupe constitué dans cette pratique,<br />

qui conditionne la possibilité de le représenter ; mais, simultanément, la mise en place de<br />

mécanismes représentatifs contribue à la constitution des identités... » 171<br />

Il est essentiel de replacer les usages des médias dans un ensemble de pratiques<br />

(par exemple, les loisirs) qui contribuent à la construction d’états d’esprits qui investissent les<br />

usages, au centre de la construction identitaire.<br />

S’interroger sur les usages des médias, comme peuvent le faire de leur côté les<br />

publics, c’est aussi questionner les intentions d’actions des organisations, voire penser la<br />

prévisibilité de leurs comportements.<br />

169 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 41.<br />

170 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 184.<br />

171 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des<br />

usages, « NTIC et représentations des usagers », CHAMBAT Pierre, Editions Apogée, collection Médias et<br />

nouvelles technologies, 1994, p. 52.<br />

109


En effet, le récepteur se questionne quant aux motivations qui donnent<br />

naissance à l’action. Selon ce qu’il décèle, il en interprète ensuite des éléments venant<br />

qualifier l’image de celui qui se met en scène.<br />

Ainsi c’est par anticipation de la représentation de son action sur autrui, que<br />

l’entité émettrice se remet en question avant toute action. Elle se représente les effets de son<br />

action sur les représentations qu’autrui se fera de son identité, qu’elle aura elle-même<br />

véhiculé au travers de représentations.<br />

« L’image, à l’origine, est le reflet de la réalité sur une surface réfléchissante.<br />

Elle est ainsi à la fois ce qui ressemble (mimesis), ce qui se voit (phanein), la connaissance<br />

offrant accès à la réalité (eidos), mais aussi, ce qui forme l’écran, l’illusion (phantasme) qui<br />

fait croire à l’existence d’une réalité. » « Elle [l’image, ndlr] est surtout un objet dont nous<br />

n’avons pas terminé de cerner les usages, les fonctions, les fonctionnements, les impacts, les<br />

pouvoirs … » 172<br />

2. L’écriture médiatique<br />

ou la prise en compte des valeurs<br />

Afin de mettre en avant la prégnance de l’image et l’importance de la<br />

construction identitaire à travers l’usage des médias on peut se référer à la notion d’ « écriture<br />

médiatique » reprise notamment par Jacques Pilhan, conseiller en communication de François<br />

Mitterrand, puis de Jacques Chirac. Cette « notion d’ « écriture médiatique », opposée à celle<br />

de « contenu » du discours, renvoie à la manière de choisir « tel média – télé, radio, écrit –<br />

selon l’effet qu’on veut obtenir, et à tel moment, selon la séquence dans laquelle on se<br />

trouve ». Se référant à l’école de Palo Alto (et à sa terminologie métaphorique, inspirée des<br />

développements technologiques), J. Pilhan distingue deux aspects dans un message :<br />

- « le digital, correspondant au contenu rationnel » ;<br />

- « l’analogique, c’est-à-dire les sensations que vous recevez en même temps que le message<br />

et qui vous permettent de l’interpréter de façon subconsciente » ; à quoi il assimile<br />

l’ « écriture médiatique » 173<br />

Ainsi paradoxalement, la notion d’écriture en vient à désigner non point la<br />

construction du contenu d’un message mais son aura et sa construction rhétorique.<br />

172 SICARD Monique, « Les paradoxes de l’image », dans Hermès, n°21, « Sciences et médias », 1997, p. 46.<br />

173 PILHAN Jacques, « L’écriture médiatique », Le Débat, n° 87, novembre 1995, p.5-6, cité dans LAVOINNE<br />

Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, « Des médias », p. 38.<br />

110


Les considérations pratiques de Jacques Pilhan reprennent certains points<br />

théorisés par les chercheurs en sciences de la communication. Si ses références viennent de<br />

l’école de Palo Alto, on y trouve également des échos dans les propos d’Eliséo Véron et<br />

Martine Levasseur. Selon eux, tout support complexe combine trois ordres du sens : « Le<br />

linguistique […], L’analogique, c’est l’ordre de l’iconisme, où les relations signifiantes sont<br />

fondées sur la ressemblance. Ce registre est celui de la représentation.<br />

Le métonymique […], opère par rapports existentiels : voisinage, partie / tout, envers / revers,<br />

contenant / contenu. Ici, les relations signifiantes s’établissent donc par des renvois indiciels.<br />

Du point de vue du sujet, le support du registre métonymique c’est son corps signifiant. […]<br />

Dans nos sociétés industrielles, tous les médias produisent du sens par une combinatoire de<br />

trois ordres. […] Ce niveau métonymique est donc celui du contact, et il s’articule par<br />

conséquent toujours à la corporéité du sujet destinataire. » 174<br />

Les propos tenus par Eliséo Véron et Martine Levasseur enrichissent les<br />

considérations pratiques de l’écriture médiatique. L’importance donnée à la corporéité et au<br />

geste confère à l’aspect identitaire une place essentielle. Ce corps dévoile inévitablement du<br />

sens sur lui-même.<br />

« Alors que dans la vie quotidienne, la relation de face à face est influencée par<br />

l’intonation, les gestes, les mimiques ou l’habillement, la relation en mode asynchrone sur le<br />

réseau est conditionnée par les modalités d’écriture et de présentation de soi … » 175<br />

Lorsque l’on se penche sur la composante relationnelle ou l’aura<br />

organisationnelle, on constate qu’il y a un capital symbolique, propre à chaque média. Un<br />

ensemble de traits spécifiques, relatifs à des valeurs, des règles d’écriture, des types de<br />

contenu, etc. sont constitutifs de marques distinctives.<br />

C’est pourquoi notre regard se penche entre autres choses, sur les modes de<br />

matérialisation des relations médiatiques et de l’acte d’énonciation. Mais aussi les manières<br />

propres, de ceux susceptibles de faire figure de médiateurs.<br />

Il s’agit de considérer la valeur de l’objet non pas dans l’objet lui-même, mais<br />

dans sa signature.<br />

* * *<br />

174 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 30.<br />

175 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 199.<br />

111


Pour conclure ce paragraphe, on peut dire qu’ « il ne s’agit plus exclusivement<br />

de maîtriser le monde de la matière mais aussi de jouer avec les univers culturels dans leurs<br />

dimensions symboliques et imaginaires. » 176<br />

III. Des usages aux stratégies :<br />

les lieux de construction<br />

des identités<br />

Les lieux indiciels de la construction d’identités vont bien au-delà des supports<br />

physiques. La constitution d’espaces, de médiations, etc. témoignent de ces lieux indiciels de<br />

la construction d’identités. La mise en scène supposée par les médias suscite de nombreuses<br />

interrogations. « Leurs dispositifs méritent attention car ils renseignent sur la place et le rôle<br />

de chaque catégorie d’acteurs sociaux. » 177<br />

Autour des actions se construisent des axes identitaires et ainsi des<br />

communautés, des territoires, des valeurs, etc. parfois sources de tensions aux yeux des<br />

publics.<br />

1. Des axes identitaires<br />

Au travers les actions, les plans d’actions et les lieux médiats de significations,<br />

il est possible de faire émerger la constitution d’axes identitaires. Ceux-ci sont pensés tant en<br />

amont qu’en aval si l’on peut dire.<br />

L’action n’a pas lieu d’être pour elle-même, elle est envisagée dans<br />

l’interaction avec et pour autrui. Se conférer une visibilité en faisant usage des médias, c’est<br />

aussi s’affirmer et se constituer une image face à autrui.<br />

Présenter un artiste c’est lui construire une histoire, mais aussi un avenir.<br />

a. Musique et sport & musique et social<br />

Son, street, sport et social sont des traits qui s’expriment de manière combinée<br />

à travers le plan médiats présenté au chapitre précédent. De ces traits caractéristiques il ressort<br />

176 MUSSO Pierre et RALLET Alain (sous la direction de), Stratégies de communication et territoires,<br />

L’Harmattan, 1995, p. 292.<br />

177 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « Espace<br />

public et discours politique télévisé », MOUCHON Jean, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 185.<br />

112


deux principaux axes identitaires. L’un est orienté vers la combinaison de la musique et du<br />

sport, le second articule musique et social.<br />

L’axe musique et sport se perçoit dans une action telle le tour du terrain, avec<br />

rappelons-le l’organisation d’un tournoi de football et d’un showcase à la fin de celui-ci. Cet<br />

axe se retrouve également dans la participation aux tournois Joga Bonito 3 organisé par Nike.<br />

De plus, le partenariat développé avec Nike a pour objet d’affirmer le côté<br />

sportif de Sefyu. Depuis la chanson de Run DMC « My Adidas », des partenariats avec les<br />

marques de sport se sont ouverts aux artistes du hip-hop 178 , alors qu’auparavant ils ne<br />

concernaient que des athlètes sportifs. Le marquage identitaire par le biais de partenariats est<br />

un élément essentiel au positionnement ainsi qu’aux éléments de perception de l’image.<br />

La biographie de l’artiste et les interviews mettent en avant cet aspect sportif<br />

dans la vie de Sefyu. Evoquer son passage en tant que stagiaire pro à Arsenal est un élément<br />

choisi sciemment de sorte à reconstruire un passé qui va être un des éléments d’identification<br />

future de l’artiste.<br />

L’axe musique et social se retrouve également dans la biographie de Sefyu.<br />

Notons au passage que sa biographie est un élément premier qui permet aux intermédiaires ou<br />

leaders, telle la presse par exemple, de transmettre des informations et de communiquer les<br />

premières bases de l’identité de Sefyu qui seront reprises ensuite par les publics.<br />

Le côté social est surtout présent dans la démarche. Le fait que G8, le label<br />

premier producteur de Sefyu, développe une activité associative apporte un fond social à<br />

l’activité de son artiste. Une entrée libre lors de l’évènement le Tour du terrain ainsi qu’à<br />

l’Elysée Montmartre va dans le même sens. Pour les concerts en province les quelques euros<br />

payés à l’entrée sont reversés à une association de quartier. Par ailleurs, faire participer les<br />

publics comme c’est le cas du concours 16 mesures, est à la base de l’orientation de l’identité<br />

de Sefyu dans son aspect social.<br />

C’est ainsi qu’émergent des distinctions saillantes aux yeux des publics,<br />

comme par exemple entre mettre à profit et faire du profit.<br />

Les actions et les lieux médiats de significations utilisés, sont gouvernés par<br />

des stratégies identitaires orientées vers la constitution des deux axes présentés. Ces derniers<br />

contribuent parallèlement à segmenter ou non l’identité de l’artiste.<br />

b. Segmenté & général<br />

178 Consulter Sneakers, documentaire sur la basket et le mouvement hip-hop.<br />

113


Ainsi que nous l’avons noté lors des stratégies médiatiques, il est possible de<br />

faire un usage spécialisé et un usage généraliste des médias.<br />

La construction de l’identité s’inscrit dans la continuité de cet usage. Il en<br />

ressort un potentiel s’adressant à des individus dans leur composante générale et/ou<br />

spécialisée.<br />

Cela se remarque non seulement à travers les nombreuses actions et lieux de<br />

significations cités précédemment, mais aussi dans la distinction que nous venons d’établir<br />

concernant les deux axes identitaires. Le premier, musique et sport, s’adresse dirions-nous à<br />

des individus plus ciblés que ne l’est le second, musique et social, qui quant à lui, inclus bien<br />

plus d’individus.<br />

Les multiples couleurs de l’album offrent la possibilité de s’adresser à<br />

différents types de publics. Le fait de tourner une deuxième version du clip « La vie qui va<br />

avec » est hautement significatif de cette volonté d’élargissement.<br />

Lorsqu’on parle d’élargissement, il est question notamment d’accroître le<br />

nombre de diffusions par jour, l’intégration dans un grand nombre d’émissions, dans les<br />

playlists, multiplier les possibilités d’intégration dans les cases thématiques, etc. Il s’agit ainsi<br />

d’en élargir les potentialités de diffusion et de visibilité et alors de diversifier les publics<br />

susceptibles d’être impliqués.<br />

Outre cela, il s’agit de développer un profil tantôt spécialisé, tantôt<br />

généralisant. Lorsque l’on parle de la cible on tient compte d’un certain nombre de<br />

caractéristiques identitaires sociales, géographiques, etc. C’est en cela que la composante<br />

identitaire est en corrélation avec l’usage des médias.<br />

L’usage et l’identité sont imbriqués, ils se recoupent et apportent des<br />

informations au niveau de la cohérence ou encore de la crédibilité.<br />

Faire de l’affichage, en comparaison avec la télévision, c’est se donner une<br />

visibilité segmentée et ciblée. C’est aussi se conférer et se voir attribuer de manière corrélée<br />

une identité. Etre invité sur des plateaux de télévision confère une plus grande ouverture sur la<br />

population réceptive potentielle et ainsi une identité plus ouverte et populaire.<br />

La construction de l’identité ne se réduit pas uniquement dans l’interaction<br />

immédiate avec les publics, dans l’espace-temps du contact. Elle se construit dans les<br />

relations, les réseaux, les communautés, les territoires, les valeurs, etc.<br />

114


2. De la construction<br />

a. Des réseaux de relations<br />

Analyser l’appropriation des outils médiatiques permet d’envisager la manière<br />

dont la relation se construit.<br />

L’usage des médias découle et est à l’origine de la constitution de relations,<br />

tant avec l’objet médiatique qu’avec les publics.<br />

Ainsi que les besoins cognitifs, affectifs, d’évasion et d’intégration, les besoins<br />

relationnels sont primordiaux à la compréhension des usages des médias.<br />

Ainsi que le note Eliséo Véron, « il ne suffit pas d’organiser la rencontre<br />

impromptue entre un public et une exposition pour que s’établisse automatiquement une<br />

relation. Ou pour dire les choses autrement il ne suffit pas au visiteur potentiel de passer<br />

devant pour rentrer dedans. » 179<br />

La relation qui s’instaure selon les acteurs induit divers niveaux d’implication.<br />

Ces derniers développent une dimension de proximité qui est propre à chaque relation.<br />

Ces relations sont pour les organisations, des éléments de maintien, si ce n’est de<br />

renforcement de leur identité. Les réseaux de relations peuvent être un point fort de celle-ci.<br />

Les usages des médias repensent et restructurent les groupes et les réseaux.<br />

Un lien social et identitaire s’établit et mobilise ainsi l’action. « Tandem développe toute une<br />

stratégie : «La France étant un pays conservateur, on passe par nos propres réseaux :<br />

l'Internet, le street-marketing...», commentent les deux rappeurs d'Aubervilliers » 180<br />

Les usages des médias participent de la formation de rapports sociaux, aux jeux<br />

de pouvoir et rapports de force.<br />

b. Des communautés<br />

Il semblerait ainsi que le note Yves Lavoinne, que « …les langages des médias<br />

sont souvent des codes spécifiques qui ne fonctionnement qu’à l’intérieur de communautés<br />

restreintes dont l’analyse doit envisager la construction. » 181<br />

Les dimensions « communautaire » et médiatique sont très liées. En effet, par<br />

l’usage, l’acteur fait sien et construit les normes de son appartenance sociale.<br />

179 VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps et le sens, BPI,<br />

Centre Georges Pompidou, 1983, p. 9.<br />

180 Extrait de « Le rap en quarantaine », Stéphanie Binet, Libération ; source :<br />

http://www.liberation.fr/page.php?Article=343914.<br />

181 LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus, 1997, introduction, p.<br />

6.<br />

115


Il se crée un lien d’identification à l’artiste qui passe notamment par les normes<br />

d’une communauté. Et ainsi des cadres de référence et d’appartenance, construisant un monde<br />

commun, dépassant le cadre temporel immédiat.<br />

Les pratiques de communication s’inscrivent dans une communauté, non<br />

seulement géographique, mais imaginée.<br />

c. Des territoires<br />

Au cours de ces recherches nous avons évoqué la construction de frontières<br />

symboliques, notamment sur le plan de communautés d’appartenances d’un « nous » et d’un<br />

« eux ». Celles-ci vont de paire avec la constitution de territoires. Là encore ces frontières<br />

territoriales ne sont pas restreintes à leur aspect matériel, quand bien même celles-ci seraient<br />

relatives à un territoire physique.<br />

« Les nouvelles techniques de l’information et de la communication, en rendant<br />

caduque la notion même de frontière, contribuent à l’adoption de modes de vie […] La<br />

transformation des territoires oblige à raisonner sur la virtualité des données et sur leur<br />

interdépendance. » 182<br />

Les stratégies médiatiques et identitaires sont corrélées avec une certaine<br />

représentation de l’espace et contribuent à sa construction. C’est ainsi que se constituent plus<br />

que des territoires, des frontières symboliques, qui déterminent les lieux d’actions, mais<br />

également des liens sociaux, des valeurs, …<br />

d. Des liens sociaux<br />

La prise en compte de la nature du lien communicationnel est essentielle à la<br />

compréhension des enjeux, ainsi qu’à la participation à la construction des identités.<br />

Il résulte de la mise en œuvre des actions et supports d’actions du plan médias,<br />

la construction d’un ciment social et culturel, qui n’est pas réduit au court terme.<br />

« L’usage se construit comme une interaction, une négociation entre technologie et<br />

utilisateurs, entre la fonction de l’une et les projets des seconds (ces projets n’étant d’ailleurs<br />

pas essentiellement utilitaires mais ressortissant plutôt d’une recherche de lien social). » 183<br />

182 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « Espace<br />

public et discours politique télévisé », MOUCHON Jean, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 182.<br />

183 VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une socio-politique des<br />

usages, « Introduction à une socio-politique des usages », VEDEL Thierry, Editions Apogée, collection Médias<br />

et nouvelles technologies, 1994, p. 26.<br />

116


Les usages des médias construisent des liens sociaux. Ils influent sur les formes<br />

de sociabilité qu’ils initient et qu’ils maintiennent. En effet, la pratique construit des identités<br />

mais aussi des liens sociaux et communautaires. « Insérés dans un réseau social circonscrit, ils<br />

constituent une communauté à part, avec ses codes et ses rituels, qui n’est pas sans rappeler le<br />

fonctionnement de certaines tribus. » 184<br />

E. Des valeurs<br />

Des domaines de croyances, des valeurs investissent les usages et pratiques.<br />

Adopter un outil de communication, n’entre pas seulement dans une<br />

problématique d’instrumentalisation, mais aussi hautement dans une problématique, de<br />

valeurs, d’idéologies et de symboliques. Il est clair que « l’usage social n’est jamais purement<br />

instrumental et qu’il comporte également une signification symbolique, qu’on aurait tort de<br />

négliger quand on étudie l’adoption des nouvelles technologies de communication. » 185<br />

En effet, « contrairement aux prétentions du discours techniciste, moderniste et<br />

libératoire, le lien entre les techniques et l’organisation sociale n’est pas direct. Il dépend de la<br />

prise en compte des valeurs. » 186<br />

La gestion des valeurs dans la continuité du passé et dans celle de l’avenir est<br />

primordiale.<br />

Ainsi les usages déterminent des valeurs et inversement les valeurs orientent<br />

les usages.<br />

Que signifie, ainsi que l’attestent de nombreux auteurs, de dire que les médias<br />

ne sont pas neutres ? L’outil lui-même n’apporte pas d’information. Seul l’usage lui confère<br />

une valeur. En effet, que dire par exemple d’un fauteuil si nous n’avons pas la valeur liée aux<br />

contextes d’usages ?<br />

Envisager les médias comme outil ainsi que nous le proposions précédemment,<br />

permet de considérer l’objet médiatique « vide de sens » avant que l’usage ne vienne lui<br />

conférer des valeurs. L’outil prend toute sa singularité dans ce qui est fait de lui, mais aussi<br />

par celui qui l’utilise. On décèle de manière implicite dans ces dernières lignes l’importance<br />

de l’identité de l’entité qui fait usage, se met en scène et développe ces propres références.<br />

184 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 204.<br />

185 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 193.<br />

186<br />

CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à<br />

communiquer, « Communiquer, relier », CHAMBAT Pierre, Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions<br />

Descartes, 1992, p. 22.<br />

117


Les usages ne prennent leur sens que dans « l’univers symbolique (les valeurs,<br />

les croyances, les traditions, les cultures, etc.) dans lequel elles se déploient. » 187<br />

Le corps qui fait usage et donne forme, se comprend en fait comme un<br />

background culturel, investit de conventions, … voire de normes. C’est ainsi qu’émergent les<br />

éléments de sens, liés à la dimension identitaire.<br />

« Le système de valeurs et de croyance relève de l’identité, les modèles<br />

d’adhésion et de comportements, de la culture. » 188<br />

3. Synthèse. Des stratégies médiatiques<br />

aux stratégies identitaires<br />

Afin d’apporter un bilan des éléments de résultats de l’ensemble du parcours de<br />

ces recherches nous avons réalisé quelques schémas. Ils nous permettent de rappeler<br />

brièvement les apports de cette étude.<br />

Tout d’abord nous<br />

avons vu qu’il est possible de définir<br />

un média à travers son usage. Nous<br />

avons distingué (à travers le schéma<br />

ci-contre « Les modalités d’usages<br />

des médias ») un axe urbain /<br />

institutionnel et un axe social /<br />

intime, qui renvoient respectivement<br />

aux territoires et liens à travers<br />

lesquels s’instaure la relation<br />

médiatique et communicationnelle.<br />

C’est à travers l’usage des mi-lieux et lieux médiats de significations que la<br />

relation communicationnelle prend forme et ainsi que se construisent des stratégies<br />

médiatiques.<br />

187 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 212.<br />

188 SCHWEBIG Philippe, Les communications de l’entreprise. Au-delà de l’image, Editions Mc Graw Hill,<br />

Paris, 1998, p. 39.<br />

118


Les stratégies médiatiques révèlent des éléments de leur construction notamment à travers des<br />

critères d’implication et de proximité. La prise en compte de ces critères induit directement la<br />

considération des lieux de construction identitaires (réseaux, liens sociaux, communautés,<br />

territoires, valeurs, etc.).<br />

Il émerge de ces diverses observations et schématisations, la possibilité<br />

d’envisager la construction de stratégies identitaires et médiatiques de manière combinée. Ces<br />

stratégies dosent et articulent minutieusement deux axes : l’axe « généraliste » et l’axe<br />

« spécialisé ».<br />

119


Entre constance et adaptation, la complexité des rapports, fait émerger des<br />

tensions, constitutives des identités.<br />

4. De la complexité des rapports<br />

constitutifs des identités<br />

« Les usages des TIC sont structurés par une sorte de tension permanente entre<br />

construction de soi et construction du groupe (…) ; entre contrôle et autonomie (…). » 189<br />

Penser les usages, c’est aussi penser au travers de logiques, apparentes au<br />

premier abord, comme contradictoires. Ces ambivalences sont sources de tensions. Pourtant,<br />

il est essentiel de les envisager dans leurs combinaisons et non restreintes à leur polarité. En<br />

effet, il est question entre autre, d’articuler un espace public, qui se traduirait par un<br />

mouvement de communication généralisé (orienté vers le centre), et des espaces publics, ou<br />

contre-pouvoirs « limités à des champs spécifiques et réservés à des acteurs particuliers » 190<br />

(orienté vers la périphérie).<br />

La participation de « micro-espaces » vient de l’incapacité de l’espace public<br />

institutionnalisé traditionnel à traiter de débats, qui le plus souvent le remettent en cause. La<br />

construction de l’espace public naît de ces tensions, ces réciprocités et complémentarités.<br />

« De l’analyse des résultats est d’abord apparue la complexité des pratiques de<br />

communication […] L’absence d’homogénéité dans les comportements des groupes recensés<br />

rend donc d’autant plus ardue la tâche consistant à cerner les usages potentiels … » 191<br />

L’action des rappeurs dans l’espace public, s’inscrit dans une certaine<br />

représentation de celui-ci, définit en l’occurrence non principalement comme un lieu<br />

d’argumentation et d’échange, mais comme un lieu de la parole contrainte par le consensus<br />

des institutions. En entrant dans le conflit définitionnel, les rappeurs s’affranchissent de cette<br />

contrainte, tout en devenant à leur tour, participants à ce consensus.<br />

* * *<br />

189 RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème édition enrichie, Ellipses, collection Infocom, 2005, p. 208.<br />

190 FLORIS Bernard, MIEGE Bernard, PAILLIART Isabelle, Les nouvelles formes de l’espace public, cité dans<br />

PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, « L’espace public<br />

à l’école de la société pédagogique », MOEGLIN Pierre, ELLUG, Grenoble, 1995, p. 99.<br />

191 JOUET Josiane, CELLE Nicole, La communication au quotidien. De la tradition et du changement à l’aube<br />

de la vidéocommunication, La Documentation Française et CNET – ENST, Paris 1985, p. 83.<br />

120


Ainsi que nous l’avons constaté dans ce chapitre, les répertoires de l’identité<br />

s’ancrent dans de nombreux lieux, comme les réseaux de relations, les territoires, les<br />

communautés, les liens sociaux, les valeurs, etc.<br />

« L’identité apparaît comme une sorte de « boîte à outils », selon l’expression<br />

de Devereux (1972), chaque « outil » étant un élément identitaire que le sujet choisit en<br />

fonction de son adéquation à « l’opération » demandée, autrement dit, suivant la situation<br />

dans laquelle il est. » 192<br />

Un capital identitaire se construit sous le regard évaluateur et le jugement<br />

d’autrui, à travers l’activité médiatique, la relation et le rapport interactionnel.<br />

192 CAMILLERI Carmel (sous la direction de), Stratégies identitaires, PUF, 1990, p. 46.<br />

121


Conclusion<br />

C<br />

es recherches sont fructueuses par les éléments de réponse qu’elles<br />

apportent, mais aussi par les interrogations qu’elles suscitent.<br />

Bilan<br />

Lors de la rédaction de ce mémoire de recherche nous avons mis à disposition<br />

un état de savoirs sur un objet précis : les stratégies médiatiques et identitaires relatives à la<br />

sortie de l’album « Qui suis-je ? » du rappeur Sefyu.<br />

Pour atteindre cet objet il nous a fallu passer par un travail d’observation,<br />

d’identification et surtout de reconstitution à travers les lieux médiats de significations<br />

employés. C’est par la réunion de l’ensemble des éléments de notre corpus que nous sommes<br />

en mesure de pouvoir justifier de la reconstitution et de l’interprétation de ces stratégies.<br />

Ainsi que notre lecteur a pu le constater, notre recherche ne s’appuie pas sur<br />

une analyse de chaque support de manière indépendante. Au-delà des supports, notre corpus<br />

suggère plusieurs niveaux et lieux qui permettent d’apporter du sens.<br />

Notre champ d’étude est abordé aussi bien par les effets symboliques des<br />

usages des médias, que par les conditions médiatiques liées aux usages. En combinant ces<br />

deux angles d’observation on parvient à les envisager de manière interdépendante.<br />

Plutôt que de placer l’aspect technique au premier plan, il s’est agit de mettre<br />

au cœur de ces recherches les relations sociales et symboliques, les usages et les<br />

représentations et ainsi les pratiques communicationnelles médiatisées par des systèmes,<br />

symboliques, techniques, …<br />

122


L’orientation interrogative de ces travaux empiriques privilégie l’examen des<br />

usages faits par des groupes sociaux singuliers. En effet, il se dégage de notre analyse du<br />

corpus les indices d’une vision propre à l’énonciateur. Et parallèlement l’action s’inscrit dans<br />

la construction d’un monde commun. En cela, il est d’autant plus pertinent de parler<br />

d’imaginaire d’action commune, du fait que notre recherche porte sur l’usage des médias.<br />

Nous avons constaté que pour rendre compte d’un tel objet et répondre à nos<br />

prétentions de recherche, il est nécessaire d’envisager le choix du média à travers le corps qui<br />

en fait usage comme participant à la construction des significations. Les éléments du corpus<br />

ont été essentiels à la mise à jour du regard de l’usager des médias.<br />

Bien que nous ayons laissé une marge de manœuvre à l’acteur, il est indéniable<br />

que nous observons des phénomènes qui dépassent les acteurs eux-mêmes.<br />

L’intérêt de notre analyse est qu’elle prend en compte les contextes, enjeux,<br />

contraintes… naissants à travers les usages, mais aussi desquels sont issus les usages et<br />

stratégies.<br />

L’observation des usages des dispositifs médiatiques à travers l’exploitation de<br />

notre corpus, met en perspective les stratégies sous-jacentes et révèle les fondements de<br />

propriétés communicationnelles et signifiantes construites à travers l’activité des usagers.<br />

On a pu remarquer que les usages ne relèvent pas que de simples choix<br />

techniques. Ils sont implicitement corrélés à des systèmes de valeurs, des rapports sociaux,<br />

etc. Les modalités d’appropriation, bien que multiples, engendrent des liens sociaux, des<br />

communautés imaginées et proposent des modèles d’identification.<br />

Le média comme outil ne peut être envisagé pour lui-même, il s’inscrit<br />

toujours dans une action (sociale et socialisée). Il n’est pas seulement un outil au service d’un<br />

acteur et d’une stratégie, il est acteur lui-même, d’une forme de construction sociale.<br />

C’est ainsi que nos recherches ont permis de mettre en lumière « la constitution<br />

d’un nouvel espace symbolique produit par des techniques de gestion du social, partagées<br />

entre des acteurs sociaux dominants aux logiques et aux stratégies sociales différentes ? » 193<br />

Limites<br />

Ce développement a rendu compte de dynamiques interactionnelles entre<br />

usager-outil, usager-communauté, …, et ainsi de la capacité signifiante des usages.<br />

Certes, nous ne pouvons théoriser les usages des médias.<br />

193 PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la communication, ELLUG,<br />

Grenoble, 1995, introduction, p. 15.<br />

123


Mais si on ne peut envisager toute la complexité des usages et des stratégies,<br />

on peut tout de même étudier les pratiques médiatiques liées à la sortie de l’album de Sefyu<br />

dans le cas présent, en abandonnant dès lors toute volonté d’exhaustivité.<br />

Observer ces dynamiques insaisissables, car non directement exprimées,<br />

conduit notre recherche à apporter nécessairement des éléments de réponses partiels.<br />

D’ailleurs, quelle est la limite de la validité des distinctions proposées ?<br />

La durée trop courte de la période d’observation ne nous permet pas de<br />

constater de récurrences et de faire émerger des modèles systématiques.<br />

Par ailleurs en tant qu’approche monographique, la limitation de notre<br />

recherche à l’étude d’un cas engendre des résultats à portée réduite. Cela permet de poser les<br />

bases de nouvelles interrogations.<br />

Perspectives d’ouverture<br />

et d’approfondissement<br />

Indubitablement, après l’analyse de notre corpus, il reste encore de nombreuses<br />

interrogations qui constituent des perspectives d’ouverture et d’approfondissement de ces<br />

recherches.<br />

Y aurait-il une déontologie, une éthique des usages des médias dans le rap ?<br />

Pour quelle systématicité des stratégies mises à jour ? Dans quelle mesure peuton<br />

modéliser les usages comme pratique culturelle ?<br />

Ces recherches n’ont pas pu rendre compte des proportions chiffrées de chaque<br />

support dans la construction du plan médiat. En effet, il serait intéressant d’avoir plus<br />

d’informations sur les répartitions des moyens financiers, les budgets temps et budgets<br />

humains. Quelle est la part de l’affichage ? En temps, en durée de vie, en budgets financiers<br />

investit, etc. ?<br />

Ces éléments permettraient d’envisager d’autres aspects, telle la<br />

complémentarité des mi-lieux et lieux médiats de significations par exemple. Quels sont les<br />

médias complémentaires ? Quels sont ceux qui ont une valeur de substitution ?<br />

Nous avons principalement mis en avant des logiques médiatiques. Dans quels<br />

autres systèmes d’interaction se construit-il des logiques de production et d’utilisation ?<br />

D’autre part, nous avons posé peu d’interrogations concernant les publics.<br />

Quelle reconnaissance y a-t-il des évènements, des supports et des identités aux yeux des<br />

124


publics ? Dans quelle mesure les usages seraient-ils orientés par des comportements<br />

attendus par les publics ?<br />

Autant d’interrogations qui soulèvent des ouvertures et approfondissements de<br />

ces recherches.<br />

Bien que notre regard se limite à la sortie de l’album du rappeur Sefyu, il n’est<br />

pas exclu de retrouver des contextes, des préoccupations, des enjeux similaires, dans des<br />

situations analogues ou différentes, comme d’autres projets de rap, d’autres genres musicaux<br />

ou systèmes médiatiques.<br />

Reconsidérer le projet en question avec d’autres projets rap notamment, est une<br />

perspective que nous aurions souhaité développer. Il serait enrichissant de comparer les<br />

usages des médias avec le rap aux Etats-Unis par exemple. Cela offrirait peut être l’occasion<br />

de constater des caractéristiques manquantes à l’analyse. La comparaison viendrait d’autant<br />

plus apporter des éléments à la base de la constitution des identités. Car c’est dans le rapport à<br />

l’autre que les identités se construisent.<br />

Pour conclure<br />

Même s’il reste de nombreux questionnements, nous avons tout de même<br />

apporté des éléments de réponse.<br />

En effet, en étudiant les modalités d’appropriation des dispositifs de médiation,<br />

l’étude de notre corpus a révélé dans ses résultats, des usages des médias répondant à des<br />

stratégies, au service de projets de visibilité et tout particulièrement de valorisation et de<br />

fabriques d’images. Nous avons ainsi démythifié l’ensemble des rapports dans lesquels ils<br />

s’inscrivent.<br />

En reprenant les propos de Roger Chartier, disant que : « c’est la Révolution<br />

qui a fait les livres et non l’inverse » 194 , on peut dire que ce sont les usages qui font les médias<br />

et non le contraire.<br />

194 CHARTIER Roger, Les origines culturelles de la Révolution française, 1991, cité dans CHAMBAT Pierre<br />

(sous la direction de), Communication et lien social. Usages des machines à communiquer, « Communiquer,<br />

relier », CHAMBAT Pierre, Cité des Sciences et de l’Industrie, Editions Descartes, 1992, p. 21.<br />

125


MéDIAGRAPHIE<br />

OUVRAGES<br />

Communication et médias<br />

o BABIN Pierre, Langage et culture des médias, Editions Universitaires, Paris, 1991.<br />

o BALLE Francis, Les médias, Flammarion, 2000.<br />

o DEBRAY Régis, Introduction à la médiologie, PUF, 2000.<br />

o LAVOINNE Yves, Le langage des médias, PUG, collection La communication en plus,<br />

1997.<br />

o LOCHARD Guy, BOYER Henri, La communication médiatique, Seuil, 1998.<br />

o MAIGRET Eric, MACE Eric, (sous la direction de), Penser les médiacultures. Nouvelles<br />

pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Armand Colin et INA,<br />

2005.<br />

o MC LUHAN Marshall, FIORE Quentin, Message et massage, mis en scène par AGEL<br />

Jérôme, PAUVERT Jean-Jacques, 1967.<br />

o MC LUHAN Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques<br />

de l’homme, Editions HMH, collection, Mame / Seuil, 1968.<br />

o MOLES Abraham A., Théorie structurale de la communication et société, Masson et<br />

CNET-ENST, Paris, 1986.<br />

o RIEFFEL Rémy, Que sont les médias. Pratiques, identités, influences, Editions<br />

Gallimard, 2005.<br />

o RIEFFEL Rémy, Sociologie des médias, 2 ème édition enrichie, Ellipses, collection<br />

Infocom, 2005.<br />

o SAILLANT Jean-Michel, Comprendre la dimension médiatique, comment analyser les<br />

médias ?, Ellipses, Paris, 1996.<br />

o VERON Eliséo, LEVASSEUR Martine, Ethnographie de l’exposition. L’espace, le corps<br />

et le sens, BPI, Centre Georges Pompidou, 1983.<br />

126


Espace public / Médiation<br />

o CAUNE Jean, Culture et communication, convergences théoriques et lieux de médiation,<br />

PUG, collection La communication en plus, 1995.<br />

o PAILLIART Isabelle (sous la direction de), L’espace public et l’emprise de la<br />

communication, ELLUG, Grenoble, 1995.<br />

Identités<br />

o CAMILLERI Carmel, KASTERSZTEIN Joseph, LIPIANSKI Edmond Marc,<br />

MALEWSKA-PEYRE Hanna, TOBOADA-LEONETTI Isabelle, VASQUEZ Ana,<br />

Stratégies identitaires, PUF, 1990.<br />

o LIPIANSKY Edmond Marc, Identité et communication. L’expérience groupale, PUF,<br />

1992.<br />

o SAEZ Jean-Pierre (sous la direction de), Identités, cultures et territoires, Desclée de<br />

Brouwer, Paris, 1995.<br />

Musique / Hip-hop / Rap<br />

o BAZIN Hugues, La culture hip-hop, Desclée de Brouwer, 1995.<br />

o BETHUNE Christian, Adorno et le jazz : analyse d'un déni esthétique, Paris, Klincksieck,<br />

2003.<br />

o BOUCHER Manuel, Le rap, expression des lascars, significations et enjeux du rap dans<br />

la société française, L’Harmattan, 1998.<br />

o BETHUNE Christian, Le rap, une esthétique hors la loi, Autrement, 2003.<br />

o BETHUNE Christian, Pour une esthétique du rap, Klincksieck, 2004.<br />

o DESSE et SBG, Freestyle, Florent Massot et François Millet Editeurs, 1993.<br />

o DUFRESNE David, Yo ! Révolution rap, éditions Ramsey, 1991.<br />

o FERNANDO jr S.H., traduit de l'anglais [Etats-unis] par Jean-Philippe Henquel et Arnaud<br />

Réveillon, The new beats : culture, musique et attitudes du hip-hop, Kargo, 2000.<br />

o SECA Jean-Marie, Les musiciens underground, PUF, collection psychologie sociale,<br />

2001.<br />

o SHUSTERMAN Richard, L’art à l’état vif. La pensée pragmatiste et l’esthétique<br />

populaire, traduit de l’américain par Christine Noille, Les Editions de Minuit, Paris, 1991.<br />

127


Stratégies marketing<br />

o COLBERT François, avec la collaboration de NANTEL Jacques, BILODEAU Suzanne,<br />

RICH J. DENNIS, Le marketing des arts et de la culture, Gaëtan Morin éditeur, 2000.<br />

o LENDREVIE Jacques, de BAYNAST Arnaud, Publicitor. De la publicité… à la<br />

communication intégrée, 6 ème édition avec la collaboration de RIOU Nicolas, Editions<br />

Dalloz, 2004.<br />

o LENDREVIE Jacques, LINDON Denis, Mercator. Théorie et pratique du marketing, 4 ème<br />

édition, Editions Dalloz, 1993.<br />

o MUSSO Pierre et RALLET Alain (sous la direction de), Stratégies de communication et<br />

territoires, L’Harmattan, 1995.<br />

o SCHWEBIG Philippe, Les communications de l’entreprise. Au-delà de l’image, Editions<br />

Mc Graw Hill, Paris, 1998.<br />

Usages<br />

o CHAMBAT Pierre (sous la direction de), Communication et lien social. Usages des<br />

machines à communiquer, Editions Descartes, Paris, 1992.<br />

o JOUET Josiane, CELLE Nicole, La communication au quotidien. De la tradition et du<br />

changement à l’aube de la vidéocommunication, La Documentation Française et CNET –<br />

ENST, Paris 1985.<br />

o LE COADIC, Yves F., Usages et usagers de l’information, collection 128, ADBS,<br />

Armand Colin, 2004.<br />

o PERRIAULT Jacques, La logique de l'usage, essai sur les machines à communiquer,<br />

Flammarion, 1989.<br />

o VITALIS André (sous la direction de), Médias et nouvelles technologies. Pour une sociopolitique<br />

des usages, Editions Apogée, collection Médias et nouvelles technologies, 1994.<br />

ARTICLES ET REVUES<br />

o CHAMPION Rémy, « Une typologie des stratégies d’entreprise dans le secteur de la<br />

communication », dans Médias pouvoirs, « Les médias et leurs publics », n° 21, 1 er<br />

trimestre 1991.<br />

128


o Enjeux de l’information et de la communication (source : http://w3.ugrenoble3.fr/les_enjeux,<br />

revue du GRESEC, Groupe de Recherche sur les Enjeux de la<br />

Communication, laboratoire de recherche Université Stendhal – Grenoble III).<br />

o HENNION Antoine, « De l’étude des médias à l’analyse de la médiation : esquisse d’une<br />

problématique », dans Médias pouvoirs, « Télévisions en Europe », n° 20, 4 ème trimestre<br />

1990.<br />

o LAMARQUE Patrick, « Un entretien avec Jean-Noël Kapferer. De l’image à l’identité »,<br />

dans Médias pouvoirs, n°42, 2 ème semestre 1996.<br />

o MEI, « Médiateurs et médiations », n° 19, sous la direction de THONON Marie,<br />

l’Harmattan, 2003.<br />

o NEVEU Erick, « Médias, mouvements sociaux, espaces publics », dans Réseaux, n° 98,<br />

« Médias et mouvements sociaux », 1999.<br />

o Réseaux, Les médiations, n° 60, juillet-août 1993.<br />

o SICARD Monique, « Les paradoxes de l’image », dans Hermès, n°21, « Sciences et<br />

médias », 1997.<br />

MéMOIRES ET THÈSES<br />

o DEBRUYNE François, Réseaux, espaces communs et espaces publics des musiques<br />

électroniques. La production de quelques sociabilités musicales aujourd’hui, thèse sous la<br />

direction de FICHEZ Elisabeth, Lille III, 2001.<br />

o GARRIGOS Gilles, Constructions identitaires au travers des musiques amplifiées :<br />

approche des enjeux d’une autre appréhension du secteur par les politiques publiques,<br />

mémoire sous la direction de TEILLET Philippe, Lyon II, 2002.<br />

o GIACOMONI Sandra, Etudes des stratégies de marketing par rapport à l’identité du<br />

service public : les stratégies de France Télévision contribuent-elles à l’identification<br />

d’une chaîne en tant que chaîne de service public ?, mémoire sous la direction de JOST<br />

François, Paris III, 1996.<br />

o HEITZ Delphine, La culture des Inrockuptibles, 1986-2000, mémoire sous la direction de<br />

JOST François, Paris III, 2002.<br />

129


SITES INTERNET<br />

Articles de presse :<br />

http://www.economiematin.com<br />

http://www.econovateur.com<br />

http://lemonde.fr<br />

http://www.lentreprise.com<br />

http://www.lexpress.fr<br />

http://www.liberation.fr<br />

http://management.journaldunet.com<br />

http://www.passe-partout.de<br />

http://www.poivrerouge.ouvaton.org<br />

http://www.zone-mondiale.org<br />

Des chiffres :<br />

http://www.aacc.fr/media<br />

http://www.observatoire-medias.info<br />

Divers sur les médias :<br />

http://www.acrimed.org.<br />

La recherche (en SIC) :<br />

http://archivesic.ccsd.cnrs.fr<br />

http://cnu71.online.fr<br />

http://commposite.org<br />

http://www.enssib.fr/autres-sites/reseaux-cnet/<br />

http://www.recherche-action.fr<br />

http://revuesonline.lavoisier.fr<br />

http://www.sfsic.org<br />

http://www.univ-lille3.fr/revues/etudesdecom<br />

http://w3.u-grenoble3.fr/gresec<br />

http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux/<br />

http://www.webinfocom.msh-paris.fr/<br />

130


Le marketing :<br />

http://www.mercator.fr<br />

http://www.metrobus.fr<br />

http://www.publicitor.fr<br />

Le streetmarketing :<br />

http://www.buzz-marketing.fr<br />

http://www.culture-buzz.com<br />

http://www.nouveaujour.fr<br />

http://www.marketing-alternatif.com<br />

http://www.tribeca.fr<br />

http://www.undercover-marketing.fr<br />

http://www.urbanact.com<br />

Sites et blogs à tendance MUSIQUE, rap et hip-hop :<br />

http://www.90bpm.net/<br />

http://www.booska-p.com<br />

http://www.davduf.net pour la consultation en ligne du livre Yo ! révolution rap de David<br />

Dufresne, publié en mars 1991 par les Editions Ramsay, introuvable aujourd’hui.<br />

http://www.cosmichiphop.com<br />

http://www.evene.fr<br />

http://www.lehiphop.com<br />

http://www.radio-music.org<br />

http://www.sefyu.fr<br />

http://sefyu-molotov4.skyblog.com<br />

http://sefyu150.skyblog.com<br />

http://sefyunccofficiel.skyblog.com<br />

Sites institutionnels :<br />

http://www.connaitresfr.fr<br />

http://www.francetelecom.com<br />

http://www.irma.asso.fr<br />

http://www.senat.fr<br />

131


DOCUMENTS AUDIOVISUELS<br />

Sneakers, documentaire sur la basket et le mouvement hip-hop.<br />

132


TABLE DES MATIERES<br />

Introduction p. 10<br />

Objet d’étude p. 10<br />

Quel secteur, quelle période, quels médias ? p. 11<br />

Le sujet p. 12<br />

Problèmes et interrogations p. 15<br />

Fondements théoriques p. 15<br />

Démarche méthodologique p. 17<br />

Le corpus p. 18<br />

Hypothèse p. 18<br />

Problématique ? p. 18<br />

Annonce du plan p. 19<br />

CHAPITRE I<br />

REPENSER LES MEDIAS<br />

A TRAVERS LE RAP<br />

p. 20<br />

I. Propos préliminaires p. 21<br />

1. Position discutée p. 21<br />

2. Hypothèse p. 22<br />

3. Méthodologie p. 22<br />

4. Plan p. 22<br />

II. Penser les médias p. 22<br />

133


1. Une définition des médias ! p. 22<br />

2. Une conception traditionnelle et institutionnelle ? p. 24<br />

A. De l’implicite mass médiatique p. 24<br />

B. Le « hors-média » p. 26<br />

B.1. Ou les médias à usages non massifs p. 26<br />

B.2. Ou les médias à usages non publicitaires ? p. 27<br />

3. Des médias alternatifs ? p. 28<br />

A. L’espace urbain investit ou quand l’image sort du cadre p. 29<br />

B. Le streetmarketing p. 31<br />

B.1. Les techniques du streetmarketing p. 31<br />

B.2. Du buzz p. 32<br />

B.3. Undercovered p. 33<br />

B.4. Impliquer les publics p. 33<br />

B.5. Une guérilla urbaine p. 34<br />

4. Pour quel positionnement ? p. 35<br />

A. Des niveaux d’analyse p. 36<br />

B. Le média : un mi-lieu p. 37<br />

B.1. Un lieu de construction du sens p. 37<br />

B.2. Quand le lieu devient espace p. 38<br />

B.3. L’ « entre » p. 39<br />

III. Rap et médias : des relations paradoxales et controversées p. 41<br />

1. Le rap et la rue p. 41<br />

2. Le marché du rap p. 41<br />

3. Le rap et les médias, quelles relations ? p. 42<br />

A. La médiatisation du rap p. 42<br />

B. Rap et institutions p. 43<br />

C. La construction de frontières symboliques p. 44<br />

4. Paradoxes et controverses p. 45<br />

134


CHAPITRE II<br />

DE L’USAGE : ENTRE APPROPRIATION<br />

ET CONSTRUCTION<br />

p. 48<br />

I. Propos préliminaires p. 49<br />

1. Position discutée p. 49<br />

2. Hypothèse p. 50<br />

3. Méthodologie p. 50<br />

4. Plan p. 50<br />

II. Penser les usages p. 51<br />

1. La notion d’usage cantonnée aux études en réception ? p. 51<br />

2. Eclairages définitionnels p. 52<br />

A. Sur la notion d’usage p. 52<br />

A.1. Définition p. 52<br />

A.2. Du qualitatif ? p. 52<br />

A.3. Usages et représentations d’usages p. 53<br />

B. Sur la notion d’usager p. 53<br />

III. De l’appropriation p. 55<br />

1. De la teckné p. 55<br />

2. De l’appropriation à la pratique discursive p. 55<br />

IV. L’usager comme acteur p. 56<br />

1. De la participation citoyenne p. 56<br />

2. Des choix rationnels (in)conscients p. 57<br />

3. De la conformité ? p. 58<br />

4. Des logiques d’usages p. 58<br />

5. Des modalités d’usages des médias p. 60<br />

6. De la représentation à l’action p. 62<br />

CHAPITRE III<br />

135


DEs STRATEGIES<br />

MEDIATIQUES<br />

p. 64<br />

I. Propos préliminaires p. 65<br />

1. Position discutée p. 65<br />

2. Hypothèse p. 65<br />

3. Méthodologie p. 65<br />

4. Plan p. 66<br />

II. Les stratégies au cœur de l’usage des médias … l’usage des médias au<br />

cœur des stratégies p. 67<br />

1. Eclairage définitionnel sur le concept de stratégie p. 67<br />

2. Des choix stratégiques p. 68<br />

3. Revisiter la notion de stratégie p. 68<br />

III. Le « plan médiats » p. 69<br />

1. Le cas de la sortie de l’album de Sefyu « Qui suis-je ? » le 24 avril <strong>2006</strong> p. 69<br />

2. Le projet p. 70<br />

A. L’album « Qui suis-je ? » p. 71<br />

B. Le maxi « La légende » p. 71<br />

C. Le clip « La vie qui va avec » p. 71<br />

3. Des évènements et lieux médiats de significations p. 72<br />

A. Construire un plan médiats p. 73<br />

B. Des mi-lieux d’actions … aux lieux médiats de significations p. 75<br />

B.1. La radio et ses lieux médiats de significations p. 75<br />

B.2. La presse … p. 76<br />

B.3. Internet … p. 76<br />

B.4. La télévision … p. 77<br />

B.5. La téléphonie … p. 77<br />

B.6. La rue … p. 77<br />

B.7. La commercialisation … p. 78<br />

B.8. Pour synthétiser les mi-lieux d’actions p. 78<br />

C. Des évènements … aux plans d’actions p. 80<br />

136


C.1. Le tour du terrain p. 81<br />

C.2. Concert sauvage à l’Elysée Montmartre le 25 avril <strong>2006</strong> p. 83<br />

C.3. L’émission Planète Rap, du 17 au 21 avril <strong>2006</strong>, sur Skyrock p. 84<br />

C.4. Showcase Fnac et autres p. 85<br />

C.5. Joga Bonito 3, du 15 juin au 2 juillet <strong>2006</strong> p. 86<br />

C.6. Résidence au Nouveau Casino les 13 et 20 juillet <strong>2006</strong> p. 87<br />

C.7. Concours 16 mesures p. 87<br />

C.8. Pour synthétiser les plans d’actions p. 88<br />

IV. Comprendre et interpréter les stratégies d’un plan médiats p. 90<br />

1. Le cadre situationnel p. 90<br />

2. Les acteurs p. 91<br />

A. Sefyu p. 91<br />

B. G8 p. 91<br />

C. Because Music p. 91<br />

D. Les institutions médiatiques p. 92<br />

E. Les publics / cibles p. 92<br />

3. Les contextes p. 93<br />

4. Les relations p. 94<br />

V. Les stratégies d’un plan médiats p. 96<br />

1. Proposer une typologie ? p. 96<br />

2. De l’usage « spé » et « généraliste » … p. 97<br />

3. Ou des stratégies « médiationnelles » p. 99<br />

A. Les stratégies d’un simulacre de proximité p. 99<br />

B. Les stratégies de connexion et de propagation p. 99<br />

4. De la cohérence ? p. 100<br />

CHAPITRE IV<br />

DES STRATEGIES<br />

IDENTITAIRES<br />

p. 102<br />

137


I. Propos préliminaires p. 103<br />

1. Position discutée p. 103<br />

2. Hypothèse p. 104<br />

3. Méthodologie p. 104<br />

4. Plan p. 104<br />

II. Les stratégies identitaires au cœur de l’usage des médias p. 105<br />

1. Les stratégies identitaires p. 105<br />

A. Eclairage conceptuel p. 105<br />

B. Des enjeux p. 108<br />

C. Du positionnement … à l’image p. 109<br />

2. L’écriture médiatique ou la prise en compte des valeurs p. 110<br />

III. Des usages aux stratégies : les lieux de construction des identités p. 112<br />

1. Des axes identitaires p. 112<br />

A. Musique et sport & musique et social p. 112<br />

B. Segmenté & général p. 113<br />

2. De la construction p. 115<br />

A. Des réseaux de relations p. 115<br />

B. Des communautés p. 115<br />

C. Des territoires p. 116<br />

D. Des liens sociaux p. 116<br />

E. Des valeurs p. 117<br />

3. Synthèse. Des stratégies médiatiques aux stratégies identitaires p. 118<br />

4. De la complexité des rapports constitutifs des identités p. 120<br />

Conclusion p. 122<br />

Bilan p. 122<br />

Limites p. 123<br />

Perspectives d’ouverture et d’approfondissement p. 124<br />

Pour conclure p. 125<br />

138


Médiagraphie p. 126<br />

Ouvrages p. 126<br />

Articles et revues p. 128<br />

Mémoires et thèses p. 129<br />

Sites internet p. 130<br />

Documents audiovisuels p. 132<br />

Table des matières p. 133<br />

Volume d’annexes<br />

139

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