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alsace - Ministère de la Culture et de la Communication

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L’occupation militaire en<br />

Alsace romaine<br />

Gertrud KUHNLE, Michel REDDÉ<br />

Dans <strong>la</strong> région, le Rhin a formé <strong>la</strong> frontière <strong>de</strong> l’Empire <strong>de</strong>puis<br />

le règne d’Auguste environ jusqu’à <strong>la</strong> conquête <strong>de</strong>s<br />

territoires <strong>de</strong> <strong>la</strong> rive droite (Ba<strong>de</strong>, massif <strong>de</strong> <strong>la</strong> Forêt-Noire,<br />

bassin du Neckar, Jura Souabe) au début <strong>de</strong>s années 70<br />

apr. J.–C. Le fleuve n’est re<strong>de</strong>venu frontière qu’à partir <strong>de</strong><br />

260, après <strong>la</strong> rupture du limes <strong>de</strong> Germanie supérieure. Il<br />

fut alors remilitarisé.<br />

Jusqu’aux années 1980, notre connaissance <strong>de</strong> l’occupation<br />

militaire romaine <strong>de</strong> l’Alsace a reposé essentiellement<br />

sur les travaux anciens <strong>de</strong> R. Forrer (Forrer 1927) puis<br />

<strong>de</strong> J.-J. Hatt (Hatt 1978) ; ils étaient essentiellement limités<br />

aux fouilles <strong>de</strong> Strasbourg (Hatt 1980). La <strong>de</strong>rnière<br />

synthèse véritable sur <strong>la</strong> frontière <strong>de</strong> Germanie, pendant<br />

le Haut-Empire, remonte au milieu <strong>de</strong>s années 1980 :<br />

H. Schönberger avait alors dressé <strong>de</strong> manière magistrale<br />

l’état <strong>de</strong>s connaissances archéologiques <strong>et</strong> historiques <strong>de</strong><br />

l’époque, site par site (Schönberger 1985). Pour le bassin<br />

du Rhin supérieur, le savant allemand soulignait <strong>la</strong><br />

faiblesse <strong>et</strong> les <strong>la</strong>cunes <strong>de</strong> notre information, en particulier<br />

pour <strong>la</strong> rive «française» du Rhin, assurément <strong>la</strong> moins<br />

bien documentée.<br />

L’idée selon <strong>la</strong>quelle ce secteur du fleuve constitue une<br />

frontière militarisée dès les débuts <strong>de</strong> <strong>la</strong> conquête augustéenne<br />

est tenace, en particulier chez les historiens français<br />

<strong>de</strong>puis R. Forrer. On a ainsi assez généralement admis<br />

l’idée d’une organisation très précoce du réseau routier<br />

entre Augst, colonie romaine <strong>de</strong>puis P<strong>la</strong>ncus (CIL X,<br />

6087), <strong>et</strong> Strasbourg, considérant que, dès le len<strong>de</strong>main<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> conquête <strong>de</strong>s Alpes, en 15 av. J.–C., <strong>de</strong>s postes<br />

militaires avaient été installés le long du Rhin. Dans ce<br />

schéma historique, le passage fameux dans lequel Florus<br />

(II, 30) signale l’imp<strong>la</strong>ntation, par Drusus, <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> cinquante<br />

castel<strong>la</strong> le long du fleuve a été sollicité à l’excès.<br />

Dans ces théories, qu’aucune source littéraire ne vient<br />

soli<strong>de</strong>ment étayer, une archéologie imprécise a joué son<br />

rôle, fournissant <strong>de</strong> pseudo-justifications <strong>de</strong> terrain aux<br />

historiens : ainsi J.-J. Hatt avait-il cru pouvoir «nommer»<br />

les castel<strong>la</strong> Drusiana : Bâle, Kembs, Kunheim/Biesheim,<br />

Strasbourg, Forstfeld <strong>et</strong> même localiser avec certitu<strong>de</strong> celui<br />

<strong>de</strong> Strasbourg au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> vieille ville (Hatt 1980).<br />

La pério<strong>de</strong> du Bas-Empire (milieu III e – milieu V e s. apr.<br />

J.–C.) était <strong>et</strong> reste toujours peu abordée par les archéologues.<br />

Pourtant, le fait d’appartenir à nouveau à une zone<br />

frontalière <strong>de</strong> l’Empire romain offre à <strong>la</strong> région un véritable<br />

essor qui ne se traduit pas exclusivement à travers le domaine<br />

militaire.<br />

Pour comprendre <strong>et</strong> pouvoir interpréter à sa juste valeur<br />

<strong>la</strong> situation géopolitique <strong>et</strong> le rôle <strong>de</strong> l’Alsace après l’abandon<br />

du limes germano-rhétique, il faut gar<strong>de</strong>r à l’esprit<br />

que c<strong>et</strong>te nouvelle zone frontalière (appelée Donau-Iller-<br />

Rhein Limes par les chercheurs germanophones) n’inclut<br />

pas seulement toute <strong>la</strong> région à l’ouest du Rhin supérieur,<br />

mais aussi l’intégralité du fleuve y compris <strong>la</strong> rive droite,<br />

voire par endroits <strong>de</strong>s territoires plus étendus outre-Rhin<br />

(par exemple le secteur du Kaiserstuhl). En plus, dès <strong>la</strong><br />

réorganisation <strong>de</strong>s provinces sous Dioclétien, le nord <strong>de</strong><br />

l’Alsace appartient à <strong>la</strong> province <strong>de</strong> Germania I, dont <strong>la</strong><br />

capitale est Mayence, <strong>et</strong> le sud à <strong>la</strong> province <strong>de</strong> Maxima<br />

Sequanorum, dont <strong>la</strong> capitale est Besançon. Ce contexte<br />

est capital pour l’analyse <strong>de</strong> l’occupation, qu’elle soit militaire,<br />

civile, ou – cas <strong>de</strong> figure fréquent au Bas-Empire –<br />

mixte. Le nouveau tissu administratif contribue à modifier<br />

les courants commerciaux. En ce qui concerne le dispositif<br />

militaire romain re<strong>la</strong>tif au Rhin supérieur, toutes les<br />

fortifications établies le long du fleuve, dont les têtes <strong>de</strong><br />

pont avec ou sans embarcadère, les ponts fixes ou ponts<br />

<strong>de</strong> bateaux ainsi que les flottilles militaires contribuent aux<br />

échanges avec les peuples a<strong>la</strong>mans qui vivent quant à<br />

eux dans un milieu romanisé. Le recrutement <strong>de</strong> fédérés<br />

a<strong>la</strong>mans <strong>et</strong> leur déploiement <strong>de</strong> part <strong>et</strong> d’autre du fleuve<br />

en est l’une <strong>de</strong>s conséquences. Le site d’Illzach <strong>et</strong> le burgus<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Sponeck (Kaiserstuhl) constituent à c<strong>et</strong> égard<br />

<strong>de</strong>s exemples particulièrement caractéristiques car ils ont<br />

livré un riche mobilier <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin du IV e s. <strong>et</strong> du début du<br />

V e s. qui associe <strong>de</strong>s obj<strong>et</strong>s romains <strong>et</strong> a<strong>la</strong>mans (Swoboda<br />

1986 ; Baudoux, Schweitzer 1993). Malheureusement,<br />

<strong>la</strong> recherche reste très <strong>la</strong>cunaire sur ce suj<strong>et</strong> puisqu’aucune<br />

étu<strong>de</strong> exhaustive à l’échelle régionale n’a été<br />

menée à ce jour.<br />

Les observations anciennes, réalisées <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> recherche archéologique jusqu’en 1990, sur le Bas-<br />

Empire, concernent <strong>la</strong> plupart du temps soit <strong>de</strong>s fortifications,<br />

soit <strong>de</strong>s nécropoles. Elles se concentrent notamment<br />

sur Strasbourg <strong>et</strong>, <strong>de</strong> façon moins intensive,<br />

sur quelques agglomérations, par exemple Saverne <strong>et</strong><br />

Horbourg-Wihr. Si les historiens <strong>et</strong> autres érudits s’intéressent<br />

dès le XIV e s. (cf. Twinger <strong>de</strong> Koenigshofen)<br />

aux fortifications, c’est que certains vestiges sont encore<br />

conservés à leur époque. Les premières découvertes <strong>de</strong><br />

nécropoles antiques à Strasbourg sont liées à <strong>de</strong> grands<br />

travaux comme les ouvrages <strong>de</strong> fortification mo<strong>de</strong>rnes (du<br />

XVI e au XVIII e s.) ou <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> <strong>la</strong> gare (XIX e s.).<br />

La première synthèse sur les vestiges du Bas-Empire<br />

<strong>de</strong> Strasbourg se trouve chez R. Forrer (Forrer 1927).<br />

Seules trois autres synthèses, toutes trop sommaires<br />

<strong>et</strong> anciennes, traitent du suj<strong>et</strong> <strong>de</strong>s fortifications du Bas-<br />

Empire en Alsace (Anthes 1917 ; Forrer 1926 ; Garbsch<br />

1970). Jusqu’aux années 1990, les archéologues <strong>de</strong> <strong>la</strong> région,<br />

excepté les chercheurs allemands, se sont très peu<br />

préoccupés <strong>de</strong>s fortifications tardives.<br />

I. APPORTS RÉCENTS : FORCES ET FAIBLESSES<br />

I.1. Le Haut-Empire<br />

Peu d’éléments nouveaux sont venus renouveler les<br />

connaissances anciennes <strong>de</strong>puis une vingtaine d’années,<br />

hormis <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong> trois camps temporaires, dont<br />

un à Mundolsheim (B<strong>la</strong>izot, Latron 1999) <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux à<br />

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