19.11.2013 Views

alsace - Ministère de la Culture et de la Communication

alsace - Ministère de la Culture et de la Communication

alsace - Ministère de la Culture et de la Communication

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Les édifices du culte<br />

Jean-Jacques SCHWIEN<br />

Avant d’abor<strong>de</strong>r ce bi<strong>la</strong>n, il convient d’évoquer les spécificités<br />

<strong>de</strong> l’archéologie <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> culte. L’histoire <strong>de</strong><br />

l’Église est un champ majeur <strong>de</strong> l’histoire médiévale, en<br />

raison <strong>de</strong> sources écrites abondantes <strong>et</strong> précoces mais<br />

aussi <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> témoins privilégiés <strong>de</strong> ses manifestations<br />

architecturales. Par <strong>la</strong> fouille <strong>de</strong>s sous-sols,<br />

l’analyse stratigraphique <strong>de</strong>s élévations, <strong>la</strong> relecture <strong>de</strong>s<br />

textes ou <strong>de</strong> l’iconographie, l’archéologie apporte ici <strong>de</strong>s<br />

observations sur ce qui n’est pas documenté par l’écrit ou<br />

les monuments, tout en portant un regard critique sur ce<br />

qu’on pensait bien connaître.<br />

C<strong>et</strong> apport porte à <strong>la</strong> fois sur <strong>la</strong> chronologie <strong>de</strong>s constructions,<br />

<strong>la</strong> fonction <strong>et</strong> l’organisation <strong>de</strong>s espaces, les traces<br />

du culte, les pratiques <strong>et</strong> <strong>la</strong> topographie funéraires sans<br />

oublier les données anthropologiques, <strong>la</strong> culture matérielle<br />

dont, en particulier, les matériaux <strong>et</strong> techniques <strong>de</strong><br />

construction tout comme les obj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie quotidienne<br />

ou spécifique. L’importance <strong>de</strong>s apports est différente selon<br />

<strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>et</strong> les types d’aménagements : le début<br />

du Moyen Âge, bien sûr, est plus propice aux découvertes<br />

que sa fin ; mais, <strong>de</strong> façon globale, l’archéologie<br />

reste un outil <strong>de</strong> recherche privilégié pour toutes les pério<strong>de</strong>s<br />

antérieures à <strong>la</strong> généralisation <strong>de</strong>s données iconographiques<br />

ou à <strong>la</strong> conservation quasi systématique <strong>de</strong>s<br />

archives administratives, soit – dans nos régions – les<br />

XVI e -XVII e siècles.<br />

L’église est, en eff<strong>et</strong>, un lieu central, pour paraphraser un<br />

concept <strong>de</strong>s sociologues déjà transposé à l’histoire urbaine.<br />

Point d’ancrage majeur <strong>de</strong> l’organisation territoriale<br />

au Moyen Âge, plus que le château (qui ne se généralise<br />

qu’après l’an mil) <strong>et</strong> même que <strong>la</strong> ville, son histoire<br />

résume souvent l’histoire d’une communauté d’habitants.<br />

C’est à partir d’elle qu’on évalue les modalités du passage<br />

<strong>de</strong> l’Antiquité au Moyen Âge, qu’on approche les<br />

questions <strong>de</strong> <strong>la</strong> renaissance carolingienne ou <strong>de</strong> l’encadrement<br />

paroissial après l’an mil.<br />

Mais c<strong>et</strong> édifice ne se résume pas au lieu <strong>de</strong> culte luimême<br />

: il comprend souvent <strong>de</strong>s bâtiments rési<strong>de</strong>ntiels<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources économiques, que ce soit<br />

au sein <strong>de</strong> communautés ecclésiastiques (abbayes, couvents,<br />

prieurés...) ou d’établissements d’accueil (hôpitaux,<br />

léproseries...). La hiérarchisation rigoureuse <strong>et</strong> évolutive<br />

<strong>de</strong>s fonctions cultuelles, rési<strong>de</strong>ntielles <strong>et</strong> administratives<br />

nécessite par ailleurs <strong>de</strong>s problématiques spécifiques,<br />

du groupe cathédral au quartier canonial, <strong>de</strong> l’église urbaine<br />

à <strong>la</strong> paroisse rurale, <strong>de</strong> l’abbaye bénédictine ou cistercienne<br />

au couvent mendiant, <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison-mère au<br />

prieuré, à <strong>la</strong> grange monastique voire à <strong>la</strong> simple chapelle,<br />

sans parler <strong>de</strong> certains types d’aménagements particuliers<br />

comme les cim<strong>et</strong>ières fortifiés, les chapelles castrales<br />

ou, du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s techniques, les aménagements<br />

hydrauliques <strong>et</strong> artisanaux.<br />

Ce mon<strong>de</strong> multiforme s’appuie toutefois sur <strong>de</strong>s modèles,<br />

liés à <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> vie, dont le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> Saint-Gall est<br />

un prototype (ou un aboutissement ?), qui perm<strong>et</strong>tent <strong>de</strong><br />

cerner, plus facilement que dans d’autres champs <strong>de</strong><br />

l’archéologie médiévale, l’organisation générale d’un édifice<br />

ou groupe d’édifices à partir <strong>de</strong> données conservées<br />

ou observées fragmentairement. C<strong>et</strong>te problématique<br />

du modèle est originale pour l’archéologie médiévale<br />

puisque, pour les autres topoi (<strong>la</strong> ville, le château, <strong>la</strong><br />

maison...), les formes privilégiées sont déduites <strong>de</strong>s observations<br />

<strong>et</strong> non adaptées à une règle préétablie. Ce<br />

qui perm<strong>et</strong> d’étudier <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> ce modèle, son é<strong>la</strong>boration<br />

progressive, sa diffusion. Avec le danger, bien sûr,<br />

que, comme dans le cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> cadastration antique, on<br />

chausse les lun<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> <strong>la</strong> règle pour interpréter <strong>de</strong>s données<br />

a priori.<br />

Dernière caractéristique importante, enfin, <strong>et</strong> ce qui rapproche<br />

l’archéologie religieuse <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s villes, c’est<br />

l’enchevêtrement général <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> ces établissements<br />

religieux <strong>et</strong> <strong>de</strong> leurs abords. Ceci est lié à <strong>la</strong> longue<br />

durée <strong>de</strong>s occupations (<strong>et</strong> donc <strong>de</strong>s reconstructions) ainsi<br />

qu’aux perturbations incessantes <strong>de</strong>s sols <strong>et</strong> sous-sols<br />

par les inhumations. Mais en même temps, tout au moins<br />

pour les églises, les données mobilières sont pauvres, ce<br />

qui rend souvent difficile l’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong> chronologies absolues.<br />

Un précé<strong>de</strong>nt bi<strong>la</strong>n portant sur 30 années d’archéologie<br />

médiévale en Alsace (Schwien 1991) avait noté, sur <strong>la</strong><br />

question <strong>de</strong>s édifices religieux, une p<strong>la</strong>ce re<strong>la</strong>tivement<br />

mo<strong>de</strong>ste dans les activités <strong>de</strong> recherche régionale.<br />

Ce bi<strong>la</strong>n avait mis en évi<strong>de</strong>nce les points suivants. Sur<br />

une cinquantaine d’interventions, sept avaient porté sur<br />

<strong>la</strong> totalité d’un édifice, une vingtaine avaient apporté <strong>de</strong>s<br />

éléments significatifs sur l’histoire ou le p<strong>la</strong>n du lieu, le<br />

reste étant <strong>de</strong>s opérations très ponctuelles. L’essentiel,<br />

par ailleurs, relevait <strong>de</strong> fouilles dites aujourd’hui préventives<br />

liées à l’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> chauffages par le sol ou <strong>de</strong><br />

travaux <strong>de</strong> restauration. Leur répartition régionale était satisfaisante,<br />

portant <strong>de</strong> façon égale sur <strong>la</strong> ville <strong>et</strong> <strong>la</strong> campagne<br />

; en revanche, les recherches se sont focalisées<br />

sur les églises elles-mêmes <strong>et</strong> plus rarement sur les lieux<br />

<strong>de</strong> vie communautaire.<br />

Le bi<strong>la</strong>n actuel porte sur les 15 <strong>de</strong>rnières années. L’analyse<br />

sommaire qui en est faite ici a pris pour base les<br />

chroniques <strong>de</strong> fouilles <strong>de</strong> <strong>la</strong> revue Archéologie médiévale<br />

(1990-2003) <strong>et</strong> les Bi<strong>la</strong>ns scientifiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> région Alsace<br />

(1991-1999). C’est un mo<strong>de</strong> d’approche qui ne facilite<br />

certes pas un bi<strong>la</strong>n détaillé : les notices sont souvent<br />

rédigées à <strong>la</strong> hâte, avant <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l’opération ou <strong>la</strong> rédaction<br />

du DFS (ce qui réduit <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s données en chronologie<br />

absolue, par exemple) ; leur caractère forcément<br />

abrégé réduit les argumentaires ; elles sont aussi chichement<br />

illustrées, avec parfois un p<strong>la</strong>n ou une coupe.<br />

Une cinquantaine d’opérations y sont signalées, soit le<br />

double du bi<strong>la</strong>n précé<strong>de</strong>nt. De fait, par le jeu <strong>de</strong>s opérations<br />

multiples (fouilles programmées, sondages puis évaluation<br />

ou fouille, <strong>et</strong>c.), ce sont seulement 35 édifices qui<br />

ont été étudiés.<br />

Le motif <strong>de</strong>s interventions n’est pas toujours évoqué. Un<br />

seul cas (Wittenheim–Schoensteinbach, au moins au début)<br />

porte sur une fouille programmée ; un autre s’en approche,<br />

celui <strong>de</strong> l’abbaye <strong>de</strong> Munster dont l’évaluation<br />

avait pour obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> documenter un proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> protection<br />

133

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!