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alsace - Ministère de la Culture et de la Communication

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Haguenau, il n’en est pas moins présent, <strong>de</strong> façon ponctuelle,<br />

dans toute l’Alsace, en partie d’ailleurs comme <strong>de</strong>rnier<br />

vestige d’un vil<strong>la</strong>ge disparu (Meisenthal [commune <strong>de</strong><br />

Memmelshofen], Elmersforst, Holtzbad, Thierhurst, <strong>et</strong>c.).<br />

La question est <strong>de</strong> savoir à quelle époque s’est fixée<br />

c<strong>et</strong>te structure du peuplement. Il est probable que le haut<br />

Moyen Âge a plutôt connu une prédominance <strong>de</strong>s hameaux,<br />

mais il reste à le démontrer, ainsi qu’à étudier <strong>et</strong><br />

à dater le passage au modèle actuel. La fouille d’habitats<br />

disparus en nombre suffisant serait le meilleur moyen d’y<br />

parvenir.<br />

Dès à présent, M. Châtel<strong>et</strong> note que, parmi les habitats<br />

fouillés récemment, aucun n’a été occupé au-<strong>de</strong>là du<br />

XII e s. D’autres indices aussi font entrevoir que ce siècle<br />

marque une césure. Or, c’est également le cas du point<br />

<strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’histoire rurale, telle qu’on l’entrevoit par les<br />

sources écrites (Sablonier 1984). Le XII e s. voit <strong>la</strong> naissance<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté rurale. Auparavant, <strong>la</strong> cellule essentielle<br />

<strong>de</strong>s campagnes est <strong>la</strong> cour domaniale ; les paysans<br />

<strong>et</strong> les terres qui en relèvent peuvent être dispersés<br />

dans plusieurs localités, <strong>et</strong> inversement il peut y avoir plusieurs<br />

cours domaniales dans le même vil<strong>la</strong>ge. Le vil<strong>la</strong>ge,<br />

par conséquent, n’est pas une unité juridique. C’est au<br />

XII e s. qu’il le <strong>de</strong>vient, avec l’apparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> ban<br />

communal <strong>et</strong> celle, corré<strong>la</strong>tive, <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté d’habitants,<br />

qui exerce une autorité sur ce ban (que certains<br />

textes appellent d’ailleurs «le ban <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> tel lieu»).<br />

Trois facteurs au moins semblent avoir favorisé, sinon provoqué<br />

l’émergence <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté rurale :<br />

– l’usage <strong>de</strong>s communaux <strong>et</strong> le renforcement <strong>de</strong> pratiques<br />

agraires collectives : assolement obligatoire,<br />

troupeau communal, <strong>et</strong>c. ;<br />

– <strong>la</strong> défense collective contre <strong>la</strong> violence féodale : <strong>la</strong><br />

forme <strong>de</strong> guerre <strong>la</strong> plus usitée étant <strong>de</strong> piller les vil<strong>la</strong>ges<br />

<strong>de</strong> l’ennemi, les ruraux ont été amenés à fortifier<br />

leur cim<strong>et</strong>ière, <strong>et</strong> parfois leur vil<strong>la</strong>ge tout entier, <strong>et</strong> à s’organiser<br />

pour le défendre ;<br />

– les conflits d’intérêt avec les seigneurs conduisent également<br />

les paysans à s’unir, <strong>et</strong> ils sont d’autant plus<br />

portés à le faire dans le cadre du vil<strong>la</strong>ge que celui-ci,<br />

à <strong>la</strong> même époque, <strong>de</strong>vient celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> seigneurie banale<br />

– beaucoup plus pesante <strong>et</strong> plus offensive que <strong>la</strong><br />

seigneurie foncière, dont le cadre reste <strong>la</strong> cour domaniale.<br />

Or, qu’il s’agisse <strong>de</strong> se défendre contre le seigneur ou<br />

d’organiser collectivement <strong>la</strong> vie agraire, une communauté<br />

nombreuse est beaucoup plus efficace que les<br />

quelques familles qui forment <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’un hameau.<br />

On peut donc envisager un lien entre <strong>la</strong> concentration du<br />

peuplement en gros vil<strong>la</strong>ges <strong>et</strong> <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté<br />

rurale. Une sélection se serait alors opérée parmi<br />

les nombreux hameaux <strong>de</strong> l’époque précé<strong>de</strong>nte : les uns<br />

auraient été désertés, d’autres fortement agrandis – <strong>et</strong>,<br />

parmi ces <strong>de</strong>rniers, beaucoup <strong>de</strong> hameaux dotés d’une<br />

église : car un lieu <strong>de</strong> culte implique un cim<strong>et</strong>ière, qui peut<br />

servir <strong>de</strong> refuge ou être fortifié ; d’autre part, c’est souvent<br />

dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> paroisse que se forme <strong>la</strong> communauté<br />

rurale 45 .<br />

HAMEAUX ET VILLAGES : COMPLEXITÉ DE L’HISTOIRE DU<br />

PEUPLEMENT DE L’ALSACE<br />

Bien entendu, le processus <strong>de</strong> regroupement que nous<br />

évoquons ici à titre hypothétique, <strong>et</strong> sans savoir qui a pu<br />

en prendre l’initiative, ne s’est en tout cas pas effectué <strong>de</strong><br />

façon uniforme. Les cas qui s’en écartent méritent un intérêt<br />

particulier. Parmi eux, nous citerons, sans prétention<br />

à l’exhaustivité :<br />

– les vil<strong>la</strong>ges doubles, dont certains aboutissent à <strong>de</strong>ux<br />

communes distinctes (Ober- <strong>et</strong> Nie<strong>de</strong>rsteinbach, Ober<strong>et</strong><br />

Nie<strong>de</strong>renzen, Soppe-le-Haut <strong>et</strong> -le-Bas ...), d’autres<br />

à une seule (Ottrott, autrefois Ober- <strong>et</strong> Nie<strong>de</strong>rottrott ;<br />

Mackenheim, autrefois Ober- <strong>et</strong> Nie<strong>de</strong>rmackenheim),<br />

d’autres à une commune <strong>et</strong> un habitat disparu (Nie<strong>de</strong>r<strong>et</strong><br />

Oberburgheim : le premier est l’actuel Bourgheim,<br />

l’autre a disparu ; l’actuel Andolsheim est l’ancien Oberandolsheim<br />

; Nie<strong>de</strong>randolsheim a disparu, mais avait<br />

une église [M<strong>et</strong>z 1995]), sans parler <strong>de</strong> situations<br />

plus complexes (Steinbrunn-le-Haut a une église, mais<br />

Steinbrunn-le-Bas en avait <strong>de</strong>ux ; outre Montreux-Vieux<br />

<strong>et</strong> -Jeune, il y a Montreux-Château) ;<br />

– les vil<strong>la</strong>ges polynucléaires, comme Epfig (autour du<br />

noyau central, avec l’église <strong>et</strong> le lieudit Castel, gravitent,<br />

dès le Moyen Âge <strong>et</strong> aujourd’hui encore, les quartiers<br />

<strong>de</strong> Finkwiller, Fronholz <strong>et</strong> Sainte-Marguerite, ce <strong>de</strong>rnier<br />

avec une chapelle romane) ;<br />

– les communautés <strong>de</strong> vallée (Talschaften, Talgemein<strong>de</strong>n),<br />

dont le propre semble aussi d’être polynucléaires<br />

(And<strong>la</strong>u, Munster, Masevaux, Soultzmatt avec Thanwiller<br />

<strong>et</strong> Wintzfel<strong>de</strong>n) ; le terme s’applique aussi à <strong>de</strong>s<br />

cas où il ne s’agit pas vraiment d’une vallée au sens<br />

géographique (Reichshoffen, Traubach, Gildwiller ...) ;<br />

– les «couples inégaux», où un vrai vil<strong>la</strong>ge <strong>et</strong> une sorte<br />

<strong>de</strong> hameau font ensemble une commune ; ces couples<br />

perdurent parfois jusqu’à nos jours (Bischwiller <strong>et</strong> Hanhofen,<br />

Berst<strong>et</strong>t <strong>et</strong> Nieffern, Erstein <strong>et</strong> Kraft, Mutzig <strong>et</strong><br />

Hermolsheim, Berrwiller <strong>et</strong> Beroltzwiller) ; ailleurs, le<br />

«hameau» acquiert son autonomie (Ingersheim <strong>et</strong> Katzenthal)<br />

; ailleurs encore, il disparaît (Drusenheim <strong>et</strong><br />

Kotzenhusen, Issenheim <strong>et</strong> Ostein, Kappelen <strong>et</strong> Zeiswiller)<br />

;<br />

– les modifications du peuplement induites par <strong>la</strong> naissance<br />

d’une ville : il est vrai qu’en Alsace, <strong>la</strong> majorité<br />

<strong>de</strong>s villes médiévales sont d’anciens vil<strong>la</strong>ges fortifiés<br />

sur p<strong>la</strong>ce. Mais il y a une bonne vingtaine <strong>de</strong> «villes castrales»<br />

(M<strong>et</strong>z 1993), qui, au pied d’un château préexistant,<br />

se sont formées soit ex nihilo (Haguenau, Schirmeck),<br />

soit par dédoublement d’un vil<strong>la</strong>ge ancien (Ferr<strong>et</strong>te<br />

<strong>et</strong> Vieux-Ferr<strong>et</strong>te, Thann <strong>et</strong> Vieux-Thann), soit par<br />

transfert <strong>de</strong> celui-ci, aboutissant à <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> l’agglomération<br />

primitive : à Zellenberg, il n’en reste que le<br />

cim<strong>et</strong>ière, à Beinheim une chapelle <strong>et</strong> un moulin (Alt-<br />

Beinheim), <strong>et</strong> le site <strong>de</strong>s Octrois 46 à Ensisheim pourrait<br />

bien être l’emp<strong>la</strong>cement d’Ensisheim avant <strong>la</strong> création<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> ville dans <strong>la</strong> 2e moitié du XIII e s. ;<br />

– autre modification induite par l’urbanisation, il est fréquent<br />

qu’on note autour d’une ville une couronne<br />

d’habitats disparus : c’est ainsi qu’on cite Finhey,<br />

45 Mutzig, qui n’a été entouré <strong>de</strong> murs que vers 1320, a dès 1263 un sceau, dont <strong>la</strong> légen<strong>de</strong> est «S[igillum] parrochie <strong>de</strong> Mutziche» (AMS CH 120 ;<br />

Wittmer 1946 : n˚124).<br />

46 Mauvaise traduction <strong>de</strong> Zollhäuser (les maisons du poste <strong>de</strong> péage).<br />

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