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alsace - Ministère de la Culture et de la Communication

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d’interpréter correctement, <strong>et</strong> qu’il est dans certains cas<br />

possible <strong>de</strong> dater, au moins approximativement 39 ;<br />

– l’<strong>et</strong>hnologie, en raison <strong>de</strong>s nombreuses légen<strong>de</strong>s qui se<br />

rattachent aux habitats désertés (certaines sont <strong>de</strong>s récits<br />

étiologiques, <strong>de</strong>stinés à expliquer <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong><br />

l’habitat <strong>et</strong> <strong>la</strong> dévolution <strong>de</strong> son ban ; d’autres, liées à<br />

un lieu précis, peuvent ai<strong>de</strong>r à localiser <strong>de</strong>s habitats,<br />

par exemple les traditions re<strong>la</strong>tives aux Glockenbrunnen)<br />

40 ;<br />

– l’archéologie est, dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s cas, seule susceptible<br />

<strong>de</strong> préciser l’origine d’un habitat – qui peut, parfois,<br />

remonter à l’époque romaine 41 –, sa durée d’occupation,<br />

sa taille aux diverses pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> son histoire,<br />

son p<strong>la</strong>n, les circonstances <strong>de</strong> son abandon <strong>et</strong> bien<br />

d’autres informations. De plus, il lui arrive <strong>de</strong> découvrir<br />

<strong>de</strong>s habitats qu’aucun autre type <strong>de</strong> sources ne nous<br />

avait fait connaître.<br />

DES FOUILLES TROP RARES<br />

Or, comme les publications existantes se fon<strong>de</strong>nt essentiellement<br />

sur les sources écrites, ce<strong>la</strong> signifie que notre<br />

connaissance <strong>de</strong>s habitats disparus est encore embryonnaire,<br />

<strong>et</strong> qu’elle est susceptible d’être considérablement<br />

enrichie <strong>et</strong> profondément renouvelée – à condition que<br />

toute occasion <strong>de</strong> fouiller un habitat disparu soit saisie.<br />

Ces occasions, jusqu’à présent, n’ont pas été bien nombreuses.<br />

M. Châtel<strong>et</strong> – à <strong>la</strong> contribution <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle il<br />

convient <strong>de</strong> se reporter aussi pour notre suj<strong>et</strong> – fait remarquer<br />

qu’une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s habitats du haut Moyen<br />

Âge fouillés récemment l’a été lors <strong>de</strong> l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> lotissements<br />

ou <strong>de</strong> zones d’activité en bordure <strong>de</strong>s agglomérations<br />

actuelles, <strong>et</strong> que par conséquent il s’agit d’habitats<br />

qui ont connu jusqu’au XII e s. une certaine instabilité,<br />

mais n’ont nullement disparu, puisque les vil<strong>la</strong>ges actuels<br />

en sont <strong>la</strong> continuation directe.<br />

Les véritables vil<strong>la</strong>ges désertés, en revanche, étant c<strong>la</strong>ssiquement<br />

sur les lisières <strong>de</strong>s finages actuels, sont rarement<br />

menacés par les lotissements <strong>et</strong> les zones d’activités.<br />

En revanche, les travaux routiers <strong>et</strong> ferroviaires, entre<br />

autres, sont susceptibles <strong>de</strong> les toucher, <strong>et</strong> il est surprenant<br />

qu’ils ne l’aient pas fait plus souvent 42 . C<strong>et</strong>te <strong>la</strong>cune<br />

<strong>de</strong>s sources archéologiques interpelle l’historien : comment<br />

se fait-il qu’on trouve dans le sol si peu <strong>de</strong> traces<br />

<strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ges si bien attestés, <strong>et</strong> en si grand nombre, par<br />

les sources écrites ? Quand bien même on imaginerait<br />

que ces vil<strong>la</strong>ges, dès le XIV e s. n’avaient plus d’existence<br />

matérielle <strong>et</strong> ne survivaient que comme entités juridiques<br />

(ban, paroisse, <strong>et</strong>c.), ce ne serait pas le mot <strong>de</strong><br />

l’énigme, car il faudrait bien qu’ils aient existé au moins à<br />

une époque antérieure, ce qui <strong>de</strong>vrait <strong>la</strong>isser <strong>de</strong>s traces. Il<br />

faudrait donc plutôt envisager un biais qui explique que<br />

les travaux récents les évitent. Pour tester c<strong>et</strong>te hypothèse,<br />

une métho<strong>de</strong> pourrait être <strong>de</strong> prendre un grand<br />

chantier récent – le CD 300 ou l’autoroute <strong>de</strong> piémont,<br />

par exemple – <strong>et</strong> <strong>de</strong> localiser le plus précisément possible<br />

tous les habitats médiévaux susceptibles d’être proches<br />

<strong>de</strong> son tracé.<br />

C<strong>et</strong>te recherche mériterait d’être faite, car l’étu<strong>de</strong> archéologique<br />

<strong>de</strong>s habitats désertés présente un double intérêt<br />

: d’abord celui <strong>de</strong> leur disparition : quand, comment,<br />

pourquoi ? Quels facteurs expliquent que tel habitat est<br />

abandonné <strong>et</strong> tel autre non ? <strong>et</strong> que les habitats sont plus<br />

nombreux à disparaître dans telle région que dans telle<br />

autre ? 43<br />

En second lieu, les habitats désertés sont ceux dont <strong>la</strong><br />

fouille est a priori <strong>la</strong> plus prom<strong>et</strong>teuse, car leurs vestiges<br />

sont rarement perturbés par une occupation plus récente.<br />

Ce sont d’ailleurs les seuls dont <strong>la</strong> fouille soit possible<br />

<strong>de</strong> façon autre que ponctuelle. C’est sur eux, par<br />

conséquent, que repose notre connaissance du vil<strong>la</strong>ge<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison rurale au Moyen Âge – c’est-à-dire du<br />

cadre <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 90% <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion médiévale.<br />

Et les ruraux ne sont pas seulement l’immense majorité<br />

<strong>de</strong>s hommes du Moyen Âge, c’est aussi sur eux que les<br />

sources écrites <strong>et</strong> iconographiques nous renseignent le<br />

moins. Par exemple, M. Grodwohl a maintes fois souligné<br />

qu’on en savait moins sur <strong>la</strong> maison du Moyen Âge c<strong>la</strong>ssique<br />

que sur celle <strong>de</strong> l’époque mérovingienne : seule <strong>la</strong><br />

fouille d’habitats disparus peut combler c<strong>et</strong>te <strong>la</strong>cune. 44<br />

DU HAMEAU AU VILLAGE : CONCENTRATION DU<br />

PEUPLEMENT DANS L’ALSACE MÉDIÉVALE ?<br />

D’autre part, il est bien connu que l’Alsace est un pays<br />

d’habitat groupé – quoique avec <strong>de</strong>s nuances : si au total<br />

les Haufendörfer <strong>de</strong> belle taille sont majoritaires, il y<br />

a aussi <strong>de</strong>s régions où certains ne sont guère plus que<br />

<strong>de</strong>s hameaux – ainsi du nord-ouest du Sundgau <strong>et</strong> d’une<br />

partie <strong>de</strong> l’Outre-Forêt. Et si l’habitat isolé ne domine que<br />

dans quelques vallées <strong>de</strong>s Vosges <strong>et</strong> dans <strong>la</strong> c<strong>la</strong>irière <strong>de</strong><br />

39 Cf. en particulier Wolfram 1931 : 96-122 ; Langenbeck 1931 : carte 33, <strong>et</strong> les travaux ultérieurs du même auteur, dont les principaux sont énumérés<br />

dans <strong>la</strong> notice du Nouveau dictionnaire <strong>de</strong> biographie alsacienne qui lui est consacrée (Wilsdorf 1994).<br />

40 Un Glockenbrunnen est un puits dans lequel, au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> disparition d’un vil<strong>la</strong>ge, on aurait j<strong>et</strong>é <strong>la</strong> cloche <strong>de</strong> son église. Une fois par an, c<strong>et</strong>te<br />

cloche est censée remonter à <strong>la</strong> surface <strong>et</strong> se m<strong>et</strong>tre à sonner. Ce thème légendaire est assez répandu.<br />

41 C’est ce que <strong>de</strong>s prospections récentes ont montré par exemple dans le cas <strong>de</strong> Voellerdingen-Br<strong>et</strong>telberg (canton <strong>de</strong> Sarre-Union), où <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

céramique <strong>de</strong>s types Alzey <strong>et</strong> Nie<strong>de</strong>rbieber (II e <strong>et</strong> III e s.) voisine avec <strong>de</strong> <strong>la</strong> grise cannelée, <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Weyerkirch (commune <strong>de</strong> Rahling, canton<br />

Rohrbach-les-Bitche, Moselle), qui présente <strong>de</strong>ux sites distincts d’une vingtaine <strong>de</strong> mètres, l’un gallo-romain, l’autre médiéval (informations d’E. Thomann).<br />

À Butenheim (commune <strong>de</strong> P<strong>et</strong>it-Landau), le lieudit Altdorf, immédiatement au sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> motte, a livré <strong>de</strong>s vestiges romains, alors que le vil<strong>la</strong>ge<br />

paroissial du Moyen Âge était un peu plus à l’ouest, près <strong>de</strong> l’actuelle ferme Saint-Martin (Burnouf 1986).<br />

42 L’autoroute du piémont <strong>de</strong>s Vosges passe à l’emp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> Feldkirch, commune <strong>de</strong> Nie<strong>de</strong>rnai, où se trouvaient jusqu’au XVIII e s. une églisemère<br />

<strong>et</strong> une cour domaniale appartenant l’abbaye <strong>de</strong> Moyenmoutier ; en revanche, un vil<strong>la</strong>ge n’est pas attesté (Kern, Wüttmann 1996). D’autre part, il<br />

est fort possible que l’é<strong>la</strong>rgissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> RN 83 ait touché le vil<strong>la</strong>ge disparu d’Ostein (commune d’Issenheim, à 4 km à l’est <strong>de</strong> Guebwiller), mais je<br />

n’ai pas connaissance d’une fouille faite à c<strong>et</strong>te occasion.<br />

43 M. Châtel<strong>et</strong> note par exemple un vi<strong>de</strong> autour <strong>de</strong> Sélestat.<br />

44 En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’Alsace, une fouille à Yutz (Moselle) a montré que c’est à partir du XII e s. que les maisons à colombage reposent sur <strong>de</strong>s solins <strong>de</strong><br />

pierre <strong>et</strong> non plus <strong>de</strong> bois (information d’E. Thomann ; fouille <strong>de</strong> J.-M. B<strong>la</strong>ising, INRAP). On peut y voir une tendance à <strong>la</strong> stabilisation du bâti, qu’il est<br />

tentant <strong>de</strong> rapprocher <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s «divagations» <strong>de</strong> l’habitat du haut Moyen Âge, évoquée par M. Châtel<strong>et</strong>, <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges, dont il<br />

sera question plus bas.<br />

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