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Les habitats disparus en<br />

Alsace<br />

Bernhard METZ<br />

HISTORIQUE DES RECHERCHES<br />

Nombreux sont les domaines <strong>de</strong> notre passé que l’archéologie,<br />

à elle seule, a entièrement redécouverts. Tel<br />

n’est pas le cas <strong>de</strong>s habitats disparus, qui sont toujours<br />

restés présents dans <strong>la</strong> mémoire collective, <strong>et</strong> auxquels<br />

les historiens se sont tôt intéressés. En 1761, Schoepflin<br />

publie une liste <strong>de</strong> 108 vici <strong>de</strong>structi alsaciens (Schoepflin<br />

1751-1761 : vol. 2, 454-458), traduit en français par<br />

L. Ravenez en 1849 (Schoepflin 1849-1852 : vol. 5, 358-<br />

363). En 1887, A. Straub en dénombre plus du double<br />

<strong>et</strong> les présente sous forme <strong>de</strong> tableau (Straub 1887). Il<br />

souligne qu’il ne s’agit que d’un état <strong>de</strong> <strong>la</strong> question – il<br />

ne se fon<strong>de</strong> en eff<strong>et</strong> que sur <strong>la</strong> bibliographie existante –<br />

qui <strong>de</strong>vrait servir <strong>de</strong> point <strong>de</strong> départ à <strong>de</strong>s recherches<br />

à entreprendre par <strong>la</strong> Société pour <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong>s<br />

monuments historiques d’Alsace. En fait, c’est seulement<br />

entre 1914 <strong>et</strong> 1921 que L.-G. Werner publie un répertoire<br />

<strong>de</strong>s Vil<strong>la</strong>ges disparus <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-Alsace 36 . Bien que<br />

Werner se soit fait un nom comme archéologue plus que<br />

comme historien, son travail se fon<strong>de</strong> essentiellement sur<br />

les sources écrites – mais sa gran<strong>de</strong> faiblesse est <strong>de</strong> ne<br />

citer <strong>la</strong> majorité d’entre elles que <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> main. Car<br />

Werner se contente très souvent <strong>de</strong> reprendre les indications<br />

du Topographisches Wörterbuch <strong>de</strong> Stoffel (Stoffel<br />

1876). On le reconnait au fait qu’il reproduit les indications<br />

<strong>de</strong> sources compliquées <strong>et</strong> difficilement vérifiables<br />

<strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier, au lieu <strong>de</strong> citer les cotes d’archives infiniment<br />

plus commo<strong>de</strong>s introduites entre-temps. C’est intellectuellement<br />

malhonnête, puisque Werner donne à son<br />

lecteur l’illusion qu’il a exploité <strong>de</strong>s sources dont, en réalité,<br />

il ne connaît que les très brefs extraits que publie Stoffel.<br />

Ce <strong>de</strong>rnier est d’autant moins critiquable qu’il ne fait<br />

que suivre les normes <strong>de</strong> <strong>la</strong> collection nationale dans <strong>la</strong>quelle<br />

a paru <strong>la</strong> première édition <strong>de</strong> son dictionnaire. Mais<br />

Werner, en se contentant <strong>de</strong> piller Stoffel, se prive – <strong>et</strong><br />

prive son lecteur – d’une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s informations<br />

que recèlent les sources citées par le Topographisches<br />

Wörterbuch. De ce fait, non seulement ses notices sont<br />

souvent insuffisantes, mais l’ensemble <strong>de</strong> l’ouvrage n’est<br />

qu’un dictionnaire, arena sine calce, dépourvu <strong>de</strong> toute introduction<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> toute réflexion d’ensemble sur <strong>la</strong> typologie<br />

ou <strong>la</strong> géographie <strong>de</strong>s habitats désertés, sur les causes, <strong>la</strong><br />

chronologie, les modalités <strong>de</strong> leur disparition, tous suj<strong>et</strong>s<br />

sur lesquels Werner ne représente aucun progrès par rapport<br />

à Schoepflin <strong>et</strong> Straub.<br />

En revanche, le pendant qu’A. Humm a donné pour <strong>la</strong><br />

Basse-Alsace à l’ouvrage <strong>de</strong> Werner représente un saut<br />

qualitatif (Humm 1971, à compléter pour l’Alsace Bossue<br />

par Humm, Wollbr<strong>et</strong>t 1962). Pour <strong>la</strong> première fois, le catalogue<br />

<strong>de</strong>s sites est complété par une partie synthétique<br />

où les problèmes sont posés à <strong>la</strong> lumière <strong>de</strong>s recherches<br />

antérieures, principalement celles <strong>de</strong>s géographes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

historiens <strong>de</strong> l’économie allemands. Humm est ainsi le<br />

premier en Alsace à avoir compris que <strong>la</strong> disparition d’un<br />

vil<strong>la</strong>ge n’est pas un événement, mais un processus. Si par<br />

ailleurs son livre ne satisfait pas en tous points, il ne faut<br />

pas oublier qu’il ne s’agit que d’un mémoire <strong>de</strong> maîtrise<br />

(soutenu en 1955, publié sous une forme assez peu modifiée<br />

en 1971), donc d’un travail <strong>de</strong> débutant, pour lequel<br />

l’auteur ne disposait que d’un temps limité – ce qui ne<br />

lui perm<strong>et</strong>tait évi<strong>de</strong>mment pas toutes les recherches d’archives<br />

nécessaires. C’est <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle Humm<br />

a complété son catalogue en puisant dans <strong>de</strong>s ouvrages<br />

<strong>de</strong> compi<strong>la</strong>tion comme C<strong>la</strong>uss <strong>et</strong> le Reichs<strong>la</strong>nd. Les données<br />

qu’il y a trouvées sont <strong>de</strong> valeur très inégale, mais<br />

toujours bien inférieure à celles qu’il a tirées <strong>de</strong>s archives.<br />

C’est sans doute <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle une distinction<br />

à mon sens essentielle lui a échappé : en schématisant<br />

fortement, c’est celle entre les véritables vil<strong>la</strong>ges – dotés<br />

d’un ban, d’institutions communales, souvent d’une<br />

église – abandonnés majoritairement aux XIV e <strong>et</strong> XV e s.,<br />

<strong>et</strong> les habitats <strong>de</strong> tailles diverses qui disparaissent entre<br />

l’époque carolingienne <strong>et</strong> le XII e ou le XIII e s., <strong>et</strong> dont<br />

<strong>la</strong> plupart ne nous sont connus que par <strong>de</strong>s lieudits en<br />

-ingen, -heim, -dorf, -willer, -hof(en), <strong>et</strong>c. – ce qui veut dire<br />

que les sources écrites nous <strong>la</strong>issent presque tout ignorer<br />

<strong>de</strong> leur vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur mort, <strong>et</strong> que, par conséquent, seule<br />

l’archéologie pourrait nous les faire mieux connaître.<br />

C<strong>et</strong>te distinction, le premier à l’avoir faite est M. Grodwohl,<br />

dans son étu<strong>de</strong> sur les habitats disparus du Sundgau<br />

(Grodwohl 1974), qui se concentre sur les vil<strong>la</strong>ges stricto<br />

sensu, bien qu’il publie également – mais à part – un catalogue<br />

<strong>de</strong>s habitats secondaires. Ce travail, le plus récent,<br />

est aussi le seul à avoir cherché sur le terrain les traces<br />

<strong>de</strong>s habitats qu’il étudie 37 . En revanche, ses recherches<br />

d’archives sont tout à fait insuffisantes.<br />

UN THÈME INTERDISCIPLINAIRE<br />

Ce bref survol bibliographique montre qu’en Alsace, les<br />

habitats désertés n’ont pas encore bénéficié <strong>de</strong> l’approche<br />

interdisciplinaire qu’ils exigent. Car leur étu<strong>de</strong> ne<br />

saurait se passer <strong>de</strong> <strong>la</strong> contribution <strong>de</strong>s spécialités suivantes<br />

:<br />

– l’histoire, en raison <strong>de</strong> l’abondance <strong>de</strong>s sources écrites<br />

disponibles ;<br />

– <strong>la</strong> géographie, qui étudie <strong>de</strong>puis longtemps <strong>la</strong> maison,<br />

le vil<strong>la</strong>ge, <strong>la</strong> répartition <strong>et</strong> l’organisation du peuplement,<br />

son rapport avec les pratiques agraires, <strong>et</strong> le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong><br />

ces phénomènes <strong>de</strong>puis les origines 38 ;<br />

– <strong>la</strong> toponymie, car beaucoup d’habitats disparus ne sont<br />

connus que par <strong>de</strong>s lieudits, qu’il importe avant tout<br />

36 WERNER (L.-G.). – Les vil<strong>la</strong>ges disparus <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute-Alsace, paru par livraisons dans le Bull<strong>et</strong>in <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société industrielle <strong>de</strong> Mulhouse, 84, 1914,<br />

p. 292-323 <strong>et</strong> 557-589 ; 85, 1919, p. 49-91 <strong>et</strong> 175-230 ; 87, 1921, p. 88-126 <strong>et</strong> 376-424 + cartes h.t. ; publié en volume en 1921 (Werner 1921).<br />

37 Il est vrai qu’on ne peut décemment pas reprocher à Werner, avec les moyens <strong>de</strong> transport <strong>de</strong> son époque, ni à Humm, qui n’avait qu’un an pour<br />

traiter son vaste suj<strong>et</strong>, <strong>de</strong> n’avoir guère fait <strong>de</strong> terrain ...<br />

38 En Alsace, il convient en particulier <strong>de</strong> se référer aux travaux <strong>de</strong> Robert Specklin, qu’on trouvera cités dans Specklin 1987.<br />

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