17.11.2013 Views

Le Petit Insolent - Lycée français de Shanghai

Le Petit Insolent - Lycée français de Shanghai

Le Petit Insolent - Lycée français de Shanghai

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Culture<br />

<strong>Le</strong> charme discret <strong>de</strong> la bourgeoisie<br />

<strong>Le</strong> chef d’œuvre <strong>de</strong> Luis Bunuel conte l’histoire <strong>de</strong> trois couples <strong>de</strong> la haute bourgeoisie parisienne qui tentent vainement<br />

d’organiser un dîner. Onirique, drôle et absur<strong>de</strong>…<br />

Peu après la nomination <strong>de</strong> son film aux Oscars en 1972, <strong>de</strong>s journalistes <strong>de</strong>mandèrent à Luis Bunuel qu’ils interviewaient dans un restaurant<br />

s’il pensait gagner la prestigieuse récompense. Il répondit du tac au tac : “Naturellement ! J’ai déjà versé les 25.000 dollars qu’ils <strong>de</strong>mandaient.<br />

<strong>Le</strong>s Américains ont leurs défauts mais ils tiennent leur promesse”.<br />

Au final, le film fut bel et bien récompensé - et sans doute pour <strong>de</strong>s raisons différentes à l’argent soi-disant versé par Bunuel ! L’univers<br />

étrange et inquiétant du réalisateur est particulièrement<br />

dépeint dans ce film, narrant d’une façon peu<br />

commune l’histoire d’un dîner que trois couples essaient<br />

d’organiser en vain. Lors <strong>de</strong> la première tentative,<br />

ils se retrouvent dans un restaurant dans lequel se<br />

déroule un enterrement. La secon<strong>de</strong>, les hôtes<br />

sont trop occupés à faire l’amour à l’étage pour recevoir<br />

leurs invités - qui finissent par partir. Alors que,<br />

plus tard dans le film, les invités sont enfin assis à table et<br />

semblent commencer à dîner, un <strong>de</strong>s ri<strong>de</strong>aux <strong>de</strong> la<br />

salle à manger se lève, et on comprend qu’ils sont en fait<br />

sur une scène <strong>de</strong> théâtre, <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s spectateurs.<br />

<strong>Le</strong> thème <strong>de</strong> l’illusion est récurrent dans l’œuvre <strong>de</strong> Bunuel.<br />

Maîtrisant les procédés <strong>de</strong> continuité narrative, le<br />

réalisateur s’amuse à nous tromper, qu’il s’agisse <strong>de</strong> rêves<br />

faits par les protagonistes, d’interminables mises<br />

en abîme ou <strong>de</strong> relations secrètes entre les personnages.<br />

Bien sûr, Bunuel a voulu faire la critique <strong>de</strong> ce<br />

milieu bourgeois basé sur les apparences et les faux-<br />

semblants. Infidélités matrimoniales, trafics <strong>de</strong><br />

cocaïne et affaires politiques servent <strong>de</strong> toile <strong>de</strong> fond à<br />

cette comédie qui dépeint, <strong>de</strong>rrière les visages<br />

lisses et les <strong>de</strong>meures luxueuses <strong>de</strong>s personnages, un<br />

mon<strong>de</strong> en déstructuration.<br />

<strong>Le</strong>s acteurs, <strong>de</strong>s habitués <strong>de</strong> l’univers du réalisateur pour<br />

la plupart (vous retrouverez entre autre Fernando<br />

Rey, qui a joué dans Cet obscur objet du désir), livrent<br />

une performance étonnante, s’amusant à jouer<br />

avec les stéréotypes <strong>de</strong>s comportements bourgeois.<br />

<strong>Le</strong> charme discret <strong>de</strong> la bourgeoisie joue sur les contrastes : comique et légèreté en superficie contre une noirceur et une morbidité sousjacentes.<br />

Intriguant, fascinant et très divertissant, je vous recomman<strong>de</strong> donc gran<strong>de</strong>ment ce film, accessible à – presque – tous !<br />

Fiche technique : “<strong>Le</strong> Charme discret <strong>de</strong> la Bourgeoisie”, réalisé par Luis Bunuel (1972). France/Italie. Avec Fernando Rey,<br />

Paul Frankeur, Delphine Seyrig, Stéphane Audran, Jean-Pierre Cassel. 105 min. Oscar du meilleur film étranger.<br />

Yuyintang<br />

Perdu au milieu d’un parc, dans les recoins <strong>de</strong> la pénombre<br />

shanghaienne se trouve le<br />

temple oriental du rock.<br />

Un endroit où il ne fait ni<br />

bon vivre, ni bon être mais<br />

définitivement rock n’roll.<br />

Logé au détour d’une station <strong>de</strong><br />

métro et 20 mètres sous une gaojia<br />

dominante, ce petit endroit ne paye apparemment pas <strong>de</strong> mine. Une<br />

petite maison, un ornement et une porte en ébène noire. Rentrez<br />

d’un coup ou ne rentrez pas. De jour c’est un lionceau, un chat,<br />

mais la nuit un tigre qui rugit les flammes <strong>de</strong> l’enfer psychédélique.<br />

Débauche, cra<strong>de</strong> et bières. Un endroit véridique dans une ville<br />

artificielle, perdu dans une immensité qui ne fait que s‘étendre, et<br />

s’étendre, et s’étendre. <strong>Le</strong> tigre a craché ses flammes sur les murs où<br />

un flamboyant dragon vous observe, vous guette, vous hâte. Pas <strong>de</strong><br />

verbes pour le décrire, rien que <strong>de</strong>s phrases mal construites, comme<br />

son architecture qui ne tient pas <strong>de</strong>bout, qui semble s’enterrer,<br />

s’enraciner à jamais dans les profon<strong>de</strong>urs. Seule une poignée <strong>de</strong><br />

gens bizarres, différents, se retrouvent ici. C’est un<strong>de</strong>rground, et<br />

pourtant bien au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la gaojia.<br />

A l’intérieur, un petit bar étendu qui vend insolemment <strong>de</strong>s bières,<br />

trop <strong>de</strong> bières. La lumière semble tamisée ? Elle est juste pétée,<br />

comme tout, mais eux, au moins, ils assument. <strong>Le</strong> patron est<br />

souvent là, à traîner. C’est un tatoué, toujours au dragon, toujours le<br />

même, mystérieux (le dragon ou le patron)?<br />

<strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux. Lui ressemble à un ex-taulard, difficilement fréquentable,<br />

comme l’endroit dans lequel il vit. Il ne sera pas sympa si vous ne<br />

<strong>Le</strong> Palais De Keith et Joe<br />

3<br />

8<br />

le connaissez pas. Venez souvent, il finira peut-être par vous offrir<br />

une bière. C’est un dragon rock, le dragon du rock. Mais c’est quoi,<br />

rock n’ roll ? C’est ce qui vous attire sans que vous le vouliez, ou c’est<br />

peut-être autre chose - on s’en fout, et le rock aussi.<br />

« Un endroit véridique dans une ville artificielle »<br />

<strong>Le</strong> rock c’est aussi la musique ; et la musique, elle est là, et elle est<br />

rock. C’est une musique pour ceux qui ne sont pas invités à la fête,<br />

qui n’est que rarement belle, juste rock n’ roll. Vous y verrez tout, tout.<br />

Du punk japonais qui joue du pop-manga-psyche<strong>de</strong>lo-jazzo-metal<br />

sur une guitare Fisher-Price, aux trois « laowais » qui passent un<br />

rock calé, dur, franc. Vous découvrirez le vrai visage <strong>de</strong> la rébellion<br />

chinoise, car le punk existe ici aussi, comme partout. Ils balancent<br />

tous leurs riffs sur leur gratte et envoient leurs rythmes foireux, pas<br />

carrés, avec le bassiste qui essaye <strong>de</strong> s’y caler. Il n’y arrive pas, le<br />

chanteur gueule trop fort, trop présent. New York dans les années<br />

70 : la désillusion et la fougue. Enfin, vous verrez bien. Pas d’entrée<br />

<strong>de</strong>s artistes, juste une loge un peu pourrie avec une vitre explosée,<br />

trois canapés sur lesquels <strong>de</strong>s gars se prennent déjà pour <strong>de</strong>s stars.<br />

Oh, c’est bon, tu joues <strong>de</strong>vant cinquante mecs qui puent « l’alcool<br />

et le tabac froid »! Je le répète, ce n’est pas un endroit fréquentable.<br />

C’est un lieu perdu dans <strong>Shanghai</strong> et ses visages enfumés par la<br />

recherche du pognon. Il est si près et ne pourrait pas en être plus<br />

loin, <strong>de</strong> cette ville, <strong>de</strong>s dragons, du patron, <strong>de</strong> la terrasse dans la<br />

forêt <strong>de</strong>rrière, <strong>de</strong>s o<strong>de</strong>urs d’urine au premier étage. N’emmenez pas<br />

vos parents là-bas, ne leur dites pas que vous y allez, ne leur dites<br />

pas que leur jeunesse existe encore, ils ne supporteraient pas que les<br />

Chinois leur aient volé leur truc. Sex, Drugs and Rock n’Roll.<br />

Par Julien Renvoisé

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!