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RENCONTRE_AVEC ANDRÉ MONTMORENCY
Je me souviens... (suite)
artistique. Y’a plein de gens qui m’ont dit par la suite « Benoît et
toi, vous avez été deux personnes qui m’avez aidé à accepter mon
homosexualité. » On nous voyait tellement comme un couple
sain. Mais on n’en parlait pas. Même que Benoît pensait que ça
ne se savait pas. Mais faut dire qu’il était un peu plus niaiseux
que moi (rires)!
Avais-tu fait un coming out auprès de ta famille?
Quand j’ai appris à ma famille que j’étais homosexuel, c’était lors
d’un souper. Mon frère a pitché ses ustensiles dans son assiette.
Il s’est levé et est allé piocher sur le piano. Ma mère, elle, était
en larmes. Elle m’a rappelé une conversation qu’elle avait eue
avec deux amies qui lui avaient dit : « Si votre fils réussit à Radio-
Canada, c’est parce que c’est un suceux de cul. Quand je pense
qu’elles avaient raison! » (rires) Je lui ai dit que j’avais pas fait
ça. Elle continuait de pleurer. Et elle a ajouté : « C’est pas pour
ça que je braille, c’est de voir que toi, t’es pas normal, pis t’es
heureux. Mais regarde l’autre à côté, en pointant mon frère en
colère qui piochait sur le piano! »
Ton père?
Je pense que mon père était gai. Un petit homme de 4 pieds 1
qui vivait avec une femme de 5 pieds 8, mais avec qui il sortait
jamais. Il faisait des escapades à New York et il gueulait toujours
contre les « hommes aux hommes ». Je savais pas ce que c’était,
mais bon Dieu que j’avais peur de devenir ça! (rires)
As-tu encore de la famille?
J’ai ma sœur qui est toujours en vie. Elle habite sur le bord de la
rivière des Prairies. J’essaie de la convaincre de déménager dans
le même édifice que moi. De mon appartement, je vois le quartier
de notre enfance. Ça a quelque chose de rassurant. Comme si je
revenais mourir près du lieu où je suis né.
T’as l’air heureux dans ce nouvel appartement!
Oui! Après mes mésaventures en Gaspésie où j’ai tout perdu, je
suis allé habiter au Chez-nous des Artistes. Une mauvaise décision.
Je me suis étampé le mot « has been » dans la face en
faisant ça.
C’est vrai qu’on te voit de moins en moins...
Le plus dur, c’est pas de ne plus être sur la map, c’est d’accepter
que la vie, c’est de même. Mon dernier projet fou, ça a été de
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jouer un transsexuel de 70 ans qui a l’Alzheimer.
C’était en 2007. Je me suis battu pour le faire. Et
c’est là que j’ai découvert que j’étais pus hot. Les
médias ne s’intéressaient plus à moi. C’est une de
choses les plus difficiles à prendre quand tu vieillis.
Je me suis dit à ce moment, fais autre chose. Je me
suis mis à écrire un roman. J’ai rédigé une première
version. Après relecture, j’ai réalisé que ça parlait
trop de cul. Je suis en train de le retravailler... mais
je bloque à la page 20!
As-tu l’intention d’arrêter de travailler un jour?
Non, je ne me vois jamais arrêter. Mais y’a des affaires
que j’ai pus le goût de faire. Je ne pourrais
plus remplacer un acteur en dedans de 15 jours. J’ai
besoin de temps pour mémoriser les textes. Là, je
m’en vais faire un tournage pour La Galère. Je suis
dans une chaise roulante pis y’a plein de scènes
dans lesquelles je parle pas. Je suis très content…
ça me fait moins de textes à apprendre! (rires) Ce sont de belles
scènes intéressantes. Mais on m’offrirait un grand rôle, j’aurais
besoin de temps pour apprendre les textes, comme à l’époque où
j’ai fait le Bourgeois Gentilhomme; j’avais eu six mois pour travailler
le texte.
On ne te voit pas au théâtre non plus.
Je me fais servir ma propre médecine. Quand je faisais des mises
en scène, j’engageais pas les vieux acteurs. Aujourd’hui, ça
m’arrive. On préfère prendre des acteurs plus jeunes qu’on vieillit
grâce au maquillage.
Et au cinéma?
J’allais oublier! J’ai eu un rôle dans Mars et Avril qui sortira à
l’automne prochain sur grand écran. C’est un film du frère de
Denis Villeneuve, Martin.
Avec le recul, quelles sont tes plus grandes fiertés
professionnelles?
Comme metteur en scène, c’est Le Malade Imaginaire, au TNM.
Comme acteur, c’est vraiment Le Bourgeois Gentilhomme. À la
télé? Rira Bien et Sortie Gaie. Et La Ribouldingue évidemment!
On te parle encore de ton personnage de Friponneau
dans «La Ribouldingue»?
Eh oui! Les filles m’arrêtent pour me dire qu’elles étaient
amoureuses de moi. Et des gars m’avouent que j’ai été leur
fantasme!
Me semble que t’aurais de quoi remplir un épisode
complet des «Enfants de la télé» avec toutes les
archives vidéos dans lesquelles on peut te voir!
J’attends juste d’y être invité! Ça me fait penser, je t’ai-tu déjà
parlé du gala de l’ADISQ dans lequel j’étais déguisé en Christian
Lalancette, mon personnage de Chez Denise, pis que je suis allé
voir René Lévesque dans la salle pour lui faire un beau « Bonjour
fille! »?
Merci André pour ton ouverture et ton légendaire franc-parler.
Et t’inquiète pas, t’as pas l’air amer face à la vie. Juste un peu
triste par moment. N’empêche, t’as quand même réussi à me
faire rire encore! 6 PATRICK BRUNETTE